La clé du succès de ce raid va être dans la récupération, malgré un coin glauque pour bivouaquer, j’ai dormi profondément. Je dois me forcer au repos tout en avançant, une sorte d’exercice de style. A 6h30 je suis sur la route, il me reste juste assez d’eau jusqu’au prochain hameau, je me suis rationné cette nuit. L’eau est le lubrifiant du corps, je me suis bien juré que cela ne se reproduira plus. La pluie n’est pas loin, le crachin ne me dérange plus, à la vitesse ou j’avance je ne crains pas les glissades ! Encore une journée d’effort qui m’attend, je dois me concentrer pour garder toute mon énergie. J’essaie à tout prix de ne pas forcer, de ne jamais pratiquer la danseuse, mon vélo est très lourd et ce mouvement m’abimerait mes genoux, j’en ai fait les frais en Norvège. Je quitte la nationale et bifurque vers le Sud-ouest, je retrouve un silence apaisant. Le décor change, les pins réapparaissent ainsi que les lacs. Je n’avais pas prévu que le dénivelé soit aussi fort, la route est sinueuse et les bosses franchît me donnent du boulot. Le paysage a l’avantage de me changer les idées, je sais qu’il me faudra encore quelques jours pour trouver un « train-train », la remise en route n’est jamais simple. La pluie redouble de force, chose assez rare pour la région, mais depuis presque deux mois que je suis en Suède, j’ai bien compris, d’après les autochtones rencontrés, que c’était l’été le plus pourri depuis bien longtemps ! Si les jambes vont bien, c’est mon séant qui ne cache pas sa fatigue d’être toujours en selle. J’ai changé pour une en cuir Brooks, d’après les grands voyageurs c’est le must. Mais il faut du temps pour que nous nous adaptions. A me lire vous devez pensez que je me plains tout le temps! Vous avez bien raison et je souris de vos pensées. Je positive, rassurez vous. Ces moments de vide, laissent apprécier les jours meilleurs. Aujourd’hui plus qu’hier et bien moins que demain. Les lacs au fil de la route sont de plus en plus grands, de vraies mers intérieures et les habitations rares. J’avance avec une bonne moyenne même si cela n’est pas mon objectif. Vers midi, je rejoins le village de Kisa, la pluie a redoublé de force, je suis trempé jusqu’au os. Sur un banc à l’abri d’un supermarché, je déjeune. J’ai enlevé ma prothèse pour reposer mon moignon et regarde l’ondée. Une fois de plus les gens qui passent seraient prêt à me donner une pièce, bien qu’ici la mendicité n’existe pas. Je me pose la question de mon prochain bivouac. La pluie, le vent qui glace le pauvre nomade à cloche pied, j’ai envie d’un abri, d’un coin sec, j’ai déjà parcouru 75km. Un gars m’interpelle, me pose des questions sur mon voyage. Je lui demande s’il y a un coin pour bivouaquer au sec, en face de moi il me désigne le seul motel de la région. Vieille de 400 ans, cette bâtisse est rocambolesque, l’aventure en chambre cela me branche pas trop. A contre –cœur, je pose mon camp au chaud et à l’abri de la pluie. Pour la première fois Norra est en chambre d’hôtel. Et si on se faisait un plateau télé sans télé ! Demain ce sera mieux et encore et toujours mieux.
PS : Devant l’office du tourisme du village j’ai eu une connexion Internet et lu vos encouragements, je vous dis merci, merci, merci du fond du cœur. Vous ne pouvez pas savoir comme je les sens, comme ils me donnent encore plus de peps ! Tack så mycket… (Prononcé tak so moukié, qui veut dire merci beaucoup en suédois)
A pluche.