Je vais essayer de rester sobre et optimiste mais quelle journée sombre. Un sale coup pour le moral, depuis la Suisse je dors en auberge, je récupère mieux et surtout c’est bien plus pratique que de trouver des coins pour monter la tente, entouré de routes bruyantes et mal fréquentées. Les hôtels sans étoile me conviennent parfaitement, hier soir ce fut le cas. Une gentillesse à toute épreuve une fois de plus, je n’arrive pas à connecter mon PC avec le wifi de l’hôtel, le patron appelle sans frais son spécialiste qui règle ma connexion. Pas de demi-pension mais on me recommande le petit restaurant des Quattro Gatti à quelques pas. Un coin sans éclat où la famille bosse en cuisine pour régaler ses amis-clients. Mon menu est toujours le même, une grosse salade mixte avec un immense plat de pâtes. Massimo est au petit soin et on partage nos vies, ancien militaire il est à la retraite et tient cette gargote sympathique. Je suis soigné, la conversation se dirige en face sur mon île, d’origine sarde il a de la famille à Ajaccio. Je lui dis que cette ville n’est pas la Corse sur le ton de l’humour, on passe une belle soirée. Au moment de payer, il voudrait que je lui écrive un mot souvenir qu’il affichera dans sa salle. Je ne pourrai pas régler, je suis son invité. Avant de partir il me demande d’être prudent demain, la route jusqu’à Livorno est dangereuse.
7h15, c’est parti, je suis sur la via Aurelia, route construite à l’époque par l’empereur Aurélien qui avait créé cette voie entre l’Hispanie et l’empire romain sur les bords de la Méditerranée. Nous sommes samedi et le trafic est intense, c’est une vraie fourmilière avec une indiscipline totale. Je serre au maximum la bordure droite sans pour autant oublier de me garder une marge de sécurité en cas de perte d’équilibre. J’avance vite, pas de dénivelé à déclarer. Massa est une grosse bourgade, capitale du marbre. Des feux rouges les uns derrière les autres et le manque de civisme tient la dragée haute. Je serre les fesses ! A un sémaphore un rigolo, avec trois autres copains, vitre ouverte, me frôlent. Ils jubilent de me sentir en difficulté, mes sacoches touchent sa portière, je sens que je vais m’étaler au ralenti. Je récupère le coup mais finis quand même par terre sans gravité. Une jeune fille m’aide à me remettre sur selle et engueule mes assaillants. Je suis en ébullition, cogner ou ne pas cogner, telle est la question ! J’ai une idée, je confie mon vélo à ma salvatrice et m’approche de façon timide des quatre canards avec un « o ». Je joue le mec qui boite, qui est un peu ému, la tête baissée sans fixer le conducteur, je m’approche de sa portière. Le feu est rouge et il est coincé entre plusieurs voitures. Comme un félin je bondis, ma main pénètre le cockpit de la bagnole et je décroche les clés du véhicule qui s’arrête net. Je m’applique et avec une dextérité de lanceur de baseball lance le trousseau de clé de l’autre côté d’une haie grillagée. Je grimpe sur ma bécane et n’attends pas mon reste. Une panique noire s’installe au carrefour, les klaxonnes s’en donnent à cœur joie. Je quitte la route principale pour passer par des petites ruelles pour enfin quitter cette drôle de ville. Je remercie la jeune fille qui m’a servi de guide et reprends ma « pédalerie » avec quelques éclats de rire bien mérités. Ce n’est pas une première ce style de « joke » mais c’est vrai que cela faisait longtemps que je ne l’avais pas mis en pratique. Œil en coin je me méfie quand même un peu mais rien à l’horizon, au moins ce soir sur leur Farce Book ils pourront se faire « liker » ma blague. Les mascottes en redemandent ! Le trafic est très chargé et jusqu’à Viareggio c’est l’enfer. Dans le sens inverse je croise un accident monstrueux, les voitures se sont télescopées et de l’hémoglobine jonche le sol, heureusement qu’on n’était pas dans le coin! Sur 10km avant l’entrée de cette hideuse ville balnéaire sans âme, les bas côtés sont jonchés de détritus comme aux abords des capitales africaines, une vraie désolation. J’évite de passer dans ce nid à touristes et continue Sud-est. Je vois de loin la ville de Pisa, la tour est toujours penchée, pas besoin d’y aller, on ira quand elle sera droite ! La journée continue, moins de véhicule mais toujours autant de détritus et « crouton sur la fondue », des demoiselles très peu vêtues sont aux abords de notre chemin. Les mêmes gabarits que celles rencontrées en Allemagne. J’ai droit à des : Ciao bello ragazzo !!! Ouais les filles, bello ok mais ragazzo, chu plus trop de la dernière pluie ! Je m’approche de Livorno tout en restant sur la via Aurelia, mais il y a un truc qui cloche, il me semble être sur une autoroute… Mais on y est sur l’autostrada, banzaï, va falloir décrocher sinon on va finir en pâté pour chien. Grâce à ça je révise mon italien, toutes les insultes de la terre me sont chantonnées par les Madmax du coin. Finalement je trouve une « uscita » et rejoins le bord de mer. Je peux vous dire que je suis plus cuit que si j’avais gravi le Mont-Blanc avec mon semi-remorque ! Le vent du Sud avait envie de nous revoir et en plein dans la poire, on subi son effet. Qui m’avait dit que jusqu’à Piombino c’était fade et plat comme Hollande, le pays pas François quoi que! Une côte de 150 mts pour finir de me cuire, j’ai l’impression qu’il y a des tribunes avec un public drapé de blanc qui a le pouce en bas pour ma mise à mort !!! Je quitte enfin la grande route pour me retrouver dans un petit village au nom de Quercianella, une auberge vue sur la mer m’accueille, je peux vous dire qu’on revient de loin pendant ses 100km !!! Piombino n’est plus qu’à 68km par des routes qui semblent tranquilles.
PS : Les mascottes m’ont remis officiellement la médaille d’or du lancé de clé. Un jour je vous raconterai comment j’ai procédé avec celle d’un bus qui devait nous amener à l’aéroport de Bari (Italie du sud) après une finale de coupe d’Europe OM-Etoile rouge de Belgrade. Le trousseau doit être toujours au fond du lac que j’ai réussi à atteindre après un beau lancé olympique…
A pluche !