Le soleil grignote doucement les pans ombragés de la montagne, le feu encore endormi, reprend du service doucement. Les cascades avoisinantes murmurent de belles aubades alpines. Emmitouflé de fumée acre, j’écoute ce silence absolu. Je ne sais plus depuis combien de temps je suis ici, un jour une semaine, un an, depuis toujours ? La solitude est conseillère et guide de bien de réflexions sur nous les hommes. Pourquoi sommes-nous là, pourquoi avons-nous eu le droit de venir au monde ?…
Caché au fond d’un ancien cirque érodé par un glacier depuis peu disparu, le camp est établi. Pas de connexion, juste un quotidien simple et silencieux. La coupe du bois et la récolte de quelques baies sont les priorités. Le torrent n’est pas très loin, quelques aller- retour pour l’eau de la soupe et la confection du pain… Le lieu transpire de légendes, des gouffres me donnent l’envie d’y jouer l’un des personnages de Jules Verne. Le vertige ne doit pas s’inviter aux marches d’approches des cavernes. La frontale devient mon étoile et non sans crainte je me faufile dans les entrailles de la terre. Les gouttes qui ruissellent brisent ce silence, je sais quelle se dirigeront vers le soleil en quête de liberté.
Je coupe ma lumière artificielle, même plus l’entrée du gouffre n’est perceptible. Comme dans le ventre d’un géant je tente de déceler le souffle du dragon. Rien, absolument rien. Ne serait-ce pas l’homme qui aurait crée ce monstre terrifiant vivant uniquement dans son imaginaire, ne serait-ce pas l’homme, peur de trop de bonheur, qui aurait enfanté le dragon mangeur de chevalier en recherche du graal ? Ne serait-ce pas lui encore, redoutant la mort et la souffrance, qui aurait placé des gnomes démoniaques dans les forêts du monde ? Il est temps de retrouver le soleil, chaque pas est une aventure, les galets sont glissants à souhait, quelques barres de glaces tentent le croche pied, mais ma jambe de bois n’est pas d’humeur au sport de glisse. Soudain au loin j’aperçois la lumière. Mes yeux se sont habitué à l’obscurité, tel le chat je me faufile au milieu des blocs, je respire à plein poumon, je suis vivant, je suis un homme libre. Le soleil m’enveloppe la main, mes paupières se plissent, je n’avais pas remarqué à quel point le ciel était d’azur. Assis sur les bords de la falaise qui surplombe le camp je me laisse envahir par la chaleur de midi. L’homme revient m’habiter, je décide de laisser un gardien à ce sanctuaire. Avec quelques pierres je construis un chasseur de mauvais esprits. Tradition Inuit je reproduis le fruit de l’esprit en quête de protection divine…
Demain je reprendrai le chemin de mon île, je retrouverai mon p’tit bateau amarré au fond d’un golfe. Le gros de la foule sera parti, du moins je l’espère et je pourrai encore et encore laisser vagabonder mon âme d’enfant.
Humour alpin :
Se laver dans un torrent entouré de « baies noires »