Après ces quelques jours de mer, d’un commun accord nous consacrons une partie de cette journée à la maison. La tâche est infinie mais quelques travaux ont la priorité. Les fenêtres sont doubles, une partie ouvre dehors et l’autre dedans. Même vieilles de 60 ans, elles sont prévues pour le grand froid, mais avec l’âge, certains ajustements ont été pratiqués par des bricoleurs du dimanche. J’entreprends la réfection des joints des vitres qui ont été rafistolés avec un mélange de plâtre, loin du mastic de l’époque à base d’huile de lin. Sans rien, je m’improvise un chevalet pour tenter l’opération, la première fenêtre est prête pour affronter les -40° du prochain hiver, le joint de Sikaflex semble parfait. De son côté, Karin se lance toute seule dans le décrassage du cagibi qui a dû permettre le stockage de viande de phoque et de morue, l’odeur avec la température positive est des plus odorantes !
Mais par moments, nous nous posons pour admirer en silence l’océan. Les icebergs venant d’Ilulissat sont en grand nombre, la brise de nord-ouest malgré un courant de sud nous offre un spectacle merveilleux. Profitant de notre activité qui nous fixe au même endroit, nous pouvons noter la progression des icebergs. Même contre le vent ils arrivent à être poussés par un sacré courant de sud. Je me souviens d’un pauvre kayakiste entêté qui s’obstinait à naviguer contre ces monstres liquides ! En milieu d’après-midi, nous rangeons nos outils pour la récolte du diner. Ce sera bœuf musqué en entrecôte, il nous attend patiemment pour être grillé au barbecue ce soir. Il ne nous reste plus qu’à trouver des bolets, des cèpes, puis de remplir une boite en plastique de myrtilles. Derrière la maison, le sentier qui mène à Ilulissat en 23km semble le bon endroit pour nos besoins, mais tout n’est pas si simple. Je ne peux parler de choses que je ne connais pas, le réchauffement climatique est une histoire de spécialistes, mais ici, cet été, les choses n’ont pas été habituelles. Le mois de juin a été le plus froid depuis que la météo s’intéresse au Groenland, 6 pêcheurs de la région ont trouvé la mort. Le tsunami d’Uummanaq est peu expliqué, tremblement de terre, recul du permagel, éboulement naturel, personne ne semble en trancher l’origine. En juillet, le vent a été sacrément fort et le mois d’août s’est vu pluvieux de manière inédite. Donc, pour en revenir à notre cueillette, cette année les myrtilles sont rares. Mais cela ne nous gène pas trop, le ramassage est
quand même suffisant pour nous deux, les mascottes seront mises au régime !
En grimpant derrière le village, la baie de Disko s’offre à nous à l’infini, des centaines d’icebergs prennent la route du large pour leur long voyage qui leur fera faire une route de 6 ans avant de venir mourir au large de Terre Neuve. Tout d’abord, ils grimperont jusqu’au cul de sac de la grande île d’Ellesmere pour ensuite être remis sur un courant nord-sud le long de l’île de Baffin. Nous, là haut, ces mastodontes nous impressionnent toujours autant, comment s’en lasser ?
Tout au long de la journée, les chiots du village encore en liberté en profitent pour grappiller quelques bricoles à se mettre sous les crocs, je soupçonne Karin de craquer à leur regard de fripouilles malodorantes. Quant aux bruants lapons, ils se sont adaptés et commencent à becqueter les restes de pain dur, d’ici quelques jours, ils reprendront leur long voyage vers le sud, l’hiver est en train de s’installer doucement…
Le week-end, le village est encore plus calme, on entendrait presque la respiration des mascottes qui attendent leur pitance !!!