Maçon du grand Nord!
3 septembre 2017Dans la boule de cristal je vois…
22 août 2012Ce matin je suis d’attaque, une journée complète sans pédaler ça requinque le rebelle à cloche pied. Le ciel est déjà très chargé, la météo nationale est en vigilance orange pour des raisons de forte pluie, ça tombe bien on est rodé ! Pour corser le départ, je tente l’autoroute qui me fera traverser la ville directement sans passer par le labyrinthe urbain où je vais certainement m’égarer. Il est 5H45 et je ne pense pas trouver grand monde. Pendant 8km je serre les fesses, si la police passe, va falloir ruser. Finalement, l’épreuve est réussie mais quelques faux plats montants me donnent du fil à retordre. Deux heures pour retrouver enfin une route plate, je mouline. Là bas au Sud-ouest le peintre badigeonne le ciel de noir, comme dirait la mascotte : « Chu sur que c’est de la peinture à l’eau ! Bien vu, y z’ouvre le robinet et ce n’est plus un vélo mais un pédalo. » Les camions qui nous frôlent nous estiment surement trop sec et nous envoient quelques belles giclées. Je suis motivé pour avancer alors, yakapedaler ! La moyenne est bonne, le sud se rapproche. Au bout de 75km, ce n’est plus de la pluie mais une cascade, les automobilistes nous encouragent, mais là je crois qu’il faut arrêter. Je trouve un camping désert, l’accueil n’ouvrira qu’en début d’après-midi, il n’est que 11h. En face de moi je vois une pauvre femme en train de batailler avec sa remorque toute neuve, son mari à l’abri sous un immense parapluie est tétraplégique. Cela ne pouvait arriver qu’à moi, trempé pour trempé je lui débrouille la situation. Elle a le passe qui donne accès au service salle à manger, coin repas et m’ouvre les portes du paradis. Je m’installe bien à l’abri et regarde la pluie inonder le pays. Je suis seul, style un peu yacht club britannique il y a un vieux sofa en cuir, je lui promets une sacrée sieste. Mais voilà, des femmes arrivent, je devrais dire des matrones. La communauté Rom est prise en charge par l’état et les campings leurs sont ouverts pour des prix dérisoires, plutôt qu’ils ne squattent des terrains vagues. Ici l’hiver peut-être fatal et le peuple suédois est très stricte, si bien que les allemands me paraissent un poil excentrique en comparaison. Donc ces dames débarquent, avec leurs toutous, deux pitt bulls ! Un poil tendu le cabochard. En deux seconde le coin calme et reposant se transforme en une hall aux poissons. Elles ne parlent pas, elles hurlent. L’un de ses mollos, me regarde du coin de l’œil, j’anticipe et me cale proprement avec la prothèse, ça ne loupe pas, l’enfoiré de clebs tente l’intimidation, je réagis avant qu’il ne comprenne. Un grand kaï kaï couvre le hurlement des gitanes. Sorry, i don’t now whats happen ! Elles ne causent pas anglais, moi je ne parle pas le rom ! Une grosse motte de beurre fond dans la poêle et des grosses tranches de lard enfument la pièce. C’est bon on s’arrache ! Elles auraient pu lire dans leurs boules de cristal que le corse solitaire n’aime pas le graillon et qu’il n’a pas trop confiance aux gamins qui viennent de rejoindre les cordons bleu grassouillets ! Dans la ligne de ma main je vois une belle et longue route qui va m’amener loin de ses fadas avant que je me retrouve en slip ! Le soleil semble jouer les troubles fête, je rigole en repensant aux « ladys » du camping, quelle différence avec le peuple suédois si calme, poli, soigné. Je fonce vers la ville de Hassleholm, mais pas de coin pour monter la tente, le ciel redevient noir, tient c’est pour la deuxième couche ! Je demande à un fermier où se trouve un camping mais il ne parle pas l’anglais, j’arrive à traduire qu’à deux kilomètres il faut que je tourne à gauche. Ok, mais rien du tout. Une grange vide, je mets le vélo sur béquille et pars en repérage, une herbe rase bien plate, un robinet d’eau douce, je suis au Novotel du coin ! Personne à l’horizon, je n’aime pas monter mon bivouac sans demander l’autorisation. Le vent devient violent, l’orage va exploser. Soudain, une jeune fille en vélo passe, elle ne m’a pas vu. Je l’interpelle en lui demandant l’autorisation, mais elle me dit que ce n’est pas un bon coin, les vaches vont revenir, elle me demande de la suivre. Devant chez elle un magnifique jardin avec pelouse, elle m’invite à y planter ma tente où je veux. Je suis gêné, je serai sous ses fenêtres. Elle sent ma réticence, et nous voilà partis sur une magnifique route en terre pour arriver sur une immense prairie. C’est une ancienne mine et les touristes, quand il y en a, peuvent la visiter. Il y a même un coin douche avec de l’eau courante. Nous discutons un moment, son projet va d’être l’année prochaine de parcourir en vélo Vienne à Prague. Cela faisait un moment que le milieu urbain me chagrinait, j’avais connu dans le nord du pays de très belles rencontres et depuis mon départ de Stockholm je ne me sentais plus trop dans ce voyage découverte. Ce soir je suis fier d’afficher un petit 130km et le souvenir d’une très belle rencontre.
Tack sa mycket.
A pluche !
PS : Jo Zef enlève moi ce foulard de sur ta tête, je n’ai pas envie que tu me lises les lignes de la main, mon destin est juste devant moi.
L’archipel de Stockholm en kayak.
7 août 2012Cette fois elles sont devant moi, en vrai ! Les 24 000 iles de l’archipel de Stockholm. Le vent est inexistant ce matin, il y bien longtemps que ce n’était pas arrivé. Je me suis réveillé un peu plus tôt et en ai profité pour partir en avance, je me méfie toujours des entourloupes du Sud ! Calme plat, pas une ride, aucun air sur le bout des oreilles. En file indienne trois monstres de ferry embouquent le chenal, trois montagnes de ferraille. Il y a quelques années, l’un d’eux avait subi l’une des plus terribles tempête de la mer Baltique. L’Estonia restera pour toujours un funeste souvenir. Au bout de trois heures j’atteins enfin l’île de Blidö, alors que je m’arrête quelques secondes pour croquer une barre de céréale, un souffle me fait sursauter. A quelques centimètres du safran d’Immaqa une grosse bouille avec des moustaches, nous espionne. Je suis tellement surpris de cette visite que j’en reste bouche bé. Grosses narines dilatées, il nous regarde un dernier coup et sonde pour nous quitter. Le cinquième en 1000km, j’aurai pensé beaucoup plus. A peine arrivé à quelques encablures de la grande île, un vent de Sud-Est se réveille, ouf nous sommes passés. Je cabote et constate ce que je pressentais depuis longtemps, des maisons qui se touchent à l’infini. Sur 10 km de côtes, pas un endroit pour accéder. J’avais prévu le coup et si je suis passé par là, d’une, c’est pour le voir de mes propres yeux, deux, pour arriver sur un chapelet d’îlots où je trouverai bien par trouver un espace convenable pour bivouaquer. J’ai constaté que devant chaque maison des kayaks étaient entreposés, connaissant un peu plus le peuple suédois, je suis convaincu que des
coins pour bivouaquer seront accessibles. Je scrute, les îlots quand une anse se dévoile, j’espère qu’elle n’abrite pas de maison. Rien que du gré et des roseaux. Un caillou un peu plus plat que les autres va me servir de quai. En m’extirpant du kayak je dois remboiter ma prothèse puisque je navigue sans, un exercice de cirque car en plus de la gymnastique, les cailloux sont recouverts d’algues vertes bien glissantes. Je sens que c’est le bon coin, de l’herbe tassée me fait comprendre que quelques pèlerins sont déjà passés par là. Trente mètres pour trouver une petite prairie bien plate avec des restes d’un ancien foyer, c’est bon les enfants, terminus, tout le monde descend ! Le même train-train et me voilà sur l’une des milliers d’îles du fameux archipel de Stockholm. L’ambiance n’a plus rien à voir avec ce que j’ai connu jusqu’à présent. Entre hier et aujourd’hui j’ai croisé des centaines de bateaux, nous sommes à la fin des vacances, la reprise est prévue en fin de semaine pour tous les suédois, alors ils en profitent. Jusqu’à Oregrund j’ai du croisé une cinquantaine de bateaux, peu pour une distance de 850km en été. La population au nord est de 9 habitants au Km2, la plus faible d’Europe, ici elle est de 233 ! De mon nid d’aigle je peux écouter encore en paix les histoires que le vent veut bien me conter : Il était une fois, il y a bien longtemps, un corsaire qui naviguait sur un petit bateau rouge et noir. Il ne parlait pas la même langue que les vikings mais savait causer au vent et aux oiseaux. Son ami et second dont le nom a été caché par la légende a sauvé une princesse du Nord de la noyade, ils la prirent avec eux à bord et poursuivaient leur route vers le sud.
PS : Norra et Jo Zef sont tout émus de cette histoire, elle leur rappelle quelque chose.
A pluche !
Un peu chez l’habitant quand même !
7 juillet 2012Immaqa repose pendant la pause déjeuné.
6h je sors de cet écrin de Kallvigen pas un souffle d’air la mer semble un miroir. Lété semble simposer, déjà 17°, je suis en t-shirt mais la grosse artillerie à portée de main, ici tout va tellement vite. Je me traîne en attaquant par une vraie navigation hauturière, pas d’île pour me protéger que de l’eau à courir. Je ne suis pas en forme, je suis rouillé et surtout pas bien dans ma tête. Que la route est longue
je cogite, je me morfonds, jattaque le processus de sape ! Je ne suis pas
à la hauteur, j’ai mis la barre trop haute, je ne suis pas fais pour ce style de vie
. Trois heures pour retrouver une pointe d’île, je fais un stop. Bois un café et me restaure un peu. Mon moignon est ankylosé et plus une fatigue générale je ne supporte plus cette gène. Une idée lumineuse, je déboite ma prothèse et bricole un système de ficelle pour pouvoir actionner le palonnier sans « magui » ! Une boucle assez grande pour pouvoir l’engager dans mon clou daccroche du moignon sur l’emboiture et je repars tout neuf ! Cest vrai que de moins avoir de gêne permet au corps d’être plus concentré sur le boulot, le vrai, pagayer ! 12h je suis au milieu d’îlots de granit et me restaure, le vent semble se lever, ça faisait longtemps que je ne l’avais vu, lui ! Ok, mais dans le bon sens. Je reprends la mer de nouveau pour une grande
traversée, le zef est de mon trois quart arrière et les premières lames me refroidissent, corps et âmes. Je suis de nouveau en tenu de « combat », trois couches, la jupe bien fixée à lhiloire et tout calé à bord. Je serre les dents, je n’aime pas ces déferlantes, le vent n’est pas si violent mais comme l’eau est douce elle a peu de densité et au moindre
souffle cela devient une machine à essorer. Sur ma carte j’ai détecté une petite île avec une crique protégé du Nord-est qui devrait me servir de refuge. Je force sur les pagaies, déjà 9 heures que je suis parti. Damned, la carte est fausse, la baie n’existe pas, jallume le GPS, lui aussi me donne une crique mais à la place il y a un tumulte de cailloux. Je continue, après la pointe deux criques, je devrais trouver mon bonheur ! La première est inaccessible, la deuxième est habitée. Je beach Immaqa et pars à la rencontre des heureux propriétaires. Personne ! Je vais et viens, je ne trouve pas le moindre emplacement pour fixer mon camp, que des cailloux. La pelouse de la maison me tente, à 40 mètres du kayak. Jentends d’ici la voix de Véro me disant : Ca non Frank, on ne peut pas faire ça ! Je tourne comme un lion en cage, il y a une poubelle et un robinet deau potable. Ok on reste. Je pars chercher la tente quand je vois une sorte de trou dans la forte végétation. Pour Véro, je vais voir ! Pas de cailloux, juste deux trois trucs à élaguer et me voilà en règle
En fouillant, nous trouvons les premières fraises de bois, les framboises sont encore vertes. Pour l’instant personne à l’horizon, je crois qu’au dessert il y aura des fraises. La glace et la chantilly ! Et la mascotte tu ne crois pas que tu pousses un petit le bouchon trop loin !
Au fait quand même 40 bornes de parcouru
A pluche !
2012: L’année Sans Différence!
28 décembre 2011Chaque année une cause ou une nation est mise à l’honneur. Je propose, 2012 : Sans Différence !
Il y a quelques jours sur mon face book j’avais mis cette photo avec un commentaire sur la différence. A ma grande surprise vous avez été nombreux à réagir et pour commencer la nouvelle année de « bon pied » j’ai écrit ce billet.
L’oiseau ne sera jamais l’égal du poisson et pourtant ils partagent la même mer. Le soleil ne croisera que très rarement et de loin la lune mais ils ne peuvent vivre séparés. En électricité la batterie qui alimentera le démarreur est composée d’un plus et d’un moins. Cette pince à linge, malgré son bout en moins est toujours efficace pour sécher vos affaires. Alors pourquoi opposer les différences au lieu de les unir.
2011 est effacé de l’ardoise et le maître des lieux y inscrit 2012. Des résolutions comme chaque année : Fini les guerres, stop aux famines, moins de catastrophes naturelles… Et que le voisin nous regarde comme une personne à part entière !!! Abolition du : « Vous ne savez pas Madame Serfati ! J’ai un voisin handicapé, mais il est très gentil quand même ! Le Poooooooooooooovre ! »
Un habitant du Mans n’est pas un « menteur », celui de Bourges n’est pas un « bourgeois », le citoyen de la capitale n’est pas non plus un « parieur » ?!? Alors pour quoi un handicapé est un pauvre « différent »… Debout les culs de jattes, retroussez-vous les manches les manchots, travaillons « d’arrache pied » pour que nous soyons considérés enfin comme des êtres entiers. En changeant notre regard sur nous mêmes ; les « autres » nous verrons d’une autre manière. Moins de compassion, plus d’échange et de découverte. Celui qui pense que vous êtes handicapé, c’est parce que vous avez envie que l’on vous voit de la sorte. Aux beaux jours, hop en bermuda, en bras nues et que nos mutilations soient une sorte de tatouage et non une honte à cacher. Vous avez déjà vu une pin-up planquant ses attributs au printemps, un « musclor » emmailloter ses biceps ! Le miroir, toujours et encore lui. Petite expérience : Mettez vous à l’aise et si un regard semble vous défier faîtes un grand sourire et approchez vous de lui. Qui sera gêné lui ou vous ? Si vous paraissez en harmonie avec votre corps, la personne en face ne sera plus mal à l’aise et un dialogue s’établira. Plutôt que de le réprimander ou de l’insulter charmez le, démontrez avec malice que vous pouvez être plus filou que lui et le courant s’inversera…
Pour 2012 je vous souhaite de la paix, de la santé. Que vos moignons cicatrisent, que vos emboîtures ne soient plus douloureuses à supporter et que vos rêves les plus audacieux se réalisent. La mascotte se joint à moi pour hurler : Que Dieu vous « prothèse » !!!
9 éme stage, c’est parti…
25 septembre 2011
Avions à l’heure, vent calme, température douce… Les stagiaires viennent de débarquer au 9éme stage de plongée sous marine Bout de vie.
Ne croyez que je sois blasé car c’est le neuvième stage, non l’émotion est toujours aussi forte. Une semaine où des p’tites sœurs et frères de vie vont partager le parcours à cloche pied d’un sacré Cabochard.
Pour plus de paix et de sérénité la Galiote est déjà au mouillage dans la baie de Santa Manza où l’été a décidé de jouer les prolongations .La mer à peine ridée, semble faire flotter en apesanteur le bateau qui va accueillir nos argonautes. L’exercice commence, pour rejoindre le bord il faut embarquer sur un pneumatique, pour la plupart c’est une première. 19h nous sommes en place pour une sacrée semaine. Gunther présente son équipe et explique le fonctionnement du bord, fini l’eau courante, l’électricité. La vie sur un bateau pour un urbain est un effort de chaque instant. A mon tour de leur souhaiter la bienvenue et de commencer le démaquisage des idées reçues. L’apéro, moment sacré du bord, est agrémenté par une bande de dauphins. Comme s’ils avaient compris que le symbole de Bout de vie était le copain de Flipper à la queue coupée continuant à vivre et sourire. Des dauphins pour commencer la semaine, quel beau cadeau de la vie.
Demain l’ancre sera levée, cap au sud ouest, pour rejoindre l’archipel des îles Lavezzi, mais c’est encore loin. Ce soir certains dormiront les yeux dans les yeux avec les étoiles, comme quoi même malmené par la vie un jour ou l’autre la tempête laisse place au beau temps, il suffit de s’accrocher et d’être patient…
Merci à Eole et Neptune, vous semblez bien clément avec nous…
Cabo-philo sportive…
15 avril 2011Mouliner, envoyer, pédaler, pagayer, ramer, grimper, résister, coller, tomber, se relever… Mais qu’est ce qui pousse ce Cabochard à toujours « sportiver » ?
Pas une sortie où je ne reçois pas un bon mot ou un beau geste de félicitation, mais aussi doute et questions noires. Dans ces marques de gratitudes j’y vois aussi un questionnement perpétuel ? Pourquoi autant d’énergie dépensée ???
Demander à Lizarazu, Benezech ou Benassi pourquoi autant de sacrifices? Demander à un chanteur pourquoi, à un politique, à un artiste, à une comédienne. La recherche de l’absolu, le geste pur, la pensée conçue au bon moment… La sublimation de la perfection ! L’objectif à atteindre… La découverte de nouvelles limites.
J’entends plein de raisonnement qui me font sourire : Lui il n’a jamais froid, lui il n’est jamais fatigué, lui il ne doute jamais et il n’a jamais mal ! Erreur, c’est peut-être l’image qui en ressort mais sous mon masque de polichinelle comme tout le monde j’ai mes faiblesses. Mais, il y a un énorme, « Mais », je ne leur en tiens pas rigueur, du moins je ne leur donne pas plus d’importance qu’il n’en faut. Comme dans toutes préparations j’ai eu des blessures, des chutes. Au lieu de me plaindre, j’en ai tiré une morale, je l’ai pris comme une leçon de vie.
Enfin, il y a deux semaines dans une sortie vélo en plein sprint en cote, j’ai subi ma première « pelle », oui je dis bien enfin, car depuis tant d’années je n’avais jamais gouté le goudron et là un gros boum. Une chance ! Oui, car maintenant je sais, maintenant j’ai compris, Je suis preneur de tout enseignement. Le sport n’est qu’une succession de leçons et celui qui le prend comme une punition ne progressera jamais. Encore aujourd’hui, j’ai visualisé mon « soleil » et ma sortie n’en a été que bénéfique et fait partie du passé. Je n’aime pas le mot entraînement, car il réduit l’effort comme une pénitence alors que ce n’est qu’une succession de mini victoires. Les « entraînements » sont des lectures de ce que sera l’épreuve, un balisage du chemin inconnu qui nous attend. Chaque séance, une remise en question, une besace où j’y dépose un morceau d’énergie que je grignoterais au moment venu. Sortir quand il neige et vente ne sont pas les meilleures conditions pour kayaker ! Erreur, c’est là où l’on progresse, s’entrainer quand le mental est en petite forme, là aussi c’est une chance, car quand ça ira mieux, la performance s’améliorera à votre plus grande joie. La blessure est une sorte de coach mental, qui vous demande de la contourner pour progresser. Pour ma préparation du Yukon j’avais chaviré avec Immaqa à 3 kilomètres des côtes avec des déferlantes qui m’empêchaient de remonter à bord, une épreuve qui pendant ma « yukonnerie » a ressurgi, là-bas aux pays des grizzlis je n’avais pas le droit de dessaler et quand la rivière bouillonnait, mon feu chavirage me dictait les bons mouvements.
Le sport est une succession de petites choses qui bout à bout donnent la performance. Manière de penser, de bouger, de se nourrir, de prendre, d’offrir. Plus l’on pousse la machine, plus l’on découvre les clés qui ouvrent les portes obscures, qui une fois entrouvertes dévoilent un nouveau cheminement. Des milliers de kilomètres sous la pédale et dans le sillage du kayak, certains les appellent le sport de la souffrance, pour moi je dirais introspection et recherche du basique. Plus je pousse, plus le reste vient facile, ma nutrition n’a jamais été aussi simple, plus de compensation, la joie de résister et de progresser comble mon esprit, le cerveau est suroxygéné ce qui permet une efficacité surprenante à dénouer les taches administratives, le difficile devient facile, le primordial devient secondaire, les mots ne sont plus nécessaires, le geste devient parfait (enfin presque !)
Le sport est une manière de lire la vie, toutes les personnes qui vont parcourir ces lignes, n’auront pas une lecture identique, celui qui doute n’y verra que ma chute, celui qui démarre le sport n’y verra que souffrance, le chercheur de gloriole : les louanges reçus, le sportif accompli : des confidences… Le même livre raconte toujours la même histoire pourtant aucun d’entre nous n’y en tirera les mêmes enseignements…
Le commencement est beaucoup plus que la moitié de l’objectif
Aristote
Enfant de Gaia…
22 mars 2011
Gaia divinité qui enfanta les mers, les océans, les montagnes… Invention des hommes craignant la mort et la souffrance. Dans son ventre elle avait aussi des monstres et des titans.
Vous, moi, eux sommes les enfants de Gaia, la souffrance et la mort nous effraient et pour cause.
La grande famille Bout de vie rassemble les blessés de la vie, chaque semaine la famille s’agrandit et il en sera ainsi pour toujours. Se retrouver avec un ou plusieurs bouts en moins est une épreuve de taille à surmonter. Pour les plus chanceux les proches sont là, pour les moins chanceux la solitude sera compagne de chambrée. Mais dans tout cela il y a quelque chose de sournois qui nous rassemble. Les proches ne peuvent pas comprendre ! Attention n’y voyez pas une attaque, ou une offense. Se retrouver mutilé est une injustice colossale, que ni l’amour, ni les mots ne pourront atténuer. La seule lueur d’espoir est de rencontrer des gens comme soi. Dans ma convalescence, mon moral était en dent de scie, en haut en bas. Une épreuve pour moi, mais aussi pour mon clan. Je ne supportais plus les : « Tu es courageux et puis tu es un héros maintenant » Une belle jambe de bois, les décorations et l’habit de héros de la nation…
Quelques mois de greffe en greffe et puis le centre de rééducation, le moral au fond de l’emboîture et une injustice grandissante. Qui s’approchait de moi, y laissait des plumes. Un prothésiste m’appareillait avec un truc immonde, moitié en plâtre, moitié en bois ! Et dire qu’on m’avait promis que j’aurais une sorte de vraie jambe ! La personne qui s’occupait de moi me harcelait sur ma manière boiteuse de marcher, jusqu’au jour où j’allais lui faire un truc qui fait mal ; c’est alors qu’il leva son pantalon pour me dévoiler sa prothèse…
De ce jour je compris et me sentis moins seul…
Bien-sûr chacun le vit différemment et la chose la plus importante est de faire un pas après l’autre. La rage et l’envie furieuse de hurler est normale. Gérer, comme l’alpiniste qui attaque la face Nord de la montagne la plus haute du monde. Il ne pense pas au sommet, mais à chaque pas qui va le conduire au toit du monde. Bien-sûr, il y a un objectif, mais il faut penser au présent. Combien de fois en sauvetage en mer au lieu de me précipiter sur mon embarcation, je me calmais, je mangeais, je prévoyais tout doucement la dangerosité de l’intervention pour finalement arriver sur zone à 100 % de mes possibilités.
Être amputé est une épreuve qui doit être vaincue doucement, trop d’éclat au départ et la chute fait encore plus mal. L’injustice par moment est une douleur quasiment physique : Ce foutu « pourquoi moi » revient sans cesse. Le grand Jacques chantait : « L’homme n’oublie pas, il s’habitue c’est tout… ».
Vous souffrez et seul vous, savez à quel point, je ne peux pas grand-chose à votre place. La solution est au fond de vous. Se foutre en l’air ? Pourquoi pas, mais entre vous et moi je trouve que c’est dommage. La vie est tellement pleine d’imprévue que le suicide n’est pas la panacée. Les drogues ? Déjà que nous avons un truc assez balèze à gérer en plus il faudra surmonter ce monstre immonde ! Une autre solution et celle-là, je la trouve sympa, c’est tourner la page. OK, je vous entends dire facile à dire moins à faire. Un pas après l’autre. Sur mes expéditions tous les jours pendant une minute je crie, non, je hurle… Une manière d’évacuer le stress. Technique que j’ai appris à l’hosto.
Je ne vais pas vous tenir la prothèse trop longtemps, mais sachez en tous les cas que vous n’êtes pas seul et dés que vous en aurez envie, un grand frère est là pour vous botter le cul et avec une lame en carbone ça fait mal !!!!
PS : Vous savez que j’aime bien finir par des citations, alors j’ai ressorti un vieux cahier où pendant des années j’ai griffonné des mots de maux, celui-ci est de circonstance.
« Une porte ne peut être ouverte, poussée, fracturée que seulement si elle existe… »