Ma vie de baroudeur me permet de côtoyer des Femmes et des Hommes exceptionnels mais ils sont rares, alors quand ça arrive, il faut les savourer. Via les liens sociaux une dame me contact pour sa fille de 16 ans qui voudrait me rencontrer, hélas le temps me manque, mais là, je ne sais pas encore pourquoi, ma petite voix a insisté pour que j’accepte. Et me voilà face à Juliette et sa « binôme » comme aime en plaisanter sa maman. Cette charmante adolescente est non voyante et atteinte d’autisme Asperger. Pour ceux qui ne connaissent pas ce syndrome, sachez que les noms qui vont suivre en font partie : Albert Einstein, Vincent Van Gogh, Wolfgang Amadeus Mozart, Alfred Hitchcock, Andy Warhol, Isaac Newton, Mickael Jackson, Mark Zuckerberg, Bill Gates, Léonard de Vinci… Sans le savoir j’allais faire une rencontre exceptionnelle. Toujours dans mille occupations en même temps l’heure du rendez-vous approche, je me dis qu’une fois de plus je vais rencontrer une gamine « différente », sans plus. Au bras de sa « binôme » elle monte doucement le chemin de terre vers ma minuscule cabane, de loin un sourire m’éclaire, Juliette débarque. Née sans yeux, elle vit, elle vibre, elle existe, d’une manière lumineuse. Bien plus que distinguer, elle sent, elle écoute et voir avec son cœur n’est pas donnée à tout le monde. Le but de sa visite est de m’interviewer pour le web-radio qu’elle anime. Assis dans ma cabane lapone, je la laisse mener le débat, entre deux questions pertinentes, elle m’explique ses « différences ». Le syndrome d’asperger ne m’est pas inconnu, la plus belle interview de ma vie m’a été donnée par une journaliste qui en était atteinte, très souvent je pense aux confidences que cette chroniqueuse avait su faire surgir de mon fond intérieur. Alors Juliette sort son enregistreur, ses questions sont simples comme est et doit être la vie, ici pas de paraître, juste être. Nous parlons à bâton rompu, de notre pauvre société, de l’égo, de la surconsommation. Du haut de ses 16 ans la sagesse infuse, Albert Camus, St Exupéry, Sénèque, Schopenhauer qui aurait pu nous dire : l’essentiel pour le bonheur de la vie, c’est ce que l’on a en soi-même. Tous et bien d’autres se glissent dans ses mots, je suis sans voix je connais des êtres aux paraître impeccables qui ne pourraient pas tenir ne serait-ce qu’une minute cette conversation. Elle veut tout savoir de mes gouts alors je l’amène en Laponie, au Yukon, au Groenland, dans la poésie, la solitude, bien-sur, elle côtoie déjà beaucoup de langues, connaît les légendes des peuples boréaux, elle me confie ses désirs d’écriture en gardant tout de même ses secrets. Les contes qui finissent bien ne lui conviennent pas ou peu, alors elle déshabille Shahrazade pour lui offrir plus de cœur, plus de lumière, une vérité que vous ne pouvez voir, vous regardez avec vos yeux ! On échange des mots en grec, turc, espagnol, suédois, finlandais, le monde qu’elle n’a pas encore visité lui tient dans sa main. Le temps à ses côtés me semble un cadeau des Dieux. Toujours brut de décoffrage, je tente de gratter mais derrière tout ça il y a du béton avec un cœur sensible. Elle note mes mots, je retiens ses rires, elle m’interroge, je me remets en question. Ma cabane est un minuscule musée de mes expéditions polaires, alors, seule elle, a le droit de tout avoir en main, une griffe de phoque lui est discrètement glissée dans sa boîte à souvenirs. En gage de confiance je lui demande une promesse, celle de venir à mes côté découvrir le pays du Grand Nanoq. Elle a accepté, c’est chouette la vie, non ! Mais nous sommes insatiables, les mots nous rattrapent, ils sont là entre nous sans tabou. La philosophie revient, une pluie d’aphorisme nous inonde, les yeux, une jambe en moins, peu-importe nous sommes vivants et bien plus encore.
Il vous est indispensable d’aller visiter sa page Facebook Le coup d’oeil de Juliette, ainsi que son site internet Le coup d’œil de Juliette qui sont une source de vie loin du miroir aux alouettes qu’est notre quotidien.
En rencontrant Juliette, qui sort à peine de l’enfance, je me dis que l’avenir des Hommes n’est alors pas encore foutu.