Conférence: s’adapter

14 septembre 2019

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Le clip de l’ascension du Mont Blanc par les 3 Monts…

13 septembre 2019

Du Camp des Solitudes…

8 septembre 2019

 

Le camp des Solitudes. Ce petit bout de maquis si isolé, que je n’y ai jamais vu personne, sauf mes hôtes et ils sont rares.  C’est là où je dis au revoir à mes amis les « anges gardiens », quand je pars pour longtemps barouder au bout du monde. C’est là encore où je reviens en premier leur raconter comment étaient les qivitoqs qui ont bien joué avec un boiteux un poil têtu. Ici je me sens bien, apaisé, comme si plus rien ne pouvait m’atteindre. Il est situé à quelques kilomètres à vol d’oiseau, des plages encore sur fréquentées, du bruit, des choses qui à mes yeux n’ont pas leur place en bord de mer. Comme je ne peux rien changer, c’est moi qui transhume !  Déjà deux mois où je suis parti, deux petits mois pour partager, offrir un peu de liberté à ceux qui n’ont pas encore ma chance de réaliser leur rêve. Là-haut sur la terre du grand Nanoq, ils sont venus écouter le silence, comprendre un peu plus la beauté de la nature. Ne leur dites pas qu’ils sont courageux, ils vont se moquer de vous, c’est sur. Ils sont vivants et ça ils le savent.                                                                                                                                          Je repense à mes escapades solitaires puis à celle avec ma compagne, un vrai délice. Et puis ce fameux Mont Blanc, sans aucune préparation, avec une prothèse qui m’a laminé le moignon pendant 2 longs mois. J’ai réussi cette « put… » de traversée par les 3 monts sans que je comprenne encore maintenant comment j’ai pu faire. Mais voilà comme dirait Bastien : Mont-Blanc fait !!! MDR  

 Devant le feu ce soir j’ai le temps de repenser, de dérouler le film de cet été polaire, j’imagine comment décrire au mieux les paysages boréaux pour ceux qui ne connaîtront jamais le Groenland, à ceux qui se sont emprisonné dans une vie virtuelle. Je peux enfin écouter la radio et la comprendre, je peux surfer sur le net… Mon dieu, mais quel gâchis ! Tout se mélange, tout se contredit, les paradoxes s’entrechoquent ! Je critique le virtuel et j’écris un billet sur mon blog que pourra lire le terrien du bout du monde. Je fuis les écrans et j’anime une page Facebook, pour passer mes messages, mes humeurs, mes colères, mes joies. La perversité de la vie nous rend addict, nous emprisonne, mais j’ai encore la chance de pouvoir le gérer, de le ranger par moments au fond du coffre de mes contraintes. Le camp des solitudes me rattrape, ses anges gardiens aiment bien me bousculer, je redeviens le petit garçon perdu dans la forêt. Alors j’écris, je prends des notes et un malin plaisir à me moquer. Dans certains stages de survie, je passe par le camp des solitudes, mais je ne fais que l’effleurer, ici c’est trop personnel, trop mon « moi » pour le livrer. Une nuit et hop il me faut vite le libérer. J’ai essayé d’y amener du monde pendant plusieurs jours mais je me suis senti pris au piège d’un partage impossible. Ce coin je l’ai sué, j’y ai versé mon sang à plusieurs reprises, les blablas, le bruit des pas des autres m’est difficile à encaisser. Ce soir je crois l’avoir compris vraiment. Oui ici c’est une partie de mon âme, je n’aime pas qu’on se l’approprie, pourtant c’est moi qui les ai amené, c’est moi qui ai essayé de leur transmettre ma vibration. J’y ai vécu plusieurs mois d’affilée seul pour écrire mon dernier bouquin « Carnet de voyage d’un homme libre », j’y ai beaucoup réfléchi, on me prend souvent pour un dingue. J’aime me qualifier d’ « extra-merrestre ».Ancien habitant de la mer, devenue trop fréquentée et qui a déménagé au fond d’une vallée perdue. Oui bien des choses ont changé, évolué depuis la découverte de ce petit coin de paradis. Ce soir la lune joue à cache-cache avec de gros nuages noirs, ce soir un petit feu me réchauffe, me reénergise, je me sens vidé, cuit juste envie d’être là parmi eux mes « anges-gardiens ». Envie d’être égoïste, envie de silence immense, envie de vie rustique, envie de m’endormir là au milieu de ceux que les autres appellent : lieu sauvage !

Deux jours sont passés, deux jours rien que pour moi. Chut c’est mon secret. Demain je repars pour transmettre par le biais des conférences, des films, des écrits. Je vais poster des messages sur les liens sociaux, accepter mais juste un peu, ceux qui me diront qu’ils savent ce que j’ai vécu, ceux qui croient connaitre mes secrets ?   Oui je ne vais pas me refaire, je suis un cabochard têtu comme une vieille mule corse mais paraît-il très attachant. Lisez mon dernier bouquin, de toute façon j’ai bien compris que cette histoire était devenue la vôtre…

Takuss.

 

Entre Kangerlussuaq et Copenhague..

23 août 2019

 Rédigé entre Kangerlussuaq et Copenhague.

La terre de Nanoq est dans le sillage de l’airbus d’Air Greenland, devant lui  la fourmilière des gens qui courent, la nostalgie s’empare de mes émotions. L’été groenlandais est bien fini pour moi, c’est déjà inscrit au rayon souvenir. Pendant ces quelques semaines, j’ai eu le bonheur de vivre au pays du silence. En vrac des images me reviennent.

Je me souviens du banc au dessus de la cabane où avec Marie-Noëlle nous étions assis. De loin Steen nous avait vu, il s’en allait donner du phoque à ses chiens sur une petite ile à quelques encablures d’Oqaatsut. Mains dans les poches, sa démarche était au ralenti, comme tous ceux du village. Pourquoi accélérer le pas, ici le temps présent n’aime pas les gens pressés. J’aurai parié un bout de peau de baleine crue qu’il ne viendrait pas nous voir ! Eh bien non ! Avant d’attaquer la grimpette herbeuse, il s’arrêtait pour dessiner avec ses mains dans les nuages un grand cœur et venait s’asseoir à nos côtés tout en silence. Pas un mot, à peine un regard, il était à portée de prothèse heureux d’être avec nous. A sa manière il voulait nous témoigner de son amitié sincère, de sa joie de me voir enfin accompagné.

De cet été je me souviens aussi, de ces bivouacs sauvages où toute la nuit phoques et baleines nous ont pratiquement empêché de dormir. Il nous semblait que la Terre nous appartenait.

Je me souviens aussi de ma nage polaire pour aller récupérer notre petit bateau qui c’était fait la belle au milieu de la baie. Je peux vous confier que je n’étais pas fier et que le grand Nanoq, certainement caché derrière un iceberg, devait bien rire de me voir nager en slip mais avec mon bonnet à pompon vissé sur ma calvitie.

Nous nous souviendrons, ma Niviarsiaq et moi, de la rencontre du voilier Lifesong, avec Emmanuelle et son mari Christophe, de leur marin Pierre et du tout petit matelot âgé à peine d’un an qui refusait d’échanger sa belle voiture contre un oursin ouvert. L’aquarelle est encadrée dans notre maison. Quant à la soirée pizza, j’avoue que j’ai un peu honte d’en avoir repris plusieurs fois, mais vraiment plusieurs fois !!! On va se revoir.

Je me souviens encore de mon émotion quand les 6 jeunes de l’aventure Niviarsiaq 2019 débarquaient sur le tarmac de l’aéroport d’Ilulissat et de mon émotion profonde quand ma chérie rentrait chez elle. Christian, le capitaine du drakkar et mécène du projet, prenait la place de Marie-Noëlle, enfin presque !!! (rire).

Je me souviens de la tête des jeunes quand il découvrait la rudesse du skipper de la Louise, je sentais au fond d’eux un grand désarroi.  Puis ils comprenaient enfin le personnage et pouvaient se détourner de ses réflexions pas toujours adroites.

Je me souviendrais toujours quand je proposais une baignade polaire à toute l’équipe, il fallait voir leurs têtes. Mais ne sont-ils pas des guerriers, alors ils ont ôté leurs prothèses pour graver un sacré bout de vie. Ils ont compris la valeur du mot handicap. La personne handicapée est celle qui dit qu’elle ne peut pas faire les choses…

Je me souviens des satanés « écureuils polaires », ca c’est notre secret… Iceberg in bocca !

Je me souviens de leur départ, leurs larmes m’ont beaucoup touché, heureusement que « mes » belles baleines m’escortaient pour rentrer à la petite maison bleue qui me semblait bien vide.

Je me souviendrais aussi très très longtemps de cette maudite prothèse qui m’a labouré le moignon pendant tout ce temps. Encore un coup des qivitoqs. Et dire que pendant 10 jours avant le départ elle était juste parfaite !

Voilà l’été groenlandais est fini, je ne peux pas tout vous dévoiler. Je vais prendre le temps de lire vos commentaires et peut-être d’y répondre. Pour certains vous m’avez bien fait rire.

 -Mais je n’en sais rien s’il y a moins de glace, cela ne fait que 12 ans que je vais au Groenland !  L’eau de mer était à 4° et dehors c’était caniculaire avec des pointes à 15°…-

Encore merci à vous tous, vous êtes sensationnels. Pour ceux qui ne le savent pas encore ma page FaceBook Frank Bruno Officiel est remplie de photos de cet été.

Ce week-end je vais me reposer avec ma chérie, pour rejoindre dès lundi la vallée de Chamonix et tenter l’ascension du Mont-Blanc mardi. Mon équipementier CimAlp (cliquez sur le lien) me l’a proposé, comment aurais-je pu refuser. Je serai muni de ma vieille et bonne prothèse la nouvelle va aller à la refonte et nous allons prendre le temps de m’en faire une sur mesure pour de prochaines aventures. N’est ce pas Angélique, Véronique et Ludo .

Les plans 2020 sont nés pendant cette période groenlandaise, je crois qu’il va y avoir encore du passage à la petite maison bleue du Groenland.

Takuss

 

Départ vers une nouvelle vie…

19 août 2019

Un peu moins de 24heures que mes guerriers sont partis. La petite maison bleue est bien vide, seul le cri intempestif des chiens, le chant des baleines et quelques explosions d’icebergs me sortent du silence. Qu’il fût douloureux le départ. Sans aucun retard, leur vol est annoncé dans le minuscule aéroport d’Ilulissat. Les jeunes semblent sereins, puis Louane me prend dans ses bras, un timide sanglot et elle explose en larme, s’en suivra les autres. Moi le gros dur je me laisse emporter par l’émotion, j’en ai les yeux qui piquent. Ces 10 jours de baroude resteront gravés dans leurs cœurs dans leur âme, en moi aussi. Des jours intenses, que je n’avais encore jamais vécus de cette façon. La vie à bord fut magnifique malgré la rudesse et le manque de flexibilité de son skipper. Cela a resserré et unis les matelots en « toundra » ! Les escales furent magiques, sans jamais se ressembler, les ateliers furent tous des défis. Comment pourrais-je oublier leur tête, à ma proposition de baignade dans une eau à 4°. J’étais surpris de voir tout le monde se jeter à l’eau sans rechigner. Les randos pas toujours faciles aussi, furent des moments de défis intenses. L’apnée autour des icebergs donnait aussi une teinte d’aventure à la Cdt Cousteau. Je ne pourrais oublier les confidences de chacun, des histoires racontées cash, sans tabou, sans filtre. Mort, maladie, accident, trahison, tous m’ont confié leur bout de vie. Vivre cette expérience si loin de leur confort leur a apporter des clés pour leur futur. J’espère qu’ils ont pris en compte le privilège de vivre dans une opulence surdimensionnée, dans une routine qui nous fait oublier l’essentiel. Ils ont touché du doigt la rudesse des marins solitaires au long cours. La discipline à bord,  a en quelques jours, démontrée ce que l’exploit demande en rigueur et protocole. Notre skipper n’a jamais lâché prise, il était toujours là pour les reprendre, les réprimander, les sermonner sur leur comportement d’enfants gâtés, même avec des bouts en moins.

Ces deux semaines ont été possibles aussi par un homme au grand cœur, qui a partagé cette exploration polaire. Lui l’homme d’affaire, mécène du projet a découvert plusieurs univers qu’il ne pouvait soupçonner. Les jeunes l’ont traité comme un pote de leur age, Thierry ne l’a jamais loupé et moi aussi d’ailleurs. Mais ses silences en disaient long, ses regards aussi. Hier à l’aéroport quand tout le monde avaient les yeux rouges je l’ai senti aussi très touché, très ému mais toujours dans la retenue.

Donc le voyage Niviarsiaq 2019 est bien fini, merci Christian, tu es et restera le grand capitaine du drakkar. Merci l’équipe CimAlp, la semaine prochaine on ira ensemble main dans la main au sommet du Mont Blanc, si et seulement si, les anges gardiens le voudront. Merci Nicolas d’Aqualung, à vie ils se sont souviendront de la puissance des icebergs qu’ils ont pu toucher et voir au dessous. Merci à vous de les avoir encouragés, ils vont prendre le temps de lire vos messages, cela va encore plus les boosters. Merci du fond du cœur.

Pour ma part il me reste encore quelques jours pour savourer la paix et le silence du grand nord, une occasion pour me reposer, débriefer et me souvenir de ses jours de mer incroyable. Zut je suis dérangé, je dois vous laisser, une baleine à bosse passe juste devant la maison.

Takuss…

Toujours plus haut…

18 août 2019

La Louise est repartie cependant le voyage de mes protégés, continue. Le tipi sur la toundra a remplacé, les banettes de la goélette, mais l’ambiance est intacte. Ce matin au petit déjeuner je leur propose plusieurs activités, ils devront débattre. L’ascension de la petite montagne derrière la maison semble intéresser le groupe, sauf Louane qui chouine. Mais la décision est prise, nous allons tenter la grimpette. Je leur explique que par moment il faudra mettre les mains et que cela corsera le trek, tous ont pris conscience que cela ne sera pas simple. Pour les rassurer, ils savent que ma prothèse continue de me blesser et que je ne pourrais pas trop forcer. Nous voilà partis à pas lent, la toundra laisse place à des grosses dalles à franchir. Au bout d’une cinquantaine de minutes, je propose un arrêt café pour admirer le paysage grandiose. Puis nous reprenons la route. Les franchissements sont de plus en plus engagés, les béquilles et les bâtons sont hissés en premier il faudra s’aider de ses mains pour ceux qui en ont deux ! Une fois de plus, sans que je dise quoi que ce soit la marche est silencieuse. Finalement tout le monde passe facilement, Louane se surprend elle-même, elle y est arrivée. De là-haut le spectacle est fascinant, un immense iceberg tabulaire possède son propre lac d’un turquoise extraordinaire. Le vent s’en mêle, nous nous réfugions derrière une fracture rocheuse, face à nous l’océan arctique recouvert de glace à perte de vue, nous sommes sous le charme. A la fin du casse-croute l’équipe décide de façonner un cairn, à tour de rôle chacun apportera sa pierre…

A la redescente par la face sud, je sens beaucoup de joie, de fierté. Au soleil à l’abri du vent nous nous allongeons pour récupérer, tout le monde s’écroule pour une sieste bien méritée.

De retour à la maison c’est la basse marée, nous en profitons pour faire rapidement quelques courses. Moules et oursins…

Pendant que je prépare le diner un groupe de 5 baleines paressent en surface face au village, tout le monde va les voir. Au loin je les observe assis sur le banc à contempler ce spectacle unique. J’essaie d’imaginer ce qu’ils ont en tête, ce que ce voyage leur aura apporté…

A la fin du repas ce soir je leur demande de mettre un seul mot sur ce que ce voyage leur inspire. Pele-mele il s’est dit : unique, extra-ordinaire, à refaire, rigolade, partage, merveilleux…

Encore une bien belle journée au pays de Niviarsiaq et Nanoq…

Takuss

Hommage polaire…

17 août 2019

 

Il est 1 heure du matin dehors c’est un vrai temps polaire, brume et crachin, sur la Louise, nous sommes au chaud à coté du poêle à pétrole. La musique va bon train, nous dansons, nous chantons, quelle vie merveilleuse. Il est difficile de retranscrire ce qui est vécu, ce qui est ressenti ici.  Les filles ont préparé un spectacle, nous sommes tous très attentifs. Sur une chanson entrainante, elles ont composé une série d’imitation de toute en chacun, nous sommes pliés de rire. Puis Louane et Lara ont préparé un discours. Le moment devient solennel, Louane se livre, des larmes coulent abondamment, elle ne trouve plus ses mots. Elle me remercie de la bousculer, de la remettre en question et de lui donner l’envie et la détermination pour avancer. Je ne dis rien mais mes yeux sont humides. Puis c’est au tour de Lara, rebelote et dix de der, elle est très émue… Quel beau cadeau.

Le Groenland est un monde hostile pour les sudistes et pour « survivre » il faut être uni. Nous sommes au total 10 à bord, 10 avec des histoires différentes, des drames, des joies, des réussites, des défaites, pourtant nous sommes sur la même longueur d’onde. Jusque tard dans la nuit nous profitons de ce moment de grâce…

8h 30 je bouscule les marmottes, j’entends des ronchonnements…Au petit déjeuner nous planifions la journée, mais un invité surprise nous pose un problème. Un fort courant de sud-ouest à rempli notre route de glace. La Louise est une habituée, mais en nous frayant un passage la moyenne va en prendre un coup. Les phoques semblent amusés par notre lenteur, les baleines nous saluent, tout le monde est attentif. A tour de rôle chacun aura son quart de barre, manœuvrer un voilier de 40 tonnes au milieu des glaces est une sacrée expérience. Finalement vers 13h nous retrouvons une route moins encombrée de growlers, mais la vigilance est nécessaire. Une bande de baleines nous offre un show incroyable, elles sont si prés qu’on pourrait les toucher. Puis nous reprenons la route… les sourires en disent long sur ces journées d’un autre temps. Le virtuel d’ici quelques jours va les reprendre, le robinet d’eau courante et l’électricité aussi et c’est bien dommage. Nous nous rendons plus compte à quel point le confort est devenu facile et envahissant. Mes réflexions par moment font grincer des dents certains, mais ici je ne peux laisser passer le surplus. A force de vivre en, mode baroude, mes sens ce sont ouvert, ce sont affutés. Je ne pique pas pour faire mal mais pour ouvrir de nouvelles réflexions.

Ce soir il bruine, mais les soleils sont dans leur cœur.

Takuss.

Kangia

16 août 2019

Le mouillage était plus que parfait, la joie de vivre est le lien de la bande Bout de vie, encore une nuit paisible et sereine. Il parait qu’en bas dans le sud, il fait chaud, il y a du bruit, que l’eau est stockée en bouteille en plastique et que les plages sont noires de monde. Je suis certain que c’est une blague,ce n’est pas possible !
Nous reprenons la mer vers le sud, quelques bouilles moustachues nous espionnent, une baleine par ci, une autre par là. Au sud de vilains nuages arrivent droit sur nous, un détail de plus qui nous laisse indifférent. Nous filons vers le fjord de Kangia, le plus grand déversoir d’icebergs de l’hémisphère nord qui depuis 2004 est classé patrimoine de l’Unesco. Les baleines sont là, elles semblent nous attendre. Un spectacle qui nous laisse sans voix. La Louise coupe son moteur, seul le chant des baleines rien que pour nous. Elles semblent vouloir nous conter de vieilles et belles histoires du temps où les hommes n’existaient pas encore sur terre.  Il est temps de reprendre la route pour contourner bien au large, les monstres d’icebergs. Vers 17h, nous trouvons le mouillage idéal, une autre baleine nous accueille. Juste entre vous et moi, je suis certain que cette croisière est guidée par des anges bienveillants. Le crachin rend la baie mystérieuse, le froid est saisissant, mais peu importe, nous allons débarquer pour explorer les hauteurs prisent dans la brume. Sans aucune consigne la marche est silencieuse. Nous voilà face au déversoir, c’est juste surréaliste. Chacun est face à cette immensité. Je sens beaucoup d’émotion,beaucoup de connexion. Les filles s’enlacent, pleurent certainement en douce, le moment est puissant. Soudain le grand frère que je suis leur demande de se retourner. J’ai envie de leur dire un « truc » : Ce moment il est à nous, rien qu’à nous. Ici on est ce que l’on doit être, c’est-à-dire pas grand-chose. On se moque de nos souffrances, parce que c’est elles qui nous on fait grandir. Ici on se moque d’une douche, d’un lit moelleux, d’un repas chaud. Ici tout reprend sa place car on est vivant et c’est ça qui compte. Quand, dans vos vies vous aurez encore des coups durs, vous vous souviendrez de ces jours passés ensemble où la Liberté nous a guidé, enseigné, nous étions devenus le vent, la glace, les nuages.
Nous reprenons la route, le silence est toujours là. Un peu plus bas par un autre passage, un amas de pierres attise ma curiosité. Entre les espaces, je devine un crâne. Cette sépulture nous glace, quelle sera son histoire, sa datation ?
Dans un trou de souris notre bon Dédé en annexe vient nous récupérer, ce soir surla Louise des femmes et des hommes libres savourent l’instant présent.

Takuss

Seuls au monde

13 août 2019

Si cette nuit fut salutaire nous la devons à cette petite crique bien protégée de ces mastodontes de glaces qui nous entourent.La sensation de solitude est immense,nous avons l’impression que le monde des «autres» a disparu.Le silence est indescriptible,les jeunes,accrocs de musique ont lâché leurs écouteurs pour s’imprégner de ce moment fantastique.Nous débarquons à terre pour chercher un promontoire,le passage sera compliqué,de là haut nous pouvons nous en faire une idée.J’ai embarqué une caméra,peut-être qu’un court métrage verra le jour, immaqa !Je filme le silence, la magie du Grand Nord est abstraite comment trouver le bon angle pour pouvoir le partager.Les jeunes le savent et l’ont compris, ce qu’ils vivent là ne sera jamais racontable, photos,films,texte, soirée au coin du feu, rien ne pourra donner ce qu’ils vivent au bout du monde.Sur notre colline minérale la langue de la calotte polaire apparait, à vol d’oiseau elle doit être à moins de 3000 mètres.Entre notre mouillage et elle de la glace à perte de vue, le passage semble compromis.Nous formons un cairn,chacun y mettra sa pierre, son histoire, ses blessures.Nous sommes si petits, si fragiles ici mais tellement unis.
Nous levons l’ancre pour tenter le passage.La Louise de ses 40 tonnes pousse la glace qui explose sous son poids,mais nous comprenons que la tache sera mission impossible.Je monte dans le nid de pie situé à 7 mètres du niveau du pont.Nous devons faire demi-tour,le bouchon de glace est infranchissable.A 2 nœuds,nous revenons sur nos pas,les plaques d’icebergs sont denses,le bruit dans les entrailles de la Louise est surréaliste,elle vibre de tous ses sens.Nous tentons le passage par la partie ouest de l’île moins exposée au flux de la glace.Le but serait de rejoindre la base de la calotte polaire.Malgré le froid,tout le monde est sur le pont,pas de blablas inutiles,pas de rire en trop,la petite bande bout de vie est subjugué par cette navigation chaotique.Mes pensées s’envolent à ma dernière expédition kayak en solo sur cette même côte dans les mêmes conditions.La souffrance et le froid étaient mes compagnes de baroude.Le soir quand je me refugiais sous ma tente dans mon sac de couchage,je rêvais de partager ces moments avec des personnes de mon association.Le rêve est en train de se réaliser.
On parle souvent de chercheurs en évoquant les régions sauvages polaires,
aujourd’hui à bord de la Louise ce ne sont pas des chercheurs mais plutôt des trouveurs qui s’ouvrent à une vie différente.Découvreurs de nouvelles limites,découvreurs d’un océan de possibilités.En rentrant chez eux ils enverront bouler ceux qui leur diront qu’ils sont courageux,que c’est formidable ce qu’ils font.En rentrant chez eux,ils auront dans leur sac de voyage des clés pour aller encore plus loin,encore plus haut,encore plus fort.De grâce,réveillez vous,ils vont revenir plus fort pour vous botter les fesses,ils ont compris qu’on en avait qu’une seule de vie…
Takuss

Dans les glaces

12 août 2019

Ce matin nous étions au mouillage face au petit village de Qeqertaq,le groupe
électrogène en panne rendait le hameau d’une centaine d’habitants silencieux.Un gamin est venu à notre rencontre avec une musique de Rap qui sortait de son smartphone.Un jeune de moins de 10 ans un peu particulier, provocateur à souhait,chose absolument inédite pour le Groenland.Pas du tout impressionné par ceux qui avaient leur prothèse à vue,il nous regardait droit dans les yeux,sans jamais les baisser.Bastien est allé danser avec lui.Paradoxe de ce pays complexe et pourtant si attachant.Le cliché du chasseur avec sa lance et son kayak est bien révolu mais toujours à porté de pagaie.De retour à bord nous levons l’ancre pour commencer à nous approcher de la calotte polaire.De plus en plus la glace est dense,mais la Louise est conçue pour affronter ce style de situation.Tout le monde est en mode d’observateur.Peu de gens ont la chance de louvoyer sous ces latitudes.Les chocs par moments sont forts et secoue notre goélette dans tous les sens.La température chute pour s’approcher des 5°,l’ambiance devient vraiment polaire.Au bout de 5 heures de navigation,la glace s’agglutine rendant la navigation plus engagée. Il nous faut trouver le bon passage.Soudain un bout d’iceberg plat donne l’idée à Thierry de s’en approcher pour déposer Bastien.L’opération est délicate mais possible.En toute sécurité notre aventurier est sur cette plaque de glace, encore un beau moment d’émotion…
Au moment où je vous écris ces mots nous naviguons encore,le mouillage prévu est encore loin et la glace de plus en plus dense…Tout l’équipage Bout de vie vous embrasse.Demain j’essaierai d’être plus explicite.
Takuss