Avant de partir pour le pays d’Apoustiaq, je m’étais confié à Elisa en lui promettant de grimper jusqu’au massif qui porte, depuis l’été 2015 son nom. Depuis notre camp, cela semble un peu compliqué, les névés orientés plein nord semblent nous couper la route mais nous nous adapterons. Au fur et à mesure de la montée, les souvenirs reviennent. Le courage des jeunes m’avait bluffé, Elisa la plus jeune et avec une patte en moins ne lâchait rien. A chaque pas je revis ces jours passés à leur côté.
Les myrtilliers sont en fleurs, le Thé du Labrador aussi, même les perdrix ont encore des restes de plumes blanches de l’hiver. En creusant des marches dans la glace nous arrivons finalement au col pour voir au loin le Mont Elisa. Sur le plateau balayé par les bises polaires la neige est bien présente, même les lacs ne sont pas encore libres de glace. Finalement, au bout de 3h nous voilà pile poil au point défini comme le Mont Elisa.
A la redescente je laisse la directive à Karin de retrouver le chemin retour, ici pas de sentier, les seuls repaires possibles sont les marques de bon sens. Toujours à porté de vue je la laisse se diriger vers le mauvais col, je surveille tout en tentant de ne pas la lâcher du regard. Mais la montagne n’aime pas ces jeux de gamins têtus et soudain je n’arrive plus à la situer… Le suspens monte d’un cran, des immenses barres rocheuses accompagnées de crêtes de glace m’inquiètent. Et si elle avait choisi de prendre un raccourci fatal ! Au bout d’une demi heure, la trouille me prend aux tripes, j’imagine le pire scénario. Je hurle son nom à tue tête. Je dois rester lucide pour comprendre son passage. Je me mets en mode commando et trouve ses traces dans la neige qui mène vers le vide. 450 m de falaise, j’ai les mains moites mais je sais que ses 30 ans de plongée sous marine lui ont donné une certaine logique. Au bout de 45 minutes, soudain j’aperçois un sac à dos rouge qui répond à mes appels. OUF ! Nous nous calons à l’abri du vent et de la neige fondue qui commence à tomber pour nous serrer fort dans les bras. La montagne et le grand nord n’aiment pas les insouciants, la leçon est bien enregistrée…
De retour au camp, le vent se renforce, les rafales sont terribles, mais là bas la tente n’a pas bougé d’un cheveu… Julien par tel sat me confirme bien que demain en fin de journée il viendra chercher Karin. C’est notre dernière soirée, on va la déguster au mieux. A l’abri du vent nous allons nous dire au revoir. Une longue période d’absence va nous séparer, mais c’est mon choix. Je sais que ce fut pour elle une initiation forte et que cette expérience sera à tout jamais gravée dans son âme.
A pluche