La pression monte d’un cran, le deuxième stage de survie est sur le point de démarrer, l’équipe est composée aussi de copains amputés, va falloir que je sois à la hauteur.
Véro et Claude nous déposent dans un hameau au pied du massif de Cagna qui porte son beau chapeau de vent du sud, pluie, vent violent et orage sont au programme. Je pèse les sacs qui sont à ma grande surprise plus légers que la normale, l’aventure peut enfin commencer. Le sentier muletier qui mène sur un cul de sac est très glissant, la bruine a bien bossé ! Le brouillard nous emmitoufle, je ferme la marche pour mieux observer mes compagnons, je constate qu’ils n’utilisent que très peu leurs bâtons, pourtant avec un bon usage, 30% d’effort peut être économisé. Au sommet du petit col nous attaquons vraiment, un adieu au beau chemin pour nous retrouver dans un maquis dense et non balisé. La dénivelé négatif est imposant, les arbousiers et bruyères nous barrent le pas, il faut enjamber sans chuter, exercice de style qui demande une grande concentration. La terre noire est gorgée d’eau ; les pluies incessantes depuis plusieurs semaines ont rendu la progression extrêmement « casse-gueule » ! Les chutes se succèdent, j’ai la boule au ventre, il faut que personne ne se blesse ! Aucun « bobo » à déclarer ! Nous tentons une traversée pour rejoindre une forêt de ronces qui a repris du terrain depuis mon dernier passage, le chemin est devenu un torrent. Les mures sauvages accrochent les prothèses, le ruisseau éphémère rend le cheminement encore plus astreignant mais personne ne se plaint. Un petit miracle au milieu des broussailles je retrouve l’embout de la pipette de mon camel back, perdu lors du dernier stage, ma chance légendaire ! Finalement au bout de trois heures d’effort nous rejoignons une piste en terre abandonnée, les corps sont éprouvés et les moignons semblent déjà protester. Une trêve nous est accordée par la pluie, il nous reste encore une petite heure de marche pour rejoindre une ruine en pierre qui nous servira de premier refuge…
Cela fait deux jours que nous marchons, l’équipe est bien soudée, nous avons un bon guide ; la pluie ! Dans un maquis très dense nous trouvons une ancienne aire de charbonnage, la nature a repris ses droits, le premier boulot est d’élaguer ce terrain plat qui va nous servir de refuge pour la nuit. Soudain un vent fort et chaud secoue la canopée, je sens un coup d’esbroufe du ciel, le vent se déchaine, les éclairs nous encerclent, le déluge nous tombe sur la tête. Des tonnes d’eau s’abattent sur nous comme j’en ai rarement vu, le torrent en contre bas, en quelques minutes monte de plus d’un mètre. Je sens qu’une partie de l’équipe perd pied, sans jeu de mots, mais l’autre moitié reste attentive. Je dois me montrer ferme et directif, tout le monde doit s’activer pour monter le camp quelque soit les conditions. Abatage d’un arbuste droit et assez long pour la charpente, nettoyage des cailloux qui envahissent le replat et mise en place des bâches qui nous abriteront. Le montage du foyer est aussi très important, il doit posséder un muret en forme de chevron qui servira de réflecteur pour envoyer un soupçon de chaleur au « survivant ». La bruyère sèche s’enflamme une première fois, la pluie perd un peu de son intensité, mais ce n’est pas connaître le coin, un second éclair nous annonce le prochain round, les flammes ne résistent pas. La rivière augment encore, je ne l’ai jamais vu à cette hauteur, les arbres sont couchés, brisés nous nous sentons tout petits dans ce décor de cataclysme. Trempés comme des castors, le camp est finalement monté, des grands silences en disent long sur l’état mental de certains mais une bonne nuit semi-humide reposera partiellement les corps épuisés. Sébastien le plus jeune de la bande aura droit à une blague de sa bâche qui en pleine nuit se régalera de lui larguer une poche d’eau. Sans ciller il passera le reste de sa nuit à tenter de sécher ses affaires près du feu…
Quatrième jour, sales, boueux, boiteux nous sommes récupérés, la victoire est au bout du chemin. Le stage a été à la hauteur de ses participants, les images de références sont accumulées, certains conformistes nous plaindront par le manque de soleil, mais de la survie ce n’est pas de la randonnée, ni du trekking, la survie, c’est sauver sa peau coûte que coûte, c’est rendre le futile indispensable, c’est trouver le bol d’eau chaude savoureux au même titre qu’un millésime. La même « balade » sous le soleil aurait enlevé l’intensité de se deuxième stage de survie douce Bout de vie.
Pour conclure cette bafouille je tenais à remercier les cinq participants qui ont su trouver de nouvelles limites. Bravo à Christophe, Sébastien, Pierre-Alain, Gaby et Jean- Luc. Un grand merci à David Manise grand « gourou » des stages de survie qui m’a encouragé dans cette démarche de mixité, valide, moins-valide…
J’attends de pied ferme vos inscriptions pour le prochain stage, date à définir…