Le 14 juillet 2016 mon nom était inscrit au Journal Officiel comme Chevalier de l’ordre national de la Légion d’Honneur, mais encore fallait-il l’officialiser par une cérémonie. Le chef de cabinet, qui était chargé du dossier, m’avait proposé toutes les possibilités dites classiques. Puisque c’était le Président de la République qui en était l’initiateur, en toute logique l’Elysée et le Chef d’Etat François Hollande devait me parrainer, mais ce n’est pas connaître le « Cabochard » qui sommeille en moi ! Demandant les éventualités possibles, je comprenais qu’une personne déjà Chevalier pouvait s’en charger. En toute logique, mon « Fratellu » Bixente endossait ce « job » qui était une première pour lui. Mais où ? J’aime les belles histoires qui finissent bien, la vie en est souvent éloignée, mais là, je savais qu’une belle carte était à jouer, et si c’était à bord de notre porte-avions en service, le Charles-de-Gaulle ? Le chef de cabinet, tentait de m’en dissuader, par de son expérience c’était « mission impossible », j’allais droit à l’échec ! Le hasard c’est le nom que prend Dieu pour rester anonyme disait Cocteau. Dans mes amis, le patron des plongeurs démineurs, le commandant Bertrand de Lorgeril avait fréquenté en école navale, le Pacha du porte-avions, quelques mails, et coups de téléphone et mon souhait se réalisé. Seul un petit comité pouvait participer à la cérémonie, cela tombait bien puisque les grosses réunions ne m’ont jamais inspiré. La sécurité de l’accès à l’arsenal est stricte, le Pacha Eric Malbrunot nous reçoit. Etre à la tête d’un bateau à force nucléaire est une responsabilité énorme mais ce que je retiendrais de cet homme c’est son charisme, sa simplicité, sa vibration positive. Avant de poser la prothèse à bord, un court-métrage nous présente le fleuron de l’armée française. Le pont d’envol en image me remue les tripes, j’autorise les souvenirs à remonter en surface sans palier, tant pis s’il y a surpression ! Puis la délégation emboîte le pas du boss qui ne manque jamais de saluer et de donner un bon mot à son équipage. Hangar, passerelle, pont d’envol, catapulte… Tout est passé en revue. Puis là-bas à la poupe du PA, sous l’immense pavillon tricolore, un pupitre. Nous rentrons dans le vif du sujet. Le commandant Eric Malbrunot, ouvre la cérémonie. Derrière à ma gauche, mes amis, à ma droite l’équipe PEH, dont je suis le vétéran. Les mots du pacha, me remuent, je respire, je ne veux et ne dois pas flancher. Un pas devant tout le monde je suis caché de tous, mes lèvres tremblent. Maintenant c’est au tour de Bixente, je le sens serein mais au fil de ses mots de l’émotion grandit, bouscule le protocole, la fin de son discours se sale, notre amitié si profonde nous joue encore un tour. Un PEH porte un coussin où est agrafée la médaille rouge, Bixente me la remet, le commandant est au garde-à-vous, j’ai du mal à réaliser. Je n’ai pas préparé de discours, je veux juste que mes mots sortent de mon cœur. Pour commencer je fixe l’équipage, j’essaie de transmettre mon énergie positive qui m’a permis de m’en sortir. Puis je me tourne vers mes invités en comité restreint. Le déroulé de ma vie commence, bien-sur je remercie mes parents absents, nos vies nous ont séparés mais je leur dois mes premiers pas… Puis, à chacun de mes hôtes je dévoile une anecdote commune pour cimenter encore plus notre amitié. Et enfin j’en viens aux deux hommes qui ont changé mon existence, Dume et Bixente. Je m’emmêle les pinceaux je dis de Dume qu’il est la femme de ma vie, l’émotion me tacle, le seul rouge n’est pas un carton mais une médaille… Le pacha du PA a les yeux qui rougissent, mes invités aussi, moi je me demande si je ne vais pas me réveiller… Bixente poste une série de photos sur sa page Facebook. A ma grande surprise, dans les commentaires, je trouve des anciens du Foch qui m’avaient donné instinctivement leur sang, puis un texte de l’officier de pont qui m’avait mis son gant entre les dents pour supporter ma souffrance, un autre se souviens de mon poème : le Pantin ; écrit au lendemain de mon accident et édité sur le magazine de la Marine Nationale… 34 ans après je peux enfin fermer ce livre rouge de sang, d’Honneur…
Cette médaille c’est le fruit d’un travail de fond, sans relâche et je vous la dois à tous. Merci du fond du cœur…