L’hiver à petits pas

29 août 2017
 
Dans l’une de ses chansons, Jacques Brel disait : Ce n’est pas encore l’hiver mais ce n’est plus l’été… Brouillard, crachin, et brise glaciale, le Groenland prend doucement un autre rythme, une autre couleur, d’autres histoires vont naître. Grâce au bateau prêté par notre marin polaire croisé, nous pouvons continuer à explorer les alentours en prêtant moins attention aux vents contraires. Malgré de multiples couches, le froid est pénétrant, mais laissons aux autres les gémissements, ici la nature est génératrice d’émerveillements faisant oublier les détails de quelques degrés de plus ou de moins.
 
La brise d’est se transforme en coup de vent, le petit bateau frappe de l’étrave mais notre curiosité est trop forte, la carte, bien qu’imprécise, nous laisse l’espoir de découvrir un lac. Un bloc minéral assez haut nous permet de débarquer sur des dalles glissantes à souhait, mais notre embarcation est en eau saine et ça c’est le plus important. Dans mon sac à dos étanche rien n’a changé, téléphone satellite chargé à bloc, balise satellite, thermos d’eau chaude, barres de céréales et quelques bricoles de survie, ici on est seul au monde, la moindre broutille peut se transformer en drame.
 
Le lac est bien là devant nous, juste derrière un fjord où gémissent des icebergs prisonniers des vents du
sud, eux n’auront pas la chance d’entreprendre leur grand voyage, au bout de quelques explosions ils ne resteront qu’un souvenir d’un été difficile. Mon lancer est en place mais les truites arctiques, si nombreuses il y a
encore quelques jours, ont dû repartir en mer, ma cuillère est la seule à rider le calme de cette masse d’eau douce.
 
Un silence impressionnant nous rend encore plus petit, cela devient une sacrée habitude, pourquoi s’en lasser ?Bredouilles de protéines mais la besace de l’âme remplie d’énergie, nous reprenons la mer. La carte ne donne rien de précis mais un coin étonnamment plat attire mon attention. A pas de loup, nous nous approchons d’une passe, l’échancrure est trop tentante, nous nous y engouffrons. Waouh, encore une autre surprise, une lagune immense abritée de tous les vents me fait rêver, là un beau voilier pourrait jeter l’ancre. Je note dans mon disque dur la façon de la pénétrer, on ne sait jamais !
 
A marée montante, le courant est fort, mais fini les coups de pagaies, un coup de 4 temps et nous en sortons. Bien que la mer soit couverte de glace, je laisse
la barre à Karin qui doit retrouver dans le brouillard la route vers Oqaatsut. Concentrée et debout, elle zigzague, les bouts de glaçons explosés sont très dangereux pour un petit bateau, la lourde brume rend la navigation encore plus compliquée. Le froid s’invite à bord, l’humidité nous transperce, il est temps de retrouver la maison chauffée au pétrole.
 
Mais ici, il se passe toujours quelque chose. Sur la côte, une immense fumée m’inquiète, pas de village, pas de bateau, mais une cabane d’où semblent venir ces fumeroles. Reprenant la direction à fond les manettes, l’intrigue m’oblige à ouvrir les gaz au maximum. A deux encablures de notre inquiétude, des eskimos ont allumé de la camarine pour faire fumer
leurs prises de mer. Du flétan ou de la morue sont en train de sécher. Ce n’est pas leur cabane qui brûle, ouf. Un lointain aluu et nous reprenons le chemin du village. Le visage de Karin est congelé mais elle doit être concentrée, barrer un bateau dans ces conditions demande beaucoup, beaucoup d’attention.
 
De retour à la cabane, nous encerclons le poêle qui redonne vie à nos mains… Le brouillard, le crachin, la glace, sont devenus nos alliés : ici tu n’es rien et c’est pour ça qu’ils sont là, juste pour te le
rappeler…

Camp du lac salé

4 août 2017

Camp ouest Agdlugtodq

1 août 2017
 
Je ne sais pas si je suis plus heureux d’arriver ou de partir, c’est la quête du nomade, se poser en sachant que proche sera le départ. Le village abandonné d’Agpat est dans mon dos, le courant nous porte vers l’inconnu. Un phoque décide de jouer les bodyguards pendant une bonne heure mais ce loustic reste toujours à distance, alors je l’engueule mais plus je parle fort plus il tente de sortir  sa tête de l’eau pour savoir qui est le fada qui lui cause.
 
Le fameux cap où on m’avait prévu dangers et courant est d’un calme incroyable. La route occidentale de l’ile d’Agdlugtoq, n’est pas des plus faciles pour trouver des coins bivouacs, alors je cherche. Un premier arrêt me présente de gros galets, où il m’est absolument impossible de sortir Immaqa. Plus au sud, une plage de galets plus petits semble mieux mais les 3m² habitables sont difficiles à trouver. Depuis Qeqertaq, je possède la table des marées ce qui me permet de m’organiser, et là aujourd’hui le coefficient est faible et les hautes eaux vont se situer vers 17h30. Je décide donc de placer ma tente sur la plage face à l’île de Disko. Les très gros icebergs sont vraiment loin, donc en se désagrégeant ils ne feront pas de vagues ravageuses au bivouac des nomades polaires. Si les moustiques ont un peu diminué, ce sont les brûlots (entre la mouche et le moustique mais minuscule) qui pullulent, il y en a des milliards, impossible de rester sans moustiquaire de tête, un vrai calvaire. Vers 12h, je monte la tente pour manger ma truite saumonée déjà cuite, à l’abri et oui je me soigne !
 
Le ciel est gris et la température est douce sans rendre la tente comme un four. Je me repose, mais il y a un petit mais, mon moignon me fait souffrir le martyre. Les galets et la toundra rendent la marche casse patte, ma perte de poids aussi me rend plus ample dans l’emboiture de la prothèse, alors je serre les dents. Mais ce n’est pas ce détail qui va m’empêcher de vivre, il m’en faut plus pour me plaindre. Une fois le bivouac en place et la sieste organisée, je pars en clopinant à la recherche du grand lac à quelques boiteries de là. Immense, sublime et isolé comme jamais. Je n’arrive pas à croire que nous sommes le 1er août. Des glaciers, à perte de vue et des lacs plus beaux les uns que les autres…  Demain, je vais tenter de faire un beau bout de route pour retrouver un coin plus abordable, le coin de ce soir ne me plait qu’à moitié, je n’aime pas être aussi proche de l’eau…
 
La mascotte a de plus en plus la langue bleue, c’est grave docteur, ou ce sont les myrtilles ?

Truites

30 juillet 2017
Demain, comme chaque lundi,  on se retrouve sur les ondes de France Bleu RCFM avec Jean-Charles Marsily à 12h40.
 

Un bout de vie aux Ecrans de l’aventure…

6 novembre 2011

Les Ecrans de l’aventure sont le rendez vous incontournable des baroudeurs ! Retrouvailles de copains et copines qui reviennent du bout du monde, je dirais plutôt du bout de leurs rêves. On s’étreint, on a les yeux qui pétillent, c’est bon de se retrouver. Du Yémen à la Polynésie, du fleuve Léna au Danube, du Pacifique à l’océan Arctique, les Ecrans deviennent le camp de base pour  nous réunir pendant quelques instants. Nous sommes là pour voir, rencontrer, argumenter et cette année pour les 20 ans du festival le président est à la hauteur de l’événement en la personne de l’illustre Québécois Bernard Voyer. Homme de défi il a atteint les trois pôles, le Nord, le Sud et le sommet de l’Everest. Sa vie l’a amené à gravir les montagnes les plus hautes des 5 continents mais ce que je retiendrais de lui c’est la profondeur de ses échanges. Il est le président des membres du jury du film et après chaque séance nous débattons. Six personnes différentes pour un palmarès qui doit être au plus près de nos convictions.

Présentation de mes collègues jurys :

Hubert de Chevigny aviateur explorateur a atteint le pôle Nord magnétique en ULM en 1982, il fut l’ancien président de la Guilde européenne du raid.

Ariane Le Couteur Directrice générale de production, elle a produit plus de 50 documentaires aventure.

Grégory Le Moigne, réalisateur spécialisé dans l’aéronautique, il suit depuis quelques années la patrouille Breitling.

Céline Moulys réalisatrice de plusieurs films sur les peuples d’Himalaya.

Le prix Peter Bird va être remis et pour cela nous sommes conviés dans un grand restaurant Dijonnais par les assurances SPB qui dotent ce prix. Grandes tables et décor vieille France, nous nous installons. Anne Quéméré navigatrice qui revient d’une traversée du pacifique en kiteboat se retrouve à mon épaule gauche et bien sur nos histoires ont un gout salé. A notre table deux « Dragon Ladies » ! Un groupe de femmes atteintes du cancer du sein, ont participé à un rassemblement de bateaux à rames  dans les canaux de Venise. Le film est en compétition et la salle fût conquise. Comme à chaque fois la question est : « Quel est votre prochain défi ? » Leur désir est de traverser la Manche avec une pirogue de 6 rameuses. Ne chercher pas dans ces femmes des sportives de haut niveau, pour certaines avant leur cancer elles n’avaient jamais fait le moindre sport. La maladie les a unis et la nouvelle vie leur a donné envie de découvrir leurs limites. Anne les parraine et tout au long du diner, le projet de traverser la Manche se dévoile. La navigatrice se confie, elle aimerait bien les accompagner avec son kiteboat mais il  demande une grosse restauration après plusieurs mois de Pacifique où il a beaucoup souffert. On parle de sponsor, de la crise… Catherine Lanson qui représente SPB assurance demande le silence, elle va dévoiler qui sera élu aventurier de l’année, l’enveloppe est doucement ouverte : « le prix Peter Bird SPB cette année est remise à la navigatrice Anne Quéméré… » Ma voisine est bluffée, l’émotion lui fauche la route, elle est abasourdie. La salle l’ovationne et de l’eau salée apparait dans ses jolis yeux bleus d’océan. Un chèque lui est remis et elle pourra accompagner les Dragon Ladies au printemps ! Un moment merveilleux de partage comme quoi les aléas de la vie sont là pour nous rendre plus fort et plus humains.

Les prix sont décernés et chacun à notre tour nous devons honorer nos élus. Notre président du jury Bernard Voyer sait mettre une grande émotion au millier de spectateurs présent, humour et philosophie ont donné le ton de la remise des trophées. La tache qui me revient est de décerner le trophée Alain Bombard. J’avais préparé un petit laïus et avec un plaisir immense je demandais à Eric Béllion skipper du voilier Jolokia de venir nous rejoindre. Un film dévoilant l’histoire d’une bande de « bras cassés » qui ont battu le record  de transat entre Lorient et l’île Maurice. Un équipage mixte valides et moins valides qui n’avait qu’un seul objectif, donner leur meilleur…

La nuit fût entrecoupée d’échanges, de confidences, de rencontres…

Un grand merci à la Guilde Européenne du raid qui m’a permis d’avoir la lourde tache d’être l’un des membre du jury. Un grand merci à tous les sourires croisés, public et intervenants et un gigantesque merci à Cléo qui est une organisatrice des Ecrans de l’aventure au cœur immense…

L’art urbain selon une tête de Cabochard…

3 mars 2011

Ce qui me fascine, passe souvent pour futilité et vice et versa, mais comme vous êtes là je me lance dans ma cabo-philo

A mes yeux pas une ville au monde ne m’inspire. D’Ajaccio à New-York, de Monaco à Buenos-Aires, de Trivandrum à Anchorage, les fourmilières m’attristent, les musées, même limonade. Le créateur n’en est que l’homme, poussière éphémère en quête de laisser sa petite trace. Pour produire cette « œuvre » il a dû détruire, raser, exterminer la nature pour implanter son « machin » et surtout signer par son nom au bas de la création. Ouf, je vous vois bondir ! Je ne juge pas j’essaie de raisonner en vous le faisant partager. Oui je sais, l’homme ne vit plus en grotte et s’est redressé depuis un moment, sa trace de pas, ne comporte plus d’orteils, mais pour beaucoup, des semelles Adidas, les babouches qui tracent !

Devant la chapelle Sixtine à Rome je voyais des milliers de gens en extase !!! Je me raisonnais et rentrais voir les tags de « Michel l’Ange », entre vous et moi j’ai dû résister 5’. Pourquoi ? Dans ma tête de tordu, je pensais à toutes ces collines qui devaient être recouvertes de forêt qui ont été rasées pour construire Rome et ses monuments, coffres forts de quelques tagueurs. Quand je suis à Paris je rêve du temps où il n’y avait rien. La Seine sauvage où seul les castors et les canards la peuplaient.

Devant Notre-Dame à Paris je me suis isolé et j’ai essayé de décortiquer le pourquoi de tellement d’efforts pour bâtir cette batisse. Un lieu de culte pour se réunir et prier. OK ! N’y a-t-il pas derrière tout ça un despotisme envers les autres qui ne croient pas comme nous, qui ne prient pas comme nous ?  Les cardinaux qui ont  fait édifier ces pierres ne se sont ils pas rachetés une bonne conscience avec une envie de domination. Les compagnons suivaient les ordres des mécènes et les esclaves subissaient les directives dans la peur, de l’enfer promis aux dissidents. A Ankara j’ai vu l’une des plus grandes mosquées du monde et j’y ai senti la même vibration.

J’ai une fascination pour les peuples nomades, en un clin d’œil le camp est levé et ils changent de décor et ils suivent les animaux, les saisons.

La tolérance, toujours la tolérance, oui je sais et j’essaie de l’appliquer, mais vous qui venez régulièrement sur ce blog vous devez vous sentir concerné par mes pensées, alors je continue. Nous sommes de plus en plus dans un monde d’apparence et « l’art urbain » est une manière d’étaler son surplus. La tour Eiffel fût construite pourquoi ? Et oui le Cabochard qui pense à contre courant, ça vous étonne ?

Quand je suis en mer, dans une vraie forêt sauvage ou sur un fleuve oublié, je suis fasciné par la beauté de ces créations. La muraille de Chine a vu le jour par des millions d’ouvriers en quelques dizaines d’années. Un fleuve, c’est des siècles et des milliards d’événements. On le détourne, on le maitrise avec des barrages, on le ceinture de ponts et on déverse dans son lit les pires saloperies. Mais attention quel bonheur de voir des baies vitrées de ce musée climatisé s’écouler le fleuve !!! Ok, j’arrête !

Bon je ne vais pas faire de la philosophie à trois tickets de métro mais au moins quand vous allez me croiser en ville vous saurez qu’au fond de moi je suis présent physiquement mais que l’esprit lui est bien loin dans la Nature.

Je n’aurais pas assez de plusieurs tomes pour vous décrire les chefs d’œuvres que j’ai croisés dans ma vie de nomade errant, j’en suis sur vous aussi.

Une fleur qui surgit de la neige pour nous offrir que quelques pétales sans engrais.

Un glacier qui pendant des siècles a taillé le basalte pour sculpter une moraine sans dynamite.

Un lac qui à élu domicile entre deux monstres de granit sans toupie à béton.

Un galet poli en forme de cœur trouvé sur la berge sans disqueuse.

Un chêne millénaire qui a su s’adapter aux rigueurs de milliers d’hivers loin des tabernacles des églises.

Cette goutte d’eau immortelle, qui devient pluie, ru, ruisseau, rivière, fleuve, mer, océan, nuage, glace, pluie…sans récipient plastique.

Un musée bio pour utiliser les mots à la mode, une architecture éblouissante et surtout d’une humilité respectueuse…

Je vous laisse raisonner de votre côté. D’un clic vous pouvez supprimer le blog de ce casse-pied rêveur.

« C’est une triste chose de songer que la nature parle et que le genre humain n’écoute pas. » Victor Hugo