Le vent du nord a pris de la force, il fait un froid polaire, normal où je suis, non ? La journée d’hier a laissé des traces, ce que j’avais planifié aujourd’hui, je l’ai pagayé hier, alors farniente ! Qu’il est bon d’être enfoui dans son sac de couchage en sachant que dehors c’est un congélateur, je ne veux plus lutter et me laisse bercer par mon immense fainéantise et je n’ai pas honte. L’île qui nous accueille est grande comme un mouchoir de poche, 50 m sur 300 m de large maximum, mais elle a un quelque chose qui fait que je m’y sens bien.
Hier en arrivant, j’ai eu du nez en récoltant quelques bouts de glace qui étaient bloqués sur des dalles. Mis dans une bassine pliable, ce matin j’avais mes deux litres à l’œil. Ici c’est de la survie à chaque pas. Cette journée de repos, ne me met pas en relaxation totale, il faut tout contrôler pour être sûr d’être opérationnel en cas de dégradation du temps ou de vagues d’icebergs disloqués. Hier c’était calme plat, mais j’ai pris mon temps pour quand même récolter des pierres qui ont bloqué ma tente, puis malgré son poids, j’ai fait un effort surhumain pour sortir Immaqa du bord de mer, heureusement. Alors que je rêvassais dans la tente, «mon» île s’est mise à trembler mais d’une force incroyable, une déflagration énorme. Le temps de mettre ma « guibole », un pull, un blouson, le bonnet, quel choc de voir une vague arriver droit sur nous, un iceberg de la taille d’une barre d’immeubles s’est pulvérisé, en jetant dans l’océan des tonnes de glace. Bien qu’à marée basse, la berge de l’île s’est transformée en coupe gorge, un ressac d’au moins 1 mètre l’a balayée pendant 10 minutes. Encore une leçon de vie, je suis resté scotché en me disant que si c’était pendant mon débarquement il y aurait eu beaucoup de dégâts. Décidément, la prudence est à assurer à tout instant.
Une journée de repos à observer la houle, les moutons, le vent mais sans le moindre nuage de souffleuse à l’horizon, les copines ont dû changer de restaurant… Ici la vie est survie, le temps est le seul allié sur lequel on peut compter. Ne jamais baisser la garde, vigilance et anticipation sont les seules règles valables, le reste, des blablas de sudiste… En face du camp, l’immense mer intérieure de Pâkitsoq. Si les Dieux du vent et des courants le veulent, demain nous allons aller l’explorer…