Je reprends les bonnes habitudes de France Bleue Frequenza Mora en donnant la météo du vendredi à 7h37 en compagnie de mon très cher Jean-Pierre Aquaviva… Je sais qu’aujourd’hui sera une étape difficile de montagne mais je ne pouvais imaginer ce qui m’attendait. « Si j’avais su, j’aurais pas venu ! » Pendant 45’ je grimpe en douceur pour passer une sacrée bosse qui me fera dévaler sur Lavagna, il ne fait pas encore trop chaud mais malgré tout je suis déjà en sueur. Le trafic urbain est fouilli et je peux vous dire que je suis prudent, ici le clignotant est en option et les stops, c’est bien connu c’est pour les couillons ! J’ouvre l’œil et le bon ! Je retrouve enfin le calme mais le long et tortueux massif des « Cinque terre » m’attend de pied ferme. Je ne dois surtout pas penser à la moyenne, le col du Bracco a mauvaise réputation. La route est devant moi, je dois y aller molo. Je grimpe et un émouvant souvenir me vient en tête. Il y a presque 50 ans mon parrain Walter, prof de sport était parti de Menton pour rejoindre la Toscane en vélo, il m’avait souvent raconté le fameux Passo del Bracco. La grimpette est monstrueuse mais je ne suis plus seul, il m’accompagne, j’entends encore son rire. Je lui cause, non je vous promets je ne prends pas des produits illégaux. Il est parti subitement quelques semaines avant mon expédition au Yukon et quand mon moral était en berne il apparaissait. Il y en a qui vont dans des églises où des « trucs » du genre pour prier, moi je cause avec les disparus. Chacun sa bible ! Mais Dieu que c’est dur, Jo Zef se demande si Marlène, Gilles et Taïko vont venir nous enlever du poids ! Eh ben non la mascotte, y sont trop loin, à nous de nous débrouiller. Quelques cyclistes nous doublent en nous encourageant mais c’est long, c’est épuisant, c’est éreintant ! Soudain alors que je reprends ma causerie avec mon ange gardien je sens une présence derrière moi, un cycliste est dans ma roue. La route est tellement isolée que l’on peut rouler de front, ce vieux champion veut faire un bout de chemin avec moi, il est impressionné par le poids que je monte et par mon bout en moins. Sergio est de bonne compagnie, il a beaucoup d’expérience et sait que sa présence me donne de l’énergie, on papote, on échange mais il doit retourner chez lui. On se serre la main comme si on se connaissait depuis toujours. Cela fait 2h30 que je grimpe, je commence à sentir une lassitude, finalement un panneau m’annonce le village de Bracco, je crois être arrivé au sommet. Un bar est ouvert, je vais tellement doucement que je peux saluer les clients devant l’entrée, je décide de stopper pour un café. Je suis la diversion du jour, ici personne ne passe, l’autoroute canalise le flux routier et un unijambiste en vélo cela se fête. J’ai droit à mon expresso explosif et mon verre d’eau gazeuse, pour récupérer un peu de sels minéraux. Je ne peux pas payer mon café, tout le monde est enthousiaste et me souhaite bonne route. Je fais l’erreur de demander le dénivelé jusqu’à La Spezia, on me prévoit encore du dur !!! En vérité je ne suis qu’au village, le col est encore à 4km plus haut, je prends mon mal en patience mais je ne sais pas où je vais chercher cette énergie pour grimper, aucun « bobos » ne se réveille et mon moignon bien cicatrisé ne fait plus le malin pour se faire remarquer. Finalement atteints le sommet, je suis cuit, extra cuit. Je roule en libre en me croyant sorti d’affaire, je ne pédale même plus en descente, ce qui est une erreur car je n’élimine pas mon acide lactique, mais je zappe le protocole pour récupérer différemment. Je m’aperçois que je perds trop vite du dénivelé, ça sent le piège. J’arrive dans un bled et découvre devant moi un mur, le col du Bracchetto me fait un pied de nez. Du 10% pendant 2 bornes avec les derniers 100mts à 15%, je ne pose pas pied à terre en mémoire de mon parrain disparu, mais je peux vous dire que je force comme un bœuf. Je reprends une longue descente, je pense que cette fois ci je suis sorti d’affaire. Pour être léger j’ai fait le choix de ne pas avoir ma nourriture de midi, mais je n’avais pas anticipé que cette route était déserte. Pour l’instant ça descend alors j’oublie mon déjeuné. Je retrouve une rivière, je sens la fin de mon calvaire, elle doit descendre à la mer donc il ne devrait plus y avoir de côte. Enfin un village animé, il y a un bar restaurant, je stoppe ma « pédalerie ». Pas de plat à emporter, au diable le protocole, je m’attable. Alors que je me déshydrate avec une grande bouteille d’eau gazeuse, je m’aperçois que le local se nomme : « La Fenice » le Phoenix en français. Je cause avec le gérant sur ce nom, renaître de ses cendres comme le phœnix, ca me parle. Une date avec un patchwork de photos est dans mon dos, il est écrit la date du 25 octobre 2011, pour ne jamais oublier. Je prends le soin de détailler les images, il semble qu’une inondation aurait ravagé le village. Effectivement des pluies très violentes ont en amont formé un barrage de branchages et quand il a cédé une très grosse vague a envahi la région. 3 morts et des vies de labeurs mis à terre, Davide est très jeune et il vit mal, l’après drame. Le village au lieu de s’unir, s’est divisé et une mini guerre s’est installée. Il me parle de partir travailler au Mexique mais la peur le freine, peur de l’inconnu, peur de ne pas savoir s’adapter. On cause un bon moment, il me prend pour un surhomme mais je lui cause de mes craintes quotidiennes. Elles ne m’arrêtent pas, bien au contraire, elles sont justes là pour m’avertir du danger et je découvre que je peux les surmonter. Allez Davide, fait ton sac et tu verras que la Terre n’est qu’une petite île, où que l’on soit on y rencontre que de bons voisins… Je reprends la route ventre repus et cœur léger de cette belle rencontre, j’aime bien transmettre de l’énergie positive à qui veut la recevoir. Mais la route est longue encore une grosse montée le vent dans le nez, j’abdique, je baisse la tête et fait le vide il faut que j’avance c’est tout. Enfin, j’arrive aux abords de La Spezia, deux routes se présentent à moi, droite, gauche ? C’est une longue descente, je vais vite et je n’arrive pas à détailler ma carte, je choisis celle qui mène vers le Sud-est. Hasard ou pas je me trompe d’itinéraire, j’avais décidé de stopper dans ce grand port mais c’est une périphérie qui me l’a fait éviter. Ok, j’ai compris ce sera une très longue journée, le plat descendant au programme, ce n’est pas si mauvais quand même. J’avance, le compteur affiche bientôt les 100km, je trouve une auberge de campagne, ok les mascottes, on va pas faire les difficiles. Une chambre proprette pour une poignée de figue, c’est le camp de ce soir. On est à la frontière avec la Toscane.
A pluche…