La tente est montée, le feu semble protéger le bivouac, les mascottes sont fidèles à leur poste mais un duvet est proprement étendu à côté du mien, je ne suis plus seul en raid mais là haut dans mon refuge de montagne. Conjuguer le verbe « partager » fait partie de mes délices de cabochard un poil nomade. Véro apprécie ces retraites calmes et sereines. Le confort est immense, nous sommes au milieu de la nature, pas un simple cinq étoiles, une voute céleste rien que pour nous. L’homme est loin, la route d’accès semble inaccessible tellement le lieu est isolé. Ce coin nous unit, nous rapproche, il délie nos langues, laisse raisonner nos âmes, nous vibrons au rythme des torrents seuls voisins. Une île, un peuple et nous au milieu de cette insularité. J’ai amené une petite radio pour être au courant. Mardi Maître Sollacaro a été lâchement abattu ; dimanche le derby ACA-SCB. Je désire suivre les infos, je crois avoir envie de savoir comme tout le monde, c’est vrai je ne suis pas si différent ! Anna-Maria, la fille du magistrat fait un discours d’avant match, son père était l’avocat du club. Digne, sa voix ne tremble pas, Véro me rejoint et écoute. S’en suit l’hymne Corse, le Salve Régina, nous surprenons des larmes couler sur nos visages, identités Corse, nationalisme, chauvinisme, je ne sais pas, mais l’émotion transpire le poste. Le match est donné, je reprends mes robinsonnades. Véro rejoint son hamac avec un nouveau livre, l’histoire d’un mec éclopé qui descend seul en kayak un fleuve là- bas dans le Grand Nord ! De temps à autre je tends l’oreille, le stade est complet, je pars dans mes raisonnements. Qu’est ce qui a changé depuis le temps des gladiateurs ? Les animaux ne sont plus dans l’arène, les hommes se sont transformés en bête féroce. La mise à mort n’est plus la même, on ne s’achève plus en se regardant dans le blanc des yeux, la lâcheté a plus de place, c’est dur d’oublier le regard d’un homme qu’on assassine ! La mi-temps, le score est nul, je me surprends à être toujours attentif. Ca repart, les speakers semblent décrire une ambiance sympa, tant mieux, beaucoup d’enfants sont dans les tribunes. Ils restent 7’ pour que la fête soit terminée, Yoann Cavalli, tombe, un Bastiais l’a bousculé sans faute, il se redresse et lui assène un coup de tête… Le public s’enflamme, une bombe agricole est jetée au milieu des supporter rouge. Bagarre de rue, la France entière attendait cela : « la Corse est violente vous avez vu dimanche encore !!! ». Je suis triste, j’éteins mon poste, le match était nul. Jo Zef me souffle que l’on devrait débaptiser Cavalli (chevaux en corse) pour le nommer sumeri (ânes) ! L’homme est habité par la violence, l’effet de groupe le développe encore plus, chaque jour sur la planète nous sommes de plus en plus nombreux, l’effet fourmilière semble nous stresser, une étincelle et tout explose. Que faire ? Que penser ? Je réactive le feu, si des supporters assoiffés de sang passeraient dans le coin je serai prêt à leur cramer leurs drapeaux. Le nationalisme ; je crois que l’un des problèmes vient de là. Tout à l’heure nous étions émus aux larmes de sentir notre peuple uni. Le danger grandi par ce sentiment, appartenance d’un clan, rend « l’autre » dangereux car différent : « Ils ne peuvent pas comprendre, ils ne sont pas comme nous. » Ce refrain je l’ai entendu dans le monde entier, et depuis la nuit des temps l’homme guerroie pour un drapeau, un hymne, une religion. Il parait normal d’assister à un défilé militaire pour la fête nationale du pays, il semble évident d’être au garde à vous devant un bout de tissu qui s’élève dans les airs. N’est ce pas déjà un acte de violence envers « l’autre ». Je vous entends ronchonner, grincer des dents pour certains, mais le nationalisme est le ver qui pourri la pomme, dommage ! Je vous laisse à vos réflexions, commentaires, engueulades. La planète n’est qu’une île minuscule, nous avons tous de l’hémoglobine rouge dans nos veines.
C’est par curiosité peut-être que l’homme fait couler le sang de son voisin. Juste pour vérifier s’il est de la même couleur !!!
A pluche !