Préparation polaire…

21 juillet 2018

 

Les jours s’égrainent le blues prend moins de place, s’adapter, il faut que je m’adapte. J’ai un boulot de folie, il faut que tous soit organisé avant que l’équipe Bout de vie arrive. Il m’a fallut trouver le bateau et ici c’est vraiment compliqué. Comment expliquer à un gars d’une autre planète tes exigences, qui sont en premier la sécu de mes passagers. Avec douceur, un tonne de patience, si j’en ai ! J’ai réussi ; le bateau est opérationnel. Mais ce n’est que le commencement, la liste des courses est longue, et à chaque fois il me faut prendre la mer, je dirais plutôt m’esquiver aux milieux des glaces. Le voyage demande une attention stricte, mais entre vous et moi cela me fascine de zig zaguer au milieu de ces colosses millénaires. Aujourd’hui la mer était vraiment chargée, le vent du sud-est avait fait des confettis de glace qui par moment m’ont demandé de stopper le moteur pour trouver le bon trou… Ilulissat le port, une fourmilière silencieuse, chasseurs, pêcheurs se côtoient en silence, c’est super de me voir si bien intégré, des corses unijambistes, « y parait que je suis le seul » !!!

Plutôt que des palabres quand des gars me reconnaissent en guise de bonjour, ils haussent les sourcils et la tête avec un grand sourire manquant souvent de dents. Je suis bien au milieu de ces Hommes, quel courage et dire qu’en bas dans le sud les mectons se prennent pour des marins, les pauvres ! Premier rendez-vous la banque, il n’y en a qu’une ! Mon gros couteau de chasse à la taille je pénètre l’office qui n’a pas de sas de sécurité. La dame me sourit et voyant mes joues et mains rougies, elle me propose en premier un café que j’accepte bien volontiers. Incroyable, elle est pied-nue la guichetière ! Quel beau pays !  Bien que petite, la bourgade qui fait office de capital de la côte nord-ouest du Groenland, est grande et il me faut racler de la prothèse pour acheminer mon matos. Stark le gros magasin de construction m’a préparé mes peintures, encore et toujours des sourires. En taxi je fais un premier voyage pour charger le bateau. A côté de mes bidons gît un phoque, je suis le seul à dégainer un appareil photo pour immortaliser la scène, lui il ne l’est pas immortel ! Puis c’est au tour du supermarché pour la nourriture. Ouf les nouilles chinoises sont là ! Mais j’ai un problème je ne trouve pas de grandes casseroles, je capitule on s’en passera ! Encore un voyage en taxi et me voilà prêt. Mais un hamburger local me tente ! A midi ce sera du bœuf musqué avec des frites mayo, et oui l’aventurier se lâche… Mais je suis comme chez moi ma parole ! Kim et Ringo se mettent à côté et on rigole sans pour autant parler la même langue.  C’est bon le bœuf musqué entre ami… Mais il est temps de reprendre la mer, on ne sait jamais comment évolue la glace. Me prenant pour un indien je me faufile pour rejoindre ma petite maison, aujourd’hui pour fêter ça je vais m’offrir une douche bouillante et laver tout mes fringues qui sentent le renard en décomposition… Ce soir, la cabane bleue est presque prête pour recevoir mes stagiaires qui débarqueront lundi, Immaqa !  Ce week-end je vais m’accorder un peu de baroude en solo, au programme découverte de coins paumés, cueillette d’oursin, pêche à la truite arctique et morue … Si une baleine passe sous l’étrave du petit bateau je lui passerai votre bonjour… Question importante, le petit bateau n’a pas de nom. Aidez moi à en trouver un. Jozef me souffle : crêpes ! Pour un bateau je ne trouve pas ça génial.

 Je me demande comment on peut traduire en groenlandais : petit papillon, je me demande !

PS : Yes mes bagages sont arrivés.

 

Arrivé à Oqaatsut…

18 juillet 2018

 

 

Me voilà installé dans ma maison bleue, mais quel voyage pour y arriver. Je ne parle pas du retard des avions et de mes deux bagages contenant l’essentiel oubliés, non je vous cause de l’arrivée à Ilulissat. A distance j’ai acheté un bateau Poka (conçu pour la glace) avec un 70 cv en très bon état, mais nous sommes au Groenland où les priorités sont tout autres. Arne le vendeur m’avait fait comprendre que le bateau serait à l’eau et testé. Erreur, l’embarcation était encore à terre et avec quelques soucis ! Ici on n’élève pas la voix, on ne cause pas fort, ce sont les silences qui en disent plus que des menaces idiotes. Alors on s’est mis d’accord demain tout sera en règle Immaqa (peut-être). Mais il me faut trouver une solution pour aller au village le seul moyen la mer. Myrtille sur la crêpe l’océan est bloqué par la glace avec un bon brouillard réfrigérant. Bien sur mes affaires polaires sont dans mes sacs qui doivent suivre un jour ou l’autre, la perte de moral commence à prendre un peu trop de place. Sur un ponton du port je reconnais le beau-père de Julien qui ne parle pas anglais ni même le corse, bizarre non ? Mais il comprend mon baragouinage et appelle sa fille Charlotte épouse de Julien ; ouf il est en route pour leur course et pour me récupérer. J’en profite pour faire quelques emplettes. Des visages me causent, des kutaa (bonjour quand on ne s’est pas vu depuis longtemps) fusent : Fari, Kim, Ringo,Brita et même Ben et Eric des guides de kayak. Mais ma tête n’est pas à la conversation, le manque de sommeil, le froid (je suis en t-shirt avec un coupe vent), le gris et tout le reste me mine : « mais qu’est ce que je fous là alors que je pourrais papillonner sur mon île » ! Julien arrive, il m’embarque, il n’a pas reçu mon message et n’a pas mes fringues polaires, juste une combinaison de pêche trempée ! On s’adapte, on sert les fesses et nous voilà parti. Le petit bateau cherche son passage au milieu des icebergs et dérivés ; les coups de boutoir sur la coque me glacent, nous n’avons pas de gilet de sauvetage et la côte est bien loin. Je ne sais plus combien d’heure mais j’ai du chercher loin pour ne pas tomber dans les pommes. Le froid polaire, je l’avais oublié mais lui se souvenait bien de l’écervelé qui joue régulièrement le dur avec lui et parole il m’a pris dans ses bras. Tremblant de la tête au pied je file à la maison qui n’a pas été chauffé depuis 10 mois, une sorte de congélateur géant. Rien n’a bougé ou presque ; je fais le tour et trouve enfin des affaires chaudes, je mets tous ce que je peux et retourne chez Julien. Les trois enfants viennent de recevoir un colis de leur grands-parents vivant en France, il faut voir la joie que cela leur procure, le chauffage, le thé, une belle famille devant moi, l’émotion me prend aux tripes j’ai les yeux qui rougissent, je suis cuit, mes nerfs se relâchent. Là-bas au mouillage le voilier polaire Akta, le brouillard et la glace rendent la baie un peu triste. Je retourne chez moi avec un chauffage au pétrole d’appoint, ce sera mieux que rien, je grignote mais rien ne passe, la tristesse me submerge, la fatigue, le contre coup du départ, la crasse du voyage, ma chérie qui me manque… Ce sera une soirée noire malgré une nuit qui ne vient jamais sous ces latitudes. Puis j’entends rentrer, Steen vient me saluer et m’invite pour un kaffimiq. Il vient d’être grand père, sa joie cache aussi de la tristesse. Devant un breuvage brulant nommé café, et un gâteau vert fluo, mon pote chasseur m’annonce la mort subite de sa sœur le 25 dec dernier. Elle gérait la superette du village, avec beaucoup de pudeur il m’a dit quelle a rejoint son père. Mais ici on ne s’éternise pas avec la mort, elle est présente à chaque recoin, le froid, l’iceberg qui te submerge, l’isolement de la nuit qui rend dingue, la mort est là, donc ils gèrent. Puis pour casser la tristesse, le petit passe de bras en bras son nom est « homme valeureux », cela lui promet un bel avenir. Puis tout sourire Steen me montre une immense coupe, il a été sacré champion du Groenland en course de chien de traineau. Mes yeux se ferme, je rentre tout doux à la maison avec une brouette d’eau potable pour la vaisselle, il est temps que je rejoigne mon sac de couchage…

4h du matin local, je sors du coma, je n’arrive plus à dormir, mon tel vibre, un message d’amour me met en état de grâce, le sang revient dans mes veines, ma tête à moins le tournis, mais c’est que je suis vivant alors ! Je profite du silence intense et incroyablement apaisant pour faire une balade. Les Icebergs pètent à tour de rôle, la marée est basse, je contemple la mer de Baffin, qu’est ce que c’est beau, qu’est ce que c’est puissant. Puis je me rends au cimetière, je retire ma chapka et improvise une prière pour Anne-Marie, je reprends mon tour… Il est temps de rentrer pour le petit déjeuner…

Je vous embrasse du fond du cœur…

En route pour Oqaatsut

9 juillet 2018

 

15 septembre 2017 ; je rentrais en Corse après plus de 3 mois de baroude en kayak le long de la côte nord-ouest du Groenland. Plus qu’une expédition ce fût un long voyage de l’intérieur. Comme à chaque raid, j’y ai appris beaucoup, j’y ai souffert, mais Dieu que ce fût beau, grandiose, magique. L’adage dit que ce sont les épreuves qui font grandir, alors j’ai dû prendre encore quelques centimètres ! Après des centaines de kilomètres engrangés au milieu des glaces et des baleines, j’aurais pu rentrer chez moi et enfiler mes pantoufles pour écouter le temps passer. Mais une vie sans folie serait trop fade pour « votre » nomade du Grand Nord, alors j’ai réalisé encore un autre rêve de gosse, j’ai acheté une belle maison au Groenland, une demeure pour partager ma passion du pays des glaces et du silence. C’est une maison bleue, non pas adossée à la colline mais face aux icebergs de la baie de Disko. On y vient après un long voyage, on ne frappe pas, la porte reste ouverte à ceux qui ne boitent plus dans leur tête. Le 16 juillet je vais donc repartir là-bas au pays d’Apoutsiaq, la maison bleue m’attend, elle a besoin d’être restaurée, elle a besoin de quelques soins. Des 4 coins de l’hexagone et de Suisse ils vont venir m’aider, ils vont offrir leur temps pour qu’elle devienne un « base-camp » pour des gens à qui on avait dit que c’était fini, qu’ils seraient classés inclassables. Là-haut loin de la chaleur étouffante, du bruit, des bouchons, des « indispensables » des choses se passent, les esprits boréaux doivent trouver les connexions de ceux qui osent y poser leur sac. Un journal de bord vous donnera des nouvelles, offrira des photos peut-être même des vidéos. En attendant je dois boucler mes sacs penser à l’impensable et profiter de chaque instant avant mon départ.
Je compte sur vous pour nous insuffler votre énergie si précieuse.
A pluche.

Pour finir en beauté 2017

16 décembre 2017

 

Si 2017 n’est pas encore fini, il ne manque plus grand-chose pour rédiger une conclusion positive et constructive à ces 12 mois écoulés. En cette année ce n’est pas une page qui tourne mais bel et bien un livre qui se referme, à moi d’initier la rédaction du prochain. Par où pourrais-je bien commencer ?

 Mais avant le prologue, je vais revenir en arrière, cette année est teintée de séparations très douloureuses, très marquantes. La seule que je dévoilerais est le Cabochard qui est parti, le Cabochard n’est plus mon complice, je n’aurai jamais pu le croire, presque chaque matin j’ai du mal à le réaliser, un petit bateau en bois qui m’a permis de m’en sortir, presque 34 ans de vie commune et un voyage, au bout des horizons, qui m’a sauvé! Pourtant il était temps que l’on se sépare, il est entre de bonnes mains, à moi de l’accepter puisque ce fût mon choix réfléchi… Il y eut mes 3 mois au Groenland, un voyage initiatique, une expédition au bout de mes limites, une exploration d’un « moi » encore trop grand pour laisser place à l’essentiel, la vie. Des bivouacs tous plus beaux les uns que les autres, des journées de kayak qui m’ont glacé mes os à tous les niveaux, des tombes abandonnées qui m’ont fait comprendre l’importance de notre existence et des silences qui m’ont donné beaucoup de réponses à mes questions les plus profondes. Puis miracle de la vie, un village m’accueille, un hameau groenlandais bien au nord du cercle polaire qui devient un refuge, un bivouac de longue durée et une belle maison bleue qui devient la mienne. L’acte de vente m’a remué les tripes, même si la langue groenlandaise m’est toujours aussi inconnue. Puis le retour au pays des hommes qui parlent fort ; je n’ai rien dit, j’ai accepté, j’ai écouté ; je me suis écroulé. Dans ma chute, un peu de dégât, mais tomber n’est pas bien grave, il faut juste savoir se relever, c’est ce que je fais en ces premiers jours d’hiver. Mais au milieu de tout ça Bout de vie, ce fut une fois de plus, fort, beau, chaleureux. Un voyage sur les traces de Paul-Emile Victor, de la glace à l’infini, des chasseurs, des chiens de traineau et le Groenland comme dans les plus beaux livres d’exploration. Ces 4 jeunes, Elisa, Maxence, Ange-Paul et Rémi ont vécu une expérience inoubliable, ils sont devenus des découvreurs de limites. Comment oublier les nuits à bivouaquer sur la banquise, comment ne pas se souvenir de cette soupe de phoque qui réchauffait les mains meurtries par le froid, qui comblait les estomacs vidés par des journées de gladiateurs polaires. Quelle fierté de les voir accepter l’offrande de l’œil de phoque à gober ! Leur handicap ? Quel handicap !  Le stage de mer, après le départ de la Galiote à la retraite, me semblait vraiment difficile. Comment trouver un autre bateau charismatique pour offrir cette semaine de mer en Corse. Là encore un pur bonheur, le skipper du beau catamaran Nomade, Christophe, fût l’alchimiste de cette belle croisière, je me souviens encore des sourires entre un bord tiré et une grillade de poissons péchés la veille. Il y eu aussi la semaine vélo des Cols et des écoles, des éclopés qui gravissent les montagnes Corses pour aller à la rencontre des scolaires, le partage est une huile essentielle de la vie. Les stages de survie sont aussi de sacrés expériences de partage. Le maquis est un déshabilleur de principe, un démaquilleur de paraitre, au bout de 4 jours de baroude les âmes sont plus blanches, plus lumineuse même si les ongles sont noirs, si les affaires ont la fragrance d’un bon fumet de feu de bois. Il y eu aussi toutes ces rencontres dans les festivals d’aventure, les écoles, les télés, les radios, comme une croisade pacifique sur la force de la différence. Il eut aussi cette médaille rouge remise par mon Fratellu Bixente, Dume était juste en face pour savoir qui de nous deux allait avoir en premier les yeux assortis à la couleur de la breloque ! C’est fou je ne m’en rappelle plus ! Et puis pleins d’autres choses, plus personnelles mais toute aussi forte et vous les fidèles, ceux qui ne lâchent rien, vous qui me soutenez, qui me portez, vous le savez, vous êtes ma force. Alors doucement 2017 tire sa révérence, sur le bout de la prothèse je vais tenter d’écrire un nouveau livre, de nouvelles histoires, je sais déjà que vous en faîtes partit. Les chapitres se dessinent déjà, aventure, rencontre, partage, écoute, différence, amour, tendresse et peut-être même une petite fée au milieu de tout ça pour donner un peu une atmosphère d’un conte à la Harry Potter, c’est Jo Zef qui m’a soufflé l’idée ! N’oubliez pas que Noel est la fête de la lumière qui revient, alors ouvrez vos cœurs et laissez jaillir cette petite flamme qui guidera celui qui est blessé, celui qui n’a plus la force d’avancer, n’ayons plus peur de la différence, n’ayons plus peur des autres. Pourquoi voir toujours ce qui ne va pas, voyons ce qui est beau, ce qui fait grandir, ce qui nous rend encore plus Femme et Homme libre… Passez de bonne fête et que Dieu vous prothèse !

Epilogue Kiffaanngissuesq

15 septembre 2017

Le quart d’une année s’est écoulé, 3 mois d’aventure, 90 jours de baroude, des pierres blanches posées sur la route sinueuse de ma vie parfois ténébreuse. Plus qu’une expédition, ce fût un chemin de croix version polaire. Si chaque soir j’ai réussi à transmettre un journal de bord ce ne fut que le bout de l’iceberg qui apparaît, les 9/10éme ne se voient pas. Je n’ai pu l’écrire, je n’ai pu le partager, trop enfoui au fond de mon âme meurtrie, trop ancré dans mes cicatrices affectives. Le retour est toujours très violent, le bruit, la foule, la chaleur, le téléphone… mais le mot-clé est : s’adapter. Un décrochage volontaire de ce qu’est fait le quotidien de vie en région du sud. Aucune information de l’extérieur ne m’a heurté, aucune possibilité de savoir, une vie dans une bulle face à une nature immense avec la rencontre rare d’hommes et de femmes qui eux aussi sont isolées de la fourmilière. Quand tu as fait ta journée de kayak, monté le camp, écrit les quelques lignes de ton journal de bord, grignoté les restes d’un paquet de nouilles chinoises et réparé ce qui était réparable, le vide, le silence, l’ennui s’installaient à mes côtés. Je les ai détesté, je les ai écouté, puis je les ai apprécié. Sacrés conseilleurs, qui t’ouvrent les yeux, sur ta vie. Quand je pensais à « mon moi » d’en bas, je me disais que cette existence méridionale n’était plus mienne, que jusqu’à présent je m’étais trompé de route. Puis, après une nuit de repos, entrecoupée d’écoute du vent sur la tente, de pas d’une bestiole en quête de nourriture, le sud me revenait plus cool, moins pervers. Alors je poursuivais mon « catenaccio » ! L’avantage de vivre de cette manière, c’est que tu démontes tout ce qui semble acquis, tout est remis en question et d’un coup tout devient clair comme de l’eau d’iceberg fondu dans une gamelle au soleil. Tu ne peux te mentir, encore moins à tes semblables, puisque tu es seul, tu essayes de ne pas juger, de ne pas penser au pourquoi des autres. Par moments pourtant, ma petite île estivale et son invasion me revenait en tête, l’incompréhension me montait à la gorge. Mais fallait-il être complètement dingue pour s’entasser à paquet sur une terre brûlée par la sécheresse. En Europe fallait-il avoir perdu pied, pour que les hommes s’entre-tuent lâchement à ce point ! L’égo, les œillères, le manque de lucidité par une fausse surinformation, la perte de repère, rendaient mes semblables comme les ammassat (capelan), qui viennent mourir en masse sur les plages du Groenland fin juin sans savoir pourquoi, justes guidés par l’instinct. Mais si les animaux ont ce don, l’homme, l’a depuis longtemps perdu, l’habitude est venue son moteur, les écrans, ses images de référence. Alors je revenais sur « mon moi » et poursuivais ma route, en me moquant gentiment des « autres », mon Dieu qu’est ce que j’étais hilare parfois. Si une immense plage devenait le camp du soir, dans ma barbe je riais à n’en plus finir, pas un parasol, pas la moindre odeur nauséabonde d’ambre-solaire, les paillotes à touriste manquaient à l’appel, juste des traces d’animaux en vadrouille, des restes d’ossement et une tente seule au monde. Vivre en ne pensant qu’à l’instant présent, car le futur est trop fort, trop insurmontable pour qu’on puisse, ne serait-ce qu’une seconde, y penser ! Cette vie à la minute en se disant, là, maintenant, je suis bien. La déferlante, le courant contraire, les averses de neige, la glace qui bloque la route, la crasse qui ne te lâche plus, un quotidien de gladiateur, certes, mais qu’est-ce que cela fait grandir. La moindre miette de vie, devient spectaculaire, le moindre oiseau qui se pose à portée de prothèse vaut toutes les chansons d’amour de la planète. Au bout d’un temps les aléas deviennent ton quotidien, ils prennent moins de place. Un ruisseau devient une salle de bain 5 étoiles, une brise de sud-ouest chassera les nuages de moustiques, une morue trop curieuse t’offrira un repas de milliardaire. La vie simple devient sublime, les petites choses sont enfin appréciées. Les mots me manquent pour vous décrire ces 9/10éme d’iceberg. Un tsunami m’a coupé la route, il m’a appris à dire non, d’ailleurs sans lui très sincèrement je ne pense pas que j’aurai continué, de toute façon je ne le saurai jamais. Le retour sur mes pas a été salutaire, encore une leçon de vie. A l’aller j’avais peur de l’inconnu, au retour malgré le manque de nourriture seul les vents contraires m’ont gêné, le reste était plus facile. Lire la mer, comprendre la glace, là –haut il me faudra une vie pour apprendre. Mon arrivée au village d’Oqaastut fut spéciale, un mélange de soulagement et une folle envie de poursuivre ma vie de nomade, mais la raison m’a fait poser mon sac. 42 habitants qui d’un coin de l’œil ont observé sans juger, le blanc boiteux s’installer. Ici on ne te cause pas pour rien dire, même se serrer la main c’est un « truc » en trop. Chacun survit en harmonie avec la saison, ici pas de printemps, ni d’automne. Un été de 4 à 5 semaines et le reste c’est un hiver qui forge les hommes. J’ai dû apprendre le protocole local, à mon tour j’ai beaucoup observé pour comprendre, je n’avais pas le choix puis par moments des contacts m’ont apaisé, j’ai appris à être silencieux, a ne pas parler fort, à cultiver le mutisme dans la conversation, mon comportement à du les convaincre que je n’étais pas un conquérant et que je ne le serai jamais… Ces 3 mois se sont envolé, j’ai eu la joie de les vivre intensément, je vais y retourner car j’y suis bien, la remise en question quotidienne m’est bénéfique, les chemins faciles m’ennuient, le confort a le pouvoir de nous ramollir, là-haut c’est une existence de Free-man, sans contrainte.

Avant de refermer ce livre, des partenaires fidèles et amis m’ont permis cette expérience et je tenais à les remercier.

Merci à Columbia, qujanaq Charlotte. Merci à Nautiraid, qujanaq Véronique. Merci aux Glacières d’Ajaccio, qujanaq Pasquale et Pierre-Marie. Merci aux centres de prothèse Lagarrigue, qujanaq Alain et Ludo.  Merci à 66° Nord, qujanaq Quentin. Merci aux mécènes qui veulent rester dans l’ombre. Merci à France Bleu RCFM, qujanaq Jean-Charles. Merci à Audrey, web-sister du journal de bord. Merci à Corse-Matin, Qujanaq Nadia. Merci à Patrick, animateur du groupe facebook Boutdevie. Qujanaqsuaq, Julien, Charlotte, Ben, Steen, John, Ole, Bertheline, Brieuc, Sigvard, Zia, aux chasseurs et pêcheurs inconnus qui m’ont offert le kaffi (café) et un morceau de viande…

 Qujanaqsuaq à vous tous qui m’avez envoyé des messages de soutien, merci du fond du cœur… Je vous à dis très vite pour de nouvelles aventures Bout de vie.

La vie n’est pas que la réalisation de ses rêves, la vie est une succession d’émerveillement à nous d’en être les chercheurs, puis les preneurs…             

KIFFAANNGISSUESQ (homme libre)

 

Le retour

11 septembre 2017

Le petit village d’Oqaastut est déjà dans mon sillage, en transit à Ilulissat, les avions , qui d’avance ont déjà du retard ,vont me mener vers une autre cabane, où je vais retrouver avec joie tous mes potes et peut être encore de la chaleur. Darwin disait: Ce ne seront pas les plus forts, ni les plus riches qui survivront mais ceux qui s’adapteront.  Cette leçon est ma devise depuis bien longtemps alors je vais m’adapter à une existence méditerranéenne, le soleil, l’eau de mer chaude et le monde un peu partout, mais c’est aussi ça la vie, alors j’y vais en chantant. Ce soir le temps me manque pour vous dire merci de vos messages, de votre soutien, régulièrement vos missives m’arrivaient par mail satellite, cela me faisait souvent sourire, cela me réchauffait quand la solitude et le vent du nord me glaçait les os,  je suis heureux et fier que cette aventure fût aussi un peu la vôtre. De ma cabane en Corse je vous ferais un petit briefing de ces 3 mois passés en terre Groenlandaise.

Takuss

Avant de partir …

10 septembre 2017
 
Comme par recueillement, une troupe de baleines est venue ce matin au lieu même où hier, l’une de leurs sœurs fut dépecée. Un moment qui m’a glacé le dos, comme si elles venaient lui rendre hommage. Les hommes, la nature, la cohabitation n’est pas toujours si simple. Vivre ou survivre disait la chanson de Balavoine…
 
Dernière journée entière à Oqaatsut, demain je vais commencer ma migration vers le sud. Mon kayak m’a demandé toute mon attention, dessalé, contrôlé et surtout remis en état, il passera l’hiver ici.  Je suis un peu triste de laisser mon compagnon de baroude là, mais je crois que c’est sa place, il porte un nom Groenlandais, c’est dire s’il est fait pour vivre sur cette terre de glace et de rêve. Le bateau que j’ai mis à terre hier a besoin d’un dernier petit boulot de finition. Son armateur n’est pas encore au courant, mais je sais que mes deux coups de sika et quelques vis en inox ne seront pas de trop. Mais le vent d’est (kangia) est violent, mes mains, une fois de plus, semblent vouloir tomber. Concentré, j’arrive à finir mais pas sûr que le mastic ne tire avec cette température négative.
 
Sur le retour vers la maison, les 4 gosses du village jouent au ballon en se moquant du froid, je me sens vraiment délicat, une vraie chochote en vadrouille
polaire ! Alors je bricole, je range, le vent se renforce, je me dis qu’aujourd’hui à part deux bourrasques, il ne se passera pas grand-chose. Mais ici, chaque jour c’est différent. Déjà, Steen and brother ramènent chacun de leur côté, un renne, puis un phoque. Le vent fort pour eux c’est un truc à touristes, ok, je m’incline. Mais ce n’est pas fini, trois petit bateaux flambants neufs tentent de s’amarrer non sans difficulté au ponton flottant. Tous équipés de combinaisons fluos, je me demande quelle sorte d’estivants cela peut-être par ce temps d’ours polaire. Par deux, ils partent en éventail dans le village, c’est midi, j’ai autre chose à faire que de « curioser » ! Mais on tape à la porte, oh non, encore des photographes de slip au vent ! Mais pas du tout, ils me parlent en groenlandais malgré leur aspect scandinave. Par ce froid, je les fais rentrer, à noter que je suis en t-shirt, et cela a de l’importance, vous allez comprendre bientôt. Jeunes, ils habitent depuis peu à Ilulissat, ils sont tous les deux suédois et ont une mission sur la côte nord-ouest du Groenland. Je leur demande s’ils sont scientifiques, s’ils font un sondage, s’ils viennent s’informer sur la reproduction des chiens de traineau, s’ils veulent faire une interview de la seule mascotte à mauvais caractère qui
squatte le bled… Et ben non, rien de tout ça ! Ils me font remarquer que j’ai autour du cou la croix en bois symbolisant le Christ. Là, je leur coupe la parole, je ne suis pas du tout chrétien pratiquant, ce talisman m’est remis comme un rituel par «mon» Dume avant chaque expédition, ma religion est la liberté. Je ne comprends plus rien du tout. Deux touristes débarquent dans la cabane et me disent que je porte la croix : mais je deviens dingue, ou quoi ! Puis de leur cartable, ils me sortent un prospectus en groenlandais. Tilt, j’ai compris ce sont des prêcheurs témoins de Jehova. Incroyable, à 400km au nord du cercle polaire, là où quand t’es une baleine ou un phoque, t’as intérêt à avoir un gilet pare-balle et un casque lourd. Ici, où quand tu t’appelle Rodolphe et que t’es copain du père Noël, tu vas finir en ragout de renne. Alors, je les fais assoir et leur offre l’hospitalité. Ils me parlent de religion, je leur cause d’amour, ils me parlent de Dieu, je leur explique le vent, le froid, la solitude, ils m’invoquent le Christ, je leur décris les qivitoqs. Puis je me lance : la liberté, la religion qui tue, quand on croit c’est que l’on n’est pas sûr, dans la vie il ne faut pas croire, croire c’est les doutes et la vie se vit
sans doute. Ils ne causent plus, me demandent si j’ai un site internet, si j’ai écrit des bouquins. Ils sont choqués, je leur demande s’ils veulent manger avec moi, mais ils doivent reprendre leur mission. Sur le pas de la porte, avec un beau sourire, je leur lance, vous venez de rencontrer un Freeman, ça c’est la vie. Bonne chance…
 
Je reprends ma cuisine, incroyable si loin de tout, j’ai l’impression de retrouver les écrits de l’ancien temps. Hier, des tueurs de baleines sont venus faire leur besogne, aujourd’hui on essaie de me convertir, exactement comme au XVIIIIème siécle.  Il ne manque plus que Knud Rasmussen passe et on sera au complet.
La pluie, le vent, le froid se renforcent. La petite maison est en ordre, Immaqa est en sac, tout est bien protégé, cet hiver sans chauffage, la température sera négative, je sens qu’elle va me manquer, et si je laissai Jo Zef pour la garder ?
A pluche…

Eqqusaq (oursins)

7 septembre 2017
 
Les similitudes avec mon ancienne vie d’ermite aux îles Lavezzi et ici à Oqaatsut est par moment assez déconcertante. Pas trop loin d’Ilulissat comme je l’étais de Bonifacio, le seul frein qui me bloque à me déplacer en ville est le monde et le bruit. Alors, comme un robinson, je dois m’inventer ce qui me manque et dans une grande maison remplie de «vieux trucs», c’est assez facile de se transformer en «Géo Trouvetou». Ma cuillère à soupe bidouillée pour ramasser les oursins ne me convient pas, c’est plutôt un exercice de cirque que de la pêche. alors je m’invente l’outil parfait, trois clous de très grande taille avec un peu de bois et de ficelle seront la recette de la réussite. Ni une ni deux, me voilà de nouveau en mer dans un autre spot, le vent du nord est «kaput», ouf, c’est un invité collant et froid. Euréka, ça marche du tonnerre de Dieu. Encore et toujours, ils sont remplis à bloc et personne ne les ramasse.
 
De retour au port, un Oqaastutois (rires), vient à ma rencontre, il me tend la main pour m’aider à rejoindre le ponton encombré de caisses de pêche et de glace.
Maintenant, tout le village sait que j’ai une patte en moins et que descendre sur un quai givré pourrait me voir en mode «brasse coulée». Pour ici, ce geste est énorme, je me sens de plus en plus intégré, mais je dois rester vigilant pour ne pas commettre d’impair.
 
Mon pot de verre rempli de corail d’oursin, je rejoins la cabane pour un café bien mérité. Je ne veux pas y penser mais le départ est pour bientôt, alors je profite du mieux que je peux. J’ai des bricoles à finir avant de partir, le dernier chantier est de retrouver les portes des pièces et de les remettre en place, je ne suis pas sûr qu’un autre hiver dehors leur ferait du bien. Toujours dans les restes de la maison, une ponceuse électrique semble m’attendre mais je n’ai pas d’électricité. En face à quelques pas, Sigvard et Ole restaurent la maison communale, je vais leur squatter la rallonge. A leurs côtés, je ponce, gratte et huile les serrures, les gars sont devenus ouverts, ils essaient de m’apprendre des mots groenlandais mais que c’est dur. Hier au repas, je leur avais offert les casquettes que Karin m’avait ramenées de Corse, c’est trop drôle de les voir porter les emblèmes du port de Pianottoli, et en plus ils en sont fiers ! La journée se passe à merveille, le vent est nul et un semblant de chaleur me décongèle. Ole, lui, va rester une grande partie de la journée en T-shirt. Et dire qu’on dit de moi que je ne suis pas frileux !
 
Vers 16h, un gros bateau brise le silence. De je ne sais où, un groupe de 10 photographes envahit le hameau. Je suis curieux de voir la réaction des villageois. En un claquement de doigt, les sourires disparaissent, les objectifs visent tous les angles, aucun pingouin ne dit bonjour, j’ai l’impression de les voir dans un zoo. J’essaie de me mettre à la place de mes copains, ils sont pacifistes comme personne au monde, même le Daï-Lama paraîtrait pour un casseur en comparaison d’eux ! Ils ne disent rien alors qu’en face, ça canarde à tout va sans même les calculer. Il est 16h30, j’ai l’excuse du «goûter» et moi aussi je m’échappe. Mais de ma fenêtre, ce n’est plus un iceberg que je vois mais une vieille taupe qui prend en photo mon slip usé qui sèche. Là, le fil bleu touche le fil rouge, je ne suis pas eskimo donc je peux. Jo Zef se bouche les oreilles, virée la british, au moins elle aura un truc à raconter en cochant le pays qu’elle viendra de visiter. Et dire que je vais retrouver les mêmes dans quelques jours mais au multiple mille. Leurs cartes HD pleines, ils repartent sur leur bateau vers un autre zoo ou jardin d’acclimatation, les pôvres, ils me font vraiment de la peine…
 
Le village reprend son calme, un copain passe me voir juste pour m’offrir un sourire, je crois que mon coup de Trafalgar l’a bien fait rire… Avant le diner, je vais refaire un tour pour deux ou  trois oursins, c’est vrai qu’ils sont bons.
 
A pluche…

Invités de marque

6 septembre 2017
 
Malgré les -5° de ce matin, l’appel du large est plus fort que tout, pourtant le souffle du nord me demande beaucoup de courage pour sortir de la maison si bien protégée de l’avannaa (vent du nord). Seul au monde, je me régale, la houle est dans le sens du blizzard mais mon sillage me mène vers un fjord plus ou moins protégé. Des icebergs vont me servir de brises-clapot naturels, derrière je n’aurai qu’à dérouler ma ligne à morue pour faire les courses. Les premières prises sont trop petites mais la troisième sera la bonne. C’est fou comme ça peut-être facile ici de remonter du poisson !
 
Dans une échancrure en face de mon étrave, la mer est complètement plate, c’est là où je vais me servir en oursins. Mais une autre surprise m’attend, la mer commence à geler ! Des plaques de glace ressemblant à des nénuphars se forment tranquillement. En coupant le moteur, un gazouillis se fait entendre, l’océan Arctique commence à se figer. Comme un gosse devant un parc d’attractions, je suis aux anges, la vie ici est fantastique, jamais une journée n’est égale à l’autre. Pendant une bonne heure, je suis au milieu de ce décor si peu banal pour le méditerranéen que je suis. Puis je reprends mes esprits, la cueillette des oursins est au programme du jour. Hélas, je n’ai pas de griffe à oursins mais avec une cuillère à soupe bricolée, fixée au bout d’une longue perche, j’arrive à remonter quelques spécimens. En Corse en hiver quand la saison est ouverte, le froid m’a quelquefois demandé beaucoup de détermination mais ici, tout en ayant les mains dans l’eau depuis plus de deux heures, je ne souffre pas du tout. Je réalise à quel point le corps peut si rapidement s’adapter. Chaque pièce est remplie à bloc, je n’ai jamais vu ça et le gout est vraiment identique aux oursins que je connais chez moi.
 
Le vent se renforce, il est temps de rentrer. Au petit ponton flottant, où tout le monde s’amarre de manière anarchique, le bateau d’Ole accompagné de Siiva est là. Ce sont les charpentiers qui retapent le toit de la maison communale. M’entendant arriver, ils m’invitent au kaffemik, au chaud dans leur vedette. C’est l’heure du «spuntinu», pain, beurre, fromage et charcuterie avec des litres de café pour prendre de
l’énergie, on ne rigole pas avec le casse-croute, Jo Zef le confirme !
 
Avant de partir, je leur rappelle que pour le déjeuner ils seront mes hôtes et que c’est pour eux que j’ai fait les «courses». A midi pétante, ils rentrent à l’abri du vent qui s’est renforcé. Au menu, omelette d’oursins et morue à la provençale. Bien qu’en chantier, le coin repas est sympa et avec un peu de chance, j’ai réussi à me procurer du coulis de tomate et de l’ail. Au moment d’attaquer les hostilités, on frappe à la porte, Julien est de passage, pas de souci, je rajoute une gamelle. Dans la bonne humeur, nous papotons dans un anglo-groenlandais un peu charabia. Voilà comment se passe la vie à 400 km au nord du cercle polaire dans un petit village de 42 eskimos bien sympas…
 
A pluche

Comme un rêve les yeux ouverts

5 septembre 2017

Ceci n’est pas une photo de Frank mais un cliché d’illustration trouvé sur le net.

 
J’avais déjà 29 ans quand je découvrais les joies de la lecture, mon premier livre était le Petit Prince. Je ne sais pas si c’était d’avoir renoncé à la vie que j’avais à cette époque mais le fait d’avoir largué les amarres m’avait rendu encore plus à fleur de peau que je ne l’étais et la lecture des écrits de St Exupéry m’avait énormément ému. Le Petit Prince, c’était moi, celui qui posait de drôles de questions, celui qui remettait les hommes à leur juste place et cette dernière nuit fut comme un conte d’enfant grandeur nature…
 
Il était une fois, un homme solitaire qui vivait dans une cabane près du Pôle Nord. Tous les soirs, il dessinait des fleurs et des arbres, car là où il était ce n’était que glace, blizzard et rien ne pouvait y pousser. En fin d’été, les premières nuits rendaient encore plus glacials les alentours de sa chaumière mais curieux comme un jeune enfant, en plein milieu d’une nuit très noire, il eut envie de sortir chercher son étoile. La lune était quasiment pleine et les étoiles profitaient d’un fort vent du nord pour scintiller, mais quelque chose d’encore plus surprenant le faisait vaciller. Là-haut, tout près des anges, un rideau de lumière l’hypnotisait…
 
Cette nuit, vers 2h30, quelque chose m’a attiré dehors, pas de pierre à rajouter aux abords de ma tente, pas de kayak à remonter pour cause de forte marée ou de houle violente, juste une envie de voir la nuit polaire. Soudain devant moi, dans mon nord-ouest, un rideau de lumière semblait tomber du ciel, une douche de lueur, une aurore boréale m’offrait son spectacle. Je ne sais quoi vous dire, j’étais figé sans voix, un miracle de la vie m’était offert. Je ne sais plus combien de temps je suis resté dehors mais ce moment restera gravé jusqu’à la fin de mes jours. Bien sûr, j’ai longuement cogité à un vœu, j’en suis certain, il se réalisera. Ma vie de baroude m’a fait vivre des moments forts, des levers et des couchers de soleil, j’en ai vu des extraordinaires, mais là, c’était un rêve les yeux ouverts.
 
Tous les peuples boréaux ont leurs légendes sur ce phénomène naturel, alors pourquoi ne pas créer le mien ! Ce rideau de lumière est un voile magique, seuls les rêveurs et les fous de liberté peuvent le voir, si quelqu’un veut s’en imprégner, il doit jeter son manteau d’adulte morose et calculateur pour être enfin libre, ce qui lui fera voir l’invisible…
 
Voilà une légende de plus, mais celle là, c’est la mienne : made in cabane !
Un autre mystère vient d’être élucidé, depuis ce matin j’étais à la recherche des cures dents en bois, j’ai trouvé le voleur. Jo Zef, en douce, est en train de faire des petites croix pour tous les moustiques qui sont en train de mourir de froid. -5° au réveil ce matin !