Tout est à sa place, rien n’a bougé, le potager a survécu à mon absence et le torrent suit son cours…de philosophie. Le tipi caché au bout de la vallée perdue est mon repaire de corsaire des bois. En bas, comme disent certains, la saison a commencé, camping-car et bateau de location se battent le droit de son bout de corse. Là-haut j’y ai tout le confort possible, silence, paix et sérénité sans aucune chance de croiser un bruyant ! Le pays d’Apoutiaq n’est déjà qu’un souvenir, il sera une image de référence de plus. Mais comme à chaque retour la machine à cogiter s’emballe, des projets ont débarqué au pied de ma prothèse, alors il faut gérer, éviter le trop plein d’envie, je deviens un boxeur esquivant les uppercuts. Mais tout est possible, presque tous mes rêves se sont réalisés, alors pourquoi pas ceux-là ! Les mascottes sont attentives dans leur balançoire de fortune, pour elles, l’aventure c’est leur quotidien, alors au fond d’un sac étanche ou d’un duvet dans un bivouac du bout du monde, c’est toujours Ok. Vous voyez mon esprit d’enfant me colle à la peau, je rêve les yeux ouverts car demain il sera peut-être trop tard. Véro qui est venue me rejoindre, sait, sent, l’oiseau de mer qui sommeille en cette âme écorchée vive. Je lui déploie une carte du Groenland, je lui explique ces mois de solitude, lui argumentant cet autre projet de partage, sans effort elle embarque dans mes délires polaires, pas une seule fois elle ne veut quitter le bord. Ce n’est plus un dessin monochrome, mais une aquarelle issue d’une palette complète. Faites-gaffes, avec un peu de malchance, vous mes chers lecteurs, serez capables d’embarquer dans mes délires. Niko en ce moment traque avec une équipe télé l’ours blanc au Svalbard pour une future émission, être guide polaire a ses exigences. Un soir entre la tranche de jambon et les gosses qui jouent avec leur gadget électronique, certains verront la vraie vie de l’ours mangeur d’homme ! Mais les rêveurs vont se recroiser, les frères de glace vont peut-être bâtir des projets, des trucs que personne n’avait pensé, des balades improbables au pays du silence. La solitude se dispute avec la partage je ne sais pas qui aura le dessus. Pour la méditation, imaginez : des semaines à pagayer sans causer qu’avec vous-même. Puis une immense plage de galets noires surgit à votre étrave où une mère Ours s’inquiète de ses rejetons nageant non loin d’une bande d’orque, là-bas au fond un glacier et vous qui allez monter votre bivouac. Puis au bout du long voyage un « vrai village » groenlandais avec ma Vrai et un groupe de jeunes différents. Le partage a sa besace de rêves aussi : Une baleinière groenlandaise retapée, équipée plongée-croisière pour chasser les trésors du clan d’Erik le rouge. Des sites vikings pas encore fouillés et deux glaçons aux bonnets rouges qui se transforment en chercheur. De temps à autre des gamins un peu malmenés par la vie pourraient y poser leur sac, pour vivre l’instant présent. Je vous laisse votre douche chaude, le frigo plein, le chauffage dans la chambre mais donnez moi un horizon d’icebergs, une côte sans les hommes, une plage abandonnée polaire. Oui je sais, je suis incorrigible, pourquoi devrais-je changer, c’est tellement bon d’être un homme libre.
Pendant mon absence le Festival Curieux Voyageur de St Étienne a décerné le Prix littéraire 2014. Le lauréat est mon dernier livre Ayeltgnu le défi d’une vie debout. De la région parisienne et du Rhône Alpes, environs 200 lecteurs ont voté pour mes écrits. Par ce billet je tenais à les remercier du fond du cœur.
A pluche.