Le clavier me suit souvent mais pas aussi assidument que mes blocs notes...
Lorsque la mémoire était la seule écriture, l’homme chantait. Lorsque l’écriture naquit il baissa de voix. Lorsque tout fut mis en chiffre il se tut. Robert Sabatier.
Piètre élève je collectionnais les mauvaises notes, ma fierté résidait quand ma classe éclatait de rire sur mes bêtises. Une perle de mes frasques ; au lieu d’écrire un aviron, je gribouillais un naviron. Il se pouvait que les navires aient des enfants !!! Une évidence qui ne l’était pas pour mon prof de français. La vie active très tôt m’éloignait des bancs d’écoles que je trouvais insipides et sans intérêts. Je préférais monter des murs de parpaings en rêvant en douce de grand voyage. Mes lectures ? Il n’y en avait pas, la seule BD qui arrivait à me faire tenir assis plus de deux minutes était Asterix et Obélix, Tintin était déjà trop élaboré pour moi, je n’y prêtais aucun intérêt. Puis à dix huit ans je devançais l’appel, une petite voix me faisait remplir un journal de bord. Mes potes m’écrivaient des mots pour ces longs mois d’absence, ma tante me souhaita de prendre mon pied ! Puis l’accident, une page blanche et j’écris un texte, pourquoi ? Je ne sais pas ! L’amiral vient à mon chevet, je suis sous morphine, en attendant que je sorte du cirage il lit mon premier poème, il sera édité dans le magazine de la Marine Nationale. Mon premier cahier se remplit mais ce n’est qu’un embryon d’écriture. Je ne lis toujours pas, l’ouvrage de Patrick Segal sera le seul livre avec celui de Gérard d’Aboville, l’Atlantique à bout de bras, comme quoi, rien n’est anodin. A 29 ans je sors de ma croute et décide de me prendre en main, je quitte mon emploi familial, la p’tite copine du moment et le bel appart vu sur la mer, je veux devenir ce que je suis et non ce que les autres désirent pour moi. Je lis mon premier livre en prenant mon temps ; Le Petit Prince de St Exupery. Je pleure, je suis fasciné, c’est moi cette histoire, je suis Le Petit Prince boiteux. Je remplis un cahier entier, j’écris une histoire qui lui ressemble étrangement, ça y est j’ai la plume qui pousse. Je la conte à quelques intimes, tout le monde pleure, sanglote : « mais elle est magnifique ton histoire ! » Quelque chose germe en moi. Je prends la mer mais pas seul, je me remets dans un carcan, avec une personne qui me rappelle sans cesse que je n’ai aucune culture, alors je range mon stylo, de temps à autres j’écris un petit article pour le magasine Voile et Voilier sur mon odyssée mais rien de transcendant. Quatre ans et je retrouve enfin ma liberté, je reprends la lecture, ce n’est pas facile quand on est un hyperactif mais certains ouvrages commencent à m’apporter un semblant de plaisir, je griffonne des cahiers. Puis à quelques jours du départ de notre traversée océanique à la rame un sponsor de dernier moment débarque. Il joue le jeu mais il faudra écrire un journal de bord depuis l’océan !!! Apprentissage du PC et de l’écriture tout en ramant, Jo Le Guen me l’interdit, je lui ris au nez ; je sais, Cabochard le garçon ! Je découvre le partage par l’écriture, je deviens accroc, addict, tous les soirs un détail de la journée est envoyé, des milliers de gens de l’autre côté de leurs écrans vivent l’océan, l’embrun rentre chez eux, leurs mains sont aussi calleuses, le mal de mer les fauche, certains y trouvent une sorte de liberté. Mademoiselle L virevolte aussi au dessus de leurs têtes, cela devient une thérapie. Six mois plus tard un appel, une dame me demande si j’ai des notes sur mon bout de vie, elle serait intéressée de les lire. Je dépose mes calepins aux éditions Arthaud, on me rappellera d’ici un mois. Deux jours après l’éditrice veut que je signe le contrat, je suis abasourdi, autour de moi je me confie on me dit de foncer. Mais voilà ce n’est pas mon écriture qu’on veut mais le récit de ma vie. Un collaborateur m’est remis d’office, Rémy Fiere rédacteur en chef de l’Equipe Magazine devient un confident. Le pauvre homme lit mes 400 pages écrites bout à bout avec des milliers de fautes, de ratures, de répétitions, de non sens. Le grand journaliste devient un ami, il aime mes mots, il sait les remettre en place, il me donne confiance, je prends avec lui des cours de français, je veux devenir bon élève. Sa maison est mon école, nous rions beaucoup, un déclic, je me dérouille la cervelle. Ma biographie sort dans une belle collection, je suis fier, n’y voyais aucun jeux de mots ringard de ma part. Livre de Frank Bruno avec la participation de Rémy Fiere. Il me dit : le prochain tu le feras tout seul ! Je deviens boulimique d’écriture et de lecture, j’essaie de me varier, c’est le domaine de l’aventure qui me tient le plus en haleine, mes mots s’éclaircissent, prennent de l’étoffe. Cela m’est plus facile, Véro passe du temps à m’expliquer mes fautes, je suis un bosseur alors j’écoute, je prends note. Mes aventures se succèdent, journal de bord, lecture, je m’aguerris, je me sens à l’aise mais pas encore libre. Puis je tombe sous le charme des écrits de Sylvain Tesson, je lis tous ses bouquins, je les relis puis le miracle je le croise et le recroise encore, on devient pote, je veux tout savoir à son insu. On skie ensemble mais j’ai mon carnet sous mes moufles. On est jury d’un festival de film d’aventures, j’ai ma frontale pour noter ses « trucs » dans la salle obscure. On me demande d’écrire des articles sur le thème de l’aventure, j’aime bien les défis, je gratte, j’efface, je regratte, je re-efface… Mes nuits deviennent plus courtes, si mon calepin n’est pas à porté de main je deviens le fumeur sans sa dose de nicotine, invivable. Si mon pense bête est dans le fond de mon sac étanche je demande à la terre d’arrêter de tourner un instant pour le récupérer. Les oiseaux le savent, si je ne siffle pas avec eux c’est que je n’ai pas de quoi noter. J’archive des heures qui passent. Tenir un journal féconde l’existence. Je suis vert de rage, ce n’est pas de moi mais de Sylvain ! Puis je lis d’autres ouvrages, je rencontre de plus en plus d’écrivain voyageur. Philippe Sauve me remet une couche, je dois écrire un article sur lui, il viendra me demander l’original de mon gribouillis, lui qui est écrivain. Je sens un truc qui se fissure, ma carapace de cancre laisse passer le papillon de la plume, je prends confiance, j’ose. Alors j’écris jour et nuit, je deviens l’esclave de mes mots, paradoxe j’étais esclave de mes maux, le son n’a pas changé mais c’est le fond, normal pour un plongeur me direz vous ! Je commence à comprendre l’importance de la ponctuation, l’apostrophe devient mon oiseau, la lettre mon cairn il ne faut se tromper, vous imaginez ; l’amour deviendrait rapidement la mort. Importance de l’apostrophe, de la lettre, de la terminaison. L’écriture semble me rendre les pièces du puzzle de ma vie, une sensation qu’avant ça il n’y avait rien, une page blanche sans crayon pour la marquer, la griffer, la noter, l’aimer. L’écriture devient un acte d’amour, parfois un peu soumis je me remets doucement de ces ébats puis je deviens chevalier de croisade, mon armée suit ma plume. Zut je flanche, ce n’est pas bon, mes mots m’ennuient, j’ai envie de pleurer je ne suis qu’un simple gratteur de papier, les arbres m’en veulent, leurs frères sont tombés pour rien, le loupeur de mots les a mis à la corbeille. Puis je n’ai plus peur du noir de mon encre, et je pars à la recherche d’un Freud égaré, je fauche l’ombre de quelques poètes, puis la révélation je n’ai plus besoin de suivre, je trouve ma voie, mon style, certains diront. Mon métier à tisser est en place, je vais tenter d’y mettre des bouts de tissus multicolores. Mon deuxième livre est dans les bacs, j’ai changé d’éditeur, je ne veux plus de guide, I’m a free man, alors je veux et j’exige, je veux et j’exige, c’est dur à dire mais encore plus à faire ! Bernard Biancarelli me fait confiance, il accepte mon fascicule, sa mise en page, ses photos, son p’tit logo tinglit. Je suis fier mais craintif, le public est le seul juge. Je reçois des mails des quatre coins de France et des pays francophones : livre introuvable, pas disponible. Je gueule sur mes éditeurs, ils ne comprennent pas, de toute façon il n’y a rien à comprendre, rupture de stock tout est parti en trois semaines et sans pub !!! Mes mots se sont envolés, ils ne m’appartiennent plus, ils sont chez eux, chez vous peut-être. Mes mots à moi, mais mon émoi est à moi… Incroyable qui l’aurait cru, le cancre écrit des livres qui se lisent. Mon calepin bleu est là, ouf ! Quelques mots pour vous. Tiens celui là, il n’est pas mal, non, l’autre ! Non, plutôt celui-ci : L’égaré suit des traces et non des preuves, c’est pour ça que j’écris. Ça c’est de moi et toc c’est entier et pas un « Tesson » ! Je suis au pied du mur, j’ai l’envie d’écrire qui est ancrée, sans jeux de mots, quoi que ! Alors j’ai encore et encore à apprendre à découvrir, si j’ai couru le monde c’est pour comprendre les hommes et leurs maux maintenant à moi de me découvrir pour comprendre les mots, les miens qui deviendront les vôtres.
La lecture m’a porté au seuil de la liberté, l’écriture m’en a fait franchir la porte.
Re moi et tac !
Ps : J’attends de pied ferme vos critiques du dernier livre, je compte sur vous pour grandir.
Vendredi 23 novembre je signerai mon livre à Menton à la Maison de la presse des jardins Bioves entre 17h et 19h
Samedi 1 décembre à la librairie l’Album à Bastia à partir de 17h.
Samedi 15 décembre au stand E 71 Nautiraid au salon nautique de Paris porte de Versailles de 15h30 à 17h30.