Camp Rodebay

20 juin 2017

 

La journée d’hier a été une sacrée épreuve : les explosions des icebergs qui se brisent nous ont un peu tendus, la mer,malgré une belle brise de sud, nous a fait comprendre  la tâche immense qui nous attendait.

 
Hier soir nous avons squatté la cabane de Julien.  Elle est en état de rénovation mais nous avons réussi à nettoyer le dernier étage pour le rendre vivable. Une nuit réparatrice qui fut la bienvenue. Un deal est en train de se monter, un rêve de plus que je vais enfin réaliser, cette maison sera la nôtre, la vôtre puisque j’ai décidé de l’acheter à Julien. Elle sera mon refuge d’été et suivant les finances de Bout de Vie, de jeunes adhérents pourront la partager pour de belles aventures. Mais avant ça je dois tenter d’aller au bout de ce long voyage.
 
Karin le sait, il ne nous reste que quelques jours et elle rentrera en Corse, Après son départ un Everest m’attend mais un pas après l’autre.
Ce matin brouillard et crachin, la température avoisine les 4°. Karin est courbaturée, de mon coté la barre intercostale qui m’a tenue toute la journée d’hier semble se calmer mais nous avons décidé de rester là pour nous organiser un peu mieux. Steen, mon binôme de notre dernière balade avec les jeunes de Bout de Vie, habite ici. Nous lui rendons visite. Pas de grandes expressions de joie mais son accolade m’a beaucoup touché. Un café sur la table et quelques gâteaux comme traditionnel accueil. Bien sûr nous avons parlé du drame que vit la région d’Ummanaq; sa compagne a de la famille là-bas, la chute de montagne dans la mer qui a provoqué un tsunami a endeuillé plusieurs villages que je devrais accoster d’ici quelques semaines…
 
La journée est paisible, rien à voir avec la fourmilière d’Ilulissat, ici pas de voiture pour 45 habitants, le Groenland a gardé son âme de vie au ralenti…
Demain nous allons reprendre la route pour le nord…
 
PS : Pour les adhérents Bout de vie commencez à vous préparer pour l’été prochain, je vais avoir besoin d’ouvriers qualifiés pour rénover la « « maison bleue du grand Nord ». En attendant un autocollant Bout de vie décore déjà la porte.

Camp de la fatigue

20 juin 2017
Une journée interminable, une sensation d’avoir vécu une vie en seulement 24h. Ce matin au réveil mon corps ne veut plus. Paralysé du dos à chaque respiration j’ai l’impression d’avoir un fer rouge qui me laboure les côtes. Le moral semble vouloir quitter le bord mais c’est mal me connaître ! Il me faut relativiser, si j’ai créé ce blocage c’est juste mes maux qui l’ont provoqué alors cherchons. Karin me prodigue des massages avec une séance de respiration, l’instant présent et uniquement. Depuis quelques mois mes engagements m’ont demandé une énergie folle, chaque semaine a eu sa part de conquêtes, de dossiers à peaufiner, de rendez vous inloupables et là aujourd’hui, vu que c’est le départ mon corps m’a fait un clin d’œil… Mais voilà, pourquoi gémir, alors qu’il suffit d’une bonne dose de détente pour rendre à l’échine nouée toute sa flexibilité.
Julien est inquiet, non par mon dos cassé mais par les tsunamis qui ont ravagé la région plus au nord à 400km d’ici. Ce ne sont pas des tremblements de terre comme on a cru au départ mais des éboulements gigantesques d’une montagne qui ont tué de pauvres gens…  Il me faudra 3 à 4 semaines avant d’arriver là haut donc tout reste jouable…
15h30 finalement nous prenons la mer, les kayaks sont chargés à mort, mon dos est raisonnable il m’autorise le pagayage… Une forêt d’icebergs nous barre la route vers le nord. Immaqa et Apoustiak nos deux embarcations, slaloment; le silence nous prend aux tripes, nous devenons petits, petits…  Après 5 heures d’effort nous nous posons sur une berge de Rode bay…
Nous sommes épuisés, laminés mais il me reste un peu d’énergie pour vous envoyer toute la beauté et la force de ce lieu magique… Vive la vie.

Entre ciel et mer…

15 mai 2017

La mer unit les cassés de la vie…

Le port de Pianottoli entre mer et maquis est encore endormi mais à bord du Nomade l’équipage est déjà levé du bon pied ! Les consignes de sécurités ont été données, la manœuvre de départ aura une personne par poste, l’improvisation n’a pas de place à bord. Le vent d’ouest et déjà debout, il sera notre fil rouge de la journée pour nous amener au bout de nos rêves. Audrey est de quart à la barre, le golfe de Figari est déjà ventilé, la sortie s’annonce sportive. La grande voile est hissée, le génois rentre lui aussi en action, la bande d’éclopés est attentives, le rêve devient réalité. Notre route nous amène au sud, le cap de Feno est doublé, les falaises de calcaire, fidèles à leur légendes nous contes la « vraie » histoire d’Ulysse. 20 nœuds de vent portant donne bonne allure au Nomade qui s’engage dans les Bouches de Bonifacio, en direction de l’île « d’en face » la Sardaigne.  A cette saison les mouillages sont encore peu fréquentés, Christophe pose, sur une belle tache de sable, l’ancre du Cata. Le turquoise de la lagune est un écrin de beauté, la vie nous a malmenés mais aujourd’hui elle nous a unis… Après une salade grecque, Méditerranée oblige, les filles prennent possession d’une plage déserte de sable blanc pour une première découverte. Et dire que pour un cheveu, d’ange, nous n’aurions loupé ses moments, si la vie est un présent aujourd’hui encore, elle nous fait un beau cadeau…

Oqaatsut

22 avril 2017

Aux pieds de nos rêves

21 avril 2017

Pilluarit Elisa

20 avril 2017
L’aventure continue pas à pas en nous réservant sa part de surprises. Mais ce matin une de nos aventurière passe le cap des 16 ans. Le temps n’appartient à personne et nos préoccupations de marque annuelle n’ont pas trop de sens ici dans la terre du grand nanoq. Le froid n’a pas quitté les jeunes, la nuit sous tente est une belle initiation à la vie polaire. Le plus beau cadeau que l’on puisse lui offrir est une vie de Freegirl.
Les traineaux chargés, nous continuons notre voyage. La température de – 17° à l’abri est gage d’un beau printemps et d’une bonne glisse. Nous engageons la progression à travers un immense fjord, des icebergs millénaires sont pris au piège, nous pouvons les narguer.
Mais au bout de l’horizon une montagne va nous expliquer ce qu’est de courir derrière les traineaux. Les heures passent, mais pas une fois nous ne sommes lassés de ce spectacle grandiose.
Un autre fjord, d’autres problèmes… Les chiens sont puissants, ils nous impressionnent par leur détermination, mais les mots me manquent pour vous décrire ce que tout le monde ressent.
Ce soir serrés sous nos tentes, nous écouterons ensemble le bruit de la glace. Entre frissons et émotions nous serons aux côtés d’Elisa pour lui laisser le plus beau des cadeaux. Une vraie fraternité qui lui sera un pilier de sa vie future de femme.

Jour de pêche

19 avril 2017

Premier jour

18 avril 2017

Le vent toute la nuit a bousculé notre cabane, le soleil s’est fait kidnapper par des averses de neige et de belles bourrasques de zef. Mais la vie se moque bien de ces « bricoles ». 

Charlotte, épouse de Julien, vient nous récupérer pour nous guider au départ.

Une grande plaine avec des centaines de chiens de race Groenlandaise, est le lieu de la préparation.

Chaque jeune est présenté à son propre musher esquimau. Les binômes sont très importants, le voyage va être engagé.

L’attelage est composé de 15 chiens, les traineaux pèsent au maximum 350 kilos. Là-bas vers l’est une montagne nous barre le chemin. Il va falloir la grimper en courant à côté des attelages.  Le premier col nous glace les os, le vent augmente la sensation de froid, les sourires se crispent, l’inconnu s’invite avec ses craintes.

Maxence ne dit rien mais elle semble souffrir du froid, la journée va être longue… Enfin une cabane rouge est au bout du chemin, les traineaux sont désattelés et le poêle va être mis en route.  Kim comprend à merveille : il sort comme par miracle une paire de kamiq (bottes) en peau d’ours que notre jeune aventurière va chausser; le froid ne sera qu’un souvenir. Les chiens sont enchainés, les sacs remisés mais ce n’est pas fini: il faut trouver une veine de glace pour la découper à l’aide d’une lance appelé « Toq », ce qui nous servira d’eau… L’ambiance est fabuleuse, bien que nos langues soient différentes, celles de nos cœurs nous unissent… A pluche.

Elisa graine de championne…

3 mai 2016
Elisa ou la totale liberté

Elisa ou la totale liberté

 

Depuis 13 ans Bout de Vie tente de changer le regard des bipèdes, sur vous, sur nous, les « raccourcis ». Une longue croisade qui tout doucement donne ses premières boutures, j’aurais pu dire qui dévoile de nouveaux pieds ! Je me souviens d’une petite- fille de 3 ans qui posait sa petite prothèse sur la Galiote, elle venait à peine de perdre sa jambe, sa maman était soucieuse, mais Elisa ne voyait pas pourquoi son entourage s’inquiétait autant, avec deux ou une jambe sa vie ne serait que force et défi. Puis elle est venue aux 10 ans de l’association, je sentais une ado pleine d’énergie et de volonté alors elle a rejoint seule, le stage de plongée deux ans après. Une semaine où, elle a découvert de nouvelles limites, un nouvel horizon. Un jour de grand vent sur la plage arrière du bateau je l’engueulais pour qu’elle trouve sa serviette, car trempée comme un mérou elle grelottait face au mistral. Du haut de ses 12 ans elle me lâchait une tirade que je ne pourrais oublier : Si un jour tu m’amènes dans le Grand Nord il faut que je sache gérer le froid.  Ni une ni deux pour ses 14 ans elle embarquait pour une aventure hors norme. Vivre sur une île déserte de la côte Ouest du Groenland en autonomie complète, elle était la cadette du groupe. Là-bas sur la terre des « Nanoq » elle m’a ému profondément, elle a su s’adapter de manière remarquable. Nos journées étaient composées soit de balade en canoë, soit de randonnée en terrain très accidenté. Une muraille encerclée l’île et pour rejoindre le haut plateau à 600Mts au-dessus du niveau de la mer il valait crapahuter sur des corniches assez vertigineuses. Son emboîture l’avait blessée, mais pas une seule fois je ne l’ai entendu se plaindre, pas une fois je ne l’ai vu grimacer. Après 3h de marche nous trouvions une montagne sans nom, depuis sur l’île d’Ataa un sommet s’appelle le mont Elisa. Le retour en France, après de si belles expériences, permet de comprendre dans quel luxe nous vivons, dans quel confort nous évoluons. Alors Elisa encore plus forte, encore plus haut, continue sa vie de jeune femme et hier la une du quotidien régional Sud-Ouest lui a consacré un bel article dont voici un extrait qui m’a beaucoup touché :

L’adolescente, d’une maturité impressionnante, a même participé à des stages de survie, dont un au Groenland, avec l’association Bout de vie. « Je suis devenue plus volontaire, curieuse, résistante. Abandonner, ce n’est pas dans mon état d’esprit. Et quand je vois une personne valide abandonner parce que c’est dur, je l’encourage à continuer. »

Cliquez ici pour voir la totalité de l’article.

Pour conclure ce billet, je tiens à remercier toutes les personnes qui de prêt ou de loin permettent à Bout de Vie d’œuvrer dans ce partage si essentiel. Bout de Vie n’est pas là pour assister les amputés, Bout de Vie a la seule vocation de permettre à qui veut de vivre plus fort qu’avant.

Que Dieu vous prothèse !

On se montre ou pas?

11 avril 2016

Pictures6web

Comme il est de coutume à dire c’est le retour des beaux jours. A mes yeux, chaque jour est le plus beau, mais je m’égare, ce n’est pas le but de ce billet. Qui dit retour de la chaleur, dit effeuillage naturel de nous tous, mais pour certains cela devient un stress des plus marquants.  En effet, se dévêtir avec un bout en moins demande de dévoiler ses extrémités, je parle des bras et des jambes, bien sur ! Le printemps fut pour moi une période détestable mais cela n’a pas trop duré, il m’aura fallu une bonne « perte de gueules » en public pour dénuder ma prothèse. Vous, derrière vos écrans peut-être aussi êtes dans ce cas de figure. Vous n’êtes pas seul, chaque année le stage de plongée sous-marine qu’offre Bout de Vie le démontre, comme par enchantement au bout de la semaine plus personne ne cache son bout perdu. L’effet miroir est très important, une personne aigrie, ronchonne contre notre société, ne pourra s’attirer que tracasserie et isolement. Une personne joyeuse, positive sera en proie de prendre tous les éclats de joie de son entourage. Il est en de même pour le « handicap », si nous le vivons mal, personne ne se sentira à l’aise autour de vous. En acceptant sa situation, le cercle sociétal ne le verra plus de façon dramatique mais le classera sans suite ou juste avec un petit coup d’œil curieux, par manque de connaissance. Vous, fidèles lecteurs, vous connaissez ma manière d’écrire, de penser, alors encore une fois je vous le rabâche; la nature, elle, ne juge pas, alors ne vous glissez pas dans la peau de la victime pour rendre mal à l’aise vos « colocataires » de plage ou de piscine. Depuis que Bout de Vie se déplace dans les écoles, en quelques années, ces enfants qui grandissent, entrevoient le handicap comme une différence et pas plus. Il ya quelques jours, pendant l’une de mes sorties vélo, me rattrape, au bout d’un long plat descendant, sans vouloir me blesser, un autre cycliste. Il me lance sans crier gare :   « oh lala c’est la première fois que je roule avec un handicapé, oh c’est bien pour un handicapé de faire du vélo. » Au premier temps de mon amputation je l’aurai poussé dans un ravin de ronce, mais le temps a passé, alors plutôt que des mots assassins j’ai préparé ma sortie théâtrale. J’ai calé mon rythme cardiaque, je me suis repositionné au mieux sur ma machine et au pied d’une côte que je connais par cœur, j’ai lâché les chiens fous qui sommeillent en moi. Comme une mobylette j’ai avalé le dénivelé pour ne plus voir qu’un tout petit point essoufflé, tout là-bas derrière. Au bout de quelques kilomètres, je l’ai laissé revenir sur moi et lui ai susurré ceci : Vous avez dit handicapé, en vérité c’est juste différent ! Chacun sa technique, chacun sa vérité mais je sais désormais que ce brave cycliste, revisitera son vocabulaire et ne verra plus en un unijambiste un pauvre « handicapé » à mettre en case « du pôvre homme » mais en un sportif taquin qui lui a mis les pendules à l’heure. ..

Allez, les amis, sortez, dévoilez vos différences, la vie est trop courte pour vous embarrasser de contraintes. Laissez aux autres les plaintes et les noirceurs du quotidien et profitez de chaque instant qui arrive. Souvent je me dis que tout ce que je vis c’est du sursis, alors je bouffe l’existence. Que Dieu vous prothèse !!!