En reprenant les mots de ma belle allemande, c’est comme quand tu reviens d’une plongée extrême, la remontée est lente, puis les paliers n’en finissent plus pour te permettre de rejoindre la surface. Mon retour de toutes ces semaines de mer ne pouvait, en claquant des doigts, me replonger dans le soi disant confort qui à chaque fois me met à genoux, là c’est simple, très simple puisque encore rustique. Me voilà à Oqaatsut depuis 24 heures, petit village eskimo de 45 habitants, à vue de nez la population de chiens doit être au moins du quadruple ! Les moustiques sont toujours là mais pour les narguer, je ne porte plus de moustiquaire de tête et je leur offre mes bras nus. La cabane est des plus rustiques, pas d’eau courante comme de partout dans les villages du Groenland, pas de toilettes et c’est peut-être la seule du hameau qui n’a pas d’électricité. Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit, à 4h30 j’étais déjà debout à nettoyer cette cabane bleue.
La transition, bien que rude, est encore dans la logique de mon voyage, ici rien n’est simple, il faut penser différemment, s’adapter, une fois de plus. Dès l’ouverture, je vais chercher 20 litres de pétrole, le chauffage est toujours de mise même si c’est l’été, puis avec une brouette communale, je dois, au distributeur bleu, comme partout sur cette terre de glace, remplir mes 30 litres d’eau douce pour les ramener sur un chemin scabreux. Julien arrive en bateau, il fait les présentations, explique pourquoi je suis là et des sourires m’enchantent. La patronne de la superette, où tu trouves tout, en passant des couches pour bébés aux cartouches de gros calibre, est la nièce de l’ancien patron de la cabane. Elle est ravie, en apprenant que ce sera un camp de base pour amener des jeunes et moins jeunes raccourcis. Les ados locaux rêvent de ville et le village perd de sa jeunesse, les anciens savent que leur commune coûte cher au Danemark. Un groupe électrogène tourne en permanence pour alimenter le dessalinisateur qui fournit l’eau du puits central, où tout le monde va remplir ses jerricans. Si les jeunes s’en vont, les politiques danois fermeront le village au désespoir de ses habitants. Je visite les maisons communales, il y a celle où tu peux aller bricoler et emprunter gratuitement des machines, il y a aussi un hangar pour caréner ton bateau, puis il y a un dispensaire des plus modernes, en sachant qu’en cas de gros problème, un hélico sera sur zone très rapidement. Puis la salle des douches, bien plus clean que certaines que j’ai utilisé pendant mon tour de Méditerranée, il y a aussi une petite salle de muscu et un coin avec des tables pour jouer aux jeux de société. J’ai d’ailleurs squatté toutes les prises électriques pour recharger tous mes gadgets.
Le tour du village est rapide mais qu’est ce que je m’y trouve à l’aise, bien qu’étranger, je me sens le bienvenu. Alors cette journée est consacrée au décrassage de la maison. Construite en 1955, elle a été longtemps abandonnée bien qu’en état parfait et il y a un monticule de «trucs» à récurer et remplir une belle poubelle pour y sentir une autre odeur que celle d’un phoque en décomposition… Immaqa, lui se repose sur une belle prairie, le GPS, le trackeur qui donne ma position satellite pendant que je navigue et plein d’autres choses sont à son bord et personne n’y touchera. A notre époque cela n’a pas de prix.
Le 16 aout, «ma» Karin arrivera et ensemble nous reprendrons la mer, le chant des baleines, les espiègleries des phoques, la pêche à la morue et aux truites, ce sera le partage pour nos retrouvailles. En attendant, ce soir devant ma soupe chaude, un immense iceberg s’est désintégré juste sous nos yeux éberlués. La cabane est située un peu à l’écart des autres avec une vue imprenable sur l’océan arctique où un petit point rouge a bien risqué sa peau. Au mois d’avril, avec des jeunes de Bout de vie, nous étions arrivé à Oqaatsut en chiens de traineau par la baie qui était gelée. J’avais dis à Rémi : tu vois, un jour je reviendrais ici, dans cette cabane, pour y passer un bout de ma vie… Une fois de plus, ma pensée s’est réalisée…
Mercredi 9 aout à 15h, je serai en direct avec le Festival du film d’aventure des Diablerets dans les Alpes Vaudoises en Suisse. Dume Benassi a pris ma place de membre du jury et à l’occasion de la projection de son dernier film sur ses 15 titres de champion du monde de triathlon (sur une patte), je répondrai en direct aux questions de l’extraordinaire Jean- Philippe Rapp… Pour conclure ma bafouille, je reprendrai une belle maxime de Sylvain Tesson: Arriver sans savoir si tu vas rester, partir en sachant que tu vas revenir…
PS : Jo Zef vient de s’évanouir, je lui ai annoncé que Norra viendra le rejoindre avec Karin ! Il est quand même fragile je trouve !!!!!!!!!!!!!!!!!!!