Encore une nuit blanche, sous toutes ses formes ! Le vent fut glacial, la tente m’a paru si fragile mais pourtant elle a tenu le coup. Les rafales, une fois de plus, ont permis au nomade de refaire sa vie, de penser le monde. L’insomnie a la faculté de nous permettre d’entrevoir les rêves et de revisiter le passé. Régulièrement, je vérifiais les ancrages de mon abri, toutes les pierres de la plage ont muré mon refuge de toile. De belles bourrasques de neige rendait la nuit moins sinistre.
Au petit matin, Eole semblait fatigué de secouer le pauvre unijambiste emmitouflé dans son épais sac de couchage. Le côté positif des choses était que le monticule de glace qui pointe dans notre prochaine destination a diminué sans pour autant avoir disparu, et surtout la cambuse n’est plus en mode ration de guerre, la mascotte a repris des couleurs ! Qu’il est difficile de s’extirper d’un bon coin chaud pour enfiler ses habits froids et humides. Vous allez croire que je me plains si ça continue, mais je ne changerai pour rien au monde ma place. Le village semble complètement endormi, seules les explosions de gros icebergs brisent la quiétude de ce village du bout du monde.
Ce matin, je dois trouver un coin pour faire regonfler les deux pneus de mon chariot qui me permet de sortir Immaqa des zones de marnage. La mission s’annonce comique. Ici quasiment personne ne parle anglais et mon niveau de groenlandais est au même niveau qu’est le dialogue entre un chien d’aveugle et un sourd et muet ! A la maison communale, il y a un compresseur, mais voilà, il est là, fait du bruit quand on le branche mais aucun air n’en sort ! Je ne me dégonfle pas pour autant, il doit bien y avoir un coin pour prendre un peu d’air. Là bas au bout de la piste en terre, je vois un engin qui déplace des caisses de flétans, la Royal Greenland qui possède ce comptoir doit bien pouvoir me dépanner. Une porte bien calfeutrée me dit que derrière il doit y avoir du monde. Les mains congelées, je lâche mes deux pneus pour toquer, on me répond ! Devinez en quoi, mais en Groenlandais !!! Pas de souci, mes deux roues à la main avec du « pshittt quajanaq » leur font comprendre mes besoins. Tranquillement, mes deux eskimos, sans blouson s’il vous plait, me mènent jusqu’à un énorme container où finalement nous trouvons la pression juste. Une histoire qui ne manque pas d’air.
Puis c’est le moment de penser aux jours à venir, il me faut certes composer mes repas mais aussi le carburant pour cuisiner tout ça. Au niveau gaz, je pense être bon pour encore 3 semaines, en faisant très attention. Mais par précaution, j’ai aussi au fond du kayak un réchaud à essence, et plutôt que de jouer avec le feu, 4 litres de carburant vont nous alourdir tout en sachant qu’au niveau combustible on est prêt à être bloqué. Sur les rives de la mer de Baffin, il est facile de trouver du bois flotté alors qu’au milieu des fjords, cela reste très aléatoire. Le feu de camp est le summum du bivouac, on y cuisine sans restriction et on peut bruler ses déchets…
Vers midi, le soleil refait une apparition, l’intérieur de la tente se réchauffe, les affaires vont enfin sécher. Demain nous reprenons la route, l’équipe est prête…
PS : La mascotte hésite entre gâteau au chocolat et biscuit au citron, et entre chocolat noir et chocolat aux amandes ! Je me demande de qui elle peut tenir ça, sacré Jo Zef !