Depuis trois jours le baro chute de façon inquiétante, en Méditerranée cela annoncerait un sale coup de vent, ici c’est différent mais quand même. En effet ce matin le large avait déjà la couleur blanche version Sud, alors la sagesse me faisait rester où je suis. En analysant la situation tous les trois jours de mer, un coup de zef m’empêche de partir, une manière délicate de la mer de Botnie de me préserver en forme pour les mois qui viennent. Le rendez-vous est fixé à la mi-août pour reprendre mon vélo et sur mon timing je suis déjà à mi parcours à vol d’oiseau de ma « kayakerie botniene » ! Si j’ai du temps je filerai sur Stockholm sinon je m’arrêterai où je serai. Entre vous et moi j’ai déjà fait 410 bornes en 16 jours il me reste 30 jours pour en faire 580, mais restons au présent. La petite anse qui m’abrite, que vous pouvez voir sur l’onglet « mon parcours en direct » a sa cabane rouge.
Par éducation je suis allé demander l’autorisation d’y planter mon camp et à ma grande surprise Erna m’a répondu en français !!! Je peux vous dire que je fus surpris et ravi. Aves son mari musicien il réside là tout l’été dans la paix et la tranquillité. Pas d’eau courante ni électricité leur journées sont simples et sans stress. Nous avons beaucoup discuté et surtout j’ai beaucoup appris sur la « haute côte » qui commence ici. Sur 100km vers le sud la géographie prend du relief, le granit s’élève et des grands massifs apparaissent. Ce site spectaculaire est protégé par l’UNESCO elle est l’un des joyaux de la Suède. Les îles appartiennent à l’église et personne ne peut y construire. Les seuls cottages présents sont des anciennes cabanes de pêcheurs. Erna m’a raconté avec beaucoup de nostalgie son enfance ici, avec son père morutier. Ses différents métiers l’ont amené à vivre aux USA, en France et à Stockholm mais à la rencontre de son mari musicien ils ont choisi de tout quitter pour une vie plus saine et proche de leur manière d’être. Après une matinée consacrée au séchage et lavage de mon attirail, je suis allé en escalade pour contempler l’archipel balayé par un fort suroît. Là haut tous les arbres sont abattus, les tempêtes d’hiver doivent être terribles. Une vue à couper le souffle. Demain c’est dans ce labyrinthe que je vais louvoyer avec Immaqa. Ce soir je suis l’hôte de mes nouveaux amis.
Non Jo Zef j’insiste, tu dois rester au camp pour le garder. Non je n’amènerai pas des boites en plastiques pour remplir la cambuse et je ne reprendrai pas 5 fois du dessert !!!
A pluche !
La haute côte…
14 juillet 2012Vaelkommen in Suède !
22 juin 2012
Quelle nuit mes amis d’un trait jusqu’à 6h, chose rare chez moi ! Un p’tit coup de téléphone à ma princesse et on file en cuisine pour le petit déjeuner. Aie, aie, du saumon fumé, des coulis de baies rouges et de la charcuterie en série. Hep, là ! Alors la mascotte on planque sa
boite en plastique derrière son dos. Bouh, c’est pas beau ça, confisqué!!! La panse tendue je reprends mon pédalage mais je savais bien que j’allais payer cash la journée d’hier et ma goinfrerie ! Peu importe ce qui est pris n’est plus à prendre ! La première heure est un calvaire mon genou gauche décide de faire du zèle et mes fesses se sont syndiquées aussi au LDR (Les Douleurs Reviennent). Je sais que c’est temporaire alors je profite du paysage, je m’évade, je scrute la forêt. Vers 12h je passe finalement la frontière pour me retrouver en Suède. Depuis mon départ c’est la première fois que je sens les rayons du soleil, quel bonheur ! J’ôte mes couches et pédale légèrement malgré un corps qui dit stoppe. Au 70éme kilomètre je découvre sur ma gauche une magnifique rivière, et si c’était l’heure de monter le camp ! En bordure de ce puissant cours d’eau je suis émerveillé du lieu, au loin une ferme. Je laisse mon vélo pour demander l’autorisation. Un homme est en train de décharger son tracteur, je l’interpelle. Il me dit que si je veux je peux mais qu’il y a un coin encore plus joli. Il laisse tout tomber et m’amène sur le terrain de son père. Le paradis sur terre, un calme apaisant et un peu plus en aval des chutes tumultueuses. Max est agriculteur, il n’est pas très loquace comme tout les scandinaves mais sa gentillesse m’a énormément touché. Il enfourche son vélo et me souhaite une bonne soirée. Dans une eau polaire je dérouille mes jambes et essaie d’éteindre le feu de mes fesses. Allez Jo, souffle, plus fort !!! Heureux comme un papillon je vous envoie plein d’énergie positive de cette région qui me plait de plus en plus.
Pensée Athapascan qui correspond bien à l’ambiance des gens d’ici : « Si tu ne fais pas le silence ta langue te rendra sourd. »
A pluche !
Un bout de vie aux Ecrans de l’aventure…
6 novembre 2011
Les Ecrans de l’aventure sont le rendez vous incontournable des baroudeurs ! Retrouvailles de copains et copines qui reviennent du bout du monde, je dirais plutôt du bout de leurs rêves. On s’étreint, on a les yeux qui pétillent, c’est bon de se retrouver. Du Yémen à la Polynésie, du fleuve Léna au Danube, du Pacifique à l’océan Arctique, les Ecrans deviennent le camp de base pour nous réunir pendant quelques instants. Nous sommes là pour voir, rencontrer, argumenter et cette année pour les 20 ans du festival le président est à la hauteur de l’événement en la personne de l’illustre Québécois Bernard Voyer. Homme de défi il a atteint les trois pôles, le Nord, le Sud et le sommet de l’Everest. Sa vie l’a amené à gravir les montagnes les plus hautes des 5 continents mais ce que je retiendrais de lui c’est la profondeur de ses échanges. Il est le président des membres du jury du film et après chaque séance nous débattons. Six personnes différentes pour un palmarès qui doit être au plus près de nos convictions.
Présentation de mes collègues jurys :
Hubert de Chevigny aviateur explorateur a atteint le pôle Nord magnétique en ULM en 1982, il fut l’ancien président de la Guilde européenne du raid.
Ariane Le Couteur Directrice générale de production, elle a produit plus de 50 documentaires aventure.
Grégory Le Moigne, réalisateur spécialisé dans l’aéronautique, il suit depuis quelques années la patrouille Breitling.
Céline Moulys réalisatrice de plusieurs films sur les peuples d’Himalaya.
Le prix Peter Bird va être remis et pour cela nous sommes conviés dans un grand restaurant Dijonnais par les assurances SPB qui dotent ce prix. Grandes tables et décor vieille France, nous nous installons. Anne Quéméré navigatrice qui revient d’une traversée du pacifique en kiteboat se retrouve à mon épaule gauche et bien sur nos histoires ont un gout salé. A notre table deux « Dragon Ladies » ! Un groupe de femmes atteintes du cancer du sein, ont participé à un rassemblement de bateaux à rames dans les canaux de Venise. Le film est en compétition et la salle fût conquise. Comme à chaque fois la question est : « Quel est votre prochain défi ? » Leur désir est de traverser la Manche avec une pirogue de 6 rameuses. Ne chercher pas dans ces femmes des sportives de haut niveau, pour certaines avant leur cancer elles n’avaient jamais fait le moindre sport. La maladie les a unis et la nouvelle vie leur a donné envie de découvrir leurs limites. Anne les parraine et tout au long du diner, le projet de traverser la Manche se dévoile. La navigatrice se confie, elle aimerait bien les accompagner avec son kiteboat mais il demande une grosse restauration après plusieurs mois de Pacifique où il a beaucoup souffert. On parle de sponsor, de la crise… Catherine Lanson qui représente SPB assurance demande le silence, elle va dévoiler qui sera élu aventurier de l’année, l’enveloppe est doucement ouverte : « le prix Peter Bird SPB cette année est remise à la navigatrice Anne Quéméré… » Ma voisine est bluffée, l’émotion lui fauche la route, elle est abasourdie. La salle l’ovationne et de l’eau salée apparait dans ses jolis yeux bleus d’océan. Un chèque lui est remis et elle pourra accompagner les Dragon Ladies au printemps ! Un moment merveilleux de partage comme quoi les aléas de la vie sont là pour nous rendre plus fort et plus humains.
Les prix sont décernés et chacun à notre tour nous devons honorer nos élus. Notre président du jury Bernard Voyer sait mettre une grande émotion au millier de spectateurs présent, humour et philosophie ont donné le ton de la remise des trophées. La tache qui me revient est de décerner le trophée Alain Bombard. J’avais préparé un petit laïus et avec un plaisir immense je demandais à Eric Béllion skipper du voilier Jolokia de venir nous rejoindre. Un film dévoilant l’histoire d’une bande de « bras cassés » qui ont battu le record de transat entre Lorient et l’île Maurice. Un équipage mixte valides et moins valides qui n’avait qu’un seul objectif, donner leur meilleur…
La nuit fût entrecoupée d’échanges, de confidences, de rencontres…
Un grand merci à la Guilde Européenne du raid qui m’a permis d’avoir la lourde tache d’être l’un des membre du jury. Un grand merci à tous les sourires croisés, public et intervenants et un gigantesque merci à Cléo qui est une organisatrice des Ecrans de l’aventure au cœur immense…
Voyage au centre de la terre…
31 août 2011Le soleil grignote doucement les pans ombragés de la montagne, le feu encore endormi, reprend du service doucement. Les cascades avoisinantes murmurent de belles aubades alpines. Emmitouflé de fumée acre, j’écoute ce silence absolu. Je ne sais plus depuis combien de temps je suis ici, un jour une semaine, un an, depuis toujours ? La solitude est conseillère et guide de bien de réflexions sur nous les hommes. Pourquoi sommes-nous là, pourquoi avons-nous eu le droit de venir au monde ?…
Caché au fond d’un ancien cirque érodé par un glacier depuis peu disparu, le camp est établi. Pas de connexion, juste un quotidien simple et silencieux. La coupe du bois et la récolte de quelques baies sont les priorités. Le torrent n’est pas très loin, quelques aller- retour pour l’eau de la soupe et la confection du pain… Le lieu transpire de légendes, des gouffres me donnent l’envie d’y jouer l’un des personnages de Jules Verne. Le vertige ne doit pas s’inviter aux marches d’approches des cavernes. La frontale devient mon étoile et non sans crainte je me faufile dans les entrailles de la terre. Les gouttes qui ruissellent brisent ce silence, je sais quelle se dirigeront vers le soleil en quête de liberté.
Je coupe ma lumière artificielle, même plus l’entrée du gouffre n’est perceptible. Comme dans le ventre d’un géant je tente de déceler le souffle du dragon. Rien, absolument rien. Ne serait-ce pas l’homme qui aurait crée ce monstre terrifiant vivant uniquement dans son imaginaire, ne serait-ce pas l’homme, peur de trop de bonheur, qui aurait enfanté le dragon mangeur de chevalier en recherche du graal ? Ne serait-ce pas lui encore, redoutant la mort et la souffrance, qui aurait placé des gnomes démoniaques dans les forêts du monde ? Il est temps de retrouver le soleil, chaque pas est une aventure, les galets sont glissants à souhait, quelques barres de glaces tentent le croche pied, mais ma jambe de bois n’est pas d’humeur au sport de glisse. Soudain au loin j’aperçois la lumière. Mes yeux se sont habitué à l’obscurité, tel le chat je me faufile au milieu des blocs, je respire à plein poumon, je suis vivant, je suis un homme libre. Le soleil m’enveloppe la main, mes paupières se plissent, je n’avais pas remarqué à quel point le ciel était d’azur. Assis sur les bords de la falaise qui surplombe le camp je me laisse envahir par la chaleur de midi. L’homme revient m’habiter, je décide de laisser un gardien à ce sanctuaire. Avec quelques pierres je construis un chasseur de mauvais esprits. Tradition Inuit je reproduis le fruit de l’esprit en quête de protection divine…
Demain je reprendrai le chemin de mon île, je retrouverai mon p’tit bateau amarré au fond d’un golfe. Le gros de la foule sera parti, du moins je l’espère et je pourrai encore et encore laisser vagabonder mon âme d’enfant.
Humour alpin :
Se laver dans un torrent entouré de « baies noires »
Golfe de Botnie…
4 août 2011Adossé à un pin je suis face au golfe de Botnie, pour beaucoup cette mer est inconnue. Douce comme un lac, aux milliers d’îles et îlots quasi déserts, elle rejoint plus au sud la Baltique qui se prolonge par la mer du Nord et finit en Atlantique. Par habitude, chaque fois que je découvre une étendue d’eau je me dois de la gouter. Toutes ont une salinité différente, la mer Rouge, une des plus salée, la Méditerranée plus dense que l’Atlantique… Ma surprise fût grande pour constater que sa douceur permettait de me désaltérer sans quelconque filtrage. Les bivouacs de mer de Barents nous avaient apaisé par la quiétude polaire si loin des hommes, et nous redoutions de perdre ce doux calme. Notre petite berline de location n’est pas un tout terrain, mais malgré tout l’envie me démangeait de découvrir des pistes forestières qui mènent sans doute au « paradis ». L’île de Seskova est reliée par un pont. Le village est d’un calme extraordinaire, une piste semble partir vers le sud, nous l’empruntons à pas de loup, quelques cailloux nous rappellent à la prudence. Finalement au milieu d’une forêt dense couverte de myrtilles prêtes à être englouties, nous stoppons devant la mer. Pas un bruit, pas la moindre trace. Je pars à la recherche du camp idéal. Les mottes de mousses donnent un terrain toujours trop tourmenté pour dresser la tente. Un petit replat au milieu de quelques bouleaux, idéal pour faire un vrai camp d’aventurier en quête de silence. En deux temps trois mouvements tout est en place. Un madrier porté par une tempête de Noroit servira de banc, des restes de planches de cabanes abandonnées feront la table et une toile tendue sera le coin cuisine. Véro ramasse une quantité industrielle de myrtilles et framboises et de mon côté je tente quelques lancés pour le déjeuné. Oh surprise, un brochet au deuxième essai vient me rendre visite, comme dirait la mascotte : « Une aubaine pareille ne se refuse pas ! » Fileté, assaisonné au poivre citronné, épice nationale de Finlande, nous nous en ferons un festin. (Le lendemain au premier lancé un autre brochet décide de manger avec nous !) Et dire que certains affirment que ce coin perdu n’est pas poissonneux !!! En randonné nous découvrons une petite presqu’île où une cabane semble abandonnée depuis un moment. Le hangar en bois qui abritait une barque s’est effondrée dessus. Un renne et son petit sont dérangés par nos recherches et à notre grande joie nous découvrons un tapis de fraises des bois en grande quantité. Tout en remplissant un vieux seau, trouvé dans les décombres, de fraises, je rêve de cet endroit si beau, si calme si apaisant. J’essaie d’imaginer l’hiver, la mer qui gèle, les nuits qui n’en finissent plus et le poêle qui ronronne alors que dehors la neige ne cesse de tomber… Un rêveur ce cabochard… Trois jours de bonheur et nous levons le camp, nous retrouvons Luléa (prononcé Luléo), bientôt c’est de là où nous reprendrons l’avion. Nous visitons les abords de cette ville capitale provinciale, les cabanes ne sont plus de simples planches ajustées colmatées à la mousse et au lichen. Ce sont des maisons de haut standing avec bateau au mouillage, moto des neiges bâchés et pelouse bien tondue. Aucune chance de trouver un bivouac pour nous. Un passage par la presqu’île du coin et nous visitons un camping de taille monstrueuse. Malgré les centaines de camping cars parqués les uns à coté des autres pas un bruit, même pas un brouhaha, le calme des scandinaves est remarquable. La majeure partie des clients sont norvégiens, ils viennent à la recherche du soleil du « midi » du grand Nord ! Réflexion d’un sale gosse que je suis, « Mais quel intérêt de se coller côte à côte dans un camping alors que les alentours sont d’un sauvage à couper le souffle ? » L’homme qui a perdu le contact avec l’essentiel de sa vie, vivre avec la nature et non contre. Un poil étonné de ce camp de sardines, nous nous éloignons de 30 kilomètres plus au sud pour fouiller les chemins perdus… Bingo, il est trouvé, du sable fin blanc et personne aux alentours, montage du camp et vous connaissez la suite… Pour faire plaisir à la mascotte, gâteau aux framboises et myrtilles cuit au feu de bois… Ouais Jo Zef c’est dur la vie de nomade, très dur !!!
A pluche
kayak en mer de Barents…
26 juillet 2011Être sur les bords de l’océan Arctique sans pouvoir y tremper la pagaie cela devenait une déchirure !
Mehamn ne compte que 800 habitants quasiment tous pêcheurs. Le touriste est celui qui s’est égaré ! En cherchant sur le port, je tombe sur Ruan, Sud-Africain tombé amoureux du coin en effectuant avec sa compagne suisse, Tina, cap Nordkin-sud Grèce à pied en 3 ans, soit 6000km. Ouf je me sens moins seul, enfin un gars un peu fêlé comme moi. Il est employé dans l’usine à morue, un métier rude, mais qui lui permet de résider en péninsule de Nordkin. Depuis cette année ils ont ouvert un bed and breakfast et tentent de créer une activité nature. Rando, chiens de traineau en hiver, kite sur glace et location de 4 kayaks. Je suis son premier client ! Je trépigne de pouvoir m’aventurer dans une mer si sauvage et isolée, mais ce n’est pas « Immaqa » dans lequel je prends place mais un p’tit kayak un poil instable à mon gout ! Combinaison étanche neuve, gilet neuf, je prépare un sac étanche avec un minimum au cas où et vogue la galère. A midi je donne rendez-vous à Véro sur une plage qu’elle rejoindra à pied et dès le casse-croute englouti je pars cap au nord. Des marsouins me précédent sans se laisser approcher, les sternes arctiques dorment sur du bois flottant, la mer est un mélange de bleu nuit et de gris d’encre. Un poil tendu le « Cabochard » ! J’avance rapidement et commence à m’habituer à naviguer avec ce type d’embarcation. J’essaie de ne pas penser à l’endroit où je me trouve car sinon c’est la boule au ventre. La mer de Barents a une sale réputation, mais c’est plus fort que moi, je veux aller jusqu’au promontoire sombre vers l’Est ; de là je devrais voir le fameux phare de Seltnes, le plus nord de l’Europe, juste 10 petits kilomètres. Des oiseaux en pagaille et de la grosse solitude, celle qui fait déglutir avec difficulté, celle qui ne donne plus envie de se nourrir… Je persiste et évite de penser au cas où je dessalerai. Encore un petit mille et je pourrais enfin le voir, la mer est d’un calme anormal, je suis sur mes gardes. Le courant violent du cap que j’avais pressenti est bien présent. L’autoroute se transforme en piste en terre et je suis en kayak de promenade et pas de guerre comme mon « Nautiraid 540 ». Ca bouge dans tous les sens. Je tente la photo mais promis juste un coup c’est tout, avec beaucoup de concentration je vire de bord pour reprendre la route de Mehamn. Bien-sûr ici tout est éphémère et le grand bleu laisse la place à la tourmente. Je ne traîne plus, je ne cause plus aux oiseaux, j’appuie sur les pagaies de toutes mes forces et essaie d’anticiper d’où viendra le combat ! Là-bas au port les éclairs claquent et le vent fraîchit, pour l’instant je suis dans du calme, pourvu que ça dur. Je prends l’option de rejoindre la côte, cela allongera la route mais en cas d’embrouille je pourrais avoir un plan B ! Une faille se découvre et j’en prends la direction. Finalement dans cette espèce de brèche, je m’enfile… Pause relaxation, je mange un bout, effectue quelques étirements sans trop attendre, je sais que là-bas on doit s’inquiéter pour moi, l’orage claque à en perdre haleine. Je reprends la mer, ça y est, c’est pour moi, des grosses gouttes me nettoient le visage, les éclairs donnent de la voix et le pagayeur pagaie, quoi que de plus normal me diriez-vous ! Finalement je double le premier phare du port pour me retrouver face à face avec des rennes. Je leur explique ma journée mais je crois que cela ne les intéresse pas trop ! Plus de respect pour les aventuriers à cloche pied ! Véro me rejoint et voit dans mes yeux le déroulement de ma « kayakerie ». Dans leur magnifique appartement, vu sur le port, nous écoutons nos nouveaux copains nous narrer leur périple à pied. 8 paires de chaussures usées jusqu’au bout et une taille et demi de plus en pointure pour 6000 km de « marche et rêve ». Ruan me surprend en train de décortiquer la carte de la mer de Barents, lui aussi passe des heures devant la planisphère à imaginer des voyages insolites… je lui présente mon idée de projet, mélange d’aventure en solitaire et de partage avec des louveteaux de Bout de vie. Il m’épaulera avec les jeunes et j’en suis très heureux, c’est un gars fait d’acier en qui j’ai confiance, bizarre en quelques heures ? Non, quand on vit des expériences aussi fortes que les nôtres et que l’on se croise, quelque chose d’inexplicable se produit, comme si l’on se connaissait depuis toujours. Si vous voulez découvrir la péninsule de Nordkin c’est par Red Tree qu’il faut passer, Tina, Ruan et leur mascotte Harry vous accueilleront chaleureusement.
Juste entre vous et moi en toute intimité, je vous dévoile déjà le titre de ma future « folie »
Arcticorsica 2012…Chut c’est un secret…
Fabien Pietri… Son témoignage…
1 juillet 2011De temps à autre j’aime vous dévoiler quelques pages que vous allez bientôt pouvoir trouver sur mon nouveau livre … Sortie fin février.
Rencontre de Fabien, le fils de ma « Vrai ».
Notre société adore mettre les gens dans des cases, moi je déteste! Ce n’est pas nouveau, vous vous en doutiez !
Ni mon beau-fils, ni un copain, juste un jeune homme qui me plaît de part ses réflexions, de ses analyses sans suivre les moutons.
Dans son travail il venait de vendre un vélo de salle quand quelques phalanges ont voulu tester qui étaient le plus résistant, il confirmera que les dents des pignons déchirent avec soin les chairs… Éclopé à son tour, je voyais en lui un candidat potentiel pour venir rejoindre l’équipe mixte en Argentine… Le reste vous le lirez bientôt…
A la fin du bouquin comme dans le premier j’ai demandé des témoignages, voici le sien…
Cela doit faire dix ans que je côtoie Frank, quand je l’ai connu je n’avais que 17 ans. A cette époque-là, je sortais de l’adolescence, j’étais un jeune homme timide, réservé, pas très loquace et un peu introverti dès que je sortais de mon périmètre « famille / amis ».Et je pense, comme beaucoup de personnes à cet âge-là, on se pose de nombreuses questions, on ne sait pas vraiment où l’on va et surtout ce que l’on veut faire, étudier ou travailler, partir ou rester…Moi je rêvais de voyages mais l’inconnu me faisait peur… en aucun cas je n’aurais pu faire ce que Frank a réalisé pour ses 16 ans, un voyage lonely aux States. Les années qui suivirent, sont des années où l’on débute sa vie d’homme par des choix. Chose que j’avais effectuée avec une ceinture de sécurité car le simple fait de m’imaginer prendre un risque m’effrayait. Malgré cela, ces choix se sont ponctués par des échecs.
Par la suite, à cause et grâce en grande partie à sa fréquentation, à son discours, à son expérience, je me suis décidé à prendre des risques. Risques qui dans un premier temps se sont soldés à nouveau par des échecs… mais avec Frank, j’ai appris le véritable sens du mot « persévérance ». Et aujourd’hui cela me permet depuis quelques temps d’avoir de la réussite dans ma vie.
A travers Frank et son Association j’ai assimilé réellement différentes notions : « se dépasser », « aller au bout des choses », « avoir foi en soi », « l’univers du possible »… J’ai compris que les premières « limites » ne sont pas liées aux handicaps ; les limites sont le propre de l’homme. Avant même d’être confronté aux vrais obstacles, l’homme se met des barrières et se réfugie dans sa peur, peur de ne pas savoir, peur de ne pas pouvoir, peur d’être différent… la peur est un inhibiteur très puissant qui nous empêche très souvent d’oser et de faire le premier pas. J’ai aussi compris que si mon passé avait été fait d’échecs, que si mon présent est fait de réussites et bien, que mon avenir sera peut –être fait à nouveau d’échecs. Mais aujourd’hui j’ai assez de recul et acquis assez de maturité pour savoir qu’il faudra apprendre de ces échecs futurs pour évoluer et continuer à avancer.
Je pense être devenu une personne plus autonome, plus ouverte, plus libre et qui a beaucoup plus confiance en soi qu’auparavant même s’il est toujours vrai que « JO ZEF » est beaucoup plus bavard et moins discret que moi. J’ai eu un parcours scolaire un peu atypique et si j’en suis là aujourd’hui, c’est aussi grâce à toi car il m’a fallu de la volonté pour reprendre mes études après 5 années d’interruption tout en travaillant et celle ci m’a été en partie inculquée à tes côtés car pour moi ce qui te caractérise avant tout, c’est cette détermination inébranlable qui t’habite…
Alors voilà Frank, merci pour ce que tu as fait pour moi, pour ce que tu as pu m’apporter, ce que tu m’apportes encore et ce que tu m’apporteras directement ou indirectement …. Merci pour tout !!!
De tous les moments passés ensemble : randonnées, foot, plongée, trail, voyage… celui que je préfère est celui où l’on se retrouve à la table de ton « Cabochard » devant l’un de tes petits repas exotiques dont tu as les secrets, à parler de tout et de rien, moments synonymes pour moi de « partage », d’ « échange » et de « simplicité ».
Quant à « Bout de Vie », je ne la vois pas comme une association pour personnes handicapées mais plutôt comme « une école de la vie » où l’on n’y apprend les « vraies valeurs »…
On peut entendre dire sur Frank, que c’est un cabochard, un oiseau des mers, un aventurier, un solitaire, ou encore un utopiste… il est avant tout un homme avec un grand H. Mais la plus jolie comparaison qui ait été faite pour moi, est celle d’une petite fille en Argentine qui me chuchota tout doucement à l’oreille que Frank ressemblait à« un flamant rose » à cause de sa guibole rose.
Les migrations d’un oiseau migrateur… je crois que cela reflète assez bien sa vie !!!
Hasta siempre « Flamingo » !!!
Afectuosamente.
EL NIÑO.
Un air de Yukon en Corse…
2 juin 2011
Une année déjà ! Le Grand Nord me tendait les bras pour une belle leçon de vie. Je me doutais que cela serait une sacrée aventure, mais je ne pensais pas à quel point cela modifierait ma manière d’évoluer.
Sur le grand fleuve, seul face à moi-même, pas de place au superflu, observer, pagayer et rêver. Le but étant de ne pas être mangé, ni dépecé, tout un programme ! Entre deux prières, manières Cabochard, je partais dans des rêveries « corsées » : Un coin planqué sur mon île, un bivouac paumé, un mini monastère où j’irai régulièrement me ressourcer. Mais la Corse, ce n’est pas l’état du Yukon, il y a du monde et partout…
Depuis mon retour début septembre, j’en ai arpenté du maquis, mais chaque fois il manquait un élément au cahier des charges. Cet hiver alors qu’avec ma Vrai nous nous restaurions sur le bord d’un torrent très isolé, une folle envie de le traverser me pris. Véro, bien décidée à rester sèche, souriait à ma traversée du cours d’eau à la température polaire. Trempé comme un castor, je découvrais un coin planqué, mais je me voyais mal, à chaque envie de paix, jouer au sous-marin pour aller rejoindre ce camp perdu. Puis en fouillant au milieu des chênes lièges et verts je trouvais un restant de piste ! Ma curiosité toujours affutée devait me transformer en lecteur de parchemin qui mènerait au fameux trésor des templiers…Euréka! Une piste en terre agricole, qui mène à nulle part, puis une sente… Muni de mon pinatu (serpe) je partais à la recherche d’un passage, sueur et sang furent mes alliés pour débusquer les ronces qui barraient la voie de mon rêve. Quatre jours de bataille pour enfin arriver à un refuge de corsaire. Une fois de plus, j’ouvrais la porte d’un de mes rêves. J’organisais une plateforme qui recevra ma tente, mes restes de maçon se sont réanimés et avec entêtement et plaisir j’ai monté une enceinte en pierre sèche. Quand le vent soufflera en tempête, il sera obligé de nous effleurer sans nous mordre. Au fil des jours avec du bois de récupération j’ai fabriqué une belle table et ses bancs…
Depuis quelques semaines quand je ne pédale pas, je m’échappe dans mon sanctuaire, tout y est paix et sérénité. Ici pour commencer aucun réseau, pas d’appel avec les éternels : « T’es où ? Qu’est ce que tu fais ? » Pas de wifi, pas de prédateur. Les plantigrades sont remplacés par des ongulés, les loups par des renards craintifs et si les grizzlis ne rôdent pas, la vigilance est de mise au cas où un randonneur vraiment égaré rejoindrait cette tanière.
Je retrouve le contact direct avec la nature, l’inspiration de voyage me revient, partir pour mieux revenir ! Paradoxe des hommes et de ses incompréhensions. Une mésange à tête noire vient régulièrement me rendre visite, je suis toute ouïe, rien que pour elle. Au mois d’octobre le livre sera chez votre libraire, c’est fait, le contrat est signé. De mon camp j’y ai rédigé quelques mots à maux et si en ouvrant au hasard des pages, un mélange de fragrances, d’épicéas du Grand Nord et de bruyère blanche embaume votre espace, c’est que vous aussi, vous êtes assis à ma table perdue quelque part aux pays des géants pétrifiés en bloc de granit…
Seul le silence dit la vérité… (Vous voyez comme ça m’inspire !)
Corsaire des glaces: Le film
25 avril 2011En 2007 je m’élançais dans une première, tenter la traversée de l’Inlandsis Groenlandais à pied !!! Déjà fait par des bipédes mais pas par un corsaire un poil Cabochard!!!
Je me demandais pourquoi aucune personne handicapée n’avait, ne serait-ce qu’en partie, tentée cette traversée polaire !
Nicolas Dubreuil avait constitué une équipe atypique, Hogan Beernart, venait de se remettre d’une lourde chute d’un arbre, ses vertèbres bien que brisées, s’était échappé du pire, Serge Bogros habitué des expéditions polaires venait de subir un pontage cardiaque. Niko lui voulait porter ce projet pour promouvoir la cause de la « différence ». Deux ans auparavant il était passé à travers la banquise et avait commencé à geler, les médecins lui avaient prédit l’amputation de ses mains et pieds…Sa bonne étoile et les miracles de la médecine lui ont évité de prendre l’adhésion Bout de vie !!!
Parti de Kangerlussuaq cote Ouest du Groenland nous devions être héliportés en haut de la calotte, mais l’hélico quelques jours avant notre arrivée devait s’abimer dans les glaces ! Plutôt que d’abandonner nous prenions la décision un peu folle de gravir les 2000 mts de dénivelé de la langue du glacier. Grimper, muni de nos traineaux pesant 120 kilos pièces, devait se relever d’un travail de gladiateur, les crevasses à multiples reprises nous tendaient des pièges, chacun d’entre nous devions détecter les gouffres qui auraient pu être nos sarcophages. Hogan a failli y perdre sa vie d’ailleurs…
Au bout de 4 jours, Serge jetait l’éponge, un petit avion pouvait encore nous rejoindre et le rapatrier, pour nous trois nous attaquions cette croisade blanche…
Pendant 34 jours nous avons erré sur l’un des endroits le plus désertique du monde, rien n’y vit car tout y meurt. .. Mon moignon m’a fait souffrir en plus des gelures, mais la volonté et la détermination m’ont permis de réaliser ce rêve incroyable. Niko s’est révélé comme un frangin d’ailleurs depuis nous aimons nous appeler : Frères de glace.
Alors que tout allait mal pour moi, venu de nul part, un bruant des neiges est venu se poser sur ma pulka, un signe d’espoir qui m’a permis de continuer.
Ce film n’est pas mixé et ne fût pratiquement jamais diffusé dans son intégralité, donc pour vous en toute intimité je vous amène au pays des trolls des neiges,( les Kilitoqs.)
Mon livre Bout de vie édition Arthaud retrace aussi cette épopée.
Un grand coup de chapeau à Nicolas Dubreuil qui a pris beaucoup de risque pour filmer, dans certaines séquences la température était inférieure à -45° !!!
Marche et rêve…
Pensée printaniére…
7 avril 2011Le printemps a déjà une saveur estivale, les moutons sont prêts pour la tonte, les salades du maquis abondent, l’ail sauvage embaume, la Corse exulte.
Ce matin un brouillard épais emmitoufle mon petit bateau, résultat d’une mer encore froide avec des températures très chaudes pour la saison, manie citadine, tique urbain, à défaut de télé j’allume la radio ! Charnier découvert en Côte d’Ivoire, Libye en pleine guerre civile et la pub des fameux régimes de printemps. Je me précipite pour couper la boîte à vocifération, on parle de faire maigrir les gros alors que la moitié de la planète crève de faim. Un sentiment d’injustice me fait rager, un budget pour maigrir, une main tendue pour un bol de riz…
Un abysse nous sépare, l’été dernier en Amérique du nord je découvrais une pub qui rappelait aux américains qu’ils étaient un peuple fort et devaient avoir de la volonté pour relever le pays qui tombait dans un laxisme déroutant !!! Je restais abasourdi d’une telle propagande.
La vielle Europe est en train d’en prendre le chemin, tout le monde revendique le cul assis sur une chaise, le monde exige en prenant sa voiture pour 500 mètres. Les pubs sont le reflet de ce que notre société est. Devenez mince sans effort, soyez célèbre en un claquement de doigts, obtenez la richesse en grattant le bon ticket ???
L’effort quotidien est aboli, l’école de la volonté est en prison pour perpétuité, les mecs comme moi, dérangeons, et c’est très bien ainsi. Tous les jours, sont des cadeaux de la vie et je trouve que beaucoup l’ont oublié. L’abondance est vicieuse car elle amène dans son cortège, faiblesse, oisiveté et laxisme. L’effort et l’autoréflexion sont les deux moteurs pour grandir. Souvent avec une pointe d’humour un peu tordue on me dit que j’ai la belle vie ! Seuls quelques proches connaissent le prix d’efforts quotidiens que je m’impose pour en arriver là. Dans beaucoup de contrée l’eau est à plusieurs heures de marche du domicile, les récoltes qui nourriront la famille dépendent des Dieux des vents, des pluies. Et si elle n’est pas bonne les plus faibles s’éteindront. Chez nous chaque « urinerie » : 6 litres d’eau potable partis dans les égouts, de quoi faire boire 6 personnes. Tout le monde parle du risque de catastrophe nucléaire, que faisons-nous dans notre quotidien pour l’empêcher ? Baisser son chauffage, supprimer son congélateur, réduire les éclairages des villes… Oui j’ouvre encore ma gueule mais je ne peux m’en empêcher.
Pour dernière estocade, le monde du handicap en occident est tout autant morose, nos prothèses sont des plus fiables et leurs techniques sont en constante progression et malgré cela j’observe des torrents de plaintes sur le sujet. Prenez un sac à dos et voyagez, amputés avec des moignons indescriptibles qui n’auront jamais la moindre chance d’avoir un bout de bambou en guise de jambe de bois qui se débrouillent tant bien que mal pour avancer car ils n’ont pas le choix… A chaque retour j’apprécie le pays qui a vu ma naissance, mais atterré par pas mal de gens qui y vivent et sont aveugles dans leur cocon de soie.
J’ai quelques amis voyageurs, pas en avion ou paquebot, non de vrais poètes errants. Des nomades qui partent à pied, autostop, vélo et qui parcourent le monde avec aucun, voire, peu de moyen. Leur retour en Europe est toujours aussi violent, le pays est merveilleux mais plus personne ne le voit.
Je vous conseille quelques lectures intéressantes de copains voyageurs.
Sylvain Tesson : Petit traité sur l’immensité du monde, édition Pocket.
Philippe Sauve : Sibéria, édition Les presses de la renaissance
Mathilde et Edouard Cortés : Un chemin de promesses, édition XO
Quand le sage montre la lune, le sot regarde le doigt