Une grande traversée…

12 juillet 2012
Seul mais en compagnie d'un bon feu bienfaiteur.

Seul mais en compagnie d'un bon feu bienfaiteur.

Pluie, brouillard, houle et vent incertain, vous commencez à connaître le refrain. 5h38 je sors du petit abri qui m’a si joliment accueilli et reprends ma route. Cet hiver à la réception des cartes marines du coin, je m’étais fait une sorte de « road book ». Basé sur des distances de 30 km, j’avais défini les possibilités du parcours. Bien-sûr méfiant comme une mascotte qui planque une crêpe oubliée, je n’avais pas osé la traversée des grands golfes. Me voilà au pied du mur, plutôt au cap de mes questions ! J’y vais, j’y vais pas ? 25km de traversée en kayak de raid super chargé. Doucement je passe ma première heure sans vouloir y penser, puis je décide de prendre 10° ouest pour raser une pointe à 7km de là, je verrais bien. J’avance dans le coton, la pluie est si fine que je ne la vois pas tomber, des millions de perles d’eau sur Immaqa. Un silence surprenant dés que je quitte la côte qui reçoit une forte houle comme un bruit de train qui passe. J’arrête de pagayer, rien pas un son, rien devant, rien derrière, je suis au milieu de nul part. Mes seuls contrôles, le compas et le sens de la houle. Route au 240°. J’entends de nouveau le fracas des vagues,  je ne devrais plus être loin du premier promontoire. Comme par enchantement il apparait. Je suis bien physiquement et surtout dans ma tête, si je coupe je gagne plus de 18km, une bonne demi-journée ! Je m’étire, bois un café avec quelques barres de céréales et prend la décision de traverser. Les trois premières heures sont faciles à ma grande surprise, le brouillard m’enveloppe et me donne la sensation de me protéger, le vent reste faible et la houle s’allonge en même temps que la profondeur du golfe grandit. Mes idées s’envolent mais je remarque une sensation très étrange, je ne sais pas si c’est le fait que les journées soient longues et très physiques, j’ai beaucoup de difficulté à me souvenir ce que j’ai fait hier ?! Un peu comme si le moment présent était plus fort que tout !!! J’aurais le temps d’y penser quand ce sera fini. Finalement après 7 heures de mer je passe le grand cap Husum pour trouver une plage de galets et prendre la décision d’arrêter là pour aujourd’hui. Seulement 27 km d’effectuer mais en vérité j’en avais prévu 18 de plus si je n’avais pas coupé. Good job, Immaqa, good job. Terrain plat pour monter la tente, bois flotter pour alimenter un grand feu et malgré le crachin un grand lavage du pagayeur heureux d’être arrivé là. Il paraît que l’été c’est pour bientôt, pour l’instant c’est encore l’hiver. La mascotte est verte de rage, un champ entier de framboisier à perte de vue mais elles sont encore toutes vertes…
Patienccccccccccccccccccccccccccceeeeeeee !
A pluche !

Pourtant il y en a qu’un !

11 juillet 2012
Un coin paisible aprés une belle et bien longue journée...

Un coin paisible après une belle et bien longue journée...

Hier fut la journée à cogiter, trop de vent trop de risque, je pense donc je suis ! 4h45 pas besoin de réveil je suis d’attaque, enfin disons plutôt je commence la routine du déménagement, mais nous sommes deux sans compter Jo Zef bien-sur ! Ce matin il y a Frank le guerrier et Frank le gamin. Les deux s’affrontent et commencent un drôle de dialogue :

–          On ne part pas il y a trop de houle, trop de pluie et si le vent se lève de nouveau, t’as vu le baro comme il est encore bas !

–          Oh le gosse tu ne vas pas t’y mettre, on démonte tout et on s’arrache, pas de trouille à avoir on est des durs à cuir, des tatoués, des vrais mecs qui en ont !!!

–          Allez, on remet le départ à demain, je viens de grimper là-haut sur le rocher et le ressac fait peur, il y a une immense barre noire dans la direction où l’on doit aller.

–          Écoute moi bonhomme, ici les mecs qui ont la trouille, pas de volonté et qui ruminent sans cesse que faut pas y aller y morfle avec moi, remue toi le cul et plie moi ce foutoir.

Jo Zef n’en croit pas ses oreilles, il y aurait deux personnes dans la même. Finalement le gros dur a eu le dessus et Immaqa est reparti en mer. Mais les engueulades continuent à bord,  le temps fait son boulot et la mer s’assagit alors les deux mectons se calment, s’unissent et décident de ne faire plus qu’un. Le premier cap est passé, la logique dirait de tirer tout droit mais la prudence nous fait passer par un archipel bien à l’abri de la houle qui se meurt et finalement au bout de 9heures d’efforts une charmante crique accueille  le pèlerin en kayak pour une douce soirée calme. Il semble que le ciel veuille s’éclaircir. Jamais ce matin j’aurais pensé que l’on puisse parcourir 32km dans ces conditions. La volonté, la rigueur, l’analyse sont les éléments essentiels pour réussir une telle entreprise. Mon frangin Dume m’a envoyé un très bref message comme il en raffole :  » Ne sois jamais satisfait de toi, ça pourrait t’empêcher de devenir ce que tu n’es pas encore.  »
D’un petit caillou isolé du golfe de Botnie je vous envoie toute l’énergie du monde, prenez la, ne la gaspillez pas, elle si éphémère.

PS : Quand je suis en journée off, Véro m’envoie tous  vos messages de soutien. Je suis très heureux de constater que ce périple vous passionne et vous en remercie du fond du cœur. Merci  aussi pour les privés.

Invite sur terre…

10 juillet 2012
Jo Zef et moi au chaud et à l'abri dans notre petit refuge...

Jo Zef et moi au chaud et à l'abri dans notre petit refuge...

Le baromètre qui chute et rien qui ne se passe, ce n’est pas normal ! Je marmonnais ça dans ma parka depuis quelques jours mais cela me semblait louche. Ouf, me voilà rassuré, le coup de vent est bien arrivé. De grosses rafales et une forte pluie m’ont fait prendre la sage décision de ne pas m’engager en mer ce matin. Découvrir ses limites, d’accord, les dépasser jamais. Emmitouflé dans mon duvet, j’apprécie la pluie tapoter la toile, je mets la radio Mix Mega Full, une sorte de Nostalgie Suède avec une touche d’Energie, mais Frankie goes to hollywood ou les Queens ne valent pas la mélodie de la tourmente qui m’enveloppe, alors je coupe. La différence entre la musique et le bruit, l’émotion qu’elle nous offre. Seul sur un îlot de 100X400 mts je suis devenu robinson. Mais où est mon vendredi se demande Jo Zef ?  Le temps prend une autre forme, une alchimie interne. Aucune information du monde qui s’agite ne peut m’ébranler, couper des hommes virtuels et non vertueux, je suis simplement, un petit « moi ». Ces moments sont des  privilèges immenses, ce n’est pas l’arrivée qui compte mais le chemin qui y mène et sur ma route ces arrêts tempête me ressourcent, me font cogiter. Il y a eu le minéral, le végétal, l’animal et enfin l’homme. Ce dernier et j’en fais parti, s‘est parasité de millions d’indispensables. Nous en sommes les esclaves. Le monde qui ne sait plus que conjuguer au futur, a avalé, englouti le présent ; le vide fait peur. Pourtant une bouteille pleine ne pourra jamais ramener l’eau de la source qui jaillit là haut sur la montagne. Le vent fait plier mon bivouac, mais je suis serein, heureux de pouvoir être cet habitant improbable du caillou si isolé. Ce voyage comme les autres est une initiation, un apprentissage infini, nous naissons pour mourir, mais ce laps de temps passé comme un éclair sur terre, pourquoi ???  J’aime ces colloques, j’en suis l’orateur avec comme seul public un moi attentif. Je décortique mes acquis (éducation, religion, niveau social, expérience) La remise en question rend souvent furieux les hommes ; pourtant sans ce travail, l’âme s’éteint, le matériel ne prend plus le dessus, le pouvoir se retrouve amputé, on a
jamais vu un naufragé se nourrir d’une une malle de dollars. Le conflit mène à la ruine, le dialogue à l’épanouissement. Alors je converse, je m’étale, je me scanne. Les zones d’ombres j’y rentre de plain-pied, je deviens l’explorateur des zones « inexplored » de mon intime vie. Commetout en chacun j’ai mes fardeaux, la jambe en moins peut-être mais des amputations plus sévères, plus perverses, celles qui ne sont pas appareillables. Ces moments d’isolement me font apprécier à leur juste valeur les pourquoi et comment. Philosophe du caillou perdu, les plus grands penseurs n’étaient ils pas des écorchés vifs au passé si rude. Je me suis lancé dans des lectures redoutables,  bonhomme aux réflexions qui bouleversent et qui rasent le bon savoir. Ma réflexion, moi qui ne suis ni
philosophe et encore moins intellectuel : nous vivons dans un miroir, l’éviter est malsain au possible mais à l’improviste le reflet nous arrivera en pleine gueule, on ne peut fuir tout une vie, on ne peut se mentir sans se flétrir. La pluie continue de chantonner, les sternes de pêcher, le vent de virevolter, demain je reprendrai mon voyage, si et seulement si, les Dieux du vent, des mers et des nomades le voudront bien. Je ne suis qu’un invité sur terre.

Fragile comme un oeuf…

9 juillet 2012

Comme cet oeuf, je me sens si vulnérable, pourtant si on le prend bien en main impossible de le briser...

Comme cet œuf, je me sens si vulnérable, pourtant si on le prend bien en main impossible de le briser...

Il n’est pas simple de trouver le sommeil avec des bourrasques de vent qui secouent la tente toute la nuit en sachant que le matin on reprend la mer ! Pourtant c’est un devoir que je dois assouvir parfaitement, je dois savoir récupérer. Exercice de respiration, démontage du monstre qui me met en boule et une douce nuit dans les bras de Morphée. Chaque jour est un apprentissage, où que l’on soit, ne pas dépasser ses limites mais les découvrir. Je connais par cœur mes faiblesses et d’elles je dois m’en guérir, tout au moins mieux les gérer. Physiquement je suis bien, la blessure que j’avais à la main droite suite à une méchante brûlure a totalement cicatrisé et mon moignon ne me fait pas souffrir, alors tout va pour le mieux. Je commence à être bien rôdé, jusqu’à présent les bivouacs qui m’ont reçu ont toujours été à la hauteur de mes espérances, mais il y a un mais. Souvent quand je me relâche après m’être lavé dans la mer et avoir tout préparé (repas du soir, du lendemain midi, brulage des déchets, bouillir l’eau pour la boire), un passage à vide me fauche. Un coup de blues. Je le sais, je le ressens mais pour l’instant je n’arrive pas à l’esquiver. Ce style de raid me met à nu et à fleur de peau. Un grain de sable dans le rouage et tout peut basculer dans la dramaturge. Aujourd’hui je me suis senti béni des Dieux et de mes anges gardiens, le vent fort n’est venu que sur les derniers kilomètres et pratiquement toute la navigation s’est pratiquée avec mon cerf-volant, d’où encore 40 km effectué aujourd’hui, soi 120km en trois jours ! Que dire de mieux, pourquoi ce satané blues vient régulièrement me foutre le bourdon. Je le sais je vais le zigouiller. Tiens de vous l’écrire, il commence à lever l’ancre. Je veux vous transmettre la vérité, pas de surenchère, pratiquer l’endurance est un sacré exercice de remise en question quotidienne et par franchise je me devais de le mettre aussi en avant. J’ai beaucoup lu de livres d’aventures et j’ai toujours été frappé par le vide sur ce sujet. Des exceptions bien- sûr mais pour beaucoup ils ne veulent pas en causer. En lisant les livres de Philippe Sauve,
Kim Hafez, Sylvain Tesson, j’ai trouvé cette vérité qui m’aide aujourd’hui. Nous ne sommes qu’une poussière, d’où l’importance du balai !!! Le feu crépite, la plâtré de riz va être bientôt prête, une petite radio locale va m’égailler les esgourdes et mes trois livres vont me relaxer.
Lesquels ? Ok, juste entre vous et moi. Le premier le lexique de suédois, le deuxième, l’oeuvre de Tom Butler-Bowdon, 50 classiques de la spiritualité et le dernier le roman de ma super copine Natacha Calestreme, le testament des abeilles.
Jo Zef pour la énième fois, gâteau se dit kaka en suédois, pigé la mascotte ? Pourquoi ta craché ton kaka au chocolat !!!
A pluche !

Un kayak et un cerf volant…

8 juillet 2012

Ici ce n'est plus l'hiver mais ce n'est pas l'été, just now !

Ici ce n'est plus l'hiver mais ce n'est pas l'été, just now !

C’est toujours un pur bonheur de reprendre la route, arriver me plait, partir encore plus ! Le vent semble installé en Nord, Nord-est, juste dans la bonne direction. Je pagaie un petit quart d’heure et une folle envie me traverse l’esprit, et si j’envoyais le cerf-volant ! La brise doit être à peine de 6 nœuds mais la mer est déjà cahoteuse, pas de problème nous sommes sur un tapis roulant alors roulons. Il s’envole, je lui donne de la hauteur, beaucoup de hauteur, il faut qu’il prenne du vent stable. 50 mètres d’altitude au moins. Ma drisse de proue prend le relais de point d’amure et j’admire le travail. Il est gonflé à souhait et reste très stable. Juste pour le plaisir j’allume le GPS, sans rien faire je suis déjà à 4km, elle n’est pas belle la vie. Mais je suis là pour bosser et je reprends mes pagaies. J’ai l’impression d’être sur le fleuve Yukon de nouveau, j’avance façon matelas de plage qui se barre ! Une heure et il est toujours en l’air, deux, trois, quatre, cinq et six heures sans ciller, sans broncher. C’est l’heure du casse croute et surtout de dégourdir un peu les jambes. Je ne veux pas tarder, j’ai encore 3 kilomètres avant de rejoindre un petit archipel qui me mettra à l’abri du vent qui est en train de forcir. Je passe sur une sorte de barrière de récif qui me met sur une espèce de catapulte incroyable, ça déferle tout autour de moi, je scrute les pièges, puis d’un coup comme par miracle me retrouve dans la lagune. Calme plat juste le vent qui pousse. Je zig-zag au milieu d’îlots absolument magnifiques. Un petit passage me fait découvrir une sorte de lac, le vent vient par moment
mettre des risées sur ce plan d’eau fascinant, quand je crois deviner des grosses bouées blanches. Bizarre, des corps-morts ici, il n’y a pas d’eau et beaucoup de récif à fleur d’eau. Soudain, les bouées bougent, des cygnes trompettes !!! J’avance cela fait 40 km que je suis parti, j’ai rempli mon contrat. Que faire, trouver un abri ici ou rejoindre l’autre côté du golfe encore à 5 km. Le coin est très abrité du nord et surtout le baromètre a amorcé depuis hier une lente chute qui me plait qu’à moitié. Avancer ou arrêter, telle est la question ! A cette pâle
copie shakespearienne, sur mon bâbord je devine une table avec des bancs ! Clignotant et allons voir ce qu’il en est ! Un camp est en place pour le nomade de passage. Un foyer est organisé avec des bancs autour ainsi qu’une table. C’est là l’hôtel de ce soir Jo Zef ! Action, réaction !
Lieu sublime mais il y a un petit problème, l’endroit est une immense dalle de granit ce qui va rendre le couchage un peu dur. Je pars en repérage pour trouver une place plus confortable quand je tombe nez à nez avec une épave de voilier qui de ses entrailles m’offre quatre plaques épaisses de polystyrène qui nous serviront de base pour la tente. Je crois sincèrement que nos anges gardiens s’en donnent à cœur joie. Pour conclure quelques fraises des bois viendront assortir le dessert.
A pluche

Liberté d’être un homme libre !

4 juillet 2012
Déja une semaine de bivouac au bord du golfe de Botnie

C'est une plage de galets qui m’accueille pour ce nouveau bivouac au bord du golfe de Botnie

Déjà une semaine que j’ai quitté Luléa, une semaine d’apprentissage, 7jours de cours intensifs. Je crois être attentif et bonne élève. Encore ce matin les trois première heures ont été un enfer, je crois que je radote mais c’était dur, flippant et très abrasif mentalement. 3 heures de cours pour comprendre que la Botnie est une dure à cuire et que le p’tit méditerranéen, il a intérêt à bien apprendre ses leçons sinon, dehors au piquet ! La journée s’est passée, j’ai pagayé, c’est mon boulot, pendant que vous vous étiez à « l’usine », moi j’avançais. Ce soir le bivouac est monté, le feu crépite, l’eau réchauffe ma gamelle et je suis seul au monde. Un sentiment qui me fascine, qui est une sorte de drogue. Seul face à moi-même, pas de chance de s’échapper, pas de : «chut je regarde le film ». Un échassier braille de tous ses poumons, de joie, de peur, de colère, je n’arrive pas à le comprendre, je vous rassure lui non plus n’arrive pas à comprendre les hommes. Ma Véro m’a envoyé une poésie fantastique sur la relation du couple, son père lui avait transmis. Deux âmes qui se rencontrent ne doivent se ressembler, elles doivent accepter l’autre tel qu’il est. Nous nous acceptons comme nous sommes, moi l’oiseau de mer, elle le merle bleu sédentaire. Pourtant notre union est profonde, sincère. Comme des enfants nous nous aimons et ni les tempêtes, ni les orages n’arrivent à nous séparer. Tout à l’heure alors que je tirais dur sur les pagaies une idée m’a traversé l’esprit… j’arrivais avec Immaqa aux Lavezzi, quatre mois d’effort pour rejoindre ce lieu qui m’est si cher. Soudain des bateaux autour de moi et sur l’un d’eux ma Vrai qui me regardait. Je me surprenais à avoir de l’eau salée sur mes joues alors que la mer de Botnie est douce. Le feu me réchauffe l’âme mais ce soir je suis le plus heureux des hommes car je suis libre, libre comme le vent, comme la houle, comme le sont les enfants.  Une semaine de mer qui fut très dure mais nécessaire pour ma survie d’homme errant.
Que vos rêves vous emportent là où la folie rime avec envie. Il n’y a pas plus beau comme être humain que celui qui est libre.
A pluche !

L’archipel de Roennskaers

1 juillet 2012
Soudain une éclaircie dissipe le brouillard...

Soudain une éclaircie dissipe le brouillard...

Pas un temps à faire du kayak, brume, brouillard et houle dans la gueule ! Oui je sais je ne suis pas là pour me plaindre. Le démontage du camp commence à être pro, un automatisme bien rôdé qui me permet de prendre la mer sans tourner en rond comme une perche en bocal et surtout sans rien oublier. Tout a une place bien précise et les gestes parasites sont définitivement bannis. 6h20 je quitte ma petite crique, Fägel est bien-sur présente, elle me regarde partir jusqu’au moment où elle décide de voler autour d’Immaqa. Quel bonheur d’avoir eu cette présence, mon ange gardien qui a pris un aspect physique ! 2 nautiques pour rejoindre la pointe sud de la péninsule de Pitéa. Houle et ressac ne font pas bon ménage et moi, le fétu de paille je pars dans tous les sens. A ma proue une belle traversée de 10 kilomètres pas du tout protégée du large, va falloir envoyer ! Un peu le trac au ventre je pars dans le brouillard, le silence absolu est brisé par mes coups de pagaies, je tente de sentir
sur mon visage quelques brises mais pour l’instant rien. Une heure et la brise passe au Sud-est mais le brouillard persiste. Un bruit sourd me vient de mon tribord arrière, un vacarme puissant de moteur. Je regarde la carte et constate que je suis dans le rail des cargos qui vont à
Pitéa, grand centre de fabrique de papier. Je n’allume pas ma radio, cela ne sert à rien, ni à son radar ni à vue il ne pourra me détecter dans cette purée de poix. C’est à moi à anticiper. Deux heures et il passe loin devant moi je devine à peine sa silhouette. Ma chère petite île apparaît, je suis passé ! Ouf ! Je continue ma route la brise se maintient de Sud-est, dommage c’est là que je vais. 4heures d’effort et je m’accorde mon premier arrêt café, canistrelli. Une plage de galets devant une cabane inhabitée. Je progresse et me faufile dans des archipels qui semblent vides de vie. Des cabanes sur chaque caillou, mais absolument aucune âme qui vive. Après mon stop « nouilles chinoises », je pénètre le somptueux archipel de Rönnskärs. Magnifique, des forêts de conifères et des criques à n’en plus finir, des oiseaux de toutes sortes et absolument personne. Un décor que je ne suis pas prêt d’oublier. Pour mettre la cerise sur le gâteau, un coin de ciel déchire la brume et laisse passer le soleil. En t-shirt je finirais cette
dernière heure de kayak pour une journée de 9h pour 30km.

Depuis un bivouac apaisant je vous envoie toute la quiétude du golfe de Botnie.

La plage d’Erik le rouge…

30 juin 2012
Ca y'est, Jo Zef se prend pour Erik le rouge !!!!

Ca y'est, Jo Zef se prend pour Erik le rouge !!!!

Une nuit tranquille, ici la peur du prédateur n’existe plus depuis belle lurette, les derniers ours ont été tués juste après guerre. La flore est a peu de chose prêt, identique à celle du Yukon et de vieux reflexe me reste. Hache toujours à portée de main et une nourriture toujours bien
emballée. Le protocole est moins strict qu’au Canada mais je reste prudent tout de même. 6h20 je déclenche la balise spot de ma géo localisation et prend la mer. Pas une ride, pas un souffle d’air, je file tout doux vers le sud, je profite de cette opportunité pour forcer
la cadence le vent va venir du sud et ma journée est plus qu’incertaine, alors j’avance en ne pensant qu’à maintenant. 8h20 déjà quand c’est calme c’est plus facile, 4,5km/h de moyenne, une super cadence pour le «semi-remorque » que je pousse. 9h20 un feu loin devant moi à terre m’indique que le suroît vient d’arriver, ce sera à mon tour d’ici peu. Je sens de l’air sur mon visage, je scrute l’horizon et j’y détecte une barre plus foncée, j’ai compris ce n’est plus de la brise mais du vent qui arrive. 10h20 le vent s’installe et je deviens un esclave qui
pagaie. J’arrive en fin de péninsule de Pitea, après le cap, la mer ouverte sans protection sur 5 nautiques au moins. Il faut que je prenne une décision, stopper ou prendre le risque de me trouver seul en plein milieu de la tourmente. Tout en pagayant, je détaille la carte qui est
devant moi dans sa housse étanche, je devine une échancrure. Oui, là bas à tribord une tache blanche, une plage ! Je bifurque de quelques degrés et avale les deux kilomètres comme un sprinter. Une anse de sable blanc très abritée du sud, je fais une halte café et après je prendrai ma décision. Ici tout semble calme, pas une brise, les moustiques se lèchent les babines : A table ! Je mets ma moustiquaire de tête et inspecte les lieux, du bois et du calme. Je me délecte de mes deux canistrellis avec un café et cogite. Je vais voir à pied comment est la mer au large. Je reviens rassuré de ma décision, là-bas c’est blanc et pile poil dans ma direction. Je fouille les lieux pour trouver une belle plaque de contre-plaqué qui nous servira de table et à mon retour, je surprends Jo Zef orné de cette magnifique ramure. Seulement 18 kilomètres pour aujourd’hui mais la route est longue alors prudence, prudence.
La mascotte ne serait-elle pas le descendant d’Erik le rouge, par Thor !
A pluche !

Un temps pour moi avec emoi sans toi ni toit…

29 juin 2012
un bivouac apaisant et récupérateur...

un bivouac apaisant et récupérateur...

Un grand ciel bleu me réveille ce matin, la température semble douce, je sors de mon long sommeil réparateur. Le vent de Nord est virulent mais ma petite plage est un havre de paix protégée de ce blizzard tumultueux. Les suceurs de sang sont punis, ils n’osent pas quitter leur planque pour tenter une ponction corsée. Nu comme un vers je prends enfin du soleil, celui qui régénère, celui qui rentre au fond de mon âme. La forêt entre deux rafales m’offre un opéra privé, un concert plumeux ! Je m’affaire doucement, le premier boulot est de sortir tous les sacs étanches et d’assécher Immaqa. Hier des minis murs d’eau se sont abattus sur nous et il a besoin qu’on s’en occupe. Je retrie ma nourriture chargée à la hâte à Lulea, je recale tout minutieusement pour gagner une incroyable place, les affaires doivent être facilement et rapidement accessibles. Je dois mémoriser où tout est fourré. De temps à autre je m’assois, je tends l’oreille, le golfe de Botnie ronronne, il faut que j’apprenne sa langue, je ne connais que le méditerranéen et si je veux cohabiter en toute sérénité il faut savoir échanger. Les quatre sacs étanches sont bien répartis, pendant ce temps j’ai mis la marmite à chauffer de l’eau et j’ai une bassine pliante complète de douche tiède. Je me rase, le soleil me chauffe les épaules, je me remets encore une coupelle d’eau sur la nuque, je respire à plein poumons ces moments de grâce. Je ne regrette pas les 50km d’hier, une longue journée mais quelle récompense aujourd’hui. Je ne regrette pas l’énergie que j’ai mis dans ce projet, j’y suis de plein pied, pas à pas je réalise mon rêve. La fatigue des journées précédentes envolées, je commence à connaître les effets secondaires de tel efforts, le soir je deviens négatif, tout me manque…
Comme je connais cette réaction, je me presse pour aller dormir car le lendemain, les démons se sont envolés. A midi c’est un festin, grillade de saucisses, pennes en sauce et un demi-litre de yaourt à la myrtille, ce sera toujours ça de moins à porter. J’ai encore quelques fantaisies
pour deux jours puis j’attaquerais le régime lyophilisé. Jo Zef commence déjà à protester. Affaires lavées, corps récuré, sacs organisés, je suis enfin prêt. Dans ces moments de plénitude je repense aux périodes difficiles de ma vie, où j’ai failli d’un cheveu ne pas m’en sortir, où le gouffre semblait me barrer la route, en vérité c’était une sorte de panneau indicateur pour me faire changer de route et vivre intensément le moment présent. Stockholm est là bas au sud, vous encore plus bas, ma Véro encore plus loin, pourtant malgré l’absence physique de vous tous je sens vos âmes, vos vibrations, je sais que la vraie solitude c’est
quand plus personne ne pense à vous.  Comme dirait Jo Zef une vie sans vibration c’est comme une crêpe sans confiture !!!
A pluche !

La plage aux romantiques…

27 juin 2012
un lieu imprégné de ma Vrai...

un lieu encore imprégné de ma Vrai...

48h que je suis arrivé à Lulea, mais le voyage est loin d’être fini, alors, c’est décidé je pars. Je n’avais pas fait attention quand j’avais posé mon bivouac en bordure du fleuve Lule, la personne à qui je demandais l’autorisation de camper, m’avait dit que la chapelle était ouverte tous les jours ?! Seul à être sous tente je comprenais mais un peu tard que j’étais dans un centre protestant pour jeunes. La prêtresse venait à ma rencontre et me présentait à ses élèves, il passait trois semaines dans ce camp pour une sorte de communion. Hier un à un ils sont venus me voir et m’ont posé des tas de questions sur mon mode de vie. Ils m’ont même aidé à porter mon kayak sur la grève. Ce matin malgré la pluie, le vent et un petit 9° je suis prêt. Hier ils m’avaient demandé à quelle heure était prévue mon départ… à ma grande surprise, malgré le crachin il n’en manquait pas un. La prêtresse entonne un chant puis une prière, ils me saluent très chaleureusement, je suis touché au plus profond de mon âme. Pour rentrer dans le sujet immédiatement un grain s’abat sur moi, des trombes d’eau et des rafales d’une violence inouïe.
Immaqa est chargé à bloque, je pars pour 50 jours de mer et les embardés que provoque les vagues me font faire des soucis. Mais c’est mal connaître mon kayak, malgré les 100kg de charge il répond merveilleusement bien. La descente du fleuve me vaut un vent de travers,
je me demande si je ne vais pas arrêter ma journée. La carte m’indique que je dois virer à tribord, l’enfer sur l’eau, je pars dans tous les sens les vagues par deux fois me passe par dessus la tête. J’ai la boule au ventre mais je ne peux plus rien y faire je dois traverser. J’ai
réussi ! Je beach Immaqa et me remets de ces deux premières heures incroyables. Un café me réchauffe et je reprends la mer. 12h l’heure du casse croute, mes fatigues dues au vélo sont déjà bien loin et je me sens bien, je vais pousser encore un peu, le vent est dans la bonne
direction sauf dans quelques baies que je traverse, j’avance bien. 14H30 je suis devant le bivouac que j’avais prévu, mais une idée germe, continuons. 17h je bifurque l’île par son bâbord encore 8 km et j’arrive. Où ? Mais à la plage aux romantiques !!! 19h 08 je suis sur
son sable, je n’ai pas de voix, un phoque semble attendri par mon émoi, il y a un an avec Véro nous avions passé plusieurs jours dans ce repaire d’amoureux, cela valait bien ces 11heures de kayak. Pour une entrée en matière je ne pouvais rêver mieux !!! Le moral est au beau fixe et je
dédicace cette journée à la puissance de l’amour. Demain repos, pour organiser le kayak et faciliter mes journées, qui ne sont qu’au commencement.
A pluche !