Kayak, glace, neige mais bonne humeur
De passage à Ilulissat je profite d'une connexion pour vous faire partager un bon moment de franche rigolade polaire…
Publié par Frank Bruno Officiel sur mardi 15 août 2017
Vidéo kayak et neige Expédition Kiffanngisssuesq
16 août 2017Entre cabane et village
16 août 2017Pilluarit Bertheline
15 août 2017Un dimanche au village
14 août 2017Dimanche à Oqaatsut, un jour comme un autre, calme et silence ? Ben non, à 9 h tapantes, la cloche de l’église sonne à tout rompre. Les chiens sont athées, ce matin la preuve m’en a été donnée, leur aboiement fut si fort que le pauvre campanile semblait enroué. Mais personne n’a gravi les escaliers de la vieille église en bois, pas une ombre autour du lieu du culte. La religion perdrait elle de sa force ? Ici les croyances anciennes sont très présentes. Les qivitoqs (mauvais esprits) rôdent sur les plus audacieux. Ces âmes en peine viennent perturber celui qui se présenterait sur leur route. Dans certaines cabanes de pêcheurs-chasseurs, une croix est souvent clouée sur la porte pour éviter aux mauvais esprits de déranger celui qui s’y réfugie. Le mélange entre animisme et christianisme fait un drôle de mélange. Arrivés en masse au XVIIIème siècle pour la chasse à la baleine, les sudistes ont imposé leur religion, le chamanisme est devenu tabou, mais pas trop oublié, juste quelques restes pour entretenir les légendes.
Je poursuis ma tâche sur la cabane tout en surveillant si l’office serait donné, une occasion de me mêler aux ouailles et de sentir le moment, mais rien ni personne… Alors, je poursuis mon travail de fourmi. Depuis plus d’un demi siècle, cette maison a subi les affres des froids polaires et sa bonne forme me ravit de jour en jour. D’ici quelques jours, je reprendrais la mer, on ne peut se lasser d’une vie de nomade, surtout que cette fois je pourrais la partager en toute sécurité avec ma petite allemande.
Une journée dominicale paisible, ensoleillée et sans vent. Pour conclure ce beau dimanche, Julien et sa famille viennent faire un crochet par le village pour partager une grillade au bord des icebergs. Un de leur amis possède une minuscule cabane à quelques milles d’Oqaatsut, un coin paisible comme partout ici, d’ailleurs. Charlotte et ses trois enfants préparent le carburant de la grillade, de la camarine et du bouleau nain en suffisance pour maintenir le feu d’une plaque métallique. En premier, la graisse est coupée en petit bouts pour faire l’huile de friture puis les fines tranches de viande de phoque sont rôties dans ce jus. Une soirée simple comme est la vie au Groenland.
Lundi à 12h40, on se retrouve sur les ondes de France Bleu RCFM avec cette fois Vanina Buresi, je vous raconterai tout ça en détail…
A pluche…
Blues polaire
13 août 2017Au petit matin, le soleil est bien entendu déjà là et la température est douce. La nostalgie s’empare de moi, je ne sais pas comment, pourquoi, mais elle est au coin d’un iceberg, juste en face de la cabane bleue et me remue des «choses». Comme tout au long de notre si courte vie, nous sommes en initiation, en formation. Depuis 2 mois que j’ai posé la prothèse au pays de glace et du silence, il me semble avoir vieilli de 20 ans ! Les doutes, les peurs, les remises en question m’ont touché au plus profond de mes certitudes. Etre nomade ici en kayak-solo, c’est un peu un chemin de Compostelle à l’époque des barbares et des mauresques, à chaque instant l’épée de Damoclès est sur ta tête. Le genou à terre, la nuque bien en vue, tu ne sais jamais quel sera ton sort. Contre-coups, fatigue psychique, j’accuse le coup. Physiquement je suis en pleine forme, je ne dors que 6 h et suis en pleine forme, même le moignon commence à me laisser en paix. Une sensation bizarre, étrange pourtant me colle aux bottes, le blues ne veut pas me lâcher.
Ici, je suis l’homme le plus heureux, ma petite Allemande arrive bientôt, mes amis même loin, ne m’ont pas lâché, Dumé de Suisse m’a beaucoup ému là haut aux Diablerets, je connais beaucoup de monde, du pays basque j’ai eu droit à une demande de rapport détaillé, les Pianottoli-boys en mode fournaise m’ont fait beaucoup rire, Audrey fidèle aux rendez vous du soir et mon bodyguard Patrick, sont ma force… Aussi vos messages de soutien, je les relis en boucle, mais voilà la machine a un couac, un fil qui coince dans le tableau électrique. Ce matin, je me suis occupé de mon beau et bon kayak, il avait quelques blessures que j’ai su réparer, je l’ai serré fort dans mes bras, il n’y a que lui qui sait, il n’y a que lui qui a entendu mes prières, il n’y a que lui qui a étanché mes larmes. Les déferlantes nous ont fait trembler, lui sans moi, moi sans lui, morts, broyés, noyés, oubliés, disparus… Mais il me faut relativiser, j’en ai pris des plus lourdes de roustes, des plus angoissantes, il faut que je digère…
La maison est de moins en moins un chantier, j’arrive avec les moyens du bord à faire que ce soit plus facile à vivre. Cet après-midi, sous un soleil de plomb et avec une brise suffisante pour cacher les moustiques, j’ai recloué la façade exposée au Sud qui est le vent dominant. En plus de 60 ans, cette cabane a du en voir des coups de chien, la peinture a quasiment disparu. De haut en bas, avec une immense échelle double, j’ai ajouté des clous aux points branlants et revissé sérieusement les huisseries des deux fenêtres en calfatant le tout avec de la bonne laine de verre piquante. A ma grande joie, ce soir la façade est prête à recevoir la peinture bleue claire. S’il y a quelqu’un qui a envie de jouer les funambules avec un pinceau et qui passe par là, il sera le bienvenu. En fouillant dans le vide sanitaire, j’ai trouvé des balles de gros calibre, le karma de phoque ici n’est pas des meilleurs, et au milieu de restes de peaux de bestioles, d’arbre de Noël en plastique, de belles planches propres se sont transformées en une solide étagère dans la pièce couchage.
Pour donner un peu plus de légèreté à cette journée, de temps à autre, je m’attendris sur des boules de poils sentant le poisson rance. En effet, ici les jeunes chiens sont en liberté jusqu’à 6 mois, après ils seront attachés, donc j’ai toujours une équipe de futures « motoneiges» autour des pattes, en attente d’un lâcher de tranches de salami de ma part. Au loin, je vois 4 enfants être émerveillés devant un plant de rhubarbe qui pousse de manière miraculeuse devant une cabane abandonnée, ici tout est merveille et les gens le savent encore. L’été est à son plus haut niveau, il arrive à faire 17°C à l’abri du vent, une vraie température caniculaire, l’autre hiver le thermomètre est descendu à -50°C !
Voilà mes amis, un bout de vie nostalgique depuis un petit village tout là haut dans le Grand Nord…
A pluche
Groenland 2017 : Expédition Kiffanngisssuesq
9 août 2017Oqaatsut la paisible
9 août 2017En reprenant les mots de ma belle allemande, c’est comme quand tu reviens d’une plongée extrême, la remontée est lente, puis les paliers n’en finissent plus pour te permettre de rejoindre la surface. Mon retour de toutes ces semaines de mer ne pouvait, en claquant des doigts, me replonger dans le soi disant confort qui à chaque fois me met à genoux, là c’est simple, très simple puisque encore rustique. Me voilà à Oqaatsut depuis 24 heures, petit village eskimo de 45 habitants, à vue de nez la population de chiens doit être au moins du quadruple ! Les moustiques sont toujours là mais pour les narguer, je ne porte plus de moustiquaire de tête et je leur offre mes bras nus. La cabane est des plus rustiques, pas d’eau courante comme de partout dans les villages du Groenland, pas de toilettes et c’est peut-être la seule du hameau qui n’a pas d’électricité. Je n’ai pas fermé l’œil de la nuit, à 4h30 j’étais déjà debout à nettoyer cette cabane bleue.
La transition, bien que rude, est encore dans la logique de mon voyage, ici rien n’est simple, il faut penser différemment, s’adapter, une fois de plus. Dès l’ouverture, je vais chercher 20 litres de pétrole, le chauffage est toujours de mise même si c’est l’été, puis avec une brouette communale, je dois, au distributeur bleu, comme partout sur cette terre de glace, remplir mes 30 litres d’eau douce pour les ramener sur un chemin scabreux. Julien arrive en bateau, il fait les présentations, explique pourquoi je suis là et des sourires m’enchantent. La patronne de la superette, où tu trouves tout, en passant des couches pour bébés aux cartouches de gros calibre, est la nièce de l’ancien patron de la cabane. Elle est ravie, en apprenant que ce sera un camp de base pour amener des jeunes et moins jeunes raccourcis. Les ados locaux rêvent de ville et le village perd de sa jeunesse, les anciens savent que leur commune coûte cher au Danemark. Un groupe électrogène tourne en permanence pour alimenter le dessalinisateur qui fournit l’eau du puits central, où tout le monde va remplir ses jerricans. Si les jeunes s’en vont, les politiques danois fermeront le village au désespoir de ses habitants. Je visite les maisons communales, il y a celle où tu peux aller bricoler et emprunter gratuitement des machines, il y a aussi un hangar pour caréner ton bateau, puis il y a un dispensaire des plus modernes, en sachant qu’en cas de gros problème, un hélico sera sur zone très rapidement. Puis la salle des douches, bien plus clean que certaines que j’ai utilisé pendant mon tour de Méditerranée, il y a aussi une petite salle de muscu et un coin avec des tables pour jouer aux jeux de société. J’ai d’ailleurs squatté toutes les prises électriques pour recharger tous mes gadgets.
Le tour du village est rapide mais qu’est ce que je m’y trouve à l’aise, bien qu’étranger, je me sens le bienvenu. Alors cette journée est consacrée au décrassage de la maison. Construite en 1955, elle a été longtemps abandonnée bien qu’en état parfait et il y a un monticule de «trucs» à récurer et remplir une belle poubelle pour y sentir une autre odeur que celle d’un phoque en décomposition… Immaqa, lui se repose sur une belle prairie, le GPS, le trackeur qui donne ma position satellite pendant que je navigue et plein d’autres choses sont à son bord et personne n’y touchera. A notre époque cela n’a pas de prix.
Le 16 aout, «ma» Karin arrivera et ensemble nous reprendrons la mer, le chant des baleines, les espiègleries des phoques, la pêche à la morue et aux truites, ce sera le partage pour nos retrouvailles. En attendant, ce soir devant ma soupe chaude, un immense iceberg s’est désintégré juste sous nos yeux éberlués. La cabane est située un peu à l’écart des autres avec une vue imprenable sur l’océan arctique où un petit point rouge a bien risqué sa peau. Au mois d’avril, avec des jeunes de Bout de vie, nous étions arrivé à Oqaatsut en chiens de traineau par la baie qui était gelée. J’avais dis à Rémi : tu vois, un jour je reviendrais ici, dans cette cabane, pour y passer un bout de ma vie… Une fois de plus, ma pensée s’est réalisée…
Mercredi 9 aout à 15h, je serai en direct avec le Festival du film d’aventure des Diablerets dans les Alpes Vaudoises en Suisse. Dume Benassi a pris ma place de membre du jury et à l’occasion de la projection de son dernier film sur ses 15 titres de champion du monde de triathlon (sur une patte), je répondrai en direct aux questions de l’extraordinaire Jean- Philippe Rapp… Pour conclure ma bafouille, je reprendrai une belle maxime de Sylvain Tesson: Arriver sans savoir si tu vas rester, partir en sachant que tu vas revenir…
PS : Jo Zef vient de s’évanouir, je lui ai annoncé que Norra viendra le rejoindre avec Karin ! Il est quand même fragile je trouve !!!!!!!!!!!!!!!!!!!
Complainte des Baleines
7 août 2017Elles ont du sentir ma nostalgie et pour ne pas me laisser seul, elles m’ont offert leur chant toute la nuit. Je le définirai comme la «complainte des Baleines», elles sont tristes de nous les hommes, tristes de notre vision, triste de notre présent… Je ne peux que les écouter, elles m’ont dit d’autres choses mais ça c’est mon secret. Le brouillard est dense, le son est feutré, la sensation d’être seul au monde est amplifiée. Il me faut partir, le sud m’attend, avant je visais le nord mais après les leçons du Cap de mes peurs, l’expédition s’est muée en voyage de l’intérieur, en parcours initiatique. A l’aller, je n’ai vu que des kilomètres à manger, des notes à prendre, des vents à venir. Le retour fut archaïque, contraire à mes attentes, mais en y pensant bien, c’était les cours du soir que l’on m’offrait. Des contrôles notés sévèrement, je ne sais même pas si j’ai eu la moyenne, ce qui est sûr, c’est que je suis passé, sans redoubler, ici redoubler c’est changer de monde !
Immaqa est mis à l’eau une fois de plus, son chariot semble tenir le coup, tant mieux. Entre des îlots, je glisse sans bruit, le courant me pousse, je crois que les leçons commencent à payer. Je visite, je stoppe mes pagaies, pour voir si ce satané phoque veut bien se laisser filmer, ici le 7 ème art n’est pas dans leurs mœurs. Les dalles sont toutes accessibles, au contraire de tout ce que j’ai vécu jusqu’à présent, les lieux de bivouacs sont multiples et variés, un vrai confort pour le plan B. Une cabane est en rive, pourquoi ne pas la visiter, ici tous les abris n’ont pas de serrure. La maison est parfaitement rangée, trop à mon goût, serait-ce un danois qui utiliserait ces lieux ? Je le saurai peut-être un jour. Des fjords magnifiques et encore quelques icebergs coincés, certains d’entre eux sont de taille phénoménale.
Là-bas, je devine l’île qui défend Oqaatsut des terribles vents du nord, derrière «ma» cabane, et dire qu’il y a encore deux ans, je vivais sur mon petit bateau, sans jamais penser un jour résider à terre. Mais la route n’est pas encore finie, à chaque instant un piège peut-être fatal, ici, seul en kayak, la concentration doit être au plus haut niveau. Je me tourne une dernière fois pour deviner les caps du nord, d’où nous revenons. Je stoppe tout, la brise est de nord, le silence une fois de plus me prend aux tripes. Je marmonne une sorte de prière, la dame d’Ata m’a protégé, combien de fois m’a-t-elle envoyé un de ses anges en forme d’oiseau pour me guider sur le bon chemin ? J’ai des larmes dans les yeux, j’essaie de me confier à la caméra, ma voix est nouée, les mots sont trop durs à sortir, je suis un miraculé et ça je l’ai bien compris. Je suis parti sans savoir ce qui m’attendait, heureusement sinon je ne serai pas parti.
Je me projette sur les jours prochains, la vie au village, la visite de ma douce allemande… Mais je reste prudent, Oqaatsut est encore loin… 15 h, je touche enfin terre, le village est silencieux comme à son habitude, la marée est tellement basse que je suis obligé de laisser Immaqa loin du point de débarquement prévu. Je monte voir Steen, il me sourit, m’offre un café et lit dans mes yeux ce que j’ai vécu, lui c’est pour survivre qu’il subit ces caprices météo, moi c’est juste pour me sentir «homme libre». Il me dit que j’ai grandi, je ne sais pas, mais ce qui est sûr c’est que ce soir, je sais que l’aventure est loin d’être finie…
A pluche
Chut, silence en cours
5 août 2017Pas un iceberg qui claque, pas une houle à guetter, pas un souffle, le silence dans tous ses états. Comme dirait Sylvain Tesson, le silence c’est le bruit du temps qui passe… Une morue a sauvagement émis des splashs dans la lagune face au bivouac, malgré l’heure tardive, elle s’est retrouvée filetée en sachet en attendant notre poêle à frire !
Au petit matin, le brouillard nous enveloppe, un signe de vent de sud-ouest pour la région, cela signifie aussi une journée sans moustiquaire de tête, les suceurs de sang n’aiment pas le Libeccu polaire. Le camp va rester monté, le coin est trop beau pour être si brutalement quitté. Je profite de ce calme à moustiques, pour m’offrir une courte, mais magnifique balade, mon moignon réclame du repos, alors je dois l’écouter. Pas de portage de kayak, de mise à l’eau houleuse avec des efforts de gladiateur pour que rien ne se brise, ni le kayak ni mes vieux os. Je vais quitter mon pantalon étanche pour une paire de pantoufles boréales. Le coin est délicieux, si je devais le classer dans tous ceux visités, il figurerait sur le podium. La température a sacrement chuté mais cela me plait, je laisse aux aoûtiens du sud le soin de se déshydrater sous le soleil méditerranéen, ici le froid est tonique, il met l’esprit en veille permanente.
S’adapter sera le mot clé de ce voyage, mais la vie ne serait-elle pas une succession d’adaptations ? En naissant, on rampe, on chope tout ce qui peut passer sous notre main de bébé, puis l’on se redresse tant bien que mal. En perdant une jambe, c’est un peu pareil aussi, on est bancal, mais vous le savez bien, ce n’est pas tomber qui est important, mais se relever, alors on s’adapte. Ici, c’est exactement ça, s’adapter, se mouler au paysage, au lieu. Je commence à comprendre pourquoi l’eskimo est si peu bavard, si silencieux, depuis des millénaires il s’est adapté. Un gars qui parle fort ici, va être mis sur la touche de suite, j’en suis convaincu en quelques jours son langage deviendrait doux, bas, étonnement à l’écoute de ce qui va arriver.
Le brouillard avec des trouées de soleil rend le coin mystique, antique. Je m’attends à tout moment à voir surgir de derrière un massif minéral, un mammouth suivi d’hommes d’un autre millénaire. La dite civilisation d’hommes de Saqqaq a habité la baie de Disko et je n’arrive pas à savoir si c’est un effet naturel ou historique mais en me baladant, j’ai trouvé d’immenses dalles recouvertes de lichen avec des inscriptions ! Une sorte d’alphabet tracé dans le végétal qui met beaucoup de temps à évoluer, des lignes et des lignes, un peu comme les signes rupestres de la vallée des merveilles du Mercantour, mais ici ce n’est pas la roche qui est gravée mais le lichen. Au village Oqaatsut, j’aurai certainement ma réponse.
Les bolets tapissent la toundra, un beau plat de morue-champignons m’attend à midi. En entrée, j’ai réussi à transformer les œufs de truites pêchées il y a quelques jours, en poutargue, la simplicité de vie rend ingénieux. Ma balade me mène sur une ancienne maison abandonnée, moitié en planches, moitié en tourbe, ma rêverie essaie de définir le personnage qui a résidé ici et surtout à le dater ! Là aussi, peut-être plus tard j’aurai ma réponse. Tiens, la tête de morue que j’avais planquée assez loin du camp n’est plus là, un renardeau a du s’en saisir pour un festin en l’honneur de l’équipe des bancals. Oui, mon pauvre kayak, lui aussi boite bas, une latte arrière est brisée, mais rien de bien grave pour cet équipage du tonnerre de Dieu. Qu’ils se méfient, si du brouillard sortait un drakkar viking nous l’enverrions par le fond. Par Thor et par Odin, on n’est pas les flibustiers du temps présent ? Les champignons rissolent avec la morue. Jo Zef a la mission de veiller au camp si par derrière, un ours blanc avait la mauvaise idée de venir déjeuner avec nous, c’est que nous, nous sommes des solitaires…
L’expédition du record, de la première mondiale, se recompose en une exploration paisible, non plus avec les vents contraires mais avec le blizzard qui nous guidera où bon lui semblera. Un voyage de l’intérieur, une introspection dans le silence absolu. Quand je pense que 100 millions de touristes sont tout autour de la Méditerranée alors qu’au même moment, ici à des kilomètres, nous sommes seuls au monde. Notre pauvre planète, doit bien nous prendre pour des dingues, il y a assez d’espace pour tout le monde, le brouhaha est la pollution la plus nocive, elle rend dingue les «autres». Sartre disait : L’enfer c’est les autres . Si ici cela peut-être vite l’enfer, c’est parce que j’ai juste fait un mauvais choix de parcours…. Je vous envoie plein de fraîcheur et de silence.
PS : Jo Zef est aux anges, nous avons posé la tente sur un champ de myrtilles, il n’y a même pas à sortir du sac de couchage pour se goinfrer…
Camp du lac salé
4 août 2017C’est bien d’être sur une petite île seul au monde mais encore faut-il la quitter un jour ou l’autre, pourtant un immense «mais» était d’humeur matinale. Un iceberg de chaque côté du caillou et rien d’autre que de l’océan, mais ces deux monstres se sont auto-plastiqués 3 fois, des milliers de m³ de glace qui volent en éclat avec des blocs gigantesques créant une série de vagues à refroidir plus d’un aventurier téméraire. Donc, avec la plus grande des prudences, j’ai posé Immaqa les fesses à l’eau mais encore sur son chariot. Le matos à charger était à portée de prothèse, mais pas trop près non plus en cas de raz de marée. Un vrai exercice de style qui te permet de rentrer dans ta journée avec un bon taux d’adrénaline. Finalement, l’embarquement a pu se faire sans embrouille, direction le golfe de Pakistoq. Bien sûr, vent et courant sont contraires mais je suis resté bloqué sur ma mise à l’eau de ce matin, une vraie roulette russe sans plan B et ça je n’aime pas du tout. Si la vague arrive au moment de charger le kayak, à moins d’un miracle tu te retrouves en slip en perdant tout ton matos, un truc de fou.
J’avance en prenant mon mal en patience. Cette partie m’est complètement inconnue et ma seule question du jour est où vais-je bien pouvoir trouver un abri sûr pour cette nuit.Ce golfe bien plus grand que celui de Porto-Vecchio est hostile, sans la moindre trace de vie. De hautes falaises l’encerclent et à raz des cailloux, un minuscule point rouge. Au bout de 2h30, je trouve le premier coin accostable, en plus il y a de l’eau à proximité, je ne vais pas trop me charger, avec mes 2 litres j’en ai assez pour la journée, ce soir je trouverai ça ! Puis le vent et le courant se renforcent, me donnant une moyenne de 2,5 km/h, à un moment je me suis dit : mais t’as qu’à tourner tes fesses et viser ta petite maison bleue, là bas loin au sud. Mais vous me connaissez, il est têtu le garçon, alors je poursuis dans une impasse, un couloir ventilé à souhait mais à son bout, je devine une cabane. Un vrai calvaire, le vent dans la gueule. A midi pétante, on ne rigole pas avec ça, je peux enfin manger mes nouilles chinoises dans ce pertuis complètement perdu, un vrai coupe-gorge, un coup d’ouest et t’es un rat mort !
Je m’extirpe de ce piège mais je sais qu’à mon tribord si je grimpe la colline, je pourrai voir la mer intérieure de Pakistup Ilordlia. Donc, je trouve une brèche protégée de l’est mais il faut absolument que je sécurise Immaqa, là je n’ai vraiment pas envie de le voir partir au large. Je noue, je frappe, tout ce qui est corde est fixé à terre. Mais cette ascension rapide pour voir de l’autre côté ne me rassure pas du tout. Je n’aime absolument pas savoir mon beau kayak seul, entouré de cailloux acérés. Malgré tout, je vois enfin cette mer émeraude, un écrin encerclé de falaises, là je crois que les carottes sont cuites pour que j’y trouve un abri. Reprenant ma route, je vais devoir couper la passe qui pénètre cette petite mer intérieure, nous sommes à marée descendante ! Oula oula, ce n’est plus du courant, ce sont les rapides du Yukon, à vue de nez il doit y avoir 6 nds de courant sortant. Malgré le vent, je prends large pour éviter les remous mais me voilà de nouveau dans la tourmente, j’ai le sang qui se glace, les remous sont monstrueux, je prie pour qu’il n y ai pas un tourbillon m’entrainant au fond !!! Encore un gros moment d’adrénaline !
Puis le cap est pris vers une minuscule baie qui devrait me faire trouver l’abri juste du soir. En bifurquant, là sous mes yeux, la merveille des merveilles, en plus de deux renardeaux qui m’observent, une baie super protégée avec un déversoir d’un lac juste à 20 m derrière. Les dalles sont pentues à la perfection pour pouvoir hisser mon bon kayak sans problème, et si c’était ça le paradis ? Je sécurise mon embarcation pour aller me rafraichir au torrent. Mais là, je me dis que je dois être sacrément salé, car l’eau que je bois à le goût du sel, je me lave le visage, les mains et regoûte l’eau du torrent, mais non de bleu mais c’est de l’eau de mer !!! Un lac juste plus haut de 2mts avec son déversoir de 20 m cela me semblait extraordinaire, et ben à marée haute ils doivent être au même niveau… Un peu écœuré de ce malentendu, pour ce soir je vais devoir me contenter de mes 2 litres d’eau. Pour le diner spectacle, une jolie cascade se trouve à environ ½ de marche d’ici mais pour ce soir c’est clair, je suis cuit, extra cuit. Pour finir ce billet, la température est en train de chuter, ce matin à l’abri dans la tente, il faisait un petit 4°, vivement l’été…
A pluche