Toute la nuit les rafales ont secoué la tente, il me faut prendre une décision, rester ou reprendre la mer. Ce nid d’aigle ne m’inspire pas trop. Julien par mail m’a annoncé une baisse d’intensité du vent du sud. Je suis indécis, partir ou rester ? Au moment de couper mon système satellite, celui-ci sonne. « Mon » Dume m’appelle, ensemble nous avions traversé l’Atlantique à la rame, un truc de dingue qui nous a unis pour la vie. On discute des conditions que je rencontre, de la vie, de ses blessures puis au moment de raccrocher je lui demande : oui ou non ! Il me répond oui ! C’est décidé on part !
Avec précaution je fais glisser Immaqa sans le blesser puis prudemment, je descend le barda pour tout caser à bord, chaque place est bien pensée. J’active la balise spot pour que vous puissiez suivre notre progression et nous voilà partis. Les rafales bien que violentes encore sont presque dans notre cap, alors par « gourmandise » je prends droit sans longer la côte. Au beau milieu, un orage de neige avec son blizzard nous arrive dessus, comme je regrette de ne pas être plus à terre. Alors je m’attelle à la cadence gladiateur. Finalement l’orage passe et la mer devient calme. La progression est bonne mais les enfants d’Apoutsiaq (flocons de neige) virevoltent autour de nous. Et dire que ce matin les premières fleurs de Niviarsiaq (Epilobes à fleurs larges) nous sont apparues.
Nous longeons un immense mur de pierre de plus 650 m de haut, je me sens tellement petit ici. Pas de moyen de débarquer, une seule devise : avance et arrête de te plaindre. Au bout de 3h je vois au loin le point fixé au matin mais quelque chose me dit que ce n’est pas le bon coin et vu que la brise est passée d’est, pourquoi ne pas rejoindre la côte nord au cas où le temps se dégraderait. Bonne intuition, le vent se renforce en nous poussant, mais au fur et à mesure de notre navigation les glaçons se multiplient jusqu’au moment où les passages sont de plus en plus délicats. Je serre les fesses. Il ne faut pas que l’un d’eux chavire à notre passage, ce serait fatal. Nos anges gardiens, vous et vos bonnes pensées, font que nous esquivons les uppercuts de ces colosses.
Arrivés au cap Nuâ, la neige redouble de violence, ce sont des lambeaux de coton qui nous tombent des cieux. Le brouillard nous rejoint oh le taquin. Le point rouge est emmitouflé d’une écharpe blanche. Le GPS doit être allumé, sinon on risque d’y passer la nuit, qu’il n’y a jamais en ce moment ! Finalement au 28ème km, Immaqa accoste sur une plage de rêve, assez plate et sans caillou pour qu’il puisse être hissé sur son chariot. En un temps record la tente est montée et une forte lumière malgré la neige qui continue de nous saupoudrer permet d’avoir une bonne température à l’intérieur. Myrtille sur la crêpe, la radio locale peut être captée et de beaux airs groenlandais rendent l’équipage joyeux.
Karin a dû retrouver son chez elle en Corse aujourd’hui après un long périple retour, il me semble encore l’entendre pagayer derrière moi.
Demain on se retrouve sur les ondes de France Bleu RCFM avec Jean-Charles Marsily à partir de 12h40 heure française.
A pluche