En 2007 je m’élançais dans une première, tenter la traversée de l’Inlandsis Groenlandais à pied !!! Déjà fait par des bipédes mais pas par un corsaire un poil Cabochard!!!
Je me demandais pourquoi aucune personne handicapée n’avait, ne serait-ce qu’en partie, tentée cette traversée polaire !
Nicolas Dubreuil avait constitué une équipe atypique, Hogan Beernart, venait de se remettre d’une lourde chute d’un arbre, ses vertèbres bien que brisées, s’était échappé du pire, Serge Bogros habitué des expéditions polaires venait de subir un pontage cardiaque. Niko lui voulait porter ce projet pour promouvoir la cause de la « différence ». Deux ans auparavant il était passé à travers la banquise et avait commencé à geler, les médecins lui avaient prédit l’amputation de ses mains et pieds…Sa bonne étoile et les miracles de la médecine lui ont évité de prendre l’adhésion Bout de vie !!!
Parti de Kangerlussuaq cote Ouest du Groenland nous devions être héliportés en haut de la calotte, mais l’hélico quelques jours avant notre arrivée devait s’abimer dans les glaces ! Plutôt que d’abandonner nous prenions la décision un peu folle de gravir les 2000 mts de dénivelé de la langue du glacier. Grimper, muni de nos traineaux pesant 120 kilos pièces, devait se relever d’un travail de gladiateur, les crevasses à multiples reprises nous tendaient des pièges, chacun d’entre nous devions détecter les gouffres qui auraient pu être nos sarcophages. Hogan a failli y perdre sa vie d’ailleurs…
Au bout de 4 jours, Serge jetait l’éponge, un petit avion pouvait encore nous rejoindre et le rapatrier, pour nous trois nous attaquions cette croisade blanche…
Pendant 34 jours nous avons erré sur l’un des endroits le plus désertique du monde, rien n’y vit car tout y meurt. .. Mon moignon m’a fait souffrir en plus des gelures, mais la volonté et la détermination m’ont permis de réaliser ce rêve incroyable. Niko s’est révélé comme un frangin d’ailleurs depuis nous aimons nous appeler : Frères de glace.
Alors que tout allait mal pour moi, venu de nul part, un bruant des neiges est venu se poser sur ma pulka, un signe d’espoir qui m’a permis de continuer.
Ce film n’est pas mixé et ne fût pratiquement jamais diffusé dans son intégralité, donc pour vous en toute intimité je vous amène au pays des trolls des neiges,( les Kilitoqs.)
Un grand coup de chapeau à Nicolas Dubreuil qui a pris beaucoup de risque pour filmer, dans certaines séquences la température était inférieure à -45° !!!
En 2003 j’accompagnais Dumé en Nouvelle-Zélande pour les championnats du monde de Triathlon qu’il remportait à l’époque pour la 8éme fois. L’ambassadeur de France nous présentait un héros national Mark Ingliss. Amputé tibial double il était sportif de haut niveau mais surtout homme de montagne, en 2006 il atteignait l’Everest ! Toutes les équipes de hauts niveaux professionnels de son pays faisaient appel à lui pour qu’il amène sa touche sur la persévérance et la résistance à la douleur. Des All-Blacks, au team Kiwi de l’América’s cup en passant par la nationale de cricket, sport roi sur l’île australe, il était devenu tout à fait normal d’avoir recours à lui. Les 30 heures de vol retour devaient me faire cogiter sur la possibilité de faire de même en France, mais je devais m’affirmer d’abord …
Quelques années plus tard et quelques péripéties du non des moindres, je rejoignais l’équipe professionnelle de hockey sur glace de Servette Genève. Vous connaissez la suite, une finale et la plus belle saison de l’histoire du club. Chris Mc Sorley, ancien pro Canadien, avait de suite accepté la demande d’Alex qui fût ce lien si important. Coacher des gladiateurs des temps modernes.
Le proverbe dit qu’on n’est jamais prophète dans son pays et je le confirme. Depuis, la Suisse m’a ouvert une nouvelle voie, conférence, talk show télévisé, jury de festival… Les helvètes ont compris depuis longtemps qu’une personne blessée au plus profond de sa chair et de son âme, si elle avait la force de se reconstruire, pouvait passer un message très fort.
La France pays des droits de l’homme de prime abord devrait être précurseur dans ce domaine, mais non et encore non ! Notre société a besoin de plus en plus de guide, une grande majorité ne sait plus se gérer seule. La preuve, les sociétés de coaching pullulent, pour arrêter de fumer, pour maigrir, pour s’habiller, pour sortir en public et même pour ranger sa maison ! Ne cherchez pas de personnes, un poil, amochées dans ce listing. Une maison française spécialisée dans ces événements, m’a mis dans son catalogue, mais rares furent les fois où mon profil fût pris.
En contact avec beaucoup de grands champions souvent je suis proposé aux équipes nationales de l’hexagone, mais la réponse est toujours la même : bonne idée mais pas pour le moment ! Laurent Blanc s’est fait taper sur les doigts quand il a engagé un psy du sport pour un état des lieux, on m’a gentiment dit que le public n’était pas encore prêt pour ce type d’expérience ! Le public ??? Et oui toujours l’image, que va-t-on dire que l’équipe de France de football reçoive en son cœur pour quelques jours un unijambiste à la rage de vivre ? Je ne suis ni blessé, ni frustré, bien au contraire. Cela me donne encore plus d’énergie pour continuer mon chemin et essayer de changer le regard des autres. Je sais qu’avant tout, cela vient des personnes elles-mêmes handicapées qui n’ont pas encore su accepter leurs différences pour que les « normaux » ne les voient plus comme des personnes diminuées, mais des êtres aussi puissants et aussi capables que n’importe qui…
Dans le projet du deuxième livre j’ai demandé à Chris Mc Sorley de m’offrir son témoignage :
J’ai rencontré Frank sur recommandation d’un ami commun, Mr. Alexandre Ahr. Il me l’a présenté comme étant une de ces rares et précieuses personnes qui a la capacité de remotiver la vie des gens.
Dans mon rôle de manager d’équipes professionnelles de hockey, je dois souvent faire face à un challenge pour motiver mon groupe de joueurs à surpasser l’adversaire en vue de notre prochaine victoire.
Frank a rejoint notre équipe au printemps de la saison 2008-09 juste avant les playoffs. Nous étions face à des adversaires plus grands et plus forts que nous et nos joueurs doutaient de leur capacité de gagner. Frank est entré dans nos vestiaires et en six semaines et trois tours de playoffs, il a réussi à redonner confiance à toute l’équipe.
A travers son histoire personnelle, sa force de caractère et sa motivation à changer les gens autour de lui, Frank a touché le cœur et l’âme de tous les joueurs (et de l’entraineur), ce qui les a conduits vers le succès.
Ce fut la première fois en quarante ans que le « Genève-Servette Hockey Club » atteignit les finales de la Ligue Suisse De Hockey Sur Glace.
Nos sincères remerciements à Frank de toute l’équipe. Sans toi, nous n’aurions jamais pu « grimper cette montagne ».
Un court métrage a été tourné sur lui et l’un de ses meilleurs joueurs qu’il n’a jamais eu Philippe Bozon. Ce film à eu un franc succès dans le monde du hockey et vous allez pouvoir vous rendre compte qui est ce coach charismatique ; Mister Chris Mc Sorley…
Depuis quelques nuits je suis plongé dans la lecture d’une biographie d’une sacrée femme Ellen Mac Arthur, marin hors norme qui a déverrouillé pas mal de record à la voile autour du globe, aussi bien en équipage qu’en solitaire. Etrange sensation de découvrir un bout de ma vie ! Non rien à voir avec les records ou autre mais plutôt avec cette jeune femme que je vais vous conter comme une belle histoire salée
Il y a une vingtaine d’années, j’étais en train de prendre une voie nouvelle, mais ce choix me perturbait. Peut-on vivre différemment ? Au bras d’une belle « pépé », j’étais à l’arrivée d’une course de grands voiliers en Sardaigne, dans cette réunion de bateaux des plus élégants les uns que les autres, l’un d’eux m’ avait subjugué, le skipper était une capitaine. Un ketch de 28 mètres manœuvré par une jolie jeune femme ! L’accostage s’effectuait sans aide extérieure, uniquement en jouant avec les voiles, sur ce type d’unité le moteur n’a pas sa place. Devant des centaines de spectateurs médusés, la mise à quai spectaculaire lui avait valut une bronca d’applaudissements. Vu le nombre de télés et journalistes présents je me doutais que le marin en jupon devait être connue et reconnue.
Ma « cops » de l’époque avait peut-être eu de l’intuition en me lançant : « Voilà la compagne qu’il te faudrait ! »
Me dégageant peu élégamment de mes obligations de fiancé je me retrouvais engagé quelques mois plus tard comme plongeur sécu sur la plus grosse réunion de voiliers de Méditerranée, la Nioulargue de St-Tropez. 700 bateaux de toutes sortes sur l’eau, c’était un spectacle époustouflant. Je partageais le bord d’un très proche ami et pour nous faire un peu remarquer, puisque notre place était à coté de la vedette des gendarmes, nous avions planté un petit drapeau corse de plusieurs mètres carrés. La musique insulaire engagée, couvrait le brouhaha du port.
Tous les soirs c’était un défilé d’invités surprises, tout le monde voulait trinquer avec les Corses. Alors que je m’attelais à faire des crêpes, déjà adepte à l’époque, pour nos nouveaux amis, un groupe de marins nous souriaient. Je mettais un moment à comprendre que l’équipage n’était composé que de filles !!! Libre comme le vent nous les convions à partager nos galettes (Jo Zef s’est évanoui). Mais là, une surprise de taille m’attendait, le chef était la fille que j’avais vu manœuvrer en Sardaigne. J’en perdais mes moyens. Elles trouvaient la Corse et ses habitants merveilleux et moi je me vidais de toute initiative.
Devant moi, j’avais un grand marin et malgré ses grands yeux verts je n’y voyais que des couleurs d’océans conquis. Pendant la semaine quand des photographes rejoignaient notre bord ils recevaient mon ordre de mitrailler la skippeuse rien que pour moi ! En fin de journée j’essayais toujours de me trouver à l’accostage. Le dernier soir était cocktail, elle m’invitait à bord, je ne savais plus quoi dire, je serrais la main de plein de marins qui avaient écrit les livres de bord du Cabochard, amis, je peux vous dire que quand Mr Éric Tabarly entamait une brève conversation avec moi j’étais persuadé que j’allais me réveiller.
Le matin de son départ le Noroit et le crachin rendait l’aurore glauque, elle me remettait un papier avec ses coordonnées chez ses parents, puisque, nomade sans domicile fixe, elle aussi. Elle me promettait de me retrouver un jour. « C’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme », disait Renaud, mais là c’était un marin qui avait fait flanché pour un autre marin !
Un mois après, alors que je bricolais sur mon bateau un gars de la capitainerie venait m’amener un message bref. « Suis entre deux courses et voudrait te rencontrer avec ton Cabochard … »
Élue deux fois d’affilé marin de l’année dans son pays, son parcours était époustouflant, des grandes courses gagnées devant les ténors de l’époque alors que de ses 1,60mts pour 50 kilos elle semblait si frêle.2éme Quebec- St Malo en solitaire; 1ére tour d’Europe en équipage (Que des filles à bord et non des moindres, les plus fortes de l’époque)
Les mois s’écoulèrent entre deux régates et deux convoyages ; elle m’apprenait le métier de la voile en course. Après sa saison, elle se devait de ramener des bateaux aux quatre coins des mers et m’engageait comme matelot. Je lui rabâchais qu’à part quelques courses gamin, je ne comprenais pas grand-chose aux bateaux à ficelle, mais elle ne démordait pas et me donnait toute les tâches les plus difficiles. Des anecdotes j’en aurais de quoi faire un livre mais l’une de mes préférées est celle-ci :
Nous devions ramener, un « truc » en carbone qui avec un pet de vent, part comme une Formule1.Tirer des bords dans le fond d’un golfe doit être amusant avec ce gadget, mais traverser une Méditerranée hivernale allait s’avérer un parcours du combattant. La météo ne me plaisait pas du tout, du Nord-Est 20 à 30 nœuds avec des orages. Des vivres pour une semaine et nous voilà partis sur une mer d’encre. Le baro de bord effectuait une chute libre et le ciel prenait une couleur de mort, prévoyant le coup je préparais une grosse plâtrée de pâtes, car je me doutais bien que la nuit allait être longue et très éprouvante. Trois ris et nous volions sur l’eau, impossible de rester plus de 15 secondes le cul collé au siège baquet, à l’intérieur le bruit était dément, on aurait dit que des hommes frappaient la coque avec des poutres. Notre allure ne baissait pas, entre 16 et 20 nœuds, nous avions dû mettre des masque de plongée pour ne plus avoir les yeux brulés par le sel. Un orage d’une violence rare s’abattait sur nous et il nous fallait affaler pour envoyer le tourmentin, mais quelque chose coinçait !!! MERDE ! La jeune femme, en deux temps trois mouvements me donnait les directives : «Je vais grimper en milieu de mat et tu dois maintenir le bateau dans cette gîte bien précise, ni plus, ni moins. » Je ne pouvais plus avaler ma salive, une erreur et ma dulcinée partait au bain éternel. Pendant 16 minutes, 16 longues minutes elle bataillait comme un pantin sur une branche secouée par des démons pour débrouiller l’affaire… Finalement 70 heures après nous amarrions sans casse le voilier à sa place…
Mais comme tous les gens de mer nous avions de forts caractères, sa vie était la compétition, la mienne le vagabondage… Sans trop se perdre de vue par la presse spécialisée j’ai toujours suivi son parcours et un jour dans mon courrier je recevais un livre. Dumé qui était à côté de moi ce jour là ne comprenait pas qu’est ce qu’il m’arrivait, mes yeux s’embuaient car le prologue de sa biographie était consacré à notre bout de vie en commun bref, mais fort.
Pendant ma traversée à la rame Véro avait retrouvé son contact et je ne saurai jamais ce qui c’est dit mais ce qui est sûr c’est qu’elle avait rassuré ma « Vrai » en lui disant que même dans la débâcle que connaissait notre course (14 abandons dûs à la tempête tropicale Omega) j’aurais la force de ramener à bon port la yole et son équipe…
Voilà chers amis, le beau livre D’Ellen MacArthur « Les pieds sur terre » a fait ressurgir une rencontre qui m’a permis de m’affirmer pour le restant de mes jours…
Il y a ceux qui vivent, ceux qui meurent et ceux qui naviguent…
Mouliner, envoyer, pédaler, pagayer, ramer, grimper, résister, coller, tomber, se relever… Mais qu’est ce qui pousse ce Cabochard à toujours « sportiver » ?
Pas une sortie où je ne reçois pas un bon mot ou un beau geste de félicitation, mais aussi doute et questions noires. Dans ces marques de gratitudes j’y vois aussi un questionnement perpétuel ? Pourquoi autant d’énergie dépensée ???
Demander à Lizarazu, Benezech ou Benassi pourquoi autant de sacrifices? Demander à un chanteur pourquoi, à un politique, à un artiste, à une comédienne. La recherche de l’absolu, le geste pur, la pensée conçue au bon moment… La sublimation de la perfection ! L’objectif à atteindre… La découverte de nouvelles limites.
J’entends plein de raisonnement qui me font sourire : Lui il n’a jamais froid, lui il n’est jamais fatigué, lui il ne doute jamais et il n’a jamais mal ! Erreur, c’est peut-être l’image qui en ressort mais sous mon masque de polichinelle comme tout le monde j’ai mes faiblesses. Mais, il y a un énorme, « Mais », je ne leur en tiens pas rigueur, du moins je ne leur donne pas plus d’importance qu’il n’en faut. Comme dans toutes préparations j’ai eu des blessures, des chutes. Au lieu de me plaindre, j’en ai tiré une morale, je l’ai pris comme une leçon de vie.
Enfin, il y a deux semaines dans une sortie vélo en plein sprint en cote, j’ai subi ma première « pelle », oui je dis bien enfin, car depuis tant d’années je n’avais jamais gouté le goudron et là un gros boum. Une chance ! Oui, car maintenant je sais, maintenant j’ai compris, Je suis preneur de tout enseignement. Le sport n’est qu’une succession de leçons et celui qui le prend comme une punition ne progressera jamais. Encore aujourd’hui, j’ai visualisé mon « soleil » et ma sortie n’en a été que bénéfique et fait partie du passé. Je n’aime pas le mot entraînement, car il réduit l’effort comme une pénitence alors que ce n’est qu’une succession de mini victoires. Les « entraînements » sont des lectures de ce que sera l’épreuve, un balisage du chemin inconnu qui nous attend. Chaque séance, une remise en question, une besace où j’y dépose un morceau d’énergie que je grignoterais au moment venu. Sortir quand il neige et vente ne sont pas les meilleures conditions pour kayaker ! Erreur, c’est là où l’on progresse, s’entrainer quand le mental est en petite forme, là aussi c’est une chance, car quand ça ira mieux, la performance s’améliorera à votre plus grande joie. La blessure est une sorte de coach mental, qui vous demande de la contourner pour progresser. Pour ma préparation du Yukon j’avais chaviré avec Immaqa à 3 kilomètres des côtes avec des déferlantes qui m’empêchaient de remonter à bord, une épreuve qui pendant ma « yukonnerie » a ressurgi, là-bas aux pays des grizzlis je n’avais pas le droit de dessaler et quand la rivière bouillonnait, mon feu chavirage me dictait les bons mouvements.
Le sport est une succession de petites choses qui bout à bout donnent la performance. Manière de penser, de bouger, de se nourrir, de prendre, d’offrir. Plus l’on pousse la machine, plus l’on découvre les clés qui ouvrent les portes obscures, qui une fois entrouvertes dévoilent un nouveau cheminement. Des milliers de kilomètres sous la pédale et dans le sillage du kayak, certains les appellent le sport de la souffrance, pour moi je dirais introspection et recherche du basique. Plus je pousse, plus le reste vient facile, ma nutrition n’a jamais été aussi simple, plus de compensation, la joie de résister et de progresser comble mon esprit, le cerveau est suroxygéné ce qui permet une efficacité surprenante à dénouer les taches administratives, le difficile devient facile, le primordial devient secondaire, les mots ne sont plus nécessaires, le geste devient parfait (enfin presque !)
Le sport est une manière de lire la vie, toutes les personnes qui vont parcourir ces lignes, n’auront pas une lecture identique, celui qui doute n’y verra que ma chute, celui qui démarre le sport n’y verra que souffrance, le chercheur de gloriole : les louanges reçus, le sportif accompli : des confidences… Le même livre raconte toujours la même histoire pourtant aucun d’entre nous n’y en tirera les mêmes enseignements…
Le commencement est beaucoup plus que la moitié de l’objectif
Le printemps a déjà une saveur estivale, les moutons sont prêts pour la tonte, les salades du maquis abondent, l’ail sauvage embaume, la Corse exulte.
Ce matin un brouillard épais emmitoufle mon petit bateau, résultat d’une mer encore froide avec des températures très chaudes pour la saison, manie citadine, tique urbain, à défaut de télé j’allume la radio ! Charnier découvert en Côte d’Ivoire, Libye en pleine guerre civile et la pub des fameux régimes de printemps. Je me précipite pour couper la boîte à vocifération, on parle de faire maigrir les gros alors que la moitié de la planète crève de faim. Un sentiment d’injustice me fait rager, un budget pour maigrir, une main tendue pour un bol de riz…
Un abysse nous sépare, l’été dernier en Amérique du nord je découvrais une pub qui rappelait aux américains qu’ils étaient un peuple fort et devaient avoir de la volonté pour relever le pays qui tombait dans un laxisme déroutant !!! Je restais abasourdi d’une telle propagande.
La vielle Europe est en train d’en prendre le chemin, tout le monde revendique le cul assis sur une chaise, le monde exige en prenant sa voiture pour 500 mètres. Les pubs sont le reflet de ce que notre société est. Devenez mince sans effort, soyez célèbre en un claquement de doigts, obtenez la richesse en grattant le bon ticket ???
L’effort quotidien est aboli, l’école de la volonté est en prison pour perpétuité, les mecs comme moi, dérangeons, et c’est très bien ainsi. Tous les jours, sont des cadeaux de la vie et je trouve que beaucoup l’ont oublié. L’abondance est vicieuse car elle amène dans son cortège, faiblesse, oisiveté et laxisme. L’effort et l’autoréflexion sont les deux moteurs pour grandir. Souvent avec une pointe d’humour un peu tordue on me dit que j’ai la belle vie ! Seuls quelques proches connaissent le prix d’efforts quotidiens que je m’impose pour en arriver là. Dans beaucoup de contrée l’eau est à plusieurs heures de marche du domicile, les récoltes qui nourriront la famille dépendent des Dieux des vents, des pluies. Et si elle n’est pas bonne les plus faibles s’éteindront. Chez nous chaque « urinerie » : 6 litres d’eau potable partis dans les égouts, de quoi faire boire 6 personnes. Tout le monde parle du risque de catastrophe nucléaire, que faisons-nous dans notre quotidien pour l’empêcher ? Baisser son chauffage, supprimer son congélateur, réduire les éclairages des villes… Oui j’ouvre encore ma gueule mais je ne peux m’en empêcher.
Pour dernière estocade, le monde du handicap en occident est tout autant morose, nos prothèses sont des plus fiables et leurs techniques sont en constante progression et malgré cela j’observe des torrents de plaintes sur le sujet. Prenez un sac à dos et voyagez, amputés avec des moignons indescriptibles qui n’auront jamais la moindre chance d’avoir un bout de bambou en guise de jambe de bois qui se débrouillent tant bien que mal pour avancer car ils n’ont pas le choix… A chaque retour j’apprécie le pays qui a vu ma naissance, mais atterré par pas mal de gens qui y vivent et sont aveugles dans leur cocon de soie.
J’ai quelques amis voyageurs, pas en avion ou paquebot, non de vrais poètes errants. Des nomades qui partent à pied, autostop, vélo et qui parcourent le monde avec aucun, voire, peu de moyen. Leur retour en Europe est toujours aussi violent, le pays est merveilleux mais plus personne ne le voit.
Je vous conseille quelques lectures intéressantes de copains voyageurs.
Sylvain Tesson : Petit traité sur l’immensité du monde, édition Pocket.
Philippe Sauve : Sibéria, édition Les presses de la renaissance
Mathilde et Edouard Cortés : Un chemin de promesses, édition XO
Quand le sage montre la lune, le sot regarde le doigt
Depuis trois ans Bout de vie est en échange avec l’association genevoise Courir ensemble qui organise des stages plein air pour des jeunes cancéreux. Chaque année les p’tits suisses viennent profiter du sud de la Corse, en 2008 je rencontrais pour la première fois la belle équipe. Depuis il y a eu des échanges. Avec la complicité de Séverine et Pascal Olmeta Un sourire un espoir pour la vie, ils étaient invités au beach soccer de Lyon, des étoiles, aux milieux des stars…
Adrien rejoignait l’équipe des 6 aventuriers qui descendaient les premiers 350 km du fleuve Yukon en canoë avec moi. Entre temps Carole investigatrice de Courir ensemble tombait sous le charme de Valentin dit « Tintin » et l’invita à les rejoindre pour le marathon des sables.
En plein milieu du désert marocain des athlètes du monde entier viennent se mesurer aux rigueurs des dunes de Merzouga. Une équipe de dirigeants de l’association genevoise vont tenter cet « Everest » de la course à pied. Une bande d’ado aura le privilège de suivre ses gladiateurs des temps modernes avec des bivouacs sous les étoiles. 10 jours au pays du Petit Prince…
Gaia divinité qui enfanta les mers, les océans, les montagnes… Invention des hommes craignant la mort et la souffrance. Dans son ventre elle avait aussi des monstres et des titans.
Vous, moi, eux sommes les enfants de Gaia, la souffrance et la mort nous effraient et pour cause.
La grande famille Bout de vie rassemble les blessés de la vie, chaque semaine la famille s’agrandit et il en sera ainsi pour toujours. Se retrouver avec un ou plusieurs bouts en moins est une épreuve de taille à surmonter. Pour les plus chanceux les proches sont là, pour les moins chanceux la solitude sera compagne de chambrée. Mais dans tout cela il y a quelque chose de sournois qui nous rassemble. Les proches ne peuvent pas comprendre ! Attention n’y voyez pas une attaque, ou une offense. Se retrouver mutilé est une injustice colossale, que ni l’amour, ni les mots ne pourront atténuer. La seule lueur d’espoir est de rencontrer des gens comme soi. Dans ma convalescence, mon moral était en dent de scie, en haut en bas. Une épreuve pour moi, mais aussi pour mon clan. Je ne supportais plus les : « Tu es courageux et puis tu es un héros maintenant » Une belle jambe de bois, les décorations et l’habit de héros de la nation…
Quelques mois de greffe en greffe et puis le centre de rééducation, le moral au fond de l’emboîture et une injustice grandissante. Qui s’approchait de moi, y laissait des plumes. Un prothésiste m’appareillait avec un truc immonde, moitié en plâtre, moitié en bois ! Et dire qu’on m’avait promis que j’aurais une sorte de vraie jambe ! La personne qui s’occupait de moi me harcelait sur ma manière boiteuse de marcher, jusqu’au jour où j’allais lui faire un truc qui fait mal ; c’est alors qu’il leva son pantalon pour me dévoiler sa prothèse…
De ce jour je compris et me sentis moins seul…
Bien-sûr chacun le vit différemment et la chose la plus importante est de faire un pas après l’autre. La rage et l’envie furieuse de hurler est normale. Gérer, comme l’alpiniste qui attaque la face Nord de la montagne la plus haute du monde. Il ne pense pas au sommet, mais à chaque pas qui va le conduire au toit du monde. Bien-sûr, il y a un objectif, mais il faut penser au présent. Combien de fois en sauvetage en mer au lieu de me précipiter sur mon embarcation, je me calmais, je mangeais, je prévoyais tout doucement la dangerosité de l’intervention pour finalement arriver sur zone à 100 % de mes possibilités.
Être amputé est une épreuve qui doit être vaincue doucement, trop d’éclat au départ et la chute fait encore plus mal. L’injustice par moment est une douleur quasiment physique : Ce foutu « pourquoi moi » revient sans cesse. Le grand Jacques chantait : « L’homme n’oublie pas, il s’habitue c’est tout… ».
Vous souffrez et seul vous, savez à quel point, je ne peux pas grand-chose à votre place. La solution est au fond de vous. Se foutre en l’air ? Pourquoi pas, mais entre vous et moi je trouve que c’est dommage. La vie est tellement pleine d’imprévue que le suicide n’est pas la panacée. Les drogues ? Déjà que nous avons un truc assez balèze à gérer en plus il faudra surmonter ce monstre immonde ! Une autre solution et celle-là, je la trouve sympa, c’est tourner la page. OK, je vous entends dire facile à dire moins à faire. Un pas après l’autre. Sur mes expéditions tous les jours pendant une minute je crie, non, je hurle… Une manière d’évacuer le stress. Technique que j’ai appris à l’hosto.
Je ne vais pas vous tenir la prothèse trop longtemps, mais sachez en tous les cas que vous n’êtes pas seul et dés que vous en aurez envie, un grand frère est là pour vous botter le cul et avec une lame en carbone ça fait mal !!!!
PS : Vous savez que j’aime bien finir par des citations, alors j’ai ressorti un vieux cahier où pendant des années j’ai griffonné des mots de maux, celui-ci est de circonstance.
« Une porte ne peut être ouverte, poussée, fracturée que seulement si elle existe… »
Merci à tous pour avoir organisé cette magnifique aventure , la famille Bout de vie est heureuse de cette rencontre qui a permis aux stagiaires de prendre leurs pieds !!!
Les volontés faibles se traduisent par des discours; les volontés fortes par des actes.
J'ai confié un de mes rejeton à la belle Claire, elle ne lui lâche plus les basques!
Depuis quelques années Jo Zef la mascotte a des petits que vous pouvez adopter. Des rejetons qui ont rejoint votre foyer. Sur son pédigrée il est écrit que où que vous soyez vous pouvez l’emporter pour vous réconforter. Entre vous et moi si je baroude le monde, c’est grâce à Jo Zef qui me soutient et me réconforte quand tout va mal.
Je l’ai pris en photo aux quatre coins du globe et dans les bras de beaucoup de monde, connu où moins connu mais qui ont tous la même âme d’enfant.
Mais voilà il lui fallait une vitrine pour qu’à votre tour vous puissiez y coller une photo de votre rejeton.
Facebook ! Eureka ! Jo Zef y est inscrit et vous allez pouvoir y mettre vos plus belles photos.
Comme il est farceur, il va même lancer un concourt pour qui recevra le plus de « j’aime ».
Le 15 avril prochain celui qui aura reçu le plus de « j’aime » recevra chez lui un t-shirt Bout de vie ainsi que des petites surprises… parole de mascotte !
Mon deuxième livre est en gestation! Ayeltgnu, l’aventure à cloche pied.
Un livre d’aventure bien-sûr, mais comme le premier j’ai récolté des témoignages de personnes que j’ai croisées. Déjà j’avais laissé libre cours à 18 témoins de mon bout de vie ; sur le deuxième aucun du premier, normal ! Une exception qui confirme la règle, Dominique Benassi dit Dumé.
Après notre « ramage », nos routes se sont décroisées, une déchirure, un sentiment de perdre un frère. Pendant 18 mois avant de partir nous nous sommes entrainés comme des gladiateurs. Il m’a mis des épreuves que j’ai réussi à vaincre et je lui ai donné sans réserve tout ce que la mer m’avait appris.
Pendant ces semaines d’entraînement je l’ai testé jusqu’au seuil du supportable. Il savait que c’était une sorte de rite, si l’on partait il fallait que ce soit parfait. L’histoire nous récompensa de tellement de sacrifices.
A ses côtés j’ai énormément appris, notre parcours est similaire et comme l’enfant devant le maître j’ai tout noté, tout appris par cœur. Déjà 5 ans et même si nous avons bifurqué de route dans toutes mes aventures la rare personne qui a mes coordonnées satellite c’est Dumé.
Il a écrit un témoignage que je trouve parfait, il connait mes qualités mais surtout a eu le temps de décortiquer mes défauts et ils sont légions…
Si j’étais chanteur c’est moi qui aurai chanté ceci :
Toi le frère que je n’aurais jamais
Je suis moins seul de t’avoir fait
Pour un instant, pour une fille
Je t’ai dérangé, tu me pardonnes
Ici quand tout vous abandonne
On se fabrique une famille …
Témoignage de Dumé
Chaque écrit entraîne son auteur dans un projet qu’il découvre en cours de route. Qu’il me soit permis ici d’écrire quelques mots sur le personnage. Il me sera, plus facile de parler et de témoigner sur le coté obscure de Frank, car cela sera très bref !!!
Je suppose que les autres témoignages seront pleins d’éloges, de reconnaissances, les uns aussi sincères que les autres d’ailleurs.
Si l’adage est de travailler sur son coté obscure, et de cacher sa lumière, Frank délivre et se livre, comme un petit garçon qui vient de découvrir que le père noël existe depuis des années (d’ailleurs si le père noël rigole sur son traîneau c’est parce ce n’est pas lui qui paie les cadeaux !) Et qu’il vient de découvrir le plus beau des présents que la vie peut lui offrir… Celle du partage.
Tant de peine et de joie, qu’il faut gérer pour extraire de la bonté, qu’est ce que la bonté si ce n’est le serpent qui devient fourmis, et les ténèbres lumineuses. De la sérénité, qu’est ce que la sérénité, si ce n’est qu’il est bon de ne rien faire quand tout s’agite autour de soi. Cet homme dérange et ne peut être compris de toutes les oreilles.
Quand on revient d’un long voyage, comme le Yukon on ne peut être insensible à Mère nature ; La vraie question à se poser est certainement qu’elle extrait de nous ce que nous avons enfoui au plus profond, au lieu d’imaginer que nous sommes de pauvres vagabonds victimes de leurs destins, la nature nous fait prendre conscience que nous sommes des diamants qui ont oublié leur véritable nature.
Nous devons concevoir que Frank est le point de départ et débordant d’énergie, remplit d’amours et d’idées créatrices (Bout de Vie entre autre) Mais faire passer des messages à ces semblables reste un défi de tous les temps.
Certains le trouveront acerbe, orgueilleux, moqueur, insuffisant, imbu de sa personne, arrogant, petit, mesquin, mauvais père, arriviste, opportuniste, infecte… il faut laisser le temps aux gens de s’émanciper , de murir, n’est ce pas là les qualités d’un homme pour faire face aux pires tempêtes tropicales en Atlantique, au blizzard du pôle Nord et du Groenland, au manque d’oxygène des volcans d’Argentine, au Yukon sachant qu’il vaut mieux manger qu’être mangé.
Il faut connaitre tout ca pour faire face à ses propres peurs, quand la nature crée un homme éminent en un domaine elle ne le crée généralement pas seul, pour qu’il puisse profiter des talents et de l’émulation des autres.
Chacun a sa propre vérité, Frank reste fidèle à ses conviction, loyal envers ceux qui lui font confiance, et offre le meilleur de lui-même, à ceux qui l’aiment ; si la différence est un magnifique éloge de la vie, l’existence propose de multiples possibilités, dès lors qu’on accepte sa différence et qu’on nourrit son enthousiasme chaque jour est un miracle.