Vent de sud fort, trop fort pour moi, je me résigne. Malgré une nuit pluvieuse ce matin semble dégagé, peut-être une occasion de faire sécher quelques affaires. Je pars à pied en repérage voir si la côte au vent est praticable, je suis rassuré cela aurait été difficile, voir un poil
dangereux. Vu que la route est longue et qu’il n’y a pas âme qui vive, je suis heureux de ma décision. Ici je ne dois que compter sur moi et l’instinct. Ce qui me plait dans ces aventures c’est que le côté animal doit ressurgir coûte que coûte. Mettre tous ses sens en éveil pour s’en sortir toujours à temps. Hier après-midi ma petite voix me disait : « T’es bien caché là, autant tu resteras bloqué demain. » Le vent m’envoie des rafales violentes et je dois fixer plus sérieusement ma tente, derrière dans la forêt une ruine de cabane, j’y déniche des grosses briques rouges qui devaient composer le foyer. Je me transforme en maçon et cale la toile à pourrir de ma guitoune, les à-coups d’Eole ne pourront plus s’y engouffrer. Je lave mes affaires, avec ce zef cela mettra quelques minutes à sécher, puis je déplie le panneau solaire pour charger quelques accus. Le soleil est très puissant sur cette latitude et même à travers les nuages les cellules voltaïques chargent. La routine du nomade en route. Je n’ai plus beaucoup d’eau potable et j’ai repéré au loin une cabane, j’irais voir après le déjeuner s’il y a quelqu’un qui daignerait remplir mes outres. Vers 16h je traverse un long marécage pour arriver au « cottage ». Une dame âgée semble surprise par ma présence, elle parle mal anglais, ça tombe bien moi aussi ! On échange quelques banalités et me demande de la suivre au puits. Une eau
cristalline et fraîche remplit mes récipients. Elle me demande d’où je viens, de quel pays suis-je. Elle m’offre un café et me demande d’attendre quelques minutes ses enfants et petits-enfants vont bientôt lui rendre visite. Veuve depuis 8 ans elle vit seule ici tout l’été, pas
d’eau courante ni électricité mais un silence apaisant. Les gamins débarquent et me saluent à la suédoise, (sans demander quoi que ce soit). Puis la glace fond, on échange, on me parle d’ours, de loup, j’écoute, je note, j’apprécie. Les petits gâteaux apparaissent, ainsi que du pain
maison tartiné. Marie, le prénom de mon hôte est toute émoustillée de tellement de vie d’un coup, elle sort son appareil photo et immortalise la scène. Un jour une photo vieillie trônera avec les autres clichés au dessus du poêle à bois : tu te rappelles c’était le français qui était
passé en kayak. Pour donner un peu plus de joie à Marie je leur demande de me suivre pour les amener à mon bivouac, ils me questionneront, sur ma différence, ma famille, mon île. Pourquoi seul, à quoi ça sert ? Juste pour vous rencontrer et ça c’est un sacré cadeau !
A pluche !