Toute la nuit j’ai eu froid mais la tempête s’apaise, le jour se lève enfin sur le delta du Mackenzie, tout est blanc le fleuve ne va pas tarder à connaître l’embâcle. Je prépare mon barda comme depuis presque un an. Un souffle autour de la tente, Damed ! Un ours qui a senti les restes de mon saumon séché s’invite à mon petit déjeuner composé de racines bouillies au jus de poisson. Je suis figé le tuer ou faire le mort ?
Aie ! Je sens l’impact !!!
Hé Jo Zef c’est toi ! Ouf c’était un cauchemar ! Ok Jo je lâche le flingue…
Si je vous dis Gille Elkaim, Joel Allano, Emeric Fisset ou Kim Hafez cela ne vous dit rien ?
Ils ont tous un point commun, un jour dans leurs vies de tous les jours ils ont tout plaqué pour vivre leurs aventures.
Je ne suis pas un très grand lecteur mais quand l’envie me prend c’est eux que j’ai envie de découvrir, ce ne sont pas des mots mais des maux pour se mettre nu.
Ils ont lâché le superficiel pour l’essentiel : Vivre !
Ils ont lâché le pseudo confort pour la liberté, tous attiré par le grand nord, un espace qui ne fait pas de cadeau, tout est surprise et chaque moment survécu est un privilège divin.
Il m’est arrivé quelques fois d’avoir eu à enjamber le cercle polaire et chaque fois la même rengaine mais qu’est ce que c’est beau est bon d’être là. Une seule règle : survie .
Le bol de soupe devient la plus haute récompense, le bivouac planté devient une suite royale, le face à face avec l’animal le tatouage de sa vie. Pourtant le visage est mordu par les caresses du grand froid et les mains ne sont que douleurs, mais l’essentiel n’est pas là, le fond, le trés fond ceux que certains appellent l’âme, renait.
Quand la société me gène je ferme mes antennes et mes yeux et je pars là bas.
Ce matin il pleut comme en hiver, j’ai des dossiers à finir, j’ai du bricolage en attente sur le bateau, pourtant je quitte mon nid douillet de 6m2 pour me glisser sans bruit dans mon kayak de mer, je pagaie vers le nord ; mes pores s’ouvrent de nouveaux, il tombe des m3 de flotte sur ma petite tête de « Cabochard » mais j’avance, je cesse de pagayer pour hurler ma joie d’être vivant, un vrai vivant et pas un mort vivant.
Du bruit je ne suis pas seul ? Un bébé dauphin est calé entre deux adultes, certainement ses parents, je stoppe tout mouvement pour ne pas les déranger ; et dire que j’aurais pu louper ça…
La terre n’appartient pas à l’homme,
C’est l’homme qui appartient à la terre.
L’homme n’a pas tissé la toile de la vie ;
Il en est une fibre.
Ce qu’il fait à la toile,
Il se le fait à lui-même .
Le chef indien Seattle…