Le coup de vent est passé sans trop secouer le bivouac mais la pluie est
encore là, elle burine la tente de mes aventuriers ainsi que leur moral !
Le petit déjeuner est silencieux, l’équipe est fatiguée, dormir sous tente
est un exercice qui demande en région polaire un peu d’habitude et pour
certains c’est un baptême.
La façade sud ne peut être peinte, la pluie est dans la mauvaise direction,
mais il y a tellement de tâches à effectuer que nous ne perdons pas de temps. Le vide
sanitaire de la maison est un vrai capharnaüm, il est temps de tout sortir
et de trier ce que l’on pourra. Me voilà à quatre pattes déblayant
l’entrée… l’odeur est surréaliste!! Des peaux de phoques en décomposition
m’offrent un fumet sympathique pour démarrer la journée ! Nous faisons la
chaîne pour tout sortir et en fin de matinée, tout est propre avec
une pièce dégagée et claire. La bonne surprise est la découverte d’un sac
contenant 3 paires de « qamiq » en parfait état. Ces bottes en peau de
phoque sont cousues à la main et sont d’un confort incroyable pour les
marches dans la neige. L’année de fabrication doit dater, cela restera un
mystère incroyable. A midi mes aventuriers ont des têtes fatiguées, épuisées, la pluie
n’a pas cessé de la journée alors ce sera relâche avec une douche pour tout le monde. Mais ici
au Groenland tout est compliqué, rien n’est jamais sur, il n’y aura pas
d’eau chaude !
En milieu d’après-midi une partie du groupe squatte la maison autour du
poêle à pétrole mais le soleil pointe le bout de son nez. Je vais les virer
avec tact pour qu’ils soient dehors à profiter du spectacle de la baie de
Disko qui s’illumine avec le soleil… Ange-Paul et Rémi partent en randonnée
seuls, ils ramèneront un gros panier de bolet arctique…
Ce soir ce sera crevettes du coin et champignons… et avec le sourire s’il vous plaît!
Vive la vie!
Cèpes polaires
28 juillet 2018En mode survie polaire…
26 juillet 2018Les travaux avancent mais ici tout est différent, tout est puissant et imprévu. Un gros coup de vent est annoncé ainsi que la pluie. Mais il nous en faut bien plus pour nous décourager! Les faces de la maison à peindre sont, comme par hasard, à l’abri du vent et nous pouvons continuer notre ravalement. Les sourires sont là, les mains sont douloureuses d’un froid vivifiant mais nous sommes juste heureux d’être là où nous sommes. A midi il ne reste plus que la face sud mais elle est exposée au coup de sud qui se lève. Tous à l’abri! Nous nous réchauffons autour du poêle à kérosène qui ronronne. Une grosse assiette de riz nous réchauffe, ici le basique nous rend heureux… La cambuse est vide, il nous faut nous ravitailler. Ange-Paul décide de m’accompagner à Ilulissat, ce sera un test grandeur nature du petit bateau. Course jusqu’au supermarché et retour avec nos sacs à dos et deux cabas remplis à blocs et montés à bord. Il est grand temps de reprendre la mer, le vent se lève! Dés la sortie du port la houle nous rend visite, les glaçons explosent, je dois être attentif. A plusieurs reprises, je demande à mon coéquipier si ça va, je le sens concentré. Le seul danger serait de sauter une vague et retomber dans le creux sur un bout d’iceberg… Mais le petit bateau, qui n’a toujours pas de nom, passe à merveille. C’est juste fantastique d’être ici… Là bas la passe de la baie d’Oqaatsut, nous retrouvons le sourire, ouf! Nous sommes passés! Remi et Patrick nous attendent, les filles sont au chaud au H8… ce soir ce sera festin à la cabane bleue… Tout le monde vous embrasse . Je sens Elisa particulièrement heureuse de la bonne nouvelle reçue de sa maman… Vive la vie au Groenland
Balade hier soir après le dîner…
Froid polaire…
25 juillet 2018
Ce matin un froid vivifiant a surpris les travailleurs de la petite cabane. 4° pour les accueillir, le Groenland est une terre de glace et l’été est un moment éphémère qu’il ne vaut mieux ne pas gâcher. Chacun va endosser son rôle de restaurateur en maison en bois. Village dans un coin perdu de la planète, tout est assez compliqué, il faut s’adapter à chaque instant. Pas d’échafaudage, pas de nacelle, ce sera des échelles qui nous permettront de jouer les funambules-peintres ! Les jeunes le savent, ils donnent le meilleur d’eux. La couleur bleue pastelle redonne du cachet à la maison. Du paradis son ancien propriétaire doit être joyeux de voir ces éclopés s’affairant avec autant de cœur. Les mains sont douloureuses, le froid ne les épargne pas. Une pose café nous réchauffe, un échange rapide nous redonne le courage pour continuer. Rémi et Ange-Paul me parlent de leur chéris respectives avec beaucoup d’émotions et d’amour, que c’est beau de voir de si jeunes hommes aussi respectueux et amoureux, cela m’en sale mes yeux de gros dur. Les moignons sont un peu douloureux et tous en cœur ont le même refrain : « la douleur ne nous lâchera jamais, à chaque instant, 24h/24h elle nous accompagne, alors on s’en fout d’avoir mal et tant pis pour elle si on ne s’en occupe pas trop ». Notez ces mots ce sont des leçons de vie qu’ils vous offrent. Tous vous envoient leur « aluu », répondez leur par un beau message, d’espoir, de salutation sudiste, de félicitation, de respect, ils sont jeunes et pourtant ils ont déjà compris le prix de la vie.
Ps : de loin tous mes copains chasseurs marquent un arrêt sur image pour constater l’évolution du chantier
1ère nuit sans nuit!
25 juillet 2018La nuit ne fût pas si simple que ça, l’équipe des 6 a dû s’adapter au
décalage horaire et surtout au jour en continue. Mais la vie est trop
courte pour se plaindre alors à 7h tapante nous étions autour d’un bol
fumant où chacun racontait sa première nuit polaire. Froid, humidité, sol
un peu cabossé, dormir sous tipi sur un sol en permanence gelé est déjà une
sacrée « aventure »! Le temps nous est compté alors il faut s’organiser
pour ne pas perdre la moindre minute. Chacun va avoir son rôle, les plus
agiles seront en haut des échelles, les autres au sol mais chacun doit
donner son maximum pour la restauration de la maison bleue. Audrey n’est
pas très bien, elle réalise à quel point la vie ici est compliquée, pas de
routes, pas de sentiers, tout déplacement lui demande un effort surhumain…
Alors ce matin elle craque mais retrouve le moral après une bonne grasse matinée!
Tout d’abord, il faut donner quelques coups de marteau pour renfoncer les
clous qui au fil des décennies sont sortis doucement. Puis c’est le passage
du primaire, recommandé par le magasin d’Ilulissat. Le produit est un
saturateur de bois qui le protège. A notre grande surprise, à 14h la maison
en totalité était imprégnée. Puis en gardant l’ordre de progression, les
embrasures des fenêtres et les refends du toit prennent leur couche de
blanc. Le moment tellement attendu est arrivé; c’est l’essai de la
couleur définitive, qui est bleue glace. L’essai est concluant, la couleur plait à tous.
A 16h je libère tout ce petit monde pour leur première douche depuis leur arrivée!
L’humour, la joie, les blagounettes vont bon train. L’explosion des icebergs qui se brisent donne toujours le
tempo, comment ne pas être contemplatif devant un décor si puissant… Ce
soir je me mets en cuisine, les jeunes qui ont passés la journée au grand air
ont faim. Pas d’écran, de bip téléphonique, eux et le silence. Tout en
mangeant je garde toujours un œil attentif au large, je m’en doutais ! Dame
baleine est venue leur souhaiter bon appétit !!! Quelle joie de voir leur
bonheur, leur étonnement!
Cancer, accident, maladie à la con, tous ont résisté, tous ont survécu… Vive la vie!
Toute l’équipe va pour le mieux et envoie un grand et doux « aluu » à leurs
proches…
C’est qu’ils en auront des choses à vous raconter en rentrant…
Ils sont arrivés à Oqaatsut…
24 juillet 2018Aprés deux jours de voyage les voilà enfin arrivés à Oqaatsut. ne leur dites pas qu’ils ont un handicap ou un truc du genre ils sont vivants et c’est déjà un cadeau immense… Au programme vivre dans un village groenlandais de 38 habitants et restaurer une vieille maison. Ce soir comme dîné de bienvenue ragoût de phoque… Vive la vie et merci à tous les mécènes qui grâce à leur générosité permettent à Elisa, Marion, Audrey, Ange-Paul, Remi et Patrick de vivre cette expérience hors norme… Takuss
Préparation polaire…
21 juillet 2018
Les jours s’égrainent le blues prend moins de place, s’adapter, il faut que je m’adapte. J’ai un boulot de folie, il faut que tous soit organisé avant que l’équipe Bout de vie arrive. Il m’a fallut trouver le bateau et ici c’est vraiment compliqué. Comment expliquer à un gars d’une autre planète tes exigences, qui sont en premier la sécu de mes passagers. Avec douceur, un tonne de patience, si j’en ai ! J’ai réussi ; le bateau est opérationnel. Mais ce n’est que le commencement, la liste des courses est longue, et à chaque fois il me faut prendre la mer, je dirais plutôt m’esquiver aux milieux des glaces. Le voyage demande une attention stricte, mais entre vous et moi cela me fascine de zig zaguer au milieu de ces colosses millénaires. Aujourd’hui la mer était vraiment chargée, le vent du sud-est avait fait des confettis de glace qui par moment m’ont demandé de stopper le moteur pour trouver le bon trou… Ilulissat le port, une fourmilière silencieuse, chasseurs, pêcheurs se côtoient en silence, c’est super de me voir si bien intégré, des corses unijambistes, « y parait que je suis le seul » !!!
Plutôt que des palabres quand des gars me reconnaissent en guise de bonjour, ils haussent les sourcils et la tête avec un grand sourire manquant souvent de dents. Je suis bien au milieu de ces Hommes, quel courage et dire qu’en bas dans le sud les mectons se prennent pour des marins, les pauvres ! Premier rendez-vous la banque, il n’y en a qu’une ! Mon gros couteau de chasse à la taille je pénètre l’office qui n’a pas de sas de sécurité. La dame me sourit et voyant mes joues et mains rougies, elle me propose en premier un café que j’accepte bien volontiers. Incroyable, elle est pied-nue la guichetière ! Quel beau pays ! Bien que petite, la bourgade qui fait office de capital de la côte nord-ouest du Groenland, est grande et il me faut racler de la prothèse pour acheminer mon matos. Stark le gros magasin de construction m’a préparé mes peintures, encore et toujours des sourires. En taxi je fais un premier voyage pour charger le bateau. A côté de mes bidons gît un phoque, je suis le seul à dégainer un appareil photo pour immortaliser la scène, lui il ne l’est pas immortel ! Puis c’est au tour du supermarché pour la nourriture. Ouf les nouilles chinoises sont là ! Mais j’ai un problème je ne trouve pas de grandes casseroles, je capitule on s’en passera ! Encore un voyage en taxi et me voilà prêt. Mais un hamburger local me tente ! A midi ce sera du bœuf musqué avec des frites mayo, et oui l’aventurier se lâche… Mais je suis comme chez moi ma parole ! Kim et Ringo se mettent à côté et on rigole sans pour autant parler la même langue. C’est bon le bœuf musqué entre ami… Mais il est temps de reprendre la mer, on ne sait jamais comment évolue la glace. Me prenant pour un indien je me faufile pour rejoindre ma petite maison, aujourd’hui pour fêter ça je vais m’offrir une douche bouillante et laver tout mes fringues qui sentent le renard en décomposition… Ce soir, la cabane bleue est presque prête pour recevoir mes stagiaires qui débarqueront lundi, Immaqa ! Ce week-end je vais m’accorder un peu de baroude en solo, au programme découverte de coins paumés, cueillette d’oursin, pêche à la truite arctique et morue … Si une baleine passe sous l’étrave du petit bateau je lui passerai votre bonjour… Question importante, le petit bateau n’a pas de nom. Aidez moi à en trouver un. Jozef me souffle : crêpes ! Pour un bateau je ne trouve pas ça génial.
Je me demande comment on peut traduire en groenlandais : petit papillon, je me demande !
PS : Yes mes bagages sont arrivés.
Arrivé à Oqaatsut…
18 juillet 2018
Me voilà installé dans ma maison bleue, mais quel voyage pour y arriver. Je ne parle pas du retard des avions et de mes deux bagages contenant l’essentiel oubliés, non je vous cause de l’arrivée à Ilulissat. A distance j’ai acheté un bateau Poka (conçu pour la glace) avec un 70 cv en très bon état, mais nous sommes au Groenland où les priorités sont tout autres. Arne le vendeur m’avait fait comprendre que le bateau serait à l’eau et testé. Erreur, l’embarcation était encore à terre et avec quelques soucis ! Ici on n’élève pas la voix, on ne cause pas fort, ce sont les silences qui en disent plus que des menaces idiotes. Alors on s’est mis d’accord demain tout sera en règle Immaqa (peut-être). Mais il me faut trouver une solution pour aller au village le seul moyen la mer. Myrtille sur la crêpe l’océan est bloqué par la glace avec un bon brouillard réfrigérant. Bien sur mes affaires polaires sont dans mes sacs qui doivent suivre un jour ou l’autre, la perte de moral commence à prendre un peu trop de place. Sur un ponton du port je reconnais le beau-père de Julien qui ne parle pas anglais ni même le corse, bizarre non ? Mais il comprend mon baragouinage et appelle sa fille Charlotte épouse de Julien ; ouf il est en route pour leur course et pour me récupérer. J’en profite pour faire quelques emplettes. Des visages me causent, des kutaa (bonjour quand on ne s’est pas vu depuis longtemps) fusent : Fari, Kim, Ringo,Brita et même Ben et Eric des guides de kayak. Mais ma tête n’est pas à la conversation, le manque de sommeil, le froid (je suis en t-shirt avec un coupe vent), le gris et tout le reste me mine : « mais qu’est ce que je fous là alors que je pourrais papillonner sur mon île » ! Julien arrive, il m’embarque, il n’a pas reçu mon message et n’a pas mes fringues polaires, juste une combinaison de pêche trempée ! On s’adapte, on sert les fesses et nous voilà parti. Le petit bateau cherche son passage au milieu des icebergs et dérivés ; les coups de boutoir sur la coque me glacent, nous n’avons pas de gilet de sauvetage et la côte est bien loin. Je ne sais plus combien d’heure mais j’ai du chercher loin pour ne pas tomber dans les pommes. Le froid polaire, je l’avais oublié mais lui se souvenait bien de l’écervelé qui joue régulièrement le dur avec lui et parole il m’a pris dans ses bras. Tremblant de la tête au pied je file à la maison qui n’a pas été chauffé depuis 10 mois, une sorte de congélateur géant. Rien n’a bougé ou presque ; je fais le tour et trouve enfin des affaires chaudes, je mets tous ce que je peux et retourne chez Julien. Les trois enfants viennent de recevoir un colis de leur grands-parents vivant en France, il faut voir la joie que cela leur procure, le chauffage, le thé, une belle famille devant moi, l’émotion me prend aux tripes j’ai les yeux qui rougissent, je suis cuit, mes nerfs se relâchent. Là-bas au mouillage le voilier polaire Akta, le brouillard et la glace rendent la baie un peu triste. Je retourne chez moi avec un chauffage au pétrole d’appoint, ce sera mieux que rien, je grignote mais rien ne passe, la tristesse me submerge, la fatigue, le contre coup du départ, la crasse du voyage, ma chérie qui me manque… Ce sera une soirée noire malgré une nuit qui ne vient jamais sous ces latitudes. Puis j’entends rentrer, Steen vient me saluer et m’invite pour un kaffimiq. Il vient d’être grand père, sa joie cache aussi de la tristesse. Devant un breuvage brulant nommé café, et un gâteau vert fluo, mon pote chasseur m’annonce la mort subite de sa sœur le 25 dec dernier. Elle gérait la superette du village, avec beaucoup de pudeur il m’a dit quelle a rejoint son père. Mais ici on ne s’éternise pas avec la mort, elle est présente à chaque recoin, le froid, l’iceberg qui te submerge, l’isolement de la nuit qui rend dingue, la mort est là, donc ils gèrent. Puis pour casser la tristesse, le petit passe de bras en bras son nom est « homme valeureux », cela lui promet un bel avenir. Puis tout sourire Steen me montre une immense coupe, il a été sacré champion du Groenland en course de chien de traineau. Mes yeux se ferme, je rentre tout doux à la maison avec une brouette d’eau potable pour la vaisselle, il est temps que je rejoigne mon sac de couchage…
4h du matin local, je sors du coma, je n’arrive plus à dormir, mon tel vibre, un message d’amour me met en état de grâce, le sang revient dans mes veines, ma tête à moins le tournis, mais c’est que je suis vivant alors ! Je profite du silence intense et incroyablement apaisant pour faire une balade. Les Icebergs pètent à tour de rôle, la marée est basse, je contemple la mer de Baffin, qu’est ce que c’est beau, qu’est ce que c’est puissant. Puis je me rends au cimetière, je retire ma chapka et improvise une prière pour Anne-Marie, je reprends mon tour… Il est temps de rentrer pour le petit déjeuner…
Je vous embrasse du fond du cœur…
En route pour Oqaatsut
9 juillet 2018
15 septembre 2017 ; je rentrais en Corse après plus de 3 mois de baroude en kayak le long de la côte nord-ouest du Groenland. Plus qu’une expédition ce fût un long voyage de l’intérieur. Comme à chaque raid, j’y ai appris beaucoup, j’y ai souffert, mais Dieu que ce fût beau, grandiose, magique. L’adage dit que ce sont les épreuves qui font grandir, alors j’ai dû prendre encore quelques centimètres ! Après des centaines de kilomètres engrangés au milieu des glaces et des baleines, j’aurais pu rentrer chez moi et enfiler mes pantoufles pour écouter le temps passer. Mais une vie sans folie serait trop fade pour « votre » nomade du Grand Nord, alors j’ai réalisé encore un autre rêve de gosse, j’ai acheté une belle maison au Groenland, une demeure pour partager ma passion du pays des glaces et du silence. C’est une maison bleue, non pas adossée à la colline mais face aux icebergs de la baie de Disko. On y vient après un long voyage, on ne frappe pas, la porte reste ouverte à ceux qui ne boitent plus dans leur tête. Le 16 juillet je vais donc repartir là-bas au pays d’Apoutsiaq, la maison bleue m’attend, elle a besoin d’être restaurée, elle a besoin de quelques soins. Des 4 coins de l’hexagone et de Suisse ils vont venir m’aider, ils vont offrir leur temps pour qu’elle devienne un « base-camp » pour des gens à qui on avait dit que c’était fini, qu’ils seraient classés inclassables. Là-haut loin de la chaleur étouffante, du bruit, des bouchons, des « indispensables » des choses se passent, les esprits boréaux doivent trouver les connexions de ceux qui osent y poser leur sac. Un journal de bord vous donnera des nouvelles, offrira des photos peut-être même des vidéos. En attendant je dois boucler mes sacs penser à l’impensable et profiter de chaque instant avant mon départ.
Je compte sur vous pour nous insuffler votre énergie si précieuse.
A pluche.
Sur-vie douce Toussaint 2017
12 novembre 2017
Les bâches sont installées le vent la pluie n’ont pas loupé le rendez-vous, l’équipe se découvre, les doutes eux, s’installent prés du feu. Un stage de sur-vie, douce, en plein maquis ! Quelle drôle d’idée, pourtant ils sont bien là, la fleur au fusil, leur combat est pacifique, au bout de la nuit une nouvelle marche remplie de surprise et d’initiation. Sophie, Isabelle, Géraldine, Pascal, Paul et Steve ont fait ce choix, alors allons-y gaiement.
La récolte des glands de chêne donne le tempo des premiers pas, les sorbiers sont blets à cœur, les baies d’aubépines coloreront ce dessert improvisé. Mais le temps se dégrade, il faut monter les bâches, préparer le bois et allumer le feu qui donnera le point de ralliement. Les sourires sont accrochés aux visages, alors pourquoi ne pas profiter de la nuit pour gouter aux joies de la baignade en torrent. L’eau est loin d’être polaire mais pour celui qui sort d’une maison cela semble impossible. Mon retour de « douche » donne l’envie au premier puis viendra un autre, les filles iront ensemble, le test est concluant, tout le monde est bluffé du bienfait de ce bain nocturne… La pluie toute la nuit est incessante, le feu est éteint, il faut chauffer l’eau pour les thermos et reprendre la route. Sortir de son sac de couchage sec pour s’offrir au vent et à l’humidité demande un brin de courage mais la vie n’est elle pas un présent ? Alors Steve le premier s’agenouille prés du foyer moribond, il le cajole, il le protège, Paul, Pascal les rejoignent, le crépitement récompense les Robinsons du maquis. Les filles sont souriantes, finies les beaux cheveux longs bien peignés, les ongles parfaits, le maquis n’a pas de place pour les salons de beauté, alors l’apparat laisse place à la lumière intérieure. Le dénivelé du jour est violent, l’effort est costaud mais personne ne se plaint, la pluie finalement laisse place à quelques rayons de soleil, dans mon fond intérieur je râle, les averses ont le pouvoir de rendre les stages encore plus prenant ! Le sommet est atteint, l’hélico peut venir sauver les rescapés ! Mais bien sur ce n’est qu’un simulacre, personne ne viendra. Le deuxième campement est froid, humide mais l’effort du jour a soudé l’équipe, il n’y a plus de rangs sociaux, de différence, ce soir tout le monde se remémore sa part de Victoire. Des nouilles chinoises pour certain, du riz lyophilisé pour d’autres et une immense touche de bonne humeur. Les rires sont synonymes de l’ambiance du groupe, les premiers surnoms apparaissent mais tout ce qui s’est passé au stage restera au stage, devise de ces jours de baroude. Brancarder, traverser des torrents, se situer sur la carte, écouter les consignes il aurait fallu des journées de 30 heures…
Au bout de 4 jours nous retrouvons le point de départ, secrètement nous garderons ce cadeau au fond du cœur. L’équipe m’a écrit un mot, orné de dessins qui m’ont touché, la fatigue s’est envolé, car l’âme est légère. On ne se reverra plus dans ces conditions alors les aux revoirs sont forts, sincères. La vie est une aventure et sur ces 4 jours elle fut belle, intense, sans le moindre heurt. Vive la vie…
Freeman
Epilogue Kiffaanngissuesq
15 septembre 2017Le quart d’une année s’est écoulé, 3 mois d’aventure, 90 jours de baroude, des pierres blanches posées sur la route sinueuse de ma vie parfois ténébreuse. Plus qu’une expédition, ce fût un chemin de croix version polaire. Si chaque soir j’ai réussi à transmettre un journal de bord ce ne fut que le bout de l’iceberg qui apparaît, les 9/10éme ne se voient pas. Je n’ai pu l’écrire, je n’ai pu le partager, trop enfoui au fond de mon âme meurtrie, trop ancré dans mes cicatrices affectives. Le retour est toujours très violent, le bruit, la foule, la chaleur, le téléphone… mais le mot-clé est : s’adapter. Un décrochage volontaire de ce qu’est fait le quotidien de vie en région du sud. Aucune information de l’extérieur ne m’a heurté, aucune possibilité de savoir, une vie dans une bulle face à une nature immense avec la rencontre rare d’hommes et de femmes qui eux aussi sont isolées de la fourmilière. Quand tu as fait ta journée de kayak, monté le camp, écrit les quelques lignes de ton journal de bord, grignoté les restes d’un paquet de nouilles chinoises et réparé ce qui était réparable, le vide, le silence, l’ennui s’installaient à mes côtés. Je les ai détesté, je les ai écouté, puis je les ai apprécié. Sacrés conseilleurs, qui t’ouvrent les yeux, sur ta vie. Quand je pensais à « mon moi » d’en bas, je me disais que cette existence méridionale n’était plus mienne, que jusqu’à présent je m’étais trompé de route. Puis, après une nuit de repos, entrecoupée d’écoute du vent sur la tente, de pas d’une bestiole en quête de nourriture, le sud me revenait plus cool, moins pervers. Alors je poursuivais mon « catenaccio » ! L’avantage de vivre de cette manière, c’est que tu démontes tout ce qui semble acquis, tout est remis en question et d’un coup tout devient clair comme de l’eau d’iceberg fondu dans une gamelle au soleil. Tu ne peux te mentir, encore moins à tes semblables, puisque tu es seul, tu essayes de ne pas juger, de ne pas penser au pourquoi des autres. Par moments pourtant, ma petite île estivale et son invasion me revenait en tête, l’incompréhension me montait à la gorge. Mais fallait-il être complètement dingue pour s’entasser à paquet sur une terre brûlée par la sécheresse. En Europe fallait-il avoir perdu pied, pour que les hommes s’entre-tuent lâchement à ce point ! L’égo, les œillères, le manque de lucidité par une fausse surinformation, la perte de repère, rendaient mes semblables comme les ammassat (capelan), qui viennent mourir en masse sur les plages du Groenland fin juin sans savoir pourquoi, justes guidés par l’instinct. Mais si les animaux ont ce don, l’homme, l’a depuis longtemps perdu, l’habitude est venue son moteur, les écrans, ses images de référence. Alors je revenais sur « mon moi » et poursuivais ma route, en me moquant gentiment des « autres », mon Dieu qu’est ce que j’étais hilare parfois. Si une immense plage devenait le camp du soir, dans ma barbe je riais à n’en plus finir, pas un parasol, pas la moindre odeur nauséabonde d’ambre-solaire, les paillotes à touriste manquaient à l’appel, juste des traces d’animaux en vadrouille, des restes d’ossement et une tente seule au monde. Vivre en ne pensant qu’à l’instant présent, car le futur est trop fort, trop insurmontable pour qu’on puisse, ne serait-ce qu’une seconde, y penser ! Cette vie à la minute en se disant, là, maintenant, je suis bien. La déferlante, le courant contraire, les averses de neige, la glace qui bloque la route, la crasse qui ne te lâche plus, un quotidien de gladiateur, certes, mais qu’est-ce que cela fait grandir. La moindre miette de vie, devient spectaculaire, le moindre oiseau qui se pose à portée de prothèse vaut toutes les chansons d’amour de la planète. Au bout d’un temps les aléas deviennent ton quotidien, ils prennent moins de place. Un ruisseau devient une salle de bain 5 étoiles, une brise de sud-ouest chassera les nuages de moustiques, une morue trop curieuse t’offrira un repas de milliardaire. La vie simple devient sublime, les petites choses sont enfin appréciées. Les mots me manquent pour vous décrire ces 9/10éme d’iceberg. Un tsunami m’a coupé la route, il m’a appris à dire non, d’ailleurs sans lui très sincèrement je ne pense pas que j’aurai continué, de toute façon je ne le saurai jamais. Le retour sur mes pas a été salutaire, encore une leçon de vie. A l’aller j’avais peur de l’inconnu, au retour malgré le manque de nourriture seul les vents contraires m’ont gêné, le reste était plus facile. Lire la mer, comprendre la glace, là –haut il me faudra une vie pour apprendre. Mon arrivée au village d’Oqaastut fut spéciale, un mélange de soulagement et une folle envie de poursuivre ma vie de nomade, mais la raison m’a fait poser mon sac. 42 habitants qui d’un coin de l’œil ont observé sans juger, le blanc boiteux s’installer. Ici on ne te cause pas pour rien dire, même se serrer la main c’est un « truc » en trop. Chacun survit en harmonie avec la saison, ici pas de printemps, ni d’automne. Un été de 4 à 5 semaines et le reste c’est un hiver qui forge les hommes. J’ai dû apprendre le protocole local, à mon tour j’ai beaucoup observé pour comprendre, je n’avais pas le choix puis par moments des contacts m’ont apaisé, j’ai appris à être silencieux, a ne pas parler fort, à cultiver le mutisme dans la conversation, mon comportement à du les convaincre que je n’étais pas un conquérant et que je ne le serai jamais… Ces 3 mois se sont envolé, j’ai eu la joie de les vivre intensément, je vais y retourner car j’y suis bien, la remise en question quotidienne m’est bénéfique, les chemins faciles m’ennuient, le confort a le pouvoir de nous ramollir, là-haut c’est une existence de Free-man, sans contrainte.
Avant de refermer ce livre, des partenaires fidèles et amis m’ont permis cette expérience et je tenais à les remercier.
Merci à Columbia, qujanaq Charlotte. Merci à Nautiraid, qujanaq Véronique. Merci aux Glacières d’Ajaccio, qujanaq Pasquale et Pierre-Marie. Merci aux centres de prothèse Lagarrigue, qujanaq Alain et Ludo. Merci à 66° Nord, qujanaq Quentin. Merci aux mécènes qui veulent rester dans l’ombre. Merci à France Bleu RCFM, qujanaq Jean-Charles. Merci à Audrey, web-sister du journal de bord. Merci à Corse-Matin, Qujanaq Nadia. Merci à Patrick, animateur du groupe facebook Boutdevie. Qujanaqsuaq, Julien, Charlotte, Ben, Steen, John, Ole, Bertheline, Brieuc, Sigvard, Zia, aux chasseurs et pêcheurs inconnus qui m’ont offert le kaffi (café) et un morceau de viande…
Qujanaqsuaq à vous tous qui m’avez envoyé des messages de soutien, merci du fond du cœur… Je vous à dis très vite pour de nouvelles aventures Bout de vie.
La vie n’est pas que la réalisation de ses rêves, la vie est une succession d’émerveillement à nous d’en être les chercheurs, puis les preneurs…
KIFFAANNGISSUESQ (homme libre)