La route des trois lacs…

10 septembre 2012
Le lac de Neufchâtel en mode estivale.

Le lac de Neuchâtel en mode estivale.

Comme un métronome je démonte mon bivouac, malgré les dires je ne m’attends pas à une journée « sans dénivelé ». La Suisse le plat pays, ça se saurait, non ? Je prends une voie cyclable qui mène à Biel, le brouillard semble vouloir me cacher une barre d’immeubles sur ma droite, seul le massif du Jura m’observe. Un renard croise ma « pédalerie » un champ de maïs sera son maquis. J’arrive dans la grande ville juste à l’ouverture des magasins, il va falloir remplir la cambuse. Toujours le même dilemme, prendre juste ce qu’il faut, chaque gramme a son importance. Je m’offre un café expresso enfin serré, le premier en trois mois ! Protéines, sucre lent et légumes, j’ai de quoi tenir midi et ce soir, « yakapédaler ». Je remarque que les cyclistes font des arrêts en station de carburant pour vérifier la pression de leur pneumatique, je vais les imiter, ma pompe à main n’a pas de manomètre, je fais ça au petit bonheur la chance ! Première pompe je m’arrête pour faire le plein d’air. L’hôtesse de caisse doit me remettre les embouts, mais son Iphone est plus important que le reste du monde, le virtuel règne sur le réel quotidien. Je lui demande si la boite est complète mais elle absente. Pauvre fille elle a rejoint le camp des drogués du net qui grandit de jour en jour. J’essaie tous les embouts mais aucun ne vont, cela me gonfle mais pas mon pneu ! Je renonce, « l’Iphoneuse » sort fumer sa « clope », ok pour elle il n’y a plus rien à y faire. Je lui rends sa quincaillerie et prends ma pompe perso, il me semble que le pneu arrière est un peu dégonflé mais ce n’est même pas sur.1100km de kayak dans les bras je crois que j’ai la puissance pour forcer sur le piston, mais à vouloir toujours mieux on récupère le mauvais. Patatra la valve qui reçoit mes coups de pompe s’arrache de la chambre à air. Un pfeuuuu magistrale m’informe que je suis en avarie !!! Il m’en faut plus pour m’énerver. En deux temps trois mouvements je décroche les quatre sacoches et retourne le vélo, la roue démontée je change ma chambre à air, gonflée avec ma pompe à main. J’en suis toujours au même point ! Ai-je assez de pression derrière ? Je m’en occupe plus désormais, l’histoire m’a fait perdre une bonne demi-heure et beaucoup d’énergie. Je quitte le lac de Biel pour rejoindre celui de Neuchâtel, mais deux bosses m’attendent les bras ouverts, 200mts à 10% et 150mts à 14%, je savais bien que j’endosserai le maillot à pois rouge. Enfin j’arrive sur le bord du deuxième lac mais la route décide de prendre de la hauteur, j’en profite, on aura une belle vue. La température monte à 27° et les heures ont passé, je ressens la fatigue. Dans un village je croise un couple de cyclorandonneurs bien chargé. On fait route ensemble et malgré que leurs vélos soient moins lourds que le mien je constate qu’ils ne tiennent pas ma cadence. Je peux vous dire que ces « petits riens » me redonnent du peps. Je sais, un poil cabochard l’unijambiste ! Au 85éme kilomètres une ferme-camping, je vais voir comment est le lieu. Coqs, chèvres, moutons comme voisins me changera des campings cars que je n’arrive plus à supporter. Je suis accueilli comme j’aime, en toute convivialité. Un groupe de jeunes arrivent en vélo avec des profs de gym, je suis dans le canton de Vaud et le sport roi est le hockey sur glace. En 5’ ils ont compris que l’ancien coach mental du GSHC était de passage… Je monte ma tente et pars sur les bords du lac pour une longue baignade en eau presque fraîche. Séance d’étirement aquatique et je m’endors comme une souche en guise de sieste… Je ne suis plus qu’à 60km du musée olympique de Lausanne…

PS : Jo Zef explique au coq au moment où je vous écris que s’il fait son chant avant 6h demain matin on saura où trouver de la protéine pour le déjeuné de demain midi !

A pluche !

En Suisse…

9 septembre 2012
Je me rafraichis dans une fontaine d'eau glacée, la fontaine de jouvence!!!

Je me rafraichis dans une fontaine d'eau glacée, la fontaine de jouvence!!!

Je ne sais pas pourquoi mais depuis hier soir le moral est descendu en chute libre, ce matin au réveil j’avais envie de partir en vélo comme d’aller me faire guillotiner. Je me remue les méninges, me raisonne. Je lis déjà vos commentaires ! Finalement j’enfourche mon deux roues et repars plein sud. Adieu les pistes cyclables nauséabondes, adieu le stress de se perdre avec du kilomètre en plus pour rien. J’ai bien calé mon GPS point par point pour rejoindre la nationale helvète qui me conduira vers Soleure. Je sais que j’ai du gros dénivelé au programme ce sera un test pour les Alpes. La première heure me demande une grosse concentration pour respecter mon fléchage électronique. Chaque carrefour est enregistré et en ce dimanche matin je suis assez heureux de constater que je contourne la grande ville grise et blafarde sans le moindre problème. Au fil des heures je comprends ma baisse de régime, le physique est à un bon niveau, le vélo est sans le moindre souci mais cette épreuve allemande m’a pompé une énergie incroyable. L’effort ne me fait pas peur mais il faut que j’évolue dans un cadre qui me convienne. Les routes que j’ai empruntées depuis Lubeck m’ont fait traversée des régions avec un taux de pollution que j’ignorais, si je devrais les qualifier je dirais la traversée des produits chimiques. La nature est mon moteur, la fourmilière des hommes polluante me fait fondre comme névé au soleil. Je prends des petites routes qui deviennent sympa, petit village de montagne avec le sifflet des marmottes et le son des cloches de mes copines les vaches. Le dénivelé n’attend pas pour me rendre visite. Je ne suis pas pressé et prend ma cadence, je suis à 6km/h ! Normalement quand c’est dur physiquement le moral devrait suivre. Là c’est le contraire, je peine à monter mais je sens l’énergie de la montagne me requinquer. La moyenne baisse aussi vite que mon moral remonte, je transpire à grosse goutte. Je vide ma bouteille d’eau de réserve ainsi que la plus grande partie d’eau chaude du thermos, 2litres en moins ! En quatre heures je franchis 3 cols, je me fais un break à l’ombre, la température est estivale, 27°. Une grande descente m’amène sur la nationale, je sais qu’il y aura une piste cyclable sur sa bordure. Ce n’est plus une descente c’est une épreuve de luge, j’enchaîne les virages les uns après les autres à plus de 55km/h. Puis au fond de la vallée la route reprend du dénivelé, je me résigne, je mouline en appréciant le paysage. Encore un col en perspective, je sens que quelqu’un se met dans ma roue, tiens je ne serai pas seul à transpirer. Sur un coin de dégagement je m’arrête à la demande de mon poursuivant. Joseph, je n’ai pas fait exprès, sur un beau vélo de route veut savoir d’où je viens. Je lui raconte mon périple, mais il me demande des détails. Il ne parle que la langue alémanique et avec un peu de mal nous partageons un bout de vie. Un détail, il a 96 ans et roule tous les jours de l’année. Nous reprenons la route et au moment de partir il me serre la main avec des larmes aux yeux. Je suis sous le charme de ce vieil homme, je ne connais pas son passé mais à mon humble avis ma « différence » a dû lui souvenir un bout de sa vie. Je le vois partir comme une fusée et moi avec mon poids-lourd je peine en souriant.
Finalement je passe le dernier col de la journée et file en roue libre vers Soleure. 92 km au compteur avec un moral au beau fixe mais une grosse fatigue que la nuit va estomper.
A pluche !

Le 4000éme kilomètre enfin franchi…

9 septembre 2012
Peter et Mickael, duo improbable pour rejoindre Aigues-Mortes...

Peter et Mickael, duo improbable pour rejoindre Aigues-mortes...

Un bon p’tit 8° pour se remettre en jambe, je reprends la route du canal en me croyant sur la voie royale jusqu’à Bâle. Effectivement cela parait idéal, enrobé parfait en ligne droite vers le sud. Je me chauffe en faisant tourner les jambes sans forcer, petit plateau, je mouline. Je suis seul, la campagne alsacienne semble encore endormie. Un écureuil atteint certainement de « dinguotte » me précède en cavalant comme un dératé plutôt que de se jeter sur un arbre. Je tiens le rythme mais il doit s’avouer vaincu, il se pose sur ses fesses et me regarde passer. Quelle mouche l’aura piqué ? La piste passe par un pont sur l’autre berge, le canal devient celui du Rhône au Rhin mais semble abandonné. Les écluses sont ouvertes et des arbres morts gisent en pleine eau. La piste vire sur ma droite à 90°, bizarre ! La seule carte que je détienne est sur mon appareil photo qui par ce froid n’a plus de batterie. Je pédale 2km et m’arrête, ma grande carte m’indique que je fonce vers Mulhouse ! Deux dames en VTT, une aubaine. Je suis comme je me doutais sur le mauvais chemin. Je les suis jusqu’à une bifurcation qui doit m’amener à un village pour rejoindre le bon chemin. J’en ai marre de ces pistes cyclables qui ne figurent par sur les cartes routières que je possède et qui partent sans indication dans les directions opposées. Juré, dés que je suis sur la départementale je ne la quitte plus, en oubliant ce cauchemar de piste cyclable du Rhin si « romantique ». Je suis en pétard contre les ingénieurs intellectuels qui ont pondu ses voies sans avoir jamais mis leur cul sur un vélo. J’ai la rage, mais ce n’est pas bon, je perds bêtement mon énergie. La piste que je dois emprunter est défoncée et pendant 3km j’angoisse pour mon vélo tellement chargé. Finalement me voila sur la départementale vide de véhicule, je jubile ma carte me donne exactement ma position et enfin je n’ai plus la boule au ventre de me bouffer du kilomètre en plus. Deux allemands me rattrapent, l’un en VTC et l’autre en Solex. Je me mets dans leurs roues pour prendre l’aspiration. Nous roulons à un super rythme et l’effet de groupe une fois de plus me motive. A un carrefour nous commençons à faire connaissance. Peter et Mickael se dirigent vers Aigues-Mortes en Camargue, ils sont partis de Francfort. Ce duo improbable est surprenant, l’un en vélo l’autre en « pétrolette », l’année dernière ils avaient tenté la même aventure ; mais à Lyon un chauffard devait faucher Mickael et lui fracturer le bras. La route me fait toujours rencontrer des gens attachants et même par des journées noires ces personnes me remontent le moral. A midi tapante je trouve une table et des bancs à l’ombre, ils continueront leur route. La température monte à 27° avec un grand ciel azur, j’aime ce temps là car dès que je roule l’air frais annule la canicule. Je croise deux anglais, leurs vélos est muni de toutes petites roues, ils montent vers Rotterdam, finalement je ne suis pas le seul farfelu dans la région. A la frontière suisse je fais un stop au supermarché du coin pour mon diner et le casse croute de la journée de demain. Une dame  intriguée par ma dégaine me guidera pendant quelques kilomètres. Le cœur léger je suis très heureux de retrouver la vraie route et laisser derrière moi ses derniers jours de cauchemar de pistes pourries qui n’ont qu’une vocation, filer le blues au bouffeur de kilomètres sur une jambe.  Le gros point positif du jour et du raid c’est qu’aujourd’hui je viens de franchir le 4000éme kilomètres et ça ça fait plaisir !!!

PS : Depuis quelques jours nous croisons très régulièrement des cigognes et à chaque fois Jo Zef me demande si c’est vrai que les nouveaux nés étaient amenés par cet échassier. Un peu embarrassé par la question je le renfermais instantanément dans son sac étanche. Tout à l’heure nous avons passé le village de Petit-landau, il est ressorti en me demandant de sérieuses explications !!! Chu démoralisé !!!

A pluche !

Concerto privé pour violon sur les bords du Rhin…

7 septembre 2012
Violonceliste chinois en concert sur les bord du Rhin!

Violoncelliste chinois en concert sur les bord du Rhin!

Cette journée de break m’a bien reposé et je me sens d’attaque. Je fais une grossière erreur en me changeant le pansement du moignon juste avant de partir, j’arrache une partie de la croute et pendant une heure je suis gêné avant que tout rentre dans l’ordre. Un petit 9° de bienvenue et je rejoins la piste du romantique du Rhin. J’espère que la partie française sera plus agréable que celle allemande. Je suis pour de bon sur la berge du grand fleuve et le revêtement est un vrai tapis, cela me présage une belle journée. Un faisan ne semble pas vouloir me faire passer, parole de mascotte il a failli finir dans la sacoche cambuse. Quatre biches nous observent sans être trop apeurées par le convoi d’anges heureux ! Un vol d’oies filent vers le sud, je retrouve enfin la sensation d’être proche avec la nature. Mais tout a une fin, un panneau me fait filer vers l’ouest loin du Rhin. Adieu, veaux, vaches, cochons, les affres des nationales nous tendent un piège. Je traverse un village quand je tombe nez à nez avec une voiture immatriculé 2B. Jo Zef jette l’ancre, il faut le trouver, un bastiais en Alsace ça ne court pas les chemins. Je raisonne la mascotte, vu l’heure matinale il ne serait pas éduquer de réveiller un village pour retrouver notre compatriote, nous poursuivons. Les panneaux ont du être vendus, plus aucune indication sur la route du Rhin, je suis la nationale qui se dirige vers Strasbourg, il y a une piste cyclable donc pas trop de stress à avoir. Mais je râle un coup, normal non ? Je croise des cyclistes qui m’indiquent comment rejoindre la piste. Finalement je suis de nouveau dans le bon sens. La capitale européenne s’approche, déjà l’heure du déjeuné. Je me pose dans un parc sur un banc quand arrive un étudiant chinois avec son violon. Juste à porté d’oreille il se lance dans un concerto privé assez insolite. Cissé est venu étudier la philosophie en France et parle notre langue couramment. Nous échangeons philo malgré mon manque de bagages scolaires mais l’école de la vie m’a donné des cours du soir ! Je me lance dans la grande ville en confiance, il doit y avoir un parcours fléché pour rester sur le bon chemin. Eh ben non ! Je suis excédé par cette fausse pub que certains panneaux affichent : la piste cyclable du Rhin est tellement bien indiquée que l’on peut la pratiquer sans carte… Une heure de galère, des gens gentils à tour de rôle me font retrouver la route. Finalement je rejoins le canal navigable du Rhin et sa voix cyclable jusqu’à Bâle. Je souffle, je suis enfin sorti de cette pieuvre géante. Le canal est droit à n’en plus finir mais plutôt agréable la température monte d’un cran, cependant une longue allée de platanes donne une sensation de fraîcheur. Je dépasse le cap des 100km, au prochain village je vais me trouver un coin pour poser ma tente. Ce soir entre le Rhin et son canal je suis enfin en bivouac, ce n’est plus l’été mais en tout cas cela lui ressemble. La Suisse est à 115km, ça s’approche doucement…

A pluche !

PS: Une pensée pour Dominique Benassi qui va défendre son titre de champion du monde de triathlon half Iron man à Las-Vegas ce week-end… Forza Dumé…

Sur les bords du Rhin avec l’amiral Festor…

6 septembre 2012
Jo Zef très fier de présenter le grand Franck à Norra...

Jo Zef très fier de présenter le grand Franck à Norra...

Mon dernier break fut Northeim , tendinite disparue, vélo nickel « yakarouler » soit 611 km en 6 jours d’affilés. Je m’autorise un break, bien que je sois en forme. Le vieil adage le dit : Qui veut aller loin doit ménager sa monture… Ce matin ce n’est pas pour autant que je tarde au lit, la vie est trop courte pour dormir. La petite ville de Lauterbourg est paisible avec un certain charme qui me fait un bien énorme. Depuis presque trois mois que je sois parti, rares furent les moments où j’ai pu m’exprimer dans la langue de « Coluche » ! Je deviens une pipelette, je suis trop heureux de pouvoir échanger sans chercher mes mots. Mon vélo est un tas de sable, le patron de l’hôtel du Cygne me met à disposition tous les moyens pour le rendre comme neuf. De plus il me prête une lime à bande électrique pour rectifier enfin ma prothèse qui me blesse au niveau de la tête de péroné. Je peux vous dire que je m’en donne à cœur joie, je creuse, je rabote pour enfin laisser la plaie ne plus subir ces douloureuses frictions qui par moment me gâchent un peu la vie. Petite course au supermarché du coin pour remplir ma cambuse, mais je dois me freiner, je ne dois pas sortir de ma diététique stricte même si les produits en vitrine me font saliver. C’est dur de prendre que des salades alors que les choucroutes nous tendent les bras, une sorte de remake d’Ulysse et les sirènes façon charcuterie alsacienne !!! Mais la belle nouvelle de la journée c’est que je vais avoir de la visite. Fidèle de mon journal de bord, vous avez dû remarquer que régulièrement je suis encouragé par le grand Franck Festor, et bien aujourd’hui il a fait le déplacement depuis sa région de Metz. Aussitôt revenu de sa deuxième traversée océanique à la rame en courant un marathon il s’est blessé au moignon et ne peut plus porter sa prothèse pour cicatriser. Il a choisi l’opportunité pour partager un bout de vie avec le « cabochard ». Je suis toujours heureux de le croiser, un géant au cœur en or, toujours prêt à aller soutenir un nouveau venu dans le monde des raccourcis. Sous une tonnelle au bord du Rhin entre deux péniches qui luttent contre le courant nous échangeons nos idées, nos sentiments. C’est vrai qu’il est bon de savoir s’arrêter pour vivre le moment présent si riche. J’entends souvent parler de miracle pour certaines choses extraordinaires qui arrivent, mais pour moi le miracle c’est le fait de vivre chaque seconde les yeux ouverts. Ce n’est pas un miracle le soleil qui se lève tous les matins, le fleuve qui coule depuis des siècles, la plaie qui cicatrise, deux hommes qui papotent avec sourire de leur souffrance… Oups je me lâche, c’est vrai les jours de repos je cogite plus que d’ordinaire…

Merci amiral Festor, que les Dieux des vents, des océans et de tes rêves te protègent encore longtemps. Son blog…

A pluche !

Par Thor et Odin un pied en France…

5 septembre 2012
Jo Zef a l'idée d'en expedier quelques uns pour qu'ils gouttent au folklore locale de tire à la chevrotinne sur panneau!!!

Jo Zef a l'idée d'en expédier quelques uns en Corse pour qu'ils gouttent au folklore locale de tire à la chevrotine sur panneau!!!

La ville de Worms est encore endormie quand je m’égare une fois de plus dans son labyrinthe. Je râle comme d’hab pourtant hier j’ai pointé sur mon GPS le départ de la route cyclable du Rhin mais les autoroutes et voies rapides m’en empêchent l’accès directement. En plus, myrtille sur la crêpe, je viens de réaliser que j’ai égaré la lanière de mon GPS qui me l’assure en cas de chute. Ouf, je retrouve mon départ et qu’est ce que je vois par terre qui m’attend gentiment ? Ma courroie et son mousqueton… Je sais : Bordé de nouilles !!! La pub de la piste cyclable du Rhin dit que c’est si bien indiqué que l’on ne pas se perdre et que le chemin est romantique. Ça au moins c’est une bonne nouvelle. Le terrain est plat mais c’est un vrai gymkhana à travers une zone industrielle monstrueuse et des panneaux assez discrets pour rendre le trajet compliqué. Je suis bougon comme de coutume, le soleil n’arrive pas à traverser le nuage de pollution qui emmitoufle la plaine. Je tente d’avancer au mieux , je ne veux pas moisir ici. La route serpente, et on fait un demi-tour pour contourner l’usine, puis une épingle pour revenir derrière la bretelle d’autoroute, je sens que la journée va être longue.  Je  bouffe du kilomètre mais en ligne droite je n’avance pas très vite vers le sud. Enfin une piste en gravier pourri, cela faisait longtemps que je ne m’étais pas fait un shakeur au cerveau. Je pars dans tous les sens, ce serait ballot de tomber, non ? La ville de Ludwighafen barre la route et la piste a la bonne idée de la contourner largement, pour l’instant je ne suis pas trop en mode romantique mais plus hystérique ! Le temps passe, les kilomètres s’engrangent mais je n’avance pas trop vers le sud. Leçon de patience au programme. Enfin elle est là, j’en avais traversé une en kayak en Suède, il me manquait de m’en faire une en vélo ; une belle centrale nucléaire ! Pour l’instant le Rhin je ne l’ai pas encore vu. Je poursuis ma route, ma gorge gratte, l’air est nauséabond, vivre ici est un peu du suicide à mon humble avis. Le dialogue s’instaure avec ma petite voix  : Frank tais-toi, pense positif, avance et ouvre les yeux. Ouais, mais le coin est pourri et personne ne répond à mes guten morgen. Mais c’est des gens de la ville, ils sont dans la fourmilière et  se sont créer une grosse carapace… Je stoppe la connexion avec ma voix, me fermant comme une huitre, et tac ! Toujours pas de Rhin, ils l’ont peut être vendu au Qatar ? C’est l’heure du casse-croute, une petite table à l’ombre me permet de me rassasier du butin détourné ce matin au buffet du petit-déjeuner. Physiquement je me sens bien, j’avance à un bon rythme sans sensation d’épuisement. Je suis étonné du nombre de personnes âgés en deux roues, un vrai plaisir à croiser. Tiens l’aventure va recommencer, la piste est fermée pour travaux. Je suis sur qu’ il doit y avoir un parcours fléché pour la déviation. Rien du tout, je tente l’approche avec un couple de retraités mais je comprends que les carottes sont cuites, Ich verstehe nicht ! Cabochard  le garçon, non ? Je vais au feeling, je tente de suivre vers le sud, la carte ne me donne pas les « bleds » traversés, de là que je me retrouve en Norvège il ne manque pas grand-chose. J’allume le GPS juste pour comprendre un peu à quelle sauce je vais être croqué. Finalement je ne m’en sors pas trop mal quand après un long détour je retrouve la piste romantique du Rhin. Des jeunes m’expliquent que l’info a été diffusée dans toute la presse locale, il suffisait de la lire ! Ouais ouais les copains !!!

Finalement au bout de 4H40 de pédalerie « romantique » je suis enfin en bordure du fleuve, j’ouvre les gaz, je suis en forme, la chaleur monte d’un grand, mon thermomètre affiche 27° à l’ombre, je bois tous les quarts d’heures pour éviter les problèmes. 6 heures que je roule, l’Alsace n’est plus très loin, il faut que je tienne le choc. Je sens que ma plaie au moignon c’est ré ouverte, rien de grave mais ça me titille un peu quand même. Je mets ça de côté, on verra tout à l’heure, je passe le cap des 7heures de vélo, je commence à sentir de la fatigue. Je rattrape un vététiste local, on papote un peu en anglais, le courant passe bien. Uli réalise ça plus grosse sortie vélo de sa vie de cycliste, il est comme moi, carbonisé. Notre rencontre nous stimule, on plaisante et la forme revient. La moyenne reprend du rythme puis comme deux gamins nous nous lançons des défis, la moyenne devient anormalement haute, 30km/h. Quand ça va « péter » on ne va plus pouvoir repartir, mais le miracle arrive. Mon nouveau coéquipier stoppe sa course effrénée devant un panneau. On est en France !!! Par Thor et Odin, on est en France. 3850km depuis Slettnes pour arriver là, il comprend mon émotion et me serre chaleureusement la main. Il continuera vers Baden-baden je vais faire un break au petit village de Lauterbourg. 133km depuis Worms…

PS : Norra découvre enfin la France…

A pluche !

Que ce fut dur…

4 septembre 2012
Aprés avoir gravi la premiére cote de la journée...

Après avoir gravi la première cote de la journée...

Depuis Stockholm j’ai englouti 1585km en vélo-poids-lourd et à ma grande surprise plus j’avance plus je récupère vite et bien. Mon problème de tendinite semble s’être envolé et le moignon tient bien le choc. Ma selle en cuir a pris forme et elle devient confortable même si par moment je ne suis pas si à l’aise que l’on me l’avait prédit. Donc ce matin je reprends la piste cyclable R7 pour croiser la R9 qui m’amènera au bord du Rhin. Pour commencer je retrouve encore une route en terre qui monte, je râle ! Enfin un beau et bon goudron, mais devant moi se dresse un mur ! Une route sans virage droit devant moi, un 10% bon poids ! Je me cale et ne lâche pas le morceau, de bleu que ça monte ! 1600mts de folie, je tire mes trente kilos de barda, je transpire comme un malade, j’y arrive. Yes I’m a free man. Tout à l’air d’avoir tenu le choc. Je poursuis, là bas je vois la plaine du Rhin mais cette maudite piste n’y va pas directement. Je suis tenté de la lâcher et de m’aventurer au petit bonheur la chance dans les méandres des villes que je devrais traverser. Je me raisonne suivons la piste ce n’était qu’un accident. En pleine cambrousse alors que les panneaux indicateurs ne dépassent plus les 20X20 cm, j’aperçois par pur chance R9. On bifurque vers le Rhin et sa « planitude ». Je mouline ça monte, ça descend mais gentiment. Puis devant nous l’Everest, le Cervin sans corde, l’abysse des Marianne en apnée, je stoppe tout, je ne peux en croire mes yeux. Une ligne droite montante de plus ou moins 2000mts à 20%, je ne savais même pas que cela existait !!! Le mini panneau R9 confirme que c’est cela que nous devons gravir. Je ne me dégonfle pas, je positive, aujourd’hui c’est la rentrée pour beaucoup de monde nous on est des « to be free » mais quand même c’est de l’inhumain… Je fais  à peine 300mts que j’explose, impossible de pédaler, donc je pousse. C’est incroyable comme ça monte, si en Corse du sud en ce moment c’est le déluge ici pour une fois c’est enfin l’été et je peux vous dire que je sue à grosses gouttes. Vu que c’est dur il faut mémoriser l’effort, un film est prévu alors je fais l’acteur. Mais non je ne suis pas atteint de « dinguote » mais comme j’en bave, je fixe la caméra sur les bords du chemin. Je cale le vélo contre un poteau, monte le caméscope 200 mts plus haut et la branche puis redescends faire l’acteur, etc etc… Au moins ça me change l’esprit. En haut du Chomolungma du jour je me réjouis de l’avoir fait, pas de sensation de blessure donc tout va bien à bord. Je fais un plein des gourdes chez une vieille dame qui est sous le charme de ce que je viens de faire et poursuis. Rebelote et dix de der, la même mais un peu plus courte !!! Je suis scotché et dire que si j’avais lâché cette maudite piste en passant par la pieuvre de Frankfurt je serais en train de pédaler à 20 de moyenne le long des berges du fleuve. Je serre les dents et gravis la piste, ce n’est plus de la sueur c’est les chutes Victoria, je suis en nage. Finalement j’arrive sur une arête qui domine l’immense plaine couverte par une chape de pollution. J’en profite pour faire un break casse croute. Je me sens bien je me palpe et ne sens aucune contracture, je fais sécher mon moignon et m’assure un bon gueuleton équilibré. Je reprends ma « pédalerie », ça y est ça descend, mais la route est couverte de gravier et surtout de mousse verte. J’évite de faire l’andouille pour ne pas me retrouver à quatre pattes nez à nez avec un écureuil me ramassant les bouts manquants ! Finalement je suis dans le plat pays, au fait j’ai lâché la R9, mouton un peu mais pas tout le temps. Je fais un pointage GPS  pour poursuivre ma route et tente de m’approcher du Rhin qui doit avoir sa piste cyclable. Je croise des cyclistes et là ils m’assassinent. Pas de voie cyclable sur la rive Est que de l’autre côté et le pont est 8km plus au nord. Eh ben, c’est la journée « on est pas des tafioles » !!! Je refais un plein d’eau, 5 litres déjà bu depuis ce matin 7h. J’essaie de mémoriser leurs charabias. Je passe à travers une zone industrielle avec la route coupée par des travaux alors je coupe à travers champs puis enfin enjambe le fleuve. Je suis un héros, un grand… Un couillon ouais !!! Devant moi un immense panneau en allemand et en français décrivant les pistes cyclables du Rhin aussi bien d’un côté que de l’autre, oui je répète de chaque côté du fleuve !!! Sacré canards (encore une histoire d’o) je me suis bien fait avoir par ces domingeros. Je  trouve la piste symbolisée par le drapeau de l’Europe qui va me mener jusqu’à Bâle sans aucune cote à gravir… Je suis un peu crevé et me pose au centre de Worms, dans une auberge… Non la mascotte pas de jeu de mots ringards avec les habitants de Worms, ce ne sont pas des vers de terre… (Worm signifie ver de terre en anglais)

A pluche !

Prêt pour l’Afrique en vélo !!!

3 septembre 2012
j'essai de la rattraper mais j'ai du mal!!!

J’essaie de la rattraper mais j'ai du mal!!!

Je touche du bois, je me réveille sans le moindre bobo, je pense que c’est tout bon pour l’avenir ! Toujours la fraîcheur du matin je reprends la piste R3 qui devrait m’amener après la grande ville de Hanau sur la R4. Tout plat avec brise dans le dos, le chemin longe l’autoroute, un vrai capharnaüm. Je pédale en douceur, je me rapproche de plus en plus de la Suisse. Je suis surpris d’être en si bonne forme, il me semble que je n’ai pas pédalé depuis plusieurs jours. Première ville et je loupe un panneau, je me fonds dans les méandres urbains. Je râle, je peste… Vous connaissez la suite ! je retrouve mes panneaux : « Va falloir se concentrer, cabochard… » Je poursuis pour arriver dans la grosse banlieue de Frankfurt qu’est la ville dortoir d’Hanau. La vraie caricature de se que je crains, les tags sur les murs, les verres brisés au sol, les immeubles en rang d’oignons avec la faune qui vit dedans. Je peux vous dire que je n’ai pas envie de moisir ici. J’avance comme l’inspecteur Colombo, j’essaie de choper tous les indices pour ne pas me perdre. Je me retrouve finalement sur les bords du Main, mais je suis inquiet, j’avance vers l’ouest et non vers le sud, va falloir bifurquer un jour ou l’autre. Je rattrape un  vététiste il m’amène jusqu’à un bac qui traverse la rivière. Un groupe de cyclistes régionaux m’offre le billet et m’encourage pour la suite, je trouve enfin la R4 ! Ouf, ouf et triple ouf ! Je dois filer vers le sud pour dénicher une transversale dans 50km qui devrait m’amener vers la piste du Rhin. Je traverse plein de petites villes qui grouillent de monde, je ne suis pas trop à l’aise. Enfin la forêt, mais voilà la R4 est un terrain d’entrainement pour l’Afrique en vélo. Fini le bon tarmac soigné, une succession de pistes en terre plus ou moins en bonnes états nous secouent à n’en plus finir. Mon vélo n’a aucune suspension et chaque trou est une vibration directe qui monte jusque dans le cervelet en passant d’abord par mon talon d’Achille. Je redoute quelques blessures mais  ai-je le choix ? Le rythme est bien sur ralenti. Je trouve une sorte de cabane dans la pénombre des bois, j’y fais mon break déjeuné. Un vieil homme me rend visite, il veut comprendre pourquoi je suis si chargé. Je lui explique mais ne semble ne pas me croire. Je n’ai pas envie d’argumenter et le laisse dans ses doutes. Je reprends mais je m’aperçois que la balise spot n’émet plus, c’est elle qui vous donne ma position en direct, je la réactive, cela fera une belle ligne droite depuis son dernier arrêt. Je fatigue plus vite sur ce type de revêtement et je planifie un arrêt au prochain bled. Pas de camping, pas de gasthauss et encore moins d’hôtel. Je demande à un fermier si je peux monter ma tente à l’angle de son hangar. Nein ! Ok on avance ! Mais je m’approche des cents kilomètres du jour ! Finalement à Gross Umstadt je trouve une pension pour la nuit… Je peux vous dire que la douche froide m’a remis d’aplomb la guibole et demi. On est prêt pour un Paris-Dakar vélo…

« Norra, Jo Zef, revenez c’est une manière de dire, on ne va pas faire un truc comme ça !!! »

A pluche !

La montagne des oiseaux…

2 septembre 2012
Presque arrivé à mon arrêt du soir... Ouf!

Presque arrivé à mon arrêt du soir... Ouf!

Un petit air de Sibérie me fait partir un peu plus tard, au lieu des 6h30 « obligatoire » je reporte à 8h, brouillard et un 9°au thermomètre, un coup à congestionner un couple de mascottes. Cette fois j’ai récupéré, je suis en pleine forme. Je me doute de ce qui m’attend, la montagne ! Je quitte la piste R1 pour la R7, ce système est absolument génial, une sorte de fléchage comme sur les GR. Il y a quelques jours je passais une bonne heure par soir pour pointer les carrefours de ma future journée sur mon GPS de poche pour éviter de me perdre, là comme un petit mouton, je suis le jeu de piste. Le soleil bouscule les nuages, la forêt reprend des couleurs et le dénivelé s’est endimanché rien que pour nous. Au programme 45km de montée !!! Non les mascottes, on ne va pas y aller en mobylette ! Cette journée va être un vrai test pour ma cheville, je ne vais plus pouvoir ne pas forcer. « Vélo+barda » représentent 30 kilos, je pédale pratiquement que de la jambe gauche, donc ça passe ou ça casse ! Des panneaux sournois annoncent les dénivelés, commençons par un 8%, pas long mais juste pour donner le tempo, je mouline mais je sens que je force comme un taureau, tout semble tenir. Le terrain devient plus humain, j’enlève des couches. Une heure, ça va, deux heures : c’est quand qu’on arrive ? Trois heures, un sale panneau annonce 11% !!! Personnel Arcticorsica, sur le pont, la guerre est déclarée, feu à volonté et surtout pas de prisonnier !!! Je pense que je force un peu !!! Je tiens le choc, la cheville aussi, devant nous un couple en VTT tente aussi l’aventure, ce seront mes victimes ! Ils sont moins chargés mais ils semblent souffrir, on va les achever. Doucement j’arrive dans leurs roues, ils soufflent, ils suent, je double. Hello, nice day today !!! Ils sont carbonisés, je les dépasse. Non mais, ce n’est pas des bipèdes qui vont nous narguer, quand même ! Quatre heures de guerre interne pour arriver au sommet de la montagne des oiseaux, c’est son nom,  je me sens bien, je dois rester prudent, je m’hydrate à outrance mais je dois refroidir la machine. Une table et des bancs avec un torrent, je vais y tremper le moteur. Quel délice, elle est polaire mais ma jambe et mon moignon revivent, pas de tracas pour l’instant. Mes victimes arrivent, ils sont jeunes mais n’ont pas la condition. J’ai droit à tous les compliments de la terre, ils ne savent pas pourtant que je ne suis qu’un sale gosse ! Ils m’apprennent qu’une piste cyclable m’amènera jusqu’à Bâle en Suisse, je glisserai le long de la rivière Main et du Rhin. Si je ne dis pas de bêtise, fini les montagnes allemandes. Qui vivra verra. Je fais mon break lunch mais un coup de barre monstrueux m’envahit, je lutte mais je suis cuit. J’essaie de penser à autre chose mais en bas ça ne veut plus. Je me recadre et reprends le dessus, pas facile de contrôler mental et physique en même temps. Finalement j’arrive à un grand panneau d’information sur les pistes qui m’attendent. J’ai le choix, tribord ou bâbord ? Je m’aperçois qu’il y a même des courbes de dénivelés avenirs. Oh mais la gauche nous parait intéressante. Jusqu’à la ville de Hanau, que de la descente, soit 70 bornes à « faignantiser »… Je lâche les chevaux, banzaï, on déboule comme des fadas. 45à 60km/h en pointe, ça dépote les copains. Plutôt que d’appeler le coin la montagne des oiseaux ils auraient mieux fait de la nommer la montagne des belettes, de partout ces demoiselles déambulent sans ce soucier du pèlerin en goguette. Les pauvres mustélidés, font quatre tours sur elles-mêmes à notre passage en roue libre, je retrouve la patate, on va chercher le 100km: Celui là, il est à nous aujourd’hui. Finalement à la petite bourgade de Wachterbach, je fouille pour un coin du soir. Un p’tit restau est ouvert, je lui explique que je cherche un gîte tranquille pour la nuit. Je comprends que mon interlocuteur est turc, j’ai vécu un an merveilleux dans ce beau pays, je sors les phrases qu’il me reste, cela fait déjà 16 ans !!! Il est de la région de Sinop sur la mer Noire, j’y suis allé, il m’offre un vrai tchaï. Je suis un peu à la maison. Il appelle son oncle qui a un hôtel, il va héberger le nomade à cloche pied… Ce soir au diner je vais me régaler de produits turcs, elle est pas belle la vie ! Après la douche et ma séance d’automassage aux huiles essentielles d’arnica, pas la moindre douleur, je verrai demain matin…

PS : Je viens d’apprendre que Thierry Corbalan n’avait pu aller au bout de sa traversée en mono palme entre l’ile d’Elbe et la Corse. Cette nuit vers 23h à cause du mauvais temps son équipe kayak ne pouvait plus avancer. Par ce billet je tenais à le féliciter pour sa ténacité et sa préparation drastique pour être présent au départ. La nature est plus forte que nous, elle est là pour nous enseigner patience et humilité… Bravo Monsieur Thierry…

A pluche !

Un vrai "Tchaï" et surtout encore une belle rencontre...

Un vrai "Tchaï" et surtout encore une belle rencontre...

A la croisée de nos vies…

1 septembre 2012
Bel échange avec Patrick qui rallie le Danemark à Gibraltar à pied

Bel échange avec Patrick qui rallie le Danemark à Gibraltar à pied

Nuit agitée malgré que le camping soit vide, je suis tellement sur le qui vive avec ma cheville que toutes les heures je me réveillais pour masser mon tendon d’Achille et vérifier qu’il n’était pas enflé et ne soit douloureux. Quelle drôle d’idée au lieu de se reposer, en tout les cas tout va bien de ce côté là ! Je démonte mon camp et me revoilà parti. Les bobos sont en stand by, yakapédaler. Le froid me saisit, 10 petits degrés, le vent cette nuit est passé enfin au nord. Il va enfin être en notre faveur, une sacrée côte comme entrée, au moins je vais pouvoir enlever une couche. Je continue sur la voie cyclable R1, le bonheur de ne pas subir les affres des chauffards. Les villages sont encore endormis, la route est vide, je peux poursuivre mes rêveries. Je fais gaffe quand même de ne pas perdre le fil des panneaux qui m’indiquent comme un jeu de piste les directions à suivre. Les pommiers regorgent de fruits et je m’autorise quelques prélèvements pour mes repas à venir. Des ponts enjambent des petites rivières, je passe à travers champs, l’Allemagne rurale se dévoile à mon passage. Je poursuis ma route, dans un hameau deux gamins en vélo me prennent la roue, ils font un bout avec moi. Je comprends après coup pourquoi ! Une rivière barre la R1, pas de pont mais une nacelle à activer manuellement. Les adolescents doivent guetter le randonneur et se font un malin plaisir à jouer de la manivelle. Paul et Morris me fileront un sacré coup de main pour me faire passer de l’autre côté. Une manière originale de plus dans mon voyage, à quand la montgolfière ? Je poursuis, le vent est en notre faveur, un vrai bonheur. Au loin je vois des gyrophares d’une ambulance et d’un véhicule de police, je m’approche en redoutant le pire, la piste est interdite aux voitures, s’ils sont là c’est que quelque chose de grave est arrivé. Un homme âgé est allongé à côté de son vélo, vu le manque d’activité des secouristes sa vie s’est arrêtée sur ce chemin aujourd’hui. Pas encore couvert, effectivement le masque de la mort est tombé sur lui. Je poursuis, je suis encore sous le coup, les images de sauvetages en mer tragiques que j’ai vécus me remontent au visage, je ne pensais pas croiser cela ce jour. La vie, la mort, on n’est pas grand-chose !!! Je me fais un break café, biscuit, et pratique quelques étirements. Toujours sud j’avance, la vision de tout à l’heure me hante, il faut que je passe à autres choses. Dans un plus grand bourg je profite pour faire quelques courses, demain c’est dimanche et ici tout est fermé. Pour compenser mon mal être je m’offre un grand jus de fruit et une brioche au sucre, les douceurs du palais pour compenser les froideurs de la vie, la grande cause de l’obésité dans les pays riches ! Le soleil enfin se réveille, il a envie de réchauffer le nomade unijambiste, j’avance encore et toujours vers le sud. Des interminables lignes droites avec le vent portant, ça fait du bien, je plains les pauvres cyclistes que je croise dans le sens inverse de ma route. Je rattrape un coureur d’origine asiatique, je devrais dire un marcheur, il est à l’agonie, ses pas ne sont pas assez rapides pour appeler cela courir, témoignage d’une longue distance déjà parcourue. Puis un deuxième et encore un autre, j’en conclus qu’il doit y avoir une course très longue distance dans le coin. Pendant plusieurs kilomètres je double ces athlètes de l’endurance, je n’arrive pas à savoir quel est leur parcours. Je suis maintenant en t-shirt avec dans mon dos la phrase du défi Arcticorsica : Ma différence c’est ma force. En dépassant l’un d’eux il me dit bonjour en français. Je ralentis pour rester à son niveau. Patrick Bono fait parti de ces hommes et femmes qui réalisent la course : Trans-Europe 2012 ! Le départ a eu lieu au nord du Danemark mi-août et se terminera à Gibraltar dans plus de deux mois!!! Des étapes de 60 à 80km au quotidien avec une moyenne minimum de 6km/h, sinon c’est l’élimination. Aucun jour de repos, une course titanesque ! Je reste au côté de Patrick, on ne se connaît pas mais quelque chosesde très fort se passe entre nous deux. On parle de nos défis, de nos bouts de vie et de cette souffrance choisie. Puis en quelques secondes un sujet très difficile à aborder en occident : de ces chers disparus qui nous accompagnent dans cette solitude qu’est l’endurance de la vie. On se livre comme deux vieux copains, je sens qu’il est au bord des sanglots, je le pousse à se lâcher, il chiale de toute son âme… A un carrefour nos routes vont se décroiser, on se serre les mains comme deux frères, alors qu’il y a peine quelques secondes on ne se connaissait pas. Bravo Patrick continue jusqu’au bout de tes rêves, Gibraltar ou pas, va jusqu’au bout de ta route elle est bordée de lumière.
Au 83éme kilomètre je décide de m’arrêter dans un hameau, quelle journée ! Le présent est un cadeau et de là haut nos anges gardiens s’amusent bien dans notre quête quotidienne.
A pluche !