Du pays du silence au pays du vent…Presque 4 mois!

3 octobre 2012
Bivouac dans ma commune de Bonifacio, j'ai du mal à y croire!

Bivouac dans ma commune de Bonifacio, j'ai du mal à y croire !

Je retrouve enfin mes automatismes, je lève le camp plus aisément sans oublier le « truc » qu’il faut remiser pour la énième fois dans le sac étanche déjà planqué au fond du kayak. A 6h45 je glisse déjà sur l’eau. Devant moi le golfe de Porto-Vecchio, chose incroyable une houle de 1 mts de nord me pousse vers mon objectif, le bulletin météo de ce matin n’en parlait pas. Je saisi cette opportunité pour filer à bonne vitesse. La baie est profonde et le Ponant encore endormi commence à s’ébrouer, je sais qu’aujourd’hui je vais encore avoir droit à un cours de vent contraire, je suis prêt pour passer ma thèse d’ailleurs ! La mer est très brouillonne mais à chaque ondulation je pars en surf, un vrai plaisir grisant. En plein milieu j’émets un appel par VHF au sémaphore de la Chiappa pour signaler mon passage, une habitude que j’ai pris à chaque passage de phares gardés par les marines nationales locales. Nous dégageons canal 15, la voix me semble familière, et pour cause. C’est un copain qui est de veille, il m’a vu hier au large en descendant en voiture de Solenzara. Ça sent la maison tout ça. Je poursuis en rasant la côte je n’en ai plus pour longtemps, le vent d’ouest va arriver pour l’heure de l’apéritif. Nous longeons les plages de Palombaggia mondialement connus, mais je n’y vois que désespoir et vanité humaine. Des immenses demeures vue sur la mer, qui sans exception sont toutes volets clos. J’aurais envie d’appeler cette région la « côte des lits froids »!  Certain locaux ont vendu leurs terres sans aucun scrupule et des milliardaires ont le droit de bétonner le littoral pour quelques petites semaines estivales, le reste de l’année tout est fermé. Les prix ont flambés, en 20 ans il faut multiplier par 200 le prix du m² ! Les locaux ne peuvent plus construire, les habitations à bas coup sont aux oubliettes… Je reprends mon voyage, je ne veux pas rentrer dans la polémique sur la spéculation. Tiens la mascotte fredonne une chanson de Charles Trenet : Boum, quand la maison fait boum… (Rire). Vers 11h je suis à quelques encablures de la baie de Santa Ghjulia, mais qui a appuyé sur l’interrupteur du ventilateur ? Je m’amarre quelques minutes sur une bouée d’un corps mort et m’accorde un café-gateau, avec quelques étirements. Je me lance, le vent va être trois quart avant tribord, yakapagayer ! Brève traversée mais sportive, je me retrouve en face, je rase les cailloux car la brise fraîchit. J’avance tout doucement, je ne suis plus pressé, je dois juste continuer sans fléchir. Vers midi je trouve une brèche, je m’y engouffre, c’est l’heure du casse croute. Deux palettes gisent sur les cailloux, il me vient une idée. Je les traine sous un arbousier et m’en sert de lit. On est en Corse, non ? Alors on fait la sieste. A l’ombre, la brise me rafraîchit je m’endors comme une masse. 20’ de bonheur. Le vent est encore plus fort, c’est son histoire, moi je vais toujours vers le sud. Je traverse le golfe de Porto-Novu, les rafales sont tellement violentes que j’ai l’impression qu’elles vont m’arracher mes pagaies, mais je suis joyeux, je connais le coin par cœur, je sais où me planquer en cas de pépin. Comme un Cherokee je louvoie en guettant les bourrasques, je m’amuse comme un diable, car je sais où je veux aller. Au 26éme kilomètres j’atteins enfin ma catiche, c’est de là que demain matin je tenterai la traversée du golfe de Santa Manza, assez dangereux par vent fort d’ouest. Il ne me reste plus que 17km pour atteindre les Lavezzi, je peux vous dire que ces derniers kilomètres je vais me les savourer un par un.

Les rendez-vous d’arrivée :

Arrivée officielle :

Au phare des Lavezzi vendredi 5 octobre à 11h, des vedettes partiront de Bonifacio avec tous les primaires de la ville et ceux qui le désirent.

Arrivée officieuse :

Devant la capitainerie du port de plaisance de Bonifacio vers 16h00-16h30

Soirée retrouvailles :

De suite après le pot du port je reprendrai la mer avec mon kayak pour rejoindre la baie de Paragan avant la nuit et je vous attendrai pour une soirée pique-nique au bord de mer. Histoire que vous viviez ce que j’ai vécu pendant ces 4 mois. Chacun amènera son panier. Jo Zef et Norra s’en lèchent déjà les babines !

Arrivée que j’ai rêvée pendant toutes ces semaines de raid :

Samedi 6 octobre avant le lever du soleil, (c’est-à-dire 7h) je repartirai en kayak pour rejoindre mon Cabochard qui m’attend depuis si longtemps dans son mouillage secret. Ceux qui veulent m’accompagner avec leurs embarcations sont les bienvenus.

A pluche !

Une maîtresse sacrément jalouse…

2 octobre 2012
Finalement tout a séché, la paix retrouvée...

Finalement tout a séché, la paix retrouvée...

J’en vois le bout de ce voyage, pourtant rien n’est plus difficile qu’une arrivée, la houle est en voie d’atténuation, je n’ai qu’à m’appliquer et tout ira pour le mieux. Je me suis reconstruit cette bulle qui me protège, elle m’est nécessaire pour éliminer les gestes parasites qui peuvent devenir dangereux. Le vent s’est mis à l’Ouest, le Ponant (c’est son nom)  est sincère, pas de traitrise, il prend force vers l’heure du déjeuner et s’endort au coucher, je connais son caractère je n’ai qu’à être prudent. Je pars juste avant que le soleil se lève, j’adore ce moment de grâce, les ténèbres disparaissent et laissent  la lumière nous remplir d’espoir. En longeant la côte je devrais être à l’abri, le courant est favorable j’en profite pour faire bonne route. A ma grande surprise pas de rafale, bien au contraire, juste une brise de nord qui me pousse vers mon rêve d’arrivée. La côte sableuse et rectiligne a laissé place à une berge rocailleuse. Comme en vélo, je n’aime pas les grandes côtes longitudinales, elles minent mon morale et le rythme s’en ressens. Je viens de rentrer dans le département de Corse du sud, un peu à la maison. Sur le balcon d’une villa je vois deux personnes aux jumelles qui me font des signes, je ne les connais pas apriori mais eux oui, ils m’applaudissent et m’envoient de grands saluts. Un petit geste qui me donne du baume au cœur. Les montagnes se jettent dans la mer, la nationale est en surplomb, je continue mes rêveries, je suis heureux, j’essaie de déguster chaque instant. La houle semble se fatiguer, tant mieux je n’aime pas sa compagnie. Depuis la corniche je vois un couple s’agiter, je suis sur que c’est pour moi, je suis seul en mer. La route est haute et il m’est impossible de reconnaitre qui est ce. Puis j’entends la voix de ma tante et de mon oncle. Je suis tout remué, je ne peux pas m’arrêter la falaise est trop abrupte, on s’échange des signes et je glisse vers le sud. La brise est toujours en ma faveur, un vrai bonheur, je surveille devant moi car je sais que l’ouest a une frontière géographique à partir de la baie de Favone. Je redoute le golfe de Pinareddu, il peut être très ventilé par Ponant mais Eole est clément, je suis poussé par un noroit de bébé. Là- bas au sud c’est l’entrée du golfe de Porto-Vecchio, je perçois un voilier qui tire un bord avec un fort vent d’ouest, j’ai compris où finissait ma journée. A l’île de Pinareddu il y une passe avec une toute petite plage pas accessible par la terre, c’est là où je vais monter mon camp. La barre bleue nuit qui annonce le fort vent est fixe à environ deux kilomètres, je prends mon temps pour aménager ma tente. Tout est trempé, le grand soleil va enfin tout sécher. J’ai pris l’habitude de ne pas mettre de suite ma sur-tente, pour la faire bien sécher à plat. Ma valise communication pèse environ 6kilos, rajoutez mon sac à dos étanche de 4 kilos vous avez 10 kilos de poids pour maintenir plaqué au sol mon abri de toile. J’étale tout, ces deux jours de pluie abondante ont tout trempé. Je suis en train de quitter mes bottes et mon lourd pantalon qui me sert d’étuve quand une violente bourrasque me surprend. Je ne m’inquiète pas plus que ça, le poids dans la tente la bloquera, cela fait des années que je procède de la sorte. Mais voila dame Méditerranée certainement jalouse me voulait tout à elle, elle sait à quel point je n’aime pas me baigner, alors elle a fait appel à Eole pour me faire tout envoler et la rejoindre dans ses entrailles ! La tente se lève un peu, je me dis tant mieux cela séchera son dessous, mais une deuxième encore plus violente la monte à 90°, mon matos glisse, la glissière n’est pas fermée, comme par enchantement la troisième rafale expulse le tout et voila que ma North Face se transforme en voile et roule sur la mer. Ni une ni deux je pars comme un malade sur le récif et me jette à l’eau pour essayer de la bloquer. Mon duvet flotte ainsi que mon matelas de sol, mais à 20 mts de moi je vois Norra qui dérive vers le large. Je ramène d’abord tout mon barda sur la plage, je jette de grosses poignées de sable dans ma « maison noyé » et pars en crawl chercher la petite mascotte. Je reviens, je suis essoufflé mais tout est sauvé. C’est bizarre le sable a des traces rouges, je m’aperçois que je me suis entaillé le pied en courant sur les cailloux coupants. Je n’ai pas le temps de me plaindre, je dois tout rincer à l’eau douce. Derrière moi en hauteur il y a une grosse villa fermée, je suis sur que j’y trouverai un robinet. Je le trouve mais rien ne sort, je cherche une trappe de visite en espérant qu’il n’y a pas d’alarme, j’ouvre la vanne et dessale tout mon matos. Norra s’offre un bain de soleil pour sécher et moi je me suis baigné malgré ma réticence à cette activité. Quand femme veut Dieu le veut. Je ne suis plus qu’à 39km des Lavezzi , mais cette leçon supplémentaire m’a encore ouvert les yeux sur ma concentration qui doit rester des plus sérieuses jusqu’à la fin.

PS : A quelques kilomètres de l’arrivée Jo Zef a failli être veuf, vous avez dit aventure !!!

A pluche !

Orage et rage

1 octobre 2012
Un poussin aux airs scandinaves...

Un poussin aux airs scandinaves...

Je sens que tout le monde me donne déjà la victoire finale, j’ai même donné le jour de mon arrivée, vous ne pouvez pas savoir comme je m’en mords les doigts. Je suis superstitieux sur ces choses là et aujourd’hui j’ai payé cash ma vantardise. Petite pluie scandinave pour mon départ, je suis rodé j’en ai eu deux mois en Scandinavie. La passe de l’étang de Diana s’est bien calmée mais reste tout de même turbulente. Je bifurque plein sud, le courant est en ma faveur, que du bonheur. Les montagnes sur mon tribord sont noyées sous la pluie, la Corse a souffert d’un été de canicule et cette eau est bienfaitrice. Je ne supporte plus mon ciré, je pagaie en t-shirt, l’eau du ciel me rafraîchit. Je tente de rester dans la veine du courant qui me fait gagner pas loin d’un kilomètre par heure. Le jeu en vaut la chandelle, je lis la mer, c’est un exercice que j’applique depuis que je suis gamin. Pendant 5 heures je carbure à 5 km/h, puis le vent bascule sud, la guerre est déclarée. Je n’ai aucune possibilité de replis, la houle de Sud-est rend l’accostage quasi impossible, je dois avancer. L’orage éclate, le vent fraîchit, je ne dois pas flancher, je me mords les lèvres, tout le monde s’impatiente et moi le crétin de service j’ai donné une date de finish. Le vrai marin ne se le permet jamais, je suis un rigolo, je peste, je rage, je m’en veux. Ma moyenne chute, cela fait 7h que je suis parti et il me reste 8 petits kilomètres. Ma solitude s’accentue, je cogite, je suis plus ou moins à 3km des côtes si ça se dégrade encore plus ce sera ma seule solution. Les rouleaux briseront Immaqa mais je m’en sortirai quand même, la mer est encore chaude. Je m’applique, mes coups de pagaies doivent être précis et puissants, le vent le voit différemment. Je gagne du terrain puis l’orage passe mais pas le vent, la mer se calme, je reprends le rythme. Finalement je beach Immaqa sur une plage protégée de la digue du port de Solenzara. 10h de folie pour 36 minuscules kilomètres. Je ne suis même pas fatigué, l’endomorphine que j’ai développé sur cette journée m’a anesthésié les bras et pour l’instant je suis une pile électrique. Je grimpe les cailloux du port et m’accorde une longue douche chaude offerte par la gentille équipe du port qui m’a de suite remis. Il me reste encore 60 km pour les Lavezzi, mais de grâce ne me demandez plus quand j’arrive…

A pluche !

Dernière ligne droite « corsée »…

30 septembre 2012
Bivouac dans l'étang de Diana, au coeur de l'histoire...

Bivouac dans l'étang de Diana, au cœur de l'histoire...

Vous devez vous demandez où était bien passé l’aventurier à cloche pied, le nomade errant un poil cabochard, qu’étaient devenues les mascottes, sur quelle mer voguait Immaqa !!! Rassurez-vous nous sommes là, toujours à flot. Hier matin la houle était forte, les orages claquaient et la pluie incessante. Plus que 120km pour toucher notre but, alors pourquoi prendre des risques, je renonce au départ, de toute manière, je me sens vidé mentalement. Le changement de monture demande une nouvelle concentration et ma première journée de kayak m’a rétamé. J’appelle ma princesse, elle peut venir me rejoindre. J’ai une petite idée pour nous ressourcer. Pas loin d’ici l’établissement Riva Bella m’avait maintes fois remis sur pied, le gauche bien sur, je crois que c’est le moment de nous offrir une après-midi de balnéothérapie.Sabrina nous reçoit avec un grand sourire, la première demi-heure sera consacrée à des massages d’eau de mer en piscine, pendant ces trente minutes toutes sortes de jet d’eau masse des parties bien précises du corps. Puis Linda prend le relais, sur une table de massage avec musique relaxante, ma bienfaitrice s’adonne aux moyens d’huiles essentielles à une relaxation exceptionnelle de mon corps saturé de plusieurs mois de contraintes. Je me laisse aller, je sens ses mains qui trouvent des muscles noués, tuméfiés, crispés. Elle sait remettre tout cela en place. Pendant cette demi-heure, je fais un lâché prise fantastique, pour me sortir de cette léthargie j’admire un couché de soleil qui illumine un étang avec les montagnes corses comme fond d’écran. Ce n’est pas fini, dans une sorte de solarium je rejoins Véro, allongés sur nos tables nous sommes irradiés d’ondes déstressantes avec des diffuseurs d’huiles essentielles relaxantes.  Il fait déjà nuit, je suis sur un nuage, je ne me souviens plus de grand-chose, je plane… Un grand merci à la direction du centre de thalassothérapie de Riva Bella qui nous a invité et une énorme bise pour Sabrina et Linda qui m’ont donné beaucoup de leur énergie… Ce matin la houle a légèrement fléchi et je peux finalement reprendre la mer. Je suis bien dans mon corps et dans ma tête. Les automatismes reviennent, je suis plus à l’aise qu’avant-hier, je me fixe l’objectif d’atteindre l’étang de Diana. La météo me donne un vent faible de nord et une houle de 2mts mollissant. Encore un au revoir avec Véro, mais nous savons que le pire est derrière. Je reste vigilant je connais trop bien la Méditerranée pour ne plus être attentif, la houle est croisée et le vent léger me pousse. Je ne sais pas comment sera l’entrée de l’étang, j’espère qu’il y aura un passage assez sain pour que je puisse m’y engouffrer. Je pagaie le cœur léger, malgré que les montagnes soient d’un noir orageux. Je suis sur le qui vive, je ne peux pas rester trop prés de la côte de peur d’être roulé sur la plage et ne veux pas être trop loin en cas d’orage violent. Un juste milieu, un peu comme la vie. J’avance bien, les épaules qui ont reçu des soins attentionnés n’ont plus envie de se plaindre et mon morale est au beau fixe. Au bout de 5h je devine la tour génoise qui identifie l’entrée, mais la foudre se rapproche, les éclairs ne sont plus trop loin, je sens une petite correction arriver. A 2km de la bouche de Diana, l’orage éclate, violent comme seule la Méditerranée sait le faire, le vent de terre déboule sans prévenir très violemment, je ne suis pas trop inquiet, il faut que j’augmente ma cadence de pagaie et être patient en attendant que le grain passe. J’avais noté la route à faire sur mon compas, la visibilité devient nulle, je n’ai qu’a suivre le bon cap. Je sais que c’est un coup de mes anges gardiens, une pluie si violente va écraser la houle et la passe de l’étang me sera plus docile. Les rouleaux m’encadrent mais au milieu le chenal me permet de passer sans casse. Le courant est d’une violence inouïe, je dois me mettre dans le rouge pour pouvoir accéder à un petit km/h ! Un coin de sable absolument sans ressac reçoit Immaqa, la pluie cesse quelques instants. Je sais que c’est une courte trêve, je m’active à monter ma tente juste à temps. La pluie revient pour une deuxième couche. Sous mon abri de toile je retrouve le confort du bivouac en kayak. Loin du grand nord je me remémore tous ces kilomètres parcourus, je ne suis plus qu’à moins de cent bornes de mon objectif. Pour tous ceux qui trépignent de me voir aux îles Lavezzi, je prévois une arrivée sous réserve de beau temps vendredi en début d’après-midi. Pour savoir où me croiser connecter vous sur le parcours en direct et ma balise spot en temps réel vous donnera ma position.

Je tiens aussi à féliciter Thierry Corbalan qui a réussi hier à traverser entre l’île d’Elbe et la Corse en mono palme. Le mauvais temps était de la mise mais sa détermination lui a permis de réaliser son rêve. Bravo Thierry !

A pluche !

Corse olympique !

28 septembre 2012
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Dumé: Porteur de flamme d'accord, mais surtout offreur d’énergie...

Me voilà enfin prêt sur une plage en face de l’île d’Elbe. Je n’aurai pas traversé les 54km qui m’en sépare mais vu l’état de la mer je suis apaisé d’y avoir renoncé. La houle se brise sur la berge et je pressens un départ sportif. Dume a repris le relais de Steve et je suis tout heureux d’être en sa compagnie. A l’embouchure du fleuve Golo je remonte Immaqa, j’ai du mal à croire que je suis en Corse, je dois me pincer pour en être bien sur. Quel bonheur de retrouver Dumé, il vient de remporter son 13éme titre de champion du monde de triathlon à Las-Vegas, une sorte de routine. De sa voiture il me sort un objet sous étui ! Depuis plus de trois mois que je suis parti j’en ai loupé des news, je n’ai rien vu des JO de Londres. Sous mes yeux, mon « frangin choisi », sort comme par magie le flambeau qui a transmis la flamme olympique depuis Olympe en Grèce à la capitale Anglaise. Il a eu l’honneur d’être ce porteur de flamme, symbole de la lumière éternelle. Nous déjeunons ensemble sur la plage, seuls au monde, des grands moments de sérénité. Je dois reprendre le cours de mon aventure, presque une semaine que je trépigne.  Je mets mon kayak face aux déferlantes, mais je me sens maladroit, je ne suis pas assez concentré, pas encore dans le travail qui m’attend. Dumé me pousse mais les vagues ont reçu un contrat de la Méditerranée jalouse de ma longue absence. Je passe avec beaucoup de difficultés les rouleaux qui se brisent sur le sable. Immaqa se met en travers, sa stabilité n’est plus à prouver mais je peine à sortir des rouleaux compresseurs. Je ramasse de gros paquets de mer sur la tête, je suis trempé de la caquette à la prothèse. Finalement j’ai passé la barre, Dume me salue une dernière fois, je reprends ma « kayakerie » vers le sud. Le vent est nul mais la mer est désordonnée, houle croisée de sud-est et de nord-est. Je me fixe 20km car il est déjà tard. Je monte, je descends, les images de mon périple en mer de Botnie me remontent au visage, je dois retrouver mes automatismes. Le bout de la commande du safran a sauté de son réa, je dois me déhancher pour remettre avec ma pagaie mon gouvernail en action, j’ai oublié de fixer ma montre sur mon tableau de bord, je ne suis pas à l’aise. Je tente de me concentrer, cette sortie m’est nécessaire, une remise à niveau comme à l’école. Finalement il m’aura fallu 5heures pour parcourir ces 20km de cabotage. Je prends l’option de m’arrêter dans le port de Taverna, qui est très bien abrité de la houle grossissante. Un port abrite les bateaux mais y monter la tente y est plus compliqué. C’est vrai,  je ne suis plus en terre étrangère, Daniel leader du groupe musical I Mantini m’attend, ce soir je dormirai chez lui. Le nomade errant cherche dans son voyage son vrai « moi » et pour ça il vit sans toit !!!

A pluche !

Steve sur zone…

26 septembre 2012
Steve à l'essai sur mon vélo, un nouveau raid en perspective!!!

Steve à l'essai sur mon vélo, un nouveau raid en perspective!!!

Le vent n’a toujours pas molli bien au contraire, mais ma décision me permet de rester serein. Steve qui a repris le flambeau avec brio de ma logistique est enfin arrivé. Un pro de l’organisation pas besoin de longues explications il est en connexion avec mes attentes, je peux vous dire que c’est un vrai bonheur de le retrouver. Nous ne perdons pas de temps, nous bossons les images manquantes de mon raid en vélo, nous faisons une matinée cinéma. Puis c’est le petit restau planqué avec des gens très accueillants, qui comprennent à nos t-shirts Arcticorsica, que nous sommes une « squadra ». Une famille d’origine Corse, mais d’il y a quelques générations, qui se sont exilées à Elba pour un fait d’honneur. Ils voient là bas au large l’île de beauté régulièrement et la neige sur les montagnes les pousseraient à faire un pas chez nous, mais pour l’instant cela reste une histoire sombre d’une vendetta du 19éme siècle. Pas possible de payer, on est reçu comme en famille. Mais nous ne sommes pas en vacances, il faut effectuer le transit, vélo, kayak. Nous sortons toutes les caisses du fourgon, l’équipe précédente n’a pas pensé à vider l’eau de mes jerricans et tout est croupi, moisi. Steve, n’a pas besoin de directive, il a déjà tout compris. Minutieusement je vérifie tout, pour ne rien oublier quand mon pote me laissera demain soir à Bastia. Tout est pensé depuis quelques mois mais je ne veux rien laisser au hasard. Une après-midi de labeur à deux, ce soir tout est ok demain il suffira de prendre le ferry pour la Corse. Steve a bien sur participé au stage de plongée Bout de vie mais surtout  à un voyage d’exception en Antarctique avec trois autres adhérents de l’asso. Une croisière australe exceptionnelle grâce à Nicolas Dubreuil. Moi « le grand navigateur » fut le premier à donner à manger aux poissons, ce qui me valut bien des moqueries de mes jeunes protégés ! Malouines, Géorgie du sud, péninsule Antarctique avec un retour mythique par le canal de Drake et le cap Horn. Une faune et une flore encore intactes, un souvenir fantastique.

Voilà un p’tit bout de vie partagé. J’ai lu avec attention vos mots et vos réactions suite à ma décision sage de ne pas tenter cette balade de 54km, je vous en remercie du fond du cœur. Dés que je serai en mer sur les côtes corses, je pourrai vous donner une date presque juste d’arrivée aux Lavezzi. A cette heure il m’est absolument impossible de dire quoi que se soit. Je vous souhaite tout le meilleur du monde.

PS : Les mascottes devront êtres mises en quarantaine dés notre arrivée en Corse, vu dans l’état de crasse avancée dans lesquelles elles se trouvent. Interdiction formelle de s’approcher dans un rayon de 10mts sous risque de contagion !!!

A pluche !

Quand la lune sera pleine…

25 septembre 2012
Cala della Tombe cote sud-ouest de l'île d'Elbe, franchement houleuse...

Cala della Tombe cote sud-ouest de l'île d'Elbe, franchement houleuse...

Mer Méditerranée grande déesse destructrice d’insouciants. Hier après-midi sur la plage de Marino di Campo absolument ouverte à la grosse houle du sud, la bannière rouge est de mise. Faut-il un drapeau pour prévenir le danger ? Hélas, je constate que oui. La saison est sur la fin mais les touristes sont encore en recherche de bain de mer. Les jeunes sauveteurs sur leurs miradors veillent, moi je scrute la mer en quête de réponse sur mon proche futur en kayak. Par deux fois en deux heures les jeunes sauveteurs vont risquer leurs peaux pour sortir de la houle des abrutis… Les déferlantes, le vent ne cessent depuis mon arrivée et météo France me laisse présager que du mauvais pour plusieurs jours. Le 30 septembre la lune sera pleine, normalement elle garde pendant un cycle de plusieurs jours le temps qu’elle a eu cette journée là. Ce n’est pas de la science mais une observation qui n’engage que moi, les physiciens me mettraient un mauvais point pour cette affirmation. Donc si j’analyse mes calculs personnels, plus la lecture du graphisme météo de l’Atlantique qui permet d’anticiper  les prévisions du bassin méditerranéen, je suis « marron » !!! Non  Jo Zef pas glacé, ce n’est pas la saison. J’ai trois alternatives : traverser quand même avec tous les risques que cela engendre,  trouver un gros ferry, ou alors attendre une bonne dizaine de jours. Depuis un moment je pense à cette traversée, elle n’est pas longue, seulement 54km, mais juste assez pour être très engagée. Je suis né en Méditerranée et je connais ses humeurs par cœur. Sauveteur en mer pendant de longues années je suis allé par toute condition météo chercher des inconscients. Je me vois mal déclencher ma balise satellite et venir me faire sauver à mon tour par des collègues qui m’ont vu maintes fois faire la morale aux rescapés. Cette nuit, Steve qui a repris la logistique Arcticorsica, va arriver avec le fourgon, la journée suivante doit être consacrée au transfert vélo, kayak.  J’ai pris une décision, je vais amputer mon raid de la traversée de l’île d’Elbe à la Corse. Je vais embarquer avec Steve et nous allons rejoindre Bastia par ferry. Personne n’a osé me conseiller cette solution mais j’ai senti beaucoup d’inquiétude dans les non dits. Pendant les 1100km de kayak en Botnie j’ai eu pas mal de chance de m’en sortir indemne, j’ai souffert et par moment  j’ai dû décupler mon énergie pour m’en sortir. J’ai été surpris de voir la réaction de Véro quand en Suisse je lui ai bêtement passé quelques extraits de vidéos tournés in-situ, elle a explosé en larmes de stress. D’y être je ne me rendais plus trop compte du danger, pourtant il planait au dessus de ma tête. J’ai parcouru des milliers de kilomètres contre vent et marée et une petite surestimation de ma part pourrait faire capoter le projet. Je ne m’excuse pas, je ne dois rien à personne, je raisonne à haute voix.  Ce matin j’ai pris mon vélo pour me rendre à cala Tombe, la plage d’où j’ai programmé de partir. Waouh les copains, c’était beau mais pas pour un kayakiste et ses mascottes. Le vent du sud était tellement chargé d’humidité que je n’ai même pas pu voir ma belle île, rien que de la brume. Je peux vous dire que j’ai cogité, pendant 3heures je suis resté face au Mare Nostrum. Houle de 2 à 3 mètres de sud, vent de Sud-est et une rotation du tout vers le sud. Un voilier de location est passé, il était pourtant en fuite (vent dans les fesses), mais il se faisait sacrément secoué. Voilà une décision bien ficelée, vendredi matin je remonterai Immaqa sur une plage de la Corse orientale et reprendrai ma route pour le sud. Houle, tempête, je serai en sécurité sur les cotes Est de la Corse. Yes i’m a free man.

« Il ne sert de rien à l’homme de gagner la lune s’il vient à perdre la terre »

François de Mauriac

A pluche !

Vivre ou survivre…

24 septembre 2012
Elle; eternelle!

Elle ; éternelle !

Elle va, elle vient mais je ne peux que l’admirer sans jamais la détester, elle est encore plus libre que ce que je suis. Des milliers d’années que l’homme la souille, mais elle s’en fiche elle vibre, c’est tout. Mer Méditerranée qui m’a façonné, formé, cicatrisé et souvent apeuré, elle est là devant moi mais elle freine mon voyage, elle se joue de mon projet, pour elle l’homme n’est que parasite. La phrase d’Alexandre Vialatte prend toute son importance : « l’homme n’est que poussière c’est dire l’importance du plumeau. » La femme de ménage s’appelle Nadine, elle est en pleine dépression alors elle chavire tout sur son passage et moi le voyageur capricieux je trépigne. Vous ne la connaissez pas ? Elle vit en Atlantique, elle a prêté aux habitant de Terre-neuve une belle haute pression, dans cinquante ans ils diront : Tu te rappelles le Roger c’était l’automne où il avait fait beau ! Alors la Nadine au caractère d’ouragan met la zizanie. Le vent du sud est son amant, chaud et humide, cela pourrait être sensuel mais moi, je ne veux que froideur et brise du pays d’Hélène. Me reposer, de quoi, des quelques kilomètres parcourus, mais j’en ai encore des millions à faire, j’en ai encore des trucs à gravir, des vents contraires à affronter. Se reposer, ça c’est pour ceux qui sont immortels, moi je suis cette chrysalide qui n’en pas pour longtemps, alors j’avance.  Vous voyez l’arrêt me met en réflexion, en position du tigre prêt à bondir. En face l’île de mon cœur, mais Eole veut profiter pleinement de l’été indien, il n’a pas envie de trêve. Ah si je pouvais être le vent, je virerais Est et je voguerais vers ma princesse pour lui caresser le visage, je lui soufflerais toutes les brises les plus intimes, elle en rougirait de plaisir. Mais je ne suis que de chair, d’acier et de carbone avec trop de fragilité pour être nature. Mon corps se repose maintenant mais ma tête a déjà gravi trois fois l’Everest aujourd’hui. Pour certains ne plus bouger est se reposer, pour d’autres le mouvement est la tisane du cerveau, on lui donne d’autres objectifs pour qu’il s’apaise. Des projets ? Des millions des milliards, chaque matin est la genèse d’une intention. Le voyage n’est pas qu’une destination sur une carte, le voyage est avant tout un long tunnel noir que l’on doit éclairer, un gouffre que l’on doit rendre sympathique. Les « moi j’ai fait » ne sont pas des voyageurs, ils ont coché des cases. Ma case est l’univers et je peux vous dire que je ne veux pas la cocher, mon voyage, peut-être le votre aussi, me mènera à ceux que les pessimistes appellent la mort. Il me plait de penser que cela peut-être le départ d’un nouveau raid, d’une nouvelle expédition, d’un nouveau défi. Pendant que j’écris ces quelques mots, les déferlantes n’ont cessé, elles n’aiment pas la philosophie, elles n’aiment pas les rêveurs. Leurs  trucs, déferler ! Ma houle n’est composée que de mots de maux, un rai de soleil et tout s’écroule, le confort va me remettre dans la routine pire qu’un tsunami. Demain est si loin mais mon doigt effleure malgré moi le clavier météo et un grand nuage noir m’envahit. Je tends la main, Véro peut presque la toucher, mais non pas assez près. La Bruyère, plante si chère au maquis corse me permet d’allumer le foyer pour cuire le pain, mais La Bruyère écrivain avait allumé mon feu interne en relatant dans son œuvre Les Caractères : « Rions un peu avant que d’être heureux, de peur de mourir sans avoir ri. » Rire de moi, rire de vous, rire de la mort. J’entends le Grand Jacques là haut exploser de rire. Je suis exilé sur la terre Elbane, pâle copie d’une Corse si chère à mon cœur, vous voyez je m’égare, je ne maîtrise plus rien, donnez moi de grâce du vent portant et je me mettrais à l’œuvre, quelques dizaines de kilomètres pour nouer mes bras, plier mon dos, user mes mains mais apaiser mon âme…

Yes i’m a free man…

Liberté : Aller le plus loin possible pour être au plus proche de soi-même, de ce que peut signifier  « vivre maintenant ». Sylvain Tesson

A pluche !

Fin de la partie 4 en beauté…

23 septembre 2012
103 jours pour arriver en face de la Corse, encore un effort et les mascottes seront enfin à l'abri...

103 jours pour arriver en face de la Corse, encore un effort et les mascottes seront enfin à l'abri...

Cette fois je tiens le bon bout, il faut reprendre la route tout en restant prudent. Dimanche matin, enfin le calme, je peux enfourcher ma bicyclette… « Nous étions quelques bon copains Y’avait Fernand y’avait Firmin Y’avait Francis et Sébastien et puis Paulette à bicyclette »… Mais non, y’avait Gianni, Renato et puis Francesca in bicicletta !!! Toute l’Italie est en vélo ce matin, je suis enfin sur des routes tranquilles loin des fadas qui font du rase-motte corsé. Des pelotons entiers me doublent, un remake de l’étape du tour, je souris en marmonnant que si j’avais mon vélo de route je me régalerais à mettre le feu aux poudres. Pour l’instant « chu » en poids-lourd alors je subis la route. Puis un peloton de vététistes qui n’ont pas un rythme trop élevé me rattrape, je me mets au milieu du troupeau pour me faire aspirer gagnant +-25% d’économie d’énergie. Les langues se délient, facile, on est en Italie. Je raconte mon périple, Gianni fait mon porte voix, tout le monde veut me serrer la main, un coup à se retrouver à plat ventre ! Je tiens une demi-heure et implose, trop rapide pour moi, mais ce décrassage m’a dérouillé, je me sens mieux. Le Sirocco, veut sa part de gloire aujourd’hui, il  s’impose pour être dans mon blog, il veut que je raconte qu’il m’aura usé toute la journée, sacré Sud-Est. 2h de route et je m’autorise un café dynamite avec une petite brioche, chut, les mascottes dormaient dans le sac étanche ! Encore 40 bornes avant Piombino, il ne faut pas que je craque, tout devient douloureux, le mental veut son week-end, moi je m’acharne à avancer. Le vent se renforce, je deviens dingue, les uns après les autres les cyclistes du dimanche me doublent, je me ferme comme une huitre, il faut que j’y arrive avant ce soir. Je m’hydrate encore plus car le vent du sud brûle tout sur son passage, 27° à l’ombre. Une bonne nouvelle enfin, je suis sur une piste cyclable qui me mènera au port toscan. Au loin je vois deux compères en sacoches, les premiers depuis bien longtemps. Je me recale bien, je vais aller les chercher. C’est dur mais je constate que je leur grignote des mètres, ça c’est bon pour le moral. Une grosse côte je crois que je tiens mes lascars ! Eh eh, je suis dans la roue de l’un d’eux. Mickael sursaute tellement qu’il en perd l’équilibre, je veux aller chercher l’autre, je force comme un dératé et enfin  le rattrape. En haut du col nous nous arrêtons, Foka est russe, il a embarqué son père qui arrive tout essoufflé. Eux aussi sont sur la route, je suis heureux d’enfin trouver des compagnons de galère. Piombino en vue, je tombe des nues, des raffineries de pétrole, des usines chimiques, de nouveau une saleté désolante, c’est là où je devrais m’arrêter ce soir !!! Un peu cabochard le cycliste unijambiste, je pousse jusqu’au port de commerce. Devant moi, malgré une brume épaisse l’île d’Elbe à 10km, et si je prenais le bac pour y aller ? Les mascottes en cœur : Oh oui !!! Ok, j’embarque et nous voici en mer. Pas trop longtemps mais c’est quand même bon de se faire balloter par le Sirocco. Waouh on est les exilés d’Elbe, Napoléon rassure toi on vient te délivrer ! Zut, je me trompe d’histoire ! Mais cette île est une montagne qui surgit de la mer et pour la traverser cela devient alpin. Je suis cuit, extra cuit mais je veux finir en beauté, je reprends le rythme et mes 7km/h pour gravir mon dernier col. 100km pour arriver à Marino di campo, d’où je partirai en kayak, mais ça ce n’est pas pour demain.

Aujourd’hui la partie 4 d’Arcticorsica vient de se finir en beauté, 5100km en 103 jours. La partie 5 va commencer, il me reste 10km pour rejoindre la pointe la plus sud-ouest de l’île d’Elbe et 54km pour arriver sur une plage au sud de Bastia puis encore 145km pour finir sur la commune de Bonifacio. Pour l’instant je m’accorde 2 jours de vacances bien méritées.

A pluche !

La crêpe, al dente pour la mascotte, al dente !!!!!

Le lancer de clé façon toscane !!!

22 septembre 2012
Une pale copie des côtes corses, vraiment pale la copie!!!

Une pâle copie des côtes corses, vraiment pâle la copie !!!

Je vais essayer de rester sobre et optimiste mais quelle journée sombre. Un sale coup pour le moral, depuis la Suisse je dors en auberge, je récupère mieux et surtout c’est bien plus pratique que de trouver des coins pour monter la tente, entouré de routes bruyantes et mal fréquentées. Les hôtels sans étoile me conviennent parfaitement, hier soir ce fut le cas. Une gentillesse à toute épreuve une fois de plus, je n’arrive pas à connecter mon PC avec le wifi de l’hôtel, le patron appelle sans frais son spécialiste qui règle ma connexion. Pas de demi-pension mais on me recommande le petit restaurant des Quattro Gatti à quelques pas. Un coin sans éclat où la famille bosse en cuisine pour régaler ses amis-clients. Mon menu est toujours le même, une grosse salade mixte avec un immense plat de pâtes. Massimo est au petit soin et on partage nos vies, ancien militaire il est à la retraite et tient cette gargote sympathique. Je suis soigné, la conversation se dirige en face sur mon île, d’origine sarde il a de la famille à Ajaccio. Je lui dis que cette ville n’est pas la Corse sur le ton de l’humour, on passe une belle soirée. Au moment de payer, il voudrait que je lui écrive un mot souvenir qu’il affichera dans sa salle. Je ne pourrai pas régler, je suis son invité. Avant de partir il me demande d’être prudent demain, la route jusqu’à Livorno est dangereuse.

7h15, c’est parti, je suis sur la via Aurelia, route construite à l’époque par l’empereur Aurélien qui avait créé cette voie entre l’Hispanie et l’empire romain sur les bords de la Méditerranée. Nous sommes samedi et le trafic est intense, c’est une vraie fourmilière avec  une indiscipline totale. Je serre au maximum la bordure droite sans pour autant oublier de me garder une marge de sécurité en cas de perte d’équilibre. J’avance vite, pas de dénivelé à déclarer. Massa est une grosse bourgade, capitale du marbre. Des feux rouges les uns derrière les autres et le manque de civisme tient la dragée haute. Je serre les fesses ! A un sémaphore un rigolo, avec trois autres copains, vitre ouverte, me frôlent. Ils jubilent de me sentir en difficulté, mes sacoches touchent sa portière, je sens que je vais m’étaler au ralenti. Je récupère le coup mais finis quand même par terre sans gravité. Une jeune fille m’aide à me remettre sur selle et engueule mes assaillants. Je suis en ébullition, cogner ou  ne pas cogner, telle est la question ! J’ai une idée, je confie mon vélo à ma salvatrice et m’approche de façon timide des quatre canards avec un « o ». Je joue le mec qui boite, qui est un peu ému, la tête baissée sans fixer le conducteur, je m’approche de sa portière. Le feu est rouge et il est coincé entre plusieurs voitures. Comme un félin je bondis, ma main pénètre le cockpit de la bagnole et je décroche les clés du véhicule qui s’arrête net. Je m’applique et avec une dextérité de lanceur de baseball lance le trousseau de clé de l’autre côté d’une haie grillagée. Je grimpe sur ma bécane et n’attends pas mon reste. Une panique noire s’installe au carrefour, les klaxonnes s’en donnent à cœur joie. Je quitte la route principale pour passer par des petites ruelles pour enfin quitter cette drôle de ville. Je remercie la jeune fille qui m’a servi de guide et reprends ma « pédalerie » avec quelques éclats de rire bien mérités. Ce n’est pas une première ce style de « joke » mais c’est vrai que cela faisait longtemps que je ne l’avais pas mis en pratique. Œil en coin je me méfie quand même un peu mais rien à l’horizon, au moins ce soir sur leur Farce Book ils pourront se faire « liker » ma blague. Les mascottes en redemandent ! Le trafic est très chargé et jusqu’à Viareggio c’est l’enfer.  Dans le sens inverse je croise un accident monstrueux, les voitures se sont télescopées et de l’hémoglobine jonche le sol, heureusement qu’on n’était pas dans le coin! Sur 10km avant l’entrée de cette hideuse ville balnéaire sans âme, les bas côtés sont jonchés de détritus comme aux abords des capitales africaines, une vraie désolation. J’évite de passer dans ce nid à touristes et continue Sud-est. Je vois de loin la ville de  Pisa, la tour est toujours penchée, pas besoin d’y aller, on ira quand elle sera droite ! La journée continue, moins de véhicule mais toujours autant de détritus et « crouton sur la fondue », des demoiselles très peu vêtues sont aux abords de notre chemin. Les mêmes gabarits que celles rencontrées en Allemagne. J’ai droit à des : Ciao bello ragazzo !!! Ouais les filles, bello ok mais ragazzo, chu plus trop de la dernière pluie ! Je m’approche de Livorno tout en restant sur la via Aurelia, mais il y a un truc qui cloche, il me semble être sur une autoroute… Mais on y est sur l’autostrada, banzaï, va falloir décrocher sinon on va finir en pâté pour chien. Grâce à ça je révise mon italien, toutes les insultes de la terre me sont chantonnées par les Madmax du coin. Finalement je trouve une « uscita » et rejoins le bord de mer. Je peux vous dire que je suis plus cuit que si j’avais gravi le Mont-Blanc avec mon semi-remorque ! Le vent du Sud avait envie de nous revoir et en plein dans la poire, on subi son effet. Qui m’avait dit que jusqu’à Piombino c’était fade et plat comme  Hollande, le pays pas François quoi que! Une côte de 150 mts pour finir de me cuire, j’ai l’impression qu’il y a des tribunes avec un public drapé de blanc qui a le pouce en bas pour ma mise à mort !!! Je quitte enfin la grande route pour me retrouver dans un petit village au nom de Quercianella, une auberge vue sur la mer m’accueille, je peux vous dire qu’on revient de loin pendant ses 100km !!! Piombino n’est plus qu’à 68km  par des routes qui semblent tranquilles.

PS : Les mascottes m’ont remis officiellement la médaille d’or du lancé de clé. Un jour je vous raconterai comment j’ai procédé avec celle d’un bus qui devait nous amener à l’aéroport de Bari (Italie du sud) après une finale de coupe d’Europe OM-Etoile rouge de Belgrade. Le trousseau doit être toujours au fond du lac que j’ai réussi à atteindre après un beau lancé olympique…

A pluche !