Ce matin nous étions au mouillage face au petit village de Qeqertaq,le groupe
électrogène en panne rendait le hameau d’une centaine d’habitants silencieux.Un gamin est venu à notre rencontre avec une musique de Rap qui sortait de son smartphone.Un jeune de moins de 10 ans un peu particulier, provocateur à souhait,chose absolument inédite pour le Groenland.Pas du tout impressionné par ceux qui avaient leur prothèse à vue,il nous regardait droit dans les yeux,sans jamais les baisser.Bastien est allé danser avec lui.Paradoxe de ce pays complexe et pourtant si attachant.Le cliché du chasseur avec sa lance et son kayak est bien révolu mais toujours à porté de pagaie.De retour à bord nous levons l’ancre pour commencer à nous approcher de la calotte polaire.De plus en plus la glace est dense,mais la Louise est conçue pour affronter ce style de situation.Tout le monde est en mode d’observateur.Peu de gens ont la chance de louvoyer sous ces latitudes.Les chocs par moments sont forts et secoue notre goélette dans tous les sens.La température chute pour s’approcher des 5°,l’ambiance devient vraiment polaire.Au bout de 5 heures de navigation,la glace s’agglutine rendant la navigation plus engagée. Il nous faut trouver le bon passage.Soudain un bout d’iceberg plat donne l’idée à Thierry de s’en approcher pour déposer Bastien.L’opération est délicate mais possible.En toute sécurité notre aventurier est sur cette plaque de glace, encore un beau moment d’émotion…
Au moment où je vous écris ces mots nous naviguons encore,le mouillage prévu est encore loin et la glace de plus en plus dense…Tout l’équipage Bout de vie vous embrasse.Demain j’essaierai d’être plus explicite.
Takuss
Baignade à Tartunaq
11 août 2019Village abandonné de Qulissat
10 août 2019Pas une ride, la mer est d’une tranquillité que seul le Grand Nord sait offrir.
Le petit-déjeuner sera pris en mer, la journée va être une longue navigation. Les icebergs nous observent, savent-ils qu’à bord certains sont en sursis ? Ce qui est certain, c’est qu’ils se moquent de nos bout en moins. A travers le hublot du cockpit, bien au chaud, un bol de céréales nous réchauffe un peu. Soudain sur notre bâbord, un troupeau de phoques capuchons nous observent, espiègles, mystère de la nature leur museau possède une poche qu’ils gonflent en cas de danger ou d’excitation. Un peu plus loin un bébé phoque annelé se prélasse sur un bout d’iceberg à la dérive, aura-t-il déjà vu des hommes ! Le ciel est d’un bleu azur pur et cinglant, le pont de La Louise devient l’espace d’une matinée une aire de bronzage. Seul le ronron du diesel casse l’immensité de ce lieu. Chaque iceberg a sa forme, son histoire. Nous imaginons son destin, sa route.
Certainement c’est un de ses aïeuls qui a rencontré le Titanic. Le GPS nous
indique que la latitude 70° nord vient d’être franchi, le Pole Nord n’est pas si loin que ça.
Nous déjeunerons en mer, l’océan arctique est toujours clément. Vers
14h, l’ancre est mouillée devant le lieu dit Qillulisat. Devant nous, une centaine de maisons multicolores se dressent, comme beaucoup d’endroits au Groenland ce village est abandonné. Dédé le second nous débarque, mais il y a du monde.Quelques maisons sont en ruines, mais d’autres arborent encore une belle prestance. En haut de la piste en terre un homme s’approche de nous.En anglais nous communiquons, c’est une équipe de géologues qui prélèvent quelques pièces uniques. Ils nous invitent dans la maison communale qu’ils utilisent comme camp de base. Sur une vieille table une pile de vieilles photos tentent de nous raconter le temps jadis…
Nous continuons notre visite vers l’ancien hôpital, tous les carreaux ont été
brisés, la vision est étrange. Le plancher est en ruine, les pièces dévastées.
Dans une salle, nous trouvons une ancienne salle de radio, les jeunes joueront les apprentis médecins, les fous rires inondent le village fantomatique. A vu de nez,nous sommes d’accord pour estimer à 300 individus ce lieu qui était une mine de charbon minéral. En 1970, l’exploitation a du être fermée pour manque de rendement, le village fut abandonné. A notre retour, nous croisons une autre personne qui s’empresse de nous causer. Ce vieil homme est arrivé ici en 1947,son père était médecin du village. Il nous raconte sa vie ici, un vrai film des temps anciens… Depuis 15 ans,il vient seul chaque été,passer 3 mois dans son village, mystérieux destin!Il est temps de retourner à la plage, nous devons reprendre la mer pour trouver un mouillage sécurisé…. Devant un thé fumant et quelques biscuits, nous échangeons sur cette visite, plus qu’étrange… Entre les icebergs nous louvoyons, la vie est vraiment belle au pays des Niviarsiaq…
Takuss
Premier jour de mer vers Qeqertassuaq
9 août 2019Le brouillard est encore présent ce matin dans la baie face au village qui semble fantôme. La fine équipe Bout de vie est en pleine forme, le petit-déjeuner est le bienvenu pour la longue journée de mer qui nous attend.
La passe est en mode marée haute, avec prudence la Louise se faufile entre courant et cailloux. Sur notre bâbord au large, un immense iceberg nous salue, lui aussi fait route doucement vers le nord. La température est fraiche, la présence de beaucoup d’icebergs accentue le froid matinal. Pas un bateau, pas un mouvement sur l’eau ; seule la brise du nord nous accompagne. En eau profonde, la grande voile de 100m2 est envoyée, cela
appuiera la route sous moteur. Le brouillard va et vient, le slalom entre les cailloux demande beaucoup d’attention au second,Dédé ,qui est à la barre. Tout le monde est sur le pont mais le froid fera rentrer toute la belle bande dans le cockpit. Et dire que dans le sud c’est la canicule avec des milliers de bateaux sur l’eau. Au bout de 4 heures , nous voilà au mouillage à quelques encablures de l’ile de Qeqertassuaq au nord ouest d’Oqaatsut. L’annexe est mise à l’eau , 4 à la fois nous débarquons. Une immense plage sert de refuge à une bande d’oies qui du coup prennent le large. Il nous semble incroyable que sur des dizaines de kilomètres aucune maison, aucun village ne puissent exister. La brise est moins présente à terre du coup les brulots en profitent pour nous harceler. La
toundra est spongieuse mais tout le monde marche joyeusement en silence. Une tombe abandonnée nous rappelle la difficulté de survivre en ces zones.
Ici tout est éphémère. Sur la plage des milliers de traces d’oies nous font comprendre que nous sommes en trop ici. Les vents du sud érodent le rivage et de ci de là des pierres rondes semblent des énigmes géologiques. Avec Bastien, nous nous amusons avec une partie de pétanque polaire en utilisant
ces cailloux absolument sphériques… Pour conclure notre rando nous allumerons un petit feu histoire de se réchauffer… Louane et Lara m’ont fait une confidence ! Elles n’avaient jamais osé pratiquer la randonnée, je crois qu’en rentrant elles vont s’y mettre…
Takuss
A bord de la Louise
9 août 2019
Etre en région polaire c’est s’adapter aux conditions climatiques, aux aléas du temps présent. Ce matin brouillard et crachin, le thermomètre ne dépasse pas les 8°. Au chaud devant le poêle à pétrole de la petite maison bleue l’ambiance est bon enfant. L’équipe se soude, se confie. Des ados qui te racontent la vie comme j’aimerai entendre plus souvent dans le monde des grands. Comme quoi nos souffrances peuvent être révélatrices de vies plus sereines, moins virtuelles. Chacun doit plier son package, démonter le tipi et être prêt à embarquer. Les filles, en attendant de monter à bord, vont se réfugier dans la salle communale pour écrire leur journal de bord. La compagne de Steen ; Sara-mina va à leur rencontre, elle va essayer de leur enseigner un peu de groenlandais… De mon côté j’essaie de penser à tous avant de fermer la maison. Sur le canal de sécurité VHF je rentre en contact avec la Louise. Thierry et son second Dédé son entrain d’arriver sur zone.
La magnifique goélette sort du brouillard, le cliquetis de la chaîne de mouillage qui ride l’océan arctique nous annonce le début de l’aventure. Après plusieurs courses autour du monde en solitaire, Thierry a pensé et construit la Louise pour pouvoir partager sa passion des océans. Je sens d’avance que cela sera incroyable. Avant d’embarquer sur l’annexe il nous briefe sur les gilets de sauvetage et le comportement à avoir en cas d’homme à la mer, j’aime son côté strict. Ici les têtes en l’air n’ont pas une durée de vie très longue.
Sur le pont nous sommes initiés aux premières instructions, tous sont très attentifs, puis c’est le moment de rentrer dans le ventre du voilier. Aménager à la façon d’une cabane de montagne de suite on s’y sent bien, chacun doit trouver sa place, son coin. Le diner sera composé de morue arctique. Demain dés 9h nous lèverons l’ancre vers le Nord…
Takuss
Premiers pas à Oqaatsut…
8 août 2019Le journal de bord reprend du service, les 6 équipiers bout de vie sont biens installés depuis avant-hier dans le petit village d’Oqaatsut situé à plus de 300km au nord du cercle polaire sur la côte nord-ouest du Groenland. Bien qu’en été la température est bien différente d’une saison de canicule dans la lointaine Europe. Ici pas de nuit en ce moment et un silence à couper le souffle. Le village de 23 habitants semble vivre au ralenti, seul les chiens de temps à autre donnent de l’ambiance pour réclamer leur part de morue ou de phoque. Le tipi est installé sur la zone réservée au « camping ». Pas de commodité mais une vie absolument surréaliste pour un habitant des villes. La vie de baroude peut commencer. Les baleines et les phoques sont au rendez-vous, comme cette année je n’en ai jamais vu autant, incroyable. La première journée fut ensoleillée, ce qui leur a permis de prendre pied avec un environnement très différent de leur quotidien. Rando sur les hauteurs du village et récolte de myrtilles pour la première tarte de la petite maison bleue. Les règles sont stricts, personne ne doit partir seul, personne n’a le droit d’improvisé, ici en un claquement de doigt tout peut basculer dans l’extrême. Les repas se font dans la maison mais il est hors de question de la squatter, tous doivent rester dehors à comprendre et humer ce pays fascinant. Mon pote Steen est venu me prêter main forte pour ramener tout le monde d’Ilulissat au village, son sourire nous a beaucoup touchés. Ici la rigueur du pays rend les gens silencieux et avare en sourire, un bon mot, un regard pétillant cela est un cadeau inestimable, il nous a comblés. Aujourd’hui le crachin à rendu la journée comme je les aime, mystérieuse à souhait. Entre deux icebergs nous avons caboté jusqu’à une grande dalle minérale pour attaquer notre exploration du jour. Toundra, myrtilles, camarines à n’en plus finir et des espaces vide de toute âme, de toute connotation humaine nous et le vide. Là-bas au large un souffle, dame baleine nous offre une aubade, serait-elle l’ange gardien du groupe… Ce soir le poêle à pétrole est allumé, les têtes en l’air font sécher leurs chaussettes, mon rôle de grand frère me demande de les rassurés mais aussi de leur exprimer ma manière de voire les choses. Ici, dans le grand nord des affaires mouillées peuvent vite engendrer des situations compliquées. Les jeunes ont compris la première leçon. Devant leur visage rougit par le froid et l’océan arctique je suis ému en douce, de les voir sous mon toit. Et dire que pour un cheveu on aurait pu ne pas être là… Demain le voilier polaire la Louise devrait arriver au mouillage, là commencera encore une autre aventure. Vive la vie…
Rencontres du bout du Monde…
18 juillet 2019Collé, le nez au carreau, je suis contemplatif. Ma journée de restauration s’est déroulée à merveille, Je cumule quand même 12h de travaux consécutifs ! La prothèse qui me faisait souffrir a été retouchée, mes petites plaies sont sur les voies de la guérison, la vie à la petite maison bleue du Grand Nord est douce. Dehors le ciel est gris cendré, depuis ce matin le crachin et une bonne brise d’Est rendent le coin exactement comme je les aime, puissant, mystérieux et silencieux. Dans toutes mes expéditions polaires j’ai eu le bonheur de squatter des cabanes surgissant de nulle part. Sur les rives du fleuve Yukon, la cabane d’un certain Mr Brown (son nom était écrit sur son journal de bord posé sur la table) devait m’accueillir pour une douce nuit chauffée par un bon poêle à bois. Dehors les grizzlis voulaient jouer, mais j’étais trop fatigué, et un peu apeuré pour partager leurs joutes. En quittant les lieux je laissais un œil de St Lucie sur la table, la famille, qui sans le savoir m’avait accueilli, allait découvrir un jour ou l’autre qu’un solitaire au long cours avait trouvé refuge chez eux. En Finlande, il en est de même, au Canada, en Suède… Ces cabanes m’ont toujours reçues au bon moment et avec beaucoup de bonheur. Mon beau kayak, « Immaqa » bien calé sur la berge, je savourais la paix et le silence que m’offraient ces havres de sérénité. A chaque fois, je devais reprendre la route pour aller jusqu’au bout de mes rêves, de mes folies, de ma quête de liberté débordante et à chaque départ j’en avais le cœur déchiré. J’ai toujours rêvé de posséder ma bicoque dans le Grand Nord. Dans les parages de Whitehorse, capital de l’état du Yukon, mon pote Robert qui vivait dans cette forêt depuis plus de 20 ans avec sa famille, essayait de me convaincre d’y construire une cabane. Pendant 10 jours j’arpentais les sommets, je découvrais ses lacs, ses torrents poissonneux, même les ours me semblaient plus dociles ! Mais je devais rentrer en Corse. Puis ce fût là haut en Norvège, à quelques kilomètres de la frontière Russe face à l’océan Arctique. Ruan, un pote installé là haut, me proposait une vieille cabane parfaite pour le poète-nomade que je suis. J’évaluais le pour et le contre pour finalement renoncer. Mais l’envie d’un pied à terre polaire, n’y voyez pas un mauvais jeu de mot d’unijambiste, a été assouvie. Un jour de ma vie de baroude j’ai finalement trouvé « ma » cabane, ma tanière, mon refuge. Né à 300mts à vol d’oiseau de la Méditerranée, je vous aurais pris pour un hérétique si vous me disiez qu’un jour je serai assis dans ma maison au Groenland à écrire mon journal de bord tout en scrutant les Icebergs glissants vers leur fin lointaine. La vie réserve des situations incroyables, improbables. Mais pour cela, il suffit de les provoquer, de les désirer plus que tout au monde. En voyageant dans ces régions isolées, chaque rencontre avec un autre étranger, est le début de récits incroyables. Pendant cette première semaine, j’ai rencontré les armateurs du voilier canadien Lifesong. Lui, Christophe, français d’origine naviguait dans les mers australes comme charter. Elle, Emmanuelle, québécoise, une baroudeuse défiant les océans en kayak et escaladait les montagnes les plus dangereuses au monde. En Antarctique la vie les a unis et depuis ils naviguent autour du globe. L’hiver dernier ils ont vendu leur bateau pour en racheter un plus grand. L’ouragan Irma avait mis au tapis pas mal de voiliers aux Antilles. Un plan Garcia de 22mts avait été ravagé par la tempête. Mais la vie, quand on s’en donne les moyens, vous aide. En 8 mois de travaux forcés, ils réussissaient à prendre la mer pour un tour du monde. A bord, un moussaillon avait vu le jour. Comme quoi tout est possible. Puis toujours dans cette première semaine, ce fut la rencontre d’Hervé. Il est guide de kayak et de temps à autre l’été, il fait relâche à Oqaatsut. Ayant passé sa jeunesse en Union Soviétique, son père était ingénieur pour une société française implantée en URSS, il causait couramment le russe. De retour chez lui dans le var un matin de juin pour ses 35 ans il se lançait pour un tour du monde. Partie en kayak vers l’est il traversait le monde comme il pouvait. Dans la Caucase, il optait pour une charrette tirée par un cheval mais au premier frimât de l’hiver le canasson se faisait la malle ! A Vladivostok face à l’océan pacifique, un cargo l’amenait au Japon puis au nord des USA qu’il traversait en vélo. A Terre Neuve, il embarquait sur un voilier français. Le voila en route pour Ilulissat avec son vélo qu’il n’a pas abandonné ! Puis en avion un transfert vers Copenhague et un retour à Hyères chez lui…
Comme il est bon de trouver d’autres rêveurs, d’autres poètes des temps modernes. Au bout du monde, les nomades se rencontrent enfin, ils échangent, connaissent les mêmes personnes, vivent les mêmes galères, les mêmes joies. Dans les fourmilières des villes, le confort a anesthésié beaucoup de monde, les mêmes craintes bloquent ceux qui auraient encore le courage de tout plaquer pour vivre leur rêve. Alors vous qui êtes derrière votre écran, pensez que ce n’est pas impossible. Sachez que la Liberté est le plus beau cadeau que la vie nous offre et ça, tout les jours. La chance n’existe pas, elle se provoque, osez et vous aussi un jour on se rencontrera au bout du monde.
Voyager ce n’est pas changer de pays, voyager c’est changer de monde…
Gogogo !
Paix et zenitude…
16 juillet 2019Décalage horaire de 4 heures, changement de température et surtout vie du village au ralenti. Pour un gars hyper actif comme moi, il me faut m’adapter. Ici c’est la haute saison touristique, il peut y avoir un passage éclair de 20 touristes, qui en 2 heures de temps dégainent leur reflexe et smartphone pour cocher la case Groenland. Mais je vous rassure ce n’est pas tous les jours et d’un certain côté cela m’amuse beaucoup de les voir s’embourber dans les marécages où poussent les magnifiques fleurs de linaigrette. Elles ressemblent à des bouts de cotons perchés sur une tige verte et haute. Dans certaine partie du monde boréal, cette fleur aurait des pouvoirs chamaniques …
Dès mon arrivée à Ilulissat, j’ai croisé des copains pêcheurs et cela m’a fait chaud au cœur de les voir descendre de leur embarcation pour me saluer. Le Groenlandais n’est pas un grand expressif et cela démontre leur affection à me voir chez eux. Au village quel calme, 23 habitants et du silence à n’en plus finir. Les dénotations se succèdent, mais n’y voyez aucun acte terroriste, ce sont les icebergs qui sous l’effet du soleil, explosent en mille morceaux. J’ai retrouvé la cabane avec une joie immense, seule une fenêtre a souffert des coups de vent hivernaux. Mais j’ai de la réserve de carreaux et en deux coups de cuillère à pot je les ai changé. Je me suis installé, cela fera le troisième été que je la restaure et tout doucement elle prend de la gueule. Mon bon copain Steen, passe me voir. Il est chaleureux, souriant et avec lui je me sens vraiment bien. Il insiste pour un « kaffimiq », alors avec joie je me rends chez lui et sa femme Sara-Mina. Le café est servi brûlant, il est 18h je sens déjà une nuit blanche. Pas grave ! Nous papotons de nos hivers respectifs, quand je pense aux allers-retours que j’ai parcouru cet hiver avec mes conférences, eux sont restés gentiment chez eux à écouter le temps qui passe. Je leur annonce la venue toute proche de ma fiancée, ni une ni deux nous sommes invités pour un diner. A base de viande de phoque, bien entendu !!!
Mais si je suis là, c’est aussi pour continuer la restauration de ma maison, ponçage, masticage, peinture, la tache est ingrate mais nécessaire, je me réjouis d’être ce bricoleur polaire. Cette année je suis un peu mieux organisé, du coup je me sens encore plus à l’aise. Ici pas d’eau courante, ni d’électricité. Au centre du village il y a un distributeur d’eau de mer qui est désalinisée, alors avec ma brouette et mes jerricans , je fais ma balade quotidienne. A la maison communale où je prends mes douches, il y a des prises de courant, c’est là où je recharge mes « gadgets ». La douche est ouverte qu’en semaine de 9h à 16h, il ne faut pas arriver en retard, surtout après être saupoudré de plâtre poncé…
La paix de ce village est rafraichissante, c’est un havre de paix où il fait bon vivre. Bientôt mes jeunes stagiaires vont arriver, j’espère qu’ils apprécieront ce moment de partage…
Je vous envoie plein de fraicheur et de zénitude polaire.
A pluche…
Oqaatsut enfin…
14 juillet 2019C’est depuis ma petite maison bleue que mon journal de bord est rédigé enfin.
Pujoq (brouillard), le mauvais farceur a bloqué une partie du Groenland pendant deux jours. Resté bloqué à Kangerlussuaq est une sacrée punition, quand tu sais que le paradis n’est plus qu’à 45’ de vol. Mais voilà que tout a une fin et le Dash8 vol en coupant sans ciseaux le ruban du cercle polaire, 66°33’ Nord. Mes bagages sont là aussi, il me reste à trouver un taxi pour m’amener directement au chevet de mon petit bateau. La personne qui me l’a vendu n’est pas un foudre de guerre, un souffle dans un verre et je pense qu’il y perdrait vite pied. Par « messenger » tout l’hiver je lui ai rappelé les travaux qu’il s’était engagé à faire à la vente du bateau, il y a plus d’un an ! Oh miracle tout est en place, enfin presque !!! MDR. Je sais où je suis, donc c’est à moi de m’adapter. Le petit Poka est recouvert de sable, avant que le camion grue ne vienne, je m’active au mieux pour lui rendre un air normal. Le vide vite de la double coque étant complètement grippé, je l’avais dévissé et décollé, il me faut procéder à l’envers, coller au Sika et vissé. Il est 13h30, à 15h le camion devrait être là, je croise les doigts pour que tout polymérise à temps. Juste à côté se trouve le Spark (chaine de produits de bricolage), je dois trouver un chauffage d’appoint pour la maison, l’année dernière on m’en avait prêté un. En même temps je me dis que ce serait intelligent de prendre aussi un sac de plâtre pour finir de colmater les fissures de la pièce de ma maison et conclure une fois pour toutes les peintures intérieures. Mais cette année il n’y a pas de plâtre !!! Soupir ! Donc je charge mon chauffage et au pas cadencé, me rend au Pissifik (chaine de grand supermarché) pour acheter quelques vivres. A mon retour il est 14h45 et le camion est déjà là. Ni une ni deux, mon petit bateau prend les cieux pour être chargé. Sans corde à nœud je me hisse dans le cockpit de ce camion immense et nous voilà partis pour un remake du Paris-Dakar avec un bateau à peine fixé. Je croise les doigts, serre le grigri que m’a offert ma chérie avant de partir et nous voilà enfin au port, le bateau est toujours là, ouf ! Le port est très encombré mais surtout une immense couche de peaux de crevettes embaume la mise à l’eau. Ilulissat est une plaque tournante de la crevette sauvage arctique et tous les restes sont jetés directement à la mer. Aujourd’hui le courant était dans le bon sens, pouha !!!
Haut de 5mts, le mur du ponton est plus qu’hostile, en un claquement de doigt je dois grimper à bord du bateau encore en l’air, un vrai exercice de cirque. Heureusement que je ne suis pas handicapé ! Ouf, j’ai réussi mon saut ! Ce serait ballot de patauger au milieu des carapaces de crevettes dans un océan à 4°. Ben oui, c’est l’été donc elle est bonne !
Le moteur part au quart de tour, pas de voix d’eau, la « pissette » du refroidissement moteur fonctionne, je croise les doigts la route va être longue jusqu’à ma maison bleue. A bord c’est un peu la panique, mais je m’en moque, coûte que coûte je veux arriver chez moi. J’ouvre mes sacs au hasard pour chiper des affaires chaudes. Pas le temps, je prendrais ce qui me vient le plus facilement. Je ne trouve pas mon gilet de sauvetage, de toute façon aujourd’hui je n’ai pas envie de nager. Mais plus que mon petit confort et ma sécurité, c’est l’épaisseur du brouillard qui me cause soucis. Mon GPS est à Oqaatsut et il va falloir y aller à l’instinct ! Je stoppe le dialogue interne qui me harcèle : le moteur, le brouillard, l’état de la glace, la houle… Aux oubliettes les pensées parasites !
Je pars tout doux en auscultant le bruit du moulin qui tourne rond, puis prend repère avec la luminosité du soleil qui semble vouloir m’aider. Donc c’est cap plein nord, c’est fou, je suis seul en mer !!! Je me mets en vitesse de croisière et tente de ne pas lâcher le nord. Je sais que c’est 30’ maxi avant de dénicher la passe de la baie qui me mènera à destination. A un moment je sens l’embrouille, le brouillard est si dense que la lumière du soleil ne passe plus. Je stoppe le moteur et hume le vent et tente de lire la houle. Damned, je suis trop ouest. Je repars en modifiant mon cap. Chaque iceberg croisé et un fantôme lumineux, l’effet est sordide et envoutant en même temps. Je garde le cap, la côte a disparu depuis un bon moment puis de nouveau je stoppe le moteur. Les chiens du village, oui je les entends, je n’ai qu’à suivre leur aboiement. Soudain, comme par miracle, je trouve la passe et l’immense baie d’Oqaatsut. Je cris ma joie, le village est devant moi. J’en ai les larmes aux yeux… Demain je vous raconterai la suite de cette belle aventure.
Que c’est beau, que c’est puissant, que c’est envoûtant. Ici le temps s’est arrêté, ici le présent à encore plus de place que dans le sud.
Je vous embrasse bien fort, je vais me mettre au chaud, 6° quand même. Ca c’est un bel été qui s’annonce…
Bloqué à Kangerlussuaq :
11 juillet 2019Le brouillard à Ilulissat semble tenace, depuis hier aucune rotation n’est possible. Ici pas de route, le seul pont est par les airs ou par l’océan. Les annonces toutes les deux heures sont les mêmes : fly canceled. J’ai une pile de bouquin, j’en sors un, je vais le lire dans la journée. Vers 17h c’est sûr je vais encore passer une nuit ici. Rassurez-vous l’hôtel du coin est plus que bien. Lit confortable et surtout douche et toilettes individuels ce qui est un grand luxe pour cette terre en permanence gelée. Après être sûr de ne pas partir ce soir, j’endosse mon sac à dos pour aller me balader. Ici ce n’est pas trop glamour, ce lieu n’est que la plateforme aérienne de la côte Ouest du Groenland. Un airbus par jour arrive de Copenhague, pas plus, mais après, d’ici les petits Dash8 desservent toute la côte. En calculant un peu c’est 250 personnes par jour qui partent et qui arrivent du Danemark. Cela me laisse pensif quant au monde qui est déversé quotidiennement en Corse en ce moment !
Donc j’emprunte une route en terre, la même qu’il y à 12 ans avec Nicolas Dubreuil quand nous avions traversé la calotte à pied en 34 jours de marche forcée sans la moindre assistance. Cette piste avait été taillée par l’industrie automobile allemande pour les tester sur la glace. Encore une folie des hommes. Je marche sans but, mon errance me porte sur un promontoire qui domine un fleuve boueux. La brise est la bienvenue, les moustiques sont tous aux abris. Dans la toundra des myrtilles me font de l’œil, puis ce sont des massifs d’épilobes à feuilles larges qui donnent un peu de couleur à ce paysage poussiéreux. Niviarsiaq, c’est son nom Groenlandais, signifie aussi jeune fille. C’est le nom que j’ai donné au projet de cet été et des années à venir. Emblème du Groenland, elle est éphémère. Ce qui me fascine dans cette jolie fleur c’est qu’elle résiste toute l’année aux frimas d’un hiver rigoureux pour renaître chaque saison estivale en lui donnant un air de fête, de joie. Comme ces gamins qui vont me rejoindre bientôt. Ils ont surmonté des cancers, des graves accidents de la vie, mais sont encore là pour hurler aux qivitoqs (croyance inuit, esprits malicieux qui hantent la toundra et les glaces) qu’ils sont encore vivants avec un avenir extraordinaire. La vie ici, plus qu’ailleurs est un présent qu’il ne faut pas louper, chaque seconde à son importance. En étant optimiste ile me reste encore 3 024 000 secondes à vivre alors pourquoi en gâcher une !!!
Vous aussi bougez-vous les fesses, soyez les explorateurs de vos âmes, de vos envies, de vos rêves. Allez-y jetez vous dans le vide, si vous avez rêvé bien fort vos plus beaux désirs, vous allez voir que soudainement vous allez certainement vous envoler… Go go go…
Bises à vous tous…