Ilulissat : latitude 69°13’N 51°06’O température -11° ; 300 km au nord du cercle polaire. Le bimoteur Dash stoppe ses machines, je foule enfin le sol gelé du pays d’Apoutiak. Il est là en face de moi, une étreinte fraternelle nous unis enfin. On a des choses à se dire mais les mots manquent, on a toute la vie pour se les dire. Nicolas est doublement ému, mon arrivée est une sorte de relais avec ses proches qui lui ont rendu visite et qui rentrent au pays des gens qui parlent fort. Le nomade ne doit pas se retourner, la trace, c’est devant qu’elle doit être faîte. Nous rejoignons notre camp de base qui est un groupement de containers savamment agencés en confortables chambres. Ce lieu est à disposition des travailleurs du cru ; pilotes d’avion côtoient, le reporter en transit, mécano partage la cuisine commune du guide polaire. Des pièces qui s’animent aux grés des récits quotidiens forts en adrénaline. Heureux comme un ours polaire reput en « barbaque » de phoque, j’écoute, j’apprécie mais surtout je ne dis rien, ici je suis touriste et quand on a ce statut la moindre des choses c’est pratiquer le silence. Niko me fait visiter le patelin, 5000 âmes y vivent à l’année, une vraie mégapole pour le Groenland qui ne compte que 56 000 habitants. L’économie locale est basée sur la pêche aux flétans et à la crevette, le tourisme pointe le bout de son nez et déjà quatre hôtels de haut standing y ont ouvert leur porte. Pourvu que les locaux puissent gérer ce gain si vicieux. Mais nous ne sommes pas là pour faire les touristes, il y a un défi à organiser, j’en connais là-bas au sud qui trépignent d’impatience. La mer est libre de glace, à pied nous nous rendons au lieu prévu pour le premier bain, les derniers jours ont apporté beaucoup de neige et l’accès à la « plage » qui n’est qu’une dalle de grés est blanche et glissante à souhait. Nous échangeons sur les points sécu qui seront la clé de la réussite de l’aventure, ici l’improvisation n’aura pas sa place, discipline, rigueur, et anticipation seront les mots clés de cette belle page qui va s’écrire. Mais l’aventurier à l’estomac au fond de la prothèse alors avec mon « frangin » nous dévalisons la superette pour nous préparer un plat de pâte à la crevette en guise de diner de gala. Les assiettes fumantes nous titillent les papilles, le calme dans la cuisine est scandinave, mais un invité surprise nous rend visite.
–Salut les gars, je peux m’assoir avec vous ? Je m’appelle Francis.
-Tu veux un plat de pâte ?… -Non merci j’ai déjà mangé…
– T’as amené ta guitare au Groenland !!!
– Ouais je suis chanteur !!!
Improbable, incroyable surnaturelle Francis Lalanne … Un concert privé rien que pour nous avec des confidences fraternelles, vous avez dit privilégié !!!
Un cabochard pris par les glaces
Si la vie de pêcheur est dure ici c'est un combat incessant...
Le flétan qui sera transformé est envoyé vers le Danemark.
Si les voyages forment la jeunesse, ils inspirent le poète, ils happent le rêveur, ils envoutent l’aventurier à cloche pied. Le vol pour Kangerlussuaq est en retard, peu importe le nomade est partout chez lui, alors ici où ailleurs ces détails ne l’effleurent même pas. Mes voisins attendent, je crois que je fais parti du lot, leur langue ? Le kalaallisut ; un parlé inédit. Adieux « latinerie », langue orientale, les mots claquent au fond du palais, les phrases sont toute englobées, impossible de comprendre le moindre sens. Imaginer, il ne me reste plus que ça pour être là, je ne serais jamais l’un d’eux ; c’est tellement difficile d’être soi-même. L’île d’Apoutiaq est en face mais comme le dit le proverbe groenlandais : seuls la glace et le temps sont maîtres. Depuis des milliers d’années ils ont vécu en totale autonomie, la météo ils en ont fait un jeu de patience, l’homme ici a gardé sa part animale, les prévisions ne sont qu’une invention de blanc qui veulent toujours tout gérer, ici seul le présent compte, c’est très certainement pour cela que je suis à mon aise. Là-bas c’est le pays du silence, les conversations ont un ton apaisant, la langue n’est pas violente, un air de toundra semble envahir mes oreilles. Je pense à mes aïeux, j’imagine les leurs, un abysse nous sépare. Mon chez moi, la méditerranée, source de guerre depuis la nuit des temps, ici Kalaallit Nunaat, l’un des rares pays qui n’a pas d’armée. Si le combat est une essence essentielle pour l’homme, à mes yeux il se trompe trop souvent d’adversaire, le seul ennemi à jouter est sa part obscure. La bagarre ici n’existe pas, nanouk veille aux querelles, le blizzard cadre le rebelle, le froid coupant tord le combattant des ombres. Mon frère de glace est de l’autre bout de la mer, il me tarde de l’étreindre, nous avons quelques jours pour nous retrouver, pour faire ses silences qui mènent aux rires mystérieux. De grâce faites qu’une carte ne nous tombe pas sous les yeux, la pointe d’un crayon dérobé dans une chambre d’hôtel d’aéroport nous mènera sur quelques fjords oubliés, sur des baies archéologiques abandonnées. Peut-être nous y découvrirons une nouvelle route pas encore empruntée, et si nous retrouvions par hasard les vestiges de la flottille de Leif, fils d’Erik le Rouge, découvreur de la terre promise. Voilà chers amis, le carnet de voyage reprend du sens, l’essentiel va devenir compagnon de route, dans quelques jours l’équipe du Défi Polaire va poser le pied ici, sur la plus grande île du monde, en attendant sans le moindre bruit je vais de nouveau ouvrir la porte d’un rêve de gosse.
Je me demande si un ou deux lutins des bois ne m’ont pas ensorcelé, dés que je pose ma prothèse dans mon camp des solitudes, plus rien « d’en bas » ne me touche, absolument rien ne me fait regretter quoi que ce soit. Pourtant dans moins d’une semaine, je serai au pays des glaces, oui juste un peu avant les copains pour préparer avec Niko le Défi Polaire. Ici le torrent a pris du volume, la fonte des neiges lui offre un débit de fleuve boréale, le feu est toujours un bon compagnon bien que les nuits ne soient plus nordique, il m’offre une sorte de sécurité psychique. Je suis ému, à fleur de peau, les larmes ne sont pas loin, le lieu m’a enraciné, une sorte de possession pacifique. Trop loin des hommes qui s’entretuent, l’onde ici est apaisante, un seul maître ; le temps, le reste des futilités de gens pressés et spéculateurs. Pourtant cette dernière semaine de préparation avant le Groenland fût riche en émotion, malgré quelques milliers de plongée en toute condition je me suis mis à l’utilisation d’une combinaison étanche qui me permettra de résister aux températures polaires. Un détail pour le novice, un dilemme pour le vieux plongeur aux mille habitudes que je suis devenu. Cette armature de néoprène est absolument étanche, en première peau je porte une sorte de survêtement matelassé, le tout, a un système d’alimentation en air comprimé. A petit pas, j’y suis allé tout doux pour apprendre à maîtriser cet équipement. Pour dernier test j’ai joué grandeur nature, la glace et le froid en moins. Un autre point non négligeable pour le loup solitaire qui repose en moi, c’est qu’il m’est impossible de m’équiper seul, un binôme est obligatoire. Jean-Louis a accepté volontiers de m’assister et ensemble nous partons en pneumatique au large de l’archipel des Bruzzis. C’est dans la zone des 40 mts que je dois progresser. La houle de nord est encore bien formée mais contre toute attente un fort courant de sud rend la mise à l’eau sportive. Harnaché comme un bibendum, je glisse avec malice à l’eau il ne faudrait pas que je lâche la pendille solidement amarré à l’embarcation, la moindre erreur et je ne serai plus en capacité de rejoindre le bord. Agile comme un hippopotame, j’arrive avec beaucoup d’effort et de jurons à capeler le bloc. Les 17 kilos de plombs qui « m’enlacent » ne sont pas encore suffisants pour me rendre une flottabilité nulle. La ligne de mouillage est une aubaine, je me déhalerai à son insu pour atteindre le fond des abimes. Mais comme un jeune débutant j’ai commis une grossière erreur en oubliant de brancher mon direct système à la combinaison ! A partir de 10 mts le fond m’attire plus qu’il ne devrait, les multiples couches sont comprimées qui à leur tour écrasent mon corps. A 20 mts mon corps est pris en étau, mes jambes sont bloquées et mes bras en prennent la voie, ma main se porte à l’inflateur mais rien ne se passe puisque aucun tuyau n’y est branché !!! 30mts le piège m’invite à une fin peu flatteuse mais le sol n’est plus loin, c’est là où je vais trouver « la » solution. 37mts ; je m’écrase dans un massif de gorgones bleues, les poissons du massif ne sont pas habitués aux météorites ! En quarante ans de plongée je n’avais jamais pu imaginer me fourrer dans une posture aussi incroyable. La machine à penser serait prête à s’emballer mais cela ne ferait pas avancer la situation. Tâtonnant, avec des bras qui commencent à s’ankyloser très sérieusement, j’arrive non sans mal à débrancher le tuyau du jacket pour le fixer à la combinaison. Le sablier lui n’est pas comprimé et le temps passe trop vite dans ces situations. Finalement la connexion est établie et le bouton pressoir me délivre de cette prison funeste !!! Tout groggy par cet imprévu, je reprends mes esprits pour une belle balade dans une faune très riche. La maitrise trouve sa place, cet habit qui devrait me protéger du grand froid me rassure de sa technicité nouvelle pour l’homme grenouille d’un autre temps. Un immense bloc de granit surgit, du fond il semble toucher la surface, une bande de dentis et de mérous en sont les gardiens, le sourire en coin je me dis que bientôt ce sera un iceberg garni de phoques et peut-être même d’un ours blanc. Mais ce soir je suis encore au camp des solitudes, demain je retrouverai ma « Vrai » et puis un pas après l’autre les nuages m’accompagneront au pays d’Apoutiak*, déjà 7ans que l’on ne s’est pas vu, j’en ai des « trucs » à lui dire.
Un sourire un espoir pour la vie, l'association de Pascal Olmeta.
Bonjour Groenland*
Le petit village inuit de Kullorsuaq est à la fête, Niko vient de projeter « leur » film Inupiluk dans une ambiance formidable, les deux protagonistes du long métrage se remémorent cette folle virée en France. Le seul étranger du hameau est devenu l’un d’eux, il ne se proclame pas Groenlandais mais il a su s’adapter à cette vie si différente de la notre, pour y vivre plusieurs mois par an. Ses deux amis, sous sa cape, ont visité Paris, puis ont poussé leur curiosité vers une forêt française, pour finir les pieds dans l’océan en plein mois de juillet. Les frères Dubreuil, ont filmé cette visite improbable, une initiative « gonflée », trouver des partenaires pour offrir un voyage à deux chasseurs d’ours blancs, fut un sacré challenge. Les deux visiteurs craignaient la réaction des autochtones par rapport à leur statut d’eskimos exécuteurs de « nounours », mais à leur grande surprise, ils furent très bien accueillis. La vie est une vague qui va qui vient, l’échange est la fragrance des hommes libres, ceux qui la refusent sont prisonniers de leurs préjugés. D’ici quelques jours l’expérience va être inversée, en effet un groupe de 8 femmes et hommes vont fouler la terre de glace, kalaallit Nunaat. Un ancien joueur de foot champion d’Europe, un médaillé d’or olympique en natation, une présentatrice télé, un nageur longue distance amputé des deux bras avec son « oiseau » protecteur, un chargé de la sécu unijambiste bodygardé par une mascotte qui n’est pas une peluche, deux jeunes cancéreux en rémission et enfin l’homme des glaces Niko, le superviseur de cette folle échappée. Ne cherchez aucune raison valable à tous ça, il y en aurait trop ou pas assez. Au fil des années j’ai eu le bonheur de croiser quelques uns de ces personnages si authentiques mais au lieu de me les approprier à mon tour j’ai entrepris de les faire se rencontrer. Une mayonnaise façon « Cabochard » qui pour mon plus grand plaisir a donné naissance au projet « Défi Polaire » ! Thierry et Alain vont oser la nage en eau froide, un défi à la hauteur du palmarès de ces deux athlètes, le lien de tout ça : la vie. Un gamin cancéreux doit s’accrocher, à son insu, la discipline du sportif de haut niveau lui est imposé, sa seule médaille ; vivre. Ils seront avec nous, je dirais plutôt, nous serons ensemble. Un projet comme il n’en existe plus, l’égocentrisme a assassiné la spontanéité, le nombrilisme a injecté le venin dans toutes les couches de notre pauvre société axée sur son petit égo. Là-haut au pays de nanouk , une belle bande de joyeux lurons tentera ce que certains appellent : l’impossible. Pour conclure en beauté cette belle carte postale qui va se dessiner pas à pas, j’utiliserai volontiers cette simple phrase de Grand Corps Malade : La vie c’est gratuit alors je vais m’en resservir une deuxième fois.
Depuis notre « igloo », d’ici quelques jours, je vous promets de tenir sur ce blog un journal de bord de ce quotidien qui sera un peu aussi le votre.
Les scolaires m'attendent aussi, un vrai bonheur de partage...
Notre différence, c'est notre force...
Retrouvailles avec mon filleul...
Arcticorsica est déjà inscrit dans mon passé, le sablier du temps n’a pas de patience avec les rêveurs, il file vers le futur sans se préoccuper de nous pauvres chronophages. Les souvenirs s’embrouillent, pourtant tout s’enchaîne comme par magie. Valentin m’a fait la joie de venir à l’arrivée, je suis chanceux qu’il soit là. Je sais que des surprises m’attendent mais je dois rester concentré. Un bateau, tant qu’il n’est pas solidement amarré à quai, n’est jamais arrivé, Immaqa le sait. Je dois lui rendre la confiance qu’il m’a faite pendant ce long voyage. J’ai convenu que je passerai la ligne du phare des Lavezzi vers 11h, quelques bateaux seront là pour m’accueillir mais Véro m’a caché des choses. Un SMS du directeur de l’école des primaires m’annoncent un peu de retard, je vais en profiter pour me relaxer. Je trouve une « plagette » pour beacher mon beau kayak, je pratique une longue série de respiration et je m’endors. Oui vous avez bien lu, je m’assoupis quelques minutes. Va falloir y aller les copains ! Je fais un dernier tour au travers des blocs de granit et pars vers la fin de mon rêve. Le vent s’est mis d’Est, il va m’aider. J’avance à bon rythme, le premier yacht me rejoint, Yves et Véro2, accompagnés de mon filleul, de mon oncle et de Loïc. Je les salue mais je dois garder les mains sur les pagaies, je devine la passe de l’îlot du Beccu, derrière surgira le phare le plus sud de France. Un pneumatique droit sur moi, les caméras, Valentin et ma « Vrai ». Je sens une grosse boule surgir de je ne sais où, je ne veux pas me déconcentrer. Marc-Dominique pratique une savante manœuvre avec son embarcation pour se coller à moi, Véro me prend la main, je me transforme en Marie-Madeleine. Mais je n’ai pas fini, je dois me reprendre, le vent légèrement de travers, m’oblige à vite retrouver ma cadence. D’autres bateaux arrivent, j’essaie de saluer tout le monde sans perdre ma concentration. Je devine le coin Est du phare bientôt je verrai son nom inscrit sur sa face Sud. Ca y est, je l’ai passé, en premier lieu je contacte par VHF le sémaphore de Pertusato qui officialisera mon arrivée à 11h46, le personnel de veille de la marine nationale me félicite, je n’arrive plus à parler, je suis comme choqué. Je dégoupille un feu de bengale de sécurité et me laisse porter par le vent. Au fur et à mesure que j’avance je m’aperçois que tous les scolaires sont sur les cailloux avec des grands dessins pour m’accueillir. Je leur envoie des baisers, je ne suis plus sur terre, je crois que je vais me réveiller. Je les rejoints sur le ponton de l’île, Alain fait sauter une bouteille de champagne et m’arrose, je saute à quai au milieu de tous ces gamins qui m’ovationnent, je suis aux anges. J’embrasse Eric le directeur et tout les enseignants. Norra et Jo Zef passent de mains en mains.
Ca y est je l’ai fait… La journée n’est pas finie, Patrice et Marion correspondant de TF1 me coincent pour recueillir à chaud mes impressions, Fabrice le réalisateur du film de cette aventure est lui aussi avec sa besace de questions. Véro m’observe, elle devine ce qu’il se passe dans ma tête de sauvage. Les enfants rejoignent la plage des Lazzarine, je leur ai promis de me joindre à eux pour le casse-croute. Valentin est la première personne qui a pris mes amarres, il n’en pouvait être autrement. Mais la journée n’est pas fini à 16h j’ai rendez-vous à Bonifacio avec tout ceux qui n’auront pas eu la chance d’être en mer. Je repars en kayak et m’offre un vent portant, je peux envoyer mon cerf-volant qui me permet d’avancer sans forcer. La cité des falaises se dévoile, toujours aussi imposante, elle semble m’attendre depuis si longtemps. D’autres amis me rejoignent en bateau, je savoure ces moments précieux. Puis le goulet qui me mènera au port s’offre à nous. Les bateliers à chaque passage, racontent aux micros mon parcours, les touristes enthousiastes rapporteront un souvenir de plus de l’île de beauté. L’effet venturi se fait sentir et ce petit kilomètre qui me sépare du quai va se montrer sportif. Je reprends le rythme, le vent contraire ne fait plus peur, c’est devenu un confident de voyage. Encore un bateau, Wilfrid amène un ami journaliste pour photographier ce moment privé, je sens dans ses yeux beaucoup d’émotions, Hervé écrira un article très touchant sur mon périple. Le bateau des scolaires me rattrape à quelques encablures du quai d’honneur, les gamins sont déchainés, leurs chants arrivent presque à couvrir le bruit des sirènes des bateaux. Le maire de la ville et vice président de l’assemblé de Corse m’ouvre ses bras, on est des amis de longue date. Ce n’est pas un officiel mais un pote avec qui j’aime me confier. Puis je découvre au milieu de cette foule des visages familiers, Steve, Stéphanie, Thierry u Dolfinu compagnons de vie de l’asso, ma tante… Je ne cesse d’embrasser tout le monde, trois charmantes représentantes de la société Corsica Tour, partenaire du projet sont là… Je ne pourrais citer tout le monde mais cette arrivée est plus belle que je ne l’aurai imaginé. Beignets au bruccio et pain des morts accompagnés de champagne pour des retrouvailles qui font du bien. Mais pourquoi en rester là, un diner pique-nique au coin du feu sur une plage nous permettra de gouter ensemble aux joies de ce que ces 4 mois d’aventures m’ont apportés…
Ce billet clôturera mon journal de bord Arcticorsica mais pas mon blog et je profite de cette bafouille pour vous remercier. Sans vous mon voyage aurait été plus terne, plus sombre, vos messages m’ont ému, touché, boosté. Ce trip de prime à bord en solitaire ne l’était pas, vous étiez toujours un peu présent.
Pour ceux qui souhaitent continuer à lire mes périples, en avant première mon livre Ayeltgnu le défi d’une vie debout, est, avant sa sortie officielle du 18 octobre, en vente sur le site de mon éditeur Au coin de la rue. En fil rouge ma solitude du fleuve Yukon que j’ai eu la chance de pagayer été 2010 et quelques anecdotes « cabochardesques ».
Petit cadeau un clip de quelques secondes : Attention cette vidéo est une exclusivité planétaire. Pas conseillée aux grincheux, rabat-joie, matérialiste, tueur de rêve…
Je suis en train de sortir de mes rêves car quelqu’un rode autour de ma tente, je ne l’entends pas mais je sens une présence. Ici pas de prédateur à part l’homme, je m’applique à ouvrir le zip de mon abside sans faire trop de bruit pour surprendre un renard en quête de compagnie. La nuit est étoilée avec un gros morceau de lune qui éclaire la plage endormie, je parle à mon visiteur qui ne semble pas être apeuré, mon histoire ne l’intéresse pas trop son actu à lui, c’est survivre. Je démonte mon bivouac, un dernier gros morceau m’attend, la traversée du golfe de Santa Manza. Oh, la Méditerranée ce n’est pas la mer de Botnie mais je reste vigilant quand même. Le Ponant est déjà en place, les Bouches de Bonifacio lui conviennent à ravir pour œuvrer sur un pauvre kayakiste en route. Je m’applique, cela est ma devise, donner mon meilleur pour m’en sortir au mieux. Un duo de dauphins me croise mais je vais trop doucement pour qu’ils daignent venir à mon étrave. Finalement je rejoins la pointe de Capicciulu et me retrouve sous le vent, chaque cailloux me rappellent une histoire salée, je passe à fleur des écueils des Gavetti, je me souviens d’un sauvetage où j’avais récupéré une famille qui avaient fait naufrage. Le père, la mère et trois enfants. La plus petite était inconsolable car son doudou était resté coincé à bord de l’épave. Je me rejetai à l’eau pour le lui récupérer. Tiens, Norra et Jo zef applaudissent ! Je file vers les îlots de Porraghjia, comme ils sont bons les poireaux sauvages en hiver. Je m’accorde une pause café, je ne suis plus très loin de Cavallo, la brise n’est plus très forte et je peux procéder tout en rêvant. Finalement, devant moi surgissent les Lavezzi, l’île qui m’a reconstruit mais qui m’a vu déménager. Le tourisme de masse les ont rendu invivables. Je vois du monde, je devine des bateaux, je dois accepter que ce n’est plus mon ile. Je connais un coin où je devrais être tranquille, je beach Immaqa, la machine à penser se met en route. Ces 4 mois de solitude, ces 116 jours de raid m’ont rendu plus fort, mais plus dur en même temps. J’ai dû être intransigeant avec moi-même, la faiblesse des autres m’est difficilement supportable. Je suis sincère, je ne veux rien cacher, je vais retrouver les « autres » et comme disait Sarthe : L’enfer c’est les autres. Au milieu de tous ça mes potes qu’il me tarde de retrouver, vous peut-être alors je souris, mais je crains ce retour, je me souviens du livre de Bernard Moitessier qui après un tour du monde à la voile repartait pour un autre tour, peur de la confrontation avec la foule. Je n’ai fais que la traverser, je ne l’ai qu’effleurée, maintenant je vais m’y plonger à bras le corps. Me voilà au bout de mon rêve, demain à 11h je passerai officiellement la ligne imaginaire du phare des Lavezzi, la boucle sera bouclée. Je suis ravi de savoir que tous les élèves primaires de Bonifacio seront en mer, je croiserai le regard des copains… Ce soir je suis caché quelques part et je vais déguster cette dernière soirée de solitude. Cette nuit j’ai lu quelques messages d’amis, l’un d’eux m’écrivait ceci : Tu n’as pas réalisé un exploit, tu as juste effleuré les étoiles…
Je vous embrasse du fond du cœur et vous envoie un peu de douceur méditerranéenne.
Yes i’m a free man
PS : Jo Zef va faire découvrir les Lavezzi à Norra…