Camp de la pluie
21 août 2017Je ne vais pas vous parler du changement climatique, car ce n’est pas du tout ma «science», mais ce que j’ai remarqué c’est qu’en un claquement de doigt, l’été n’a même pas eu droit à un automne, il a basculé en mode hivernal, constatation du «petit» méditerranéen que je suis ! La pluie ne nous a pas lâchés, le vent du sud a su maintenir le crachin et le froid. Ce matin, entre deux bourrasques, nous avons décidé d’endosser l’habit de Robinson Crusoé, mais qui sera le «Vendredi» de service ?
Alors qu’équipés comme des cosmonautes, nous partions à l’assaut du point culminant de l’île qui frise les 250m quand même, Karin m’interpelle de loin, dame baleine a décidé de jouer la curieuse. Oubliée la rando, nous devenons de simples observateurs. A deux encablures de la rive, elle passe tranquillement sans s’occuper des deux «prisonniers polaires». Sa grâce et sa majesté nous émerveillent, cela fait 2 mois que j’en croise et à chaque fois, je suis aux anges. Comme une plongeuse, nous la suivons aux bulles, elle perce la surface en lâchant son souffle puis elle sonde pour retrouver son univers.
Nous reprenons la route, l’île n’est pas si grande et en quelques enjambées, nous la découvrons. Une cabane en bord de mer nous attire, bien sûr, pas de serrure, notre curiosité est trop forte, nous rentrons. Bien rangée, des petits lits sont superposés, des enfants doivent y passer du bon temps, le coin cuisine est aussi sympa, la photo pieuse bien sûr est en bonne place. Les « qivitoqs » ne pourront pas y séjourner. Puis à flanc de montagne, nous prenons de l’altitude. Dans un pierrier immense, un amas trop régulier nous interpelle, une fois de plus nous trouvons un tombeau des temps passés. Entre deux interstices, 3 crânes reposent, le lichen témoigne de la lointaine époque du décès de ces personnes. L’eskimo se moque du passé, il ne va jamais à la recherche de son histoire et ces tombes isolées resteront à tout jamais des mystères non
élucidés.
La pluie nous rabat au bivouac. Dans l’abside, j’arrive à rôtir les champignons ramassés du matin, les rabats de la tente ont vu sur le large au cas où un gros iceberg pète ou que dame baleine veuille bien repasser. La vie sous tente quand il pleut est un arrêt sur image, le temps
n’existe plus, allongés côte à côte, nous partageons ce présent si atypique. En visualisant notre situation, nous voyons un petit point orange planté au nord d’une île polaire désertique, ici nous sommes «nous», sans fioriture, sans façade, dans ces 3m² habitables à l’abri du blizzard, nos vies se mêlent. Karin me raconte son été, le mien est difficilement racontable mais au bord de la mer de Baffin, nous sommes juste à notre place.
Ce soir encore, la pluie et le vent du sud nous emprisonnent, la houle vient rendre la mise à l’eau difficile, mais demain est trop loin pour que l’on s’en
inquiète.
Rendez-vous lundi 21 à 12h40 sur les ondes de France Bleu RCFM avec Jean-
Charles Marcily.
Le froid, la pluie et les bourrasques
20 août 2017L’escale rend le départ difficile, le confort de la cabane, demande une folle motivation pour affronter le froid et la pluie, pourtant là-bas au bout de l’horizon se cache la liberté. Un vent du sud-est de 8 mètres/seconde est annoncé. La pluie, très certainement, nous tiendra compagnie toute cette journée, mais d’un commun accord, nous décidons de partir vers le nord.
La marée est assez haute pour nous permettre le chargement des kayaks sans trop de portage. D’entrée, le vent dans le nez teste notre envie de départ. Fini les 15° de la semaine dernière, la neige n’est pas loin et les couches de vêtements sont nécessaires pour pouvoir tenir le coup. Karin ouvre la route, c’est elle qui doit donner le tempo, mais la règle est stricte, jamais nous ne devons être à plus de 50 mètres l’un de l’autre. Bien que plongeuse professionnelle, je lui donne les consignes de protocole en cas de chavirement. Son kayak, bien que stable, est beaucoup plus léger que son nautiraid, une mauvaise vague peut rapidement la faire dessaler dans une eau à 2°. La baie est calme, seul le vent contraire nous met dans le bain. Au bout d’une heure, juste avant la pause café, des icebergs jouent les acrobates en nous proposant des figures de gymnastique tout en lâchant des tonnes de glaçons, ça pourrait être le pays des apéros, mais ici l’alcool est très rare. Nous beachons nos embarcations, en prenant soin de coincer nos aussières de proue pour éviter la fugue de nos compagnons de navigation. Alors que notre barre de céréales fait trempette dans un bon jus de chaussettes bien chaud, un immense iceberg pète en se chavirant complètement ! Contemplatifs, nous admirons le spectacle jusqu’au moment où une vague se diffuse dans la baie. Ni une ni deux, l’unijambiste court jusqu’aux kayaks pour éviter de les poursuivre à la nage, ici tout est attention et concentration.
Nous reprenons la route avec prudence, la pluie est toujours là, notre détermination n’a pas bougé d’un poil de phoque ! A midi, une bonne nouille chinoise et sa boite de maquereaux à la sauce tomate, font partie de ces bons petits moments qui donnent du carburant. Mais la pluie redouble de force ainsi que le vent, nous sommes dans un fjord qui doit avoir un effet venturi, alors confiants, nous décidons de poursuivre. Les rafales sont vicieuses, elles marquent le visage, Karin, semble souffrir, mais ne veut pas lâcher. Je lui donne 20 mètres d’avance pour l’observer, les bourrasques
redoublent de violence, je vois qu’elle est à bout. Avec difficultés, je viens à son niveau pour lui donner la consigne de faire demi-tour. Le vent devient violent, je suis inquiet pour elle, il nous faut rapidement un abri. Un trou de galets cerclés de moules, sera notre arrêt d’urgence, l’accès est casse gueule mais assez bon pour battre en retraite. Karin, explose en larmes, l’effort a été violent mais nous sommes à l’abri, la pluie se renforce, il faut laisser passer l’orage… Finalement au bout d’une heure, le grain s’est épuisé et nous reprenons la route cap au nord. D’un beau campement, une baleine vient nous dire bonsoir, l’effort en valait la peine…
A pluche.
Avant départ
18 août 2017C’est bien connu, à partir du 15 août ça se rafraîchit. On peut vous le confirmer, ici c’est déjà le début de l’automne. Le thermomètre décolle à peine du 0°, un vrai calvaire pour les «pôvres» moustiques qui tentent la
résistance, mais leur bataille sent la déroute ! La cabane est chauffée et tout est sec, ce qui change de ma vie de vagabond. Jusqu’à présent, le soir en tente, après une journée humide, le couchage avait le confort d’une belle pataugeoire! La pluie qui est assez rare en cette zone n’a pas cessé depuis plus de 24h, mais il en faut plus pour nous décourager. L’océan Arctique doit avoir une sorte d’aimant pour les nomades rêveurs.
Le kayak confié à Karin doit être testé. Les réglages, bien que basiques, demandent sérieux et précision. Le gilet sera obligatoire, bien moins stable que le Nautiraid, un chavirement serait fatal. Le golfe est d’huile, le plafond bas rend le silence encore plus lourd, plus puissant. Nous glissons sans bruit sur l’eau, la mer cristalline nous permet une observation détaillée des fonds. Oursins, holothuries, étoiles de mer, morues, tout est sous nos yeux à portée de pelle. Là-bas au fond de la baie, un torrent se jette avec force dans l’océan, c’est un endroit connu pour son eau limpide. Karin ouvre la marche, cela fait 2 mois qu’elle n’a plus pagayé, elle doit trouver son rythme. De mon côté Immaqa est complètement vidé de tout son matériel et il me semble aussi léger qu’une plume. Entre averses et accalmies, nous progressons mais le froid est intense, nous obligeant au port de gants étanches. Depuis une semaine, je m’étais transformé en fée de cabane, pour rendre la maison supportable mais cet appel du large me rend serein avec une folle envie de nouveau départ.
Une belle dalle plate reçoit nos embarcations, ce qui facilite le débarquement. L’eau ici, est à profusion alors qu’en bas dans le sud la sécheresse dévaste les maquis méditerranéens. Bien qu’abondante, ici c’est compliqué de l’utiliser, personne ne peut laver, rincer son matériel, tirer la chasse, faire couler un bain ou remplir une piscine. L’eau reprend sa vraie valeur. Ici, au pays d’apustiaq (flocon de neige), il faut, soit faire fondre des bouts d’icebergs, soit aller chercher son bidon d’eau au distributeur communal ou être à portée d’un torrent facile d’accès en bateau. Donc, nous remplissons nos bouteilles et un jerrican pliable, ce qui nous désaltérera pour quelques jours. Le retour est aussi polaire, mais la beauté du lieu nous kidnappe l’envie de nous plaindre, gémir ici, c’est une offense à la vie. De retour à la cabane, nous concluons que le test est positif.
Demain, nous chargerons nos kayaks pour une balade de quelques jours à la recherche de belles baleines. La balise sera activée, ce qui vous permettra de nous suivre à la trace, pas à pas.
PS : Jo Zef et Norra se sont gentiment proposés de garder la cabane. La mascotte retient que de belles casquettes (que je porte en photo), nous ont été envoyées de Corse, mais pas une à sa taille, là il boude !!!
Retrouvailles
17 août 2017Depuis une semaine, la cabane est en transformation, en grand nettoyage estival… Il n’y a pas d’histoire sans fin, sans début, sans rire, sans inquiétude. La vie est une croisière où l’on se croise et depuis plus de 2 ans, j’ai croisé la route d’une belle plongeuse professionnelle qui est devenue ma compagne de vie. Elle là-bas, moi ici dans mon rêve polaire. Il est difficile de vivre par intérim une histoire engagée, qu’est une expédition en solitaire. Sur zone, on gère tant bien que mal, mais loin derrière son écran, le quotidien est inquiétude et questions.
Depuis hier, Karin a fait le voyage pour poser son sac, ici à Oqaatsut. Il nous semble que cela fait une éternité que nous ne nous sommes pas vus, mais pourtant, c’était hier que je la voyais partir d’Ata, me laissant face à une immense montagne à gravir. Mes peurs, je les ai contrôlées plus ou moins, mais elle, là-bas dans le brasier Corse, elle a tremblé pour le dingue de liberté, pour le fou de nouvel horizon. Un Freeman ne peut être enfermé par des raisonnements et des principes. Comment expliquer mon choix de vie, comment lui raconter les silences, comment lui offrir la Grande iberté ? Une manière simple pourtant, est à mes yeux la seule solution : partir avec elle pour quelques jours de mer loin du village. Quitter le confort du poêle à
pétrole qui chauffe et assèche la cabane, loin du «facile», pour une prise de contact forte et immédiate avec la nature si immense ici.
Aujourd’hui, l’hiver semble vouloir nous tester, juste derrière les berges du golfe, les premiers flocons saupoudrent les cimes, un petit 2° est à l’affiche de la fenêtre en bois. Une pluie fine, un crachin breton, emmitouflent nos pas dans une toundra qui a souffert de sécheresse. Pour la première fois dans
l’histoire du Groenland, au sud d’ici, un feu de toundra a ravagé plusieurs hectares, chose extrêmement rare à cette latitude boréale. Plutôt que de rester enfermés, nous sommes allés à la cueillette du dîner. Les bolets sont
à portée de main, de grosses myrtilles nous régalent le palais et le thé du Labrador abonde pour un quatre heures aux petits biscuits. Puis, en bordure de mer, grâce au vent du Sud, nous avons récolté assez de morceaux d’iceberg pour l’eau de table…
Le kayak de Karin, Apustiaq est resté en Corse mais gentiment Quentin, le gérant de l’agence de voyage 66° Nord, spécialisée en voyage en région polaire, lui a prêté un de ses kayaks. En retour, nous avons une lourde tâche, il faudra baptiser cette nouvelle embarcation qui va rester ici au Groenland…
La tournée du village est simple. Je sens les habitants ravis de me voir enfin accompagné. Ici l’enthousiasme latin n’est pas de mise mais les poignées de main ont été très cordiales, ce qui démontre une super intégration. Réglage fini sur le kayak, nous retournons au chaud, laissant dehors notre escorte de «motoneiges» sur pattes, qui a profité de notre balade pour se rouler dans toutes les plus belles flaques de boues qui se présentaient à elle !
Jo Zef et Norra ont décidé eux, de rester garder la cabane !!!
Vidéo kayak et neige Expédition Kiffanngisssuesq
16 août 2017Kayak, glace, neige mais bonne humeur
De passage à Ilulissat je profite d'une connexion pour vous faire partager un bon moment de franche rigolade polaire…
Publié par Frank Bruno Officiel sur mardi 15 août 2017
Entre cabane et village
16 août 2017Pilluarit Bertheline
15 août 2017Un dimanche au village
14 août 2017Dimanche à Oqaatsut, un jour comme un autre, calme et silence ? Ben non, à 9 h tapantes, la cloche de l’église sonne à tout rompre. Les chiens sont athées, ce matin la preuve m’en a été donnée, leur aboiement fut si fort que le pauvre campanile semblait enroué. Mais personne n’a gravi les escaliers de la vieille église en bois, pas une ombre autour du lieu du culte. La religion perdrait elle de sa force ? Ici les croyances anciennes sont très présentes. Les qivitoqs (mauvais esprits) rôdent sur les plus audacieux. Ces âmes en peine viennent perturber celui qui se présenterait sur leur route. Dans certaines cabanes de pêcheurs-chasseurs, une croix est souvent clouée sur la porte pour éviter aux mauvais esprits de déranger celui qui s’y réfugie. Le mélange entre animisme et christianisme fait un drôle de mélange. Arrivés en masse au XVIIIème siècle pour la chasse à la baleine, les sudistes ont imposé leur religion, le chamanisme est devenu tabou, mais pas trop oublié, juste quelques restes pour entretenir les légendes.
Je poursuis ma tâche sur la cabane tout en surveillant si l’office serait donné, une occasion de me mêler aux ouailles et de sentir le moment, mais rien ni personne… Alors, je poursuis mon travail de fourmi. Depuis plus d’un demi siècle, cette maison a subi les affres des froids polaires et sa bonne forme me ravit de jour en jour. D’ici quelques jours, je reprendrais la mer, on ne peut se lasser d’une vie de nomade, surtout que cette fois je pourrais la partager en toute sécurité avec ma petite allemande.
Une journée dominicale paisible, ensoleillée et sans vent. Pour conclure ce beau dimanche, Julien et sa famille viennent faire un crochet par le village pour partager une grillade au bord des icebergs. Un de leur amis possède une minuscule cabane à quelques milles d’Oqaatsut, un coin paisible comme partout ici, d’ailleurs. Charlotte et ses trois enfants préparent le carburant de la grillade, de la camarine et du bouleau nain en suffisance pour maintenir le feu d’une plaque métallique. En premier, la graisse est coupée en petit bouts pour faire l’huile de friture puis les fines tranches de viande de phoque sont rôties dans ce jus. Une soirée simple comme est la vie au Groenland.
Lundi à 12h40, on se retrouve sur les ondes de France Bleu RCFM avec cette fois Vanina Buresi, je vous raconterai tout ça en détail…
A pluche…
Blues polaire
13 août 2017Au petit matin, le soleil est bien entendu déjà là et la température est douce. La nostalgie s’empare de moi, je ne sais pas comment, pourquoi, mais elle est au coin d’un iceberg, juste en face de la cabane bleue et me remue des «choses». Comme tout au long de notre si courte vie, nous sommes en initiation, en formation. Depuis 2 mois que j’ai posé la prothèse au pays de glace et du silence, il me semble avoir vieilli de 20 ans ! Les doutes, les peurs, les remises en question m’ont touché au plus profond de mes certitudes. Etre nomade ici en kayak-solo, c’est un peu un chemin de Compostelle à l’époque des barbares et des mauresques, à chaque instant l’épée de Damoclès est sur ta tête. Le genou à terre, la nuque bien en vue, tu ne sais jamais quel sera ton sort. Contre-coups, fatigue psychique, j’accuse le coup. Physiquement je suis en pleine forme, je ne dors que 6 h et suis en pleine forme, même le moignon commence à me laisser en paix. Une sensation bizarre, étrange pourtant me colle aux bottes, le blues ne veut pas me lâcher.
Ici, je suis l’homme le plus heureux, ma petite Allemande arrive bientôt, mes amis même loin, ne m’ont pas lâché, Dumé de Suisse m’a beaucoup ému là haut aux Diablerets, je connais beaucoup de monde, du pays basque j’ai eu droit à une demande de rapport détaillé, les Pianottoli-boys en mode fournaise m’ont fait beaucoup rire, Audrey fidèle aux rendez vous du soir et mon bodyguard Patrick, sont ma force… Aussi vos messages de soutien, je les relis en boucle, mais voilà la machine a un couac, un fil qui coince dans le tableau électrique. Ce matin, je me suis occupé de mon beau et bon kayak, il avait quelques blessures que j’ai su réparer, je l’ai serré fort dans mes bras, il n’y a que lui qui sait, il n’y a que lui qui a entendu mes prières, il n’y a que lui qui a étanché mes larmes. Les déferlantes nous ont fait trembler, lui sans moi, moi sans lui, morts, broyés, noyés, oubliés, disparus… Mais il me faut relativiser, j’en ai pris des plus lourdes de roustes, des plus angoissantes, il faut que je digère…
La maison est de moins en moins un chantier, j’arrive avec les moyens du bord à faire que ce soit plus facile à vivre. Cet après-midi, sous un soleil de plomb et avec une brise suffisante pour cacher les moustiques, j’ai recloué la façade exposée au Sud qui est le vent dominant. En plus de 60 ans, cette cabane a du en voir des coups de chien, la peinture a quasiment disparu. De haut en bas, avec une immense échelle double, j’ai ajouté des clous aux points branlants et revissé sérieusement les huisseries des deux fenêtres en calfatant le tout avec de la bonne laine de verre piquante. A ma grande joie, ce soir la façade est prête à recevoir la peinture bleue claire. S’il y a quelqu’un qui a envie de jouer les funambules avec un pinceau et qui passe par là, il sera le bienvenu. En fouillant dans le vide sanitaire, j’ai trouvé des balles de gros calibre, le karma de phoque ici n’est pas des meilleurs, et au milieu de restes de peaux de bestioles, d’arbre de Noël en plastique, de belles planches propres se sont transformées en une solide étagère dans la pièce couchage.
Pour donner un peu plus de légèreté à cette journée, de temps à autre, je m’attendris sur des boules de poils sentant le poisson rance. En effet, ici les jeunes chiens sont en liberté jusqu’à 6 mois, après ils seront attachés, donc j’ai toujours une équipe de futures « motoneiges» autour des pattes, en attente d’un lâcher de tranches de salami de ma part. Au loin, je vois 4 enfants être émerveillés devant un plant de rhubarbe qui pousse de manière miraculeuse devant une cabane abandonnée, ici tout est merveille et les gens le savent encore. L’été est à son plus haut niveau, il arrive à faire 17°C à l’abri du vent, une vraie température caniculaire, l’autre hiver le thermomètre est descendu à -50°C !
Voilà mes amis, un bout de vie nostalgique depuis un petit village tout là haut dans le Grand Nord…
A pluche
En Ville !
12 août 2017Julien ce matin m’a amené rapidement en ville, à Ilulissat. Depuis deux mois, j’étais dans la paix et le silence, là j’ai cru repartir à la nage ! Bien que minuscule, ce bourg compte 4500 habitants et fait office de capitale de la côte nord-ouest. Des voitures, des gens partout et un aventurier un peu perdu. Je ne suis pas venu pour le plaisir mais pour officialiser l’achat de la maison. Charlotte, l’épouse de Julien travaille au département, au bureau des ventes de maison, une aubaine pour moi. Tous les papiers sont en Groenlandais et sans elle, il m’aurait été impossible de les remplir. Après avoir complété les infos requises, il faut que deux témoins officialisent l’acte, un pour le vendeur et un pour l’acheteur. De bureau en bureau, Charlotte recrute pour trouver un jeune homme sympa qui voudrait bien endosser le rôle. En un claquement de doigt, les papiers sont postés pour Nuuk la capitale, qui d’ici 3 mois me renverra mon acte. Ici, le terrain ne peut vous appartenir, il est mis à votre disposition pour votre maison. Le proverbe amérindien me revient : La terre ne nous appartient pas, elle nous a été prêtée par nos enfants…
Avant de repartir loin de ce brouhaha qui est loin de ce que peut être le Groenland, je fais la tournée des magasins pour me fixer un peu sur le coût des futurs travaux à venir. Eté 2018, des bénévoles seront les bienvenus pour me donner un coup de main pour rendre la maison habitable sans être en mode bivouac. Vous prenez en charge votre billet d’avion et à Ilulissat je vous récupère pour vous mener à pied d’œuvre en pension complète. Ensuite, après ce premier jet, des personnes amputées adhérentes de l’asso, viendront invitées par groupe de 4, pour fignoler les travaux… Mais tout ça c’est pour dans longtemps !
Saoulé par ce parc d’attraction qu’est Ilulissat, il est temps de rentrer à la maison. Steen est venu récupérer une pièce de moteur de son gros Yamaha, c’est lui qui fera mon taxi. Sa belle fille et une dame du village embarquent aussi et sur une mer d’huile, mais avec un froid polaire, nous voguons vers le nord. Deux vieux fusils sont prêts au cas où un puisi (phoque) voudrait nous faire voir ses moustaches. Mais la mécanique est une science bien difficile à comprendre, le moteur perd des tours pour finalement stopper net. Pas un mot, pas un rictus de contrariété. Steen ouvre le capot pour comprendre d’où vient ce problème. Sans être un grand spécialiste, du bidon d’essence au hors-bord il n’y a aucun filtre, et puis le réservoir est un fut en plastique blanc dans lequel une durite est enfoncée au petit bonheur la chance, je trouve le système un peu léger quand même, Steen me sourit… Un, puis deux bateaux, sans qu’on demande quoi que ce soit, stoppent leur route. Là encore sans un mot, les deux femmes changent de bord pour nous laisser seul face à un moteur récalcitrant. Nous dérivons vers un bel iceberg, mais cela ne nous perturbe pas, il faut comprendre les ratés de la machine. Miracle, chance, un peu d’expérience, je mets les mains dans le cambouis pour qu’enfin nous puissions rejoindre Oqaatsut. 18h, me voilà dans un silence si bon, si apaisant. Je suis claqué, la journée à la ville m’a tué. Dans mon panier, une salade, j’en rêvais depuis des semaines.
Mais à la date du 11 août 2017, une cabane située à 400 km du cercle polaire, sur la côte nord-ouest du Groenland nous appartient à Karin et moi, qui l’eût cru ? Jour après jour, je réalise à quel point une succession de hasards m’a fait arriver là, une fois de plus vous me l’auriez dit, jamais je ne vous aurais cru. J’aime cette phrase de Jean Cocteau qui disait : le hasard, c’est le nom que prend Dieu pour rester anonyme.
Jo Zef cherche désespérément des crêpes dans le panier de courses, mais là il faudra repasser une autre fois… Il boude !