Bout du monde

29 juin 2017
 
Cette nuit la tente a été prise d’assaut par un fort vent de sud jusqu’au pied du promontoire où notre bivouac est monté. Les growlers se sont brisés en mille glaçons, le bruit était comme venu d’un autre monde. La température a chuté ce qui a mis en veilleuse les milliards de moustiques en quête de sang frais. Le Fjord se transforme au fil des minutes, un film en 3 D nous est proposé comme fond d’écran. Rien, aucune information ne nous provient du sud, pas de gadget pour couper le lien avec les éléments.
 
Les journées s’écoulent au ralenti, nous cueillons, pêchons, contemplons. Le rythme que certains de nos anciens devait encore avoir il n’y a pas si longtemps. Ce hameau fut abandonné pour la soit disant bonne cause. Les Danois, en bons envahisseurs ont délogé des petits hameaux les eskimos, pour  des villages plus grands pour que ce soit plus pratique !!! La date m’échappe mais cela a dû se dérouler dans les années 70. Le groenlandais est un pacifiste et il a abdiqué sans opposer aucune résistance. Une petite île plus au sud aurait mis l’envahisseur à feu et à sang, mais ça c’est une autre histoire.
 
Dans le cimetière, les tombes ne sont que des amoncellements de pierres couvertes de lichen noir. Le plus chanceux a eu droit à une croix, le plus prestigieux, une sorte d’enclos en bois… Mais ce qui nous a le plus touché c’est la taille des tombes, beaucoup sont petites, certainement des enfants. Vivre ici, il y a peu, devait être un sacré défi. La ville protège des épidémies mais rend les Hommes malades de Vie.
 
Nous errons, nous vaquons et là-bas vers le sud un immense rectangle attire notre curiosité, un autre cimetière immense mais avec une seule tombe. Ici repose une Freewoman. Cette vieille dame avait refusé de s’expatrier de son
village qui venait juste de créer un autre emplacement pour le dernier voyage. Mais entre temps les danois avaient changé les plans et tout le monde avait plié bagage pour Ilulissat. Elle avait su résister. Seule, elle avait fait son choix de vivre jusqu’à son dernier souffle sur la Terre qui l’avait vu vibrer et en toute logique c’est là où elle s’en est allée rejoindre les nuits boréales. Devant sa tombe je me recueille. Hasard ou non, un oiseau se pose sur sa croix. Il m’observe, mes yeux sont dans les siens, mon cœur bat au même rythme que le sien. Est-ce l’âme de la vieille dame qui me remercie de penser à elle. Je lui parle doucement, je l’a remercie de nous accueillir dans son si beau pays, je la sens heureuse… Ici les âmes sont en paix…
 
Au retour entre la cueillette de quelques camarines et la pêche d’une poignée de sardines locales (Ammasset) nous retrouvons avec beaucoup de plénitude notre bivouac.
 
On vous embrasse.

Rencontre

28 juin 2017

Ata au calme

26 juin 2017

Camp d’Ata

26 juin 2017
 
 
Le vent du nord n’a pas molli mais nous avons décidé de partir. La mise à l’eau est sportive mais les esprits qui nous surveillent sont bienveillants. J’ai une crainte pour Karin, elle débute en kayak et la traversée des fjords avec les vents catabatiques risque d’être violente. Pas à pas, nous avançons, en face un mur de 600m, les doutes sont au pied de ce colosse minéral. Mais la chance ne sourit qu’aux audacieux et après 2h30 de dur combat pacifique face aux éléments, une mini plage nous permet un bref break.
 
La partie est loin d’être gagnée, il nous faut caboter le long de cette falaise infinie, nous nous sentons si vulnérables qu’aucun mot ne peut sortir, il nous faut progresser sans chercher à comprendre. Un autre miracle au moment de devoir tirer nord en traversant les 8km du fjord d’Ata, une faille nous permet une nouvelle pause. Les rafales de vent irisent l’océan, décidément nous ne sommes vraiment pas grand-chose.
 
Dernier combat, la traversée avec ce drôle de noroît qui ne lâche rien. Un phoque puis un deuxième nous nargue. Karin ne dit rien, elle serre les dents, je suis inquiet pour elle. Des icebergs se désintègrent autour de nous. A chaque détonation nous sursautons, puis comme par miracle le vent tombe, plus un souffle la mer semble figée, nous glissons enfin dans ce décor majestueux…
 
Cuits, extra cuits et surtout très émus nous touchons le village abandonné  d’Ata. Personne, mais absolument personne… Nous sommes seuls au monde…
 
Ce lundi comme tous les lundis de cet été sur les ondes de France Bleu RCFM je serai en direct avec Jean-Charles Marsily à 12h40…
 
On vous embrasse bien fort…

Camp Uiartagaq

23 juin 2017

Camp Qitermiuguit

22 juin 2017
 
 
Pas de nuit, pas de bruit, le cliché a été pris a 1h30 du matin. Si voyager ce n’est pas changer de pays mais de monde alors nous effectuons un sacré voyage.
La quantité d’icebergs qui explosent est phénoménale, on se croirait pendant une nuit bleue corse ! Ces mastodontes de glace sous l’effet de l’été qui s’installe accumulent de l’eau de ruissellement qui les font exploser dans un bruit indescriptible, puis un grand silence s’en suit…
 
Notre premier bivouac sous tente est une pure merveille, c’est un petit îlot en plein milieu du détroit d’Ata, qui sert de repaire aux oies Eider. La marée est importante et il faut être vigilant pour que nos embarcations ne se retrouvent pas en mauvaise posture sur des roches saillantes. Nous avons joué avec le constant courant de sud et des morceaux de bout assez long qui ont permis à Apoutsiaq et Immaqa de flotter pendant notre escale.
 
Ce matin nous rangeons, plions, anticipons, la journée va être longue. La température avoisine les 4°, Karin qui ne dit rien, semble souffrir du froid, mais elle a compris qu’ici le verbe se plaindre n’avait pas sa place. Vers 8h45 nous glissons entre les « glaçons », un phoque peu farouche se laisse approcher puis ce sera au tour des oies et d’autres plumeux aux noms inconnus. Finalement vers 16h nous trouvons une belle plage qui sera notre refuge d’une nuit qui ne viendra pas. Rapidement montée, pour éviter d’être la proie d’une quantité indescriptible de moustiques, notre tente devient la forteresse des aventuriers du temps qui « est ». Un morceau d’iceberg millénaire fondu infuse du thé du Labrador et devant un spectacle d’une beauté exceptionnelle nous savourons ce beau voyage.
 
Prenez soin de vous, boiter n’est qu’une manière de voir la vie, le plus important est de savoir conjuguer le verbe vivre.
 
Bises des 3 Freeman…

Camp de l’indépendance

22 juin 2017

Camp Rodebay

20 juin 2017

 

La journée d’hier a été une sacrée épreuve : les explosions des icebergs qui se brisent nous ont un peu tendus, la mer,malgré une belle brise de sud, nous a fait comprendre  la tâche immense qui nous attendait.

 
Hier soir nous avons squatté la cabane de Julien.  Elle est en état de rénovation mais nous avons réussi à nettoyer le dernier étage pour le rendre vivable. Une nuit réparatrice qui fut la bienvenue. Un deal est en train de se monter, un rêve de plus que je vais enfin réaliser, cette maison sera la nôtre, la vôtre puisque j’ai décidé de l’acheter à Julien. Elle sera mon refuge d’été et suivant les finances de Bout de Vie, de jeunes adhérents pourront la partager pour de belles aventures. Mais avant ça je dois tenter d’aller au bout de ce long voyage.
 
Karin le sait, il ne nous reste que quelques jours et elle rentrera en Corse, Après son départ un Everest m’attend mais un pas après l’autre.
Ce matin brouillard et crachin, la température avoisine les 4°. Karin est courbaturée, de mon coté la barre intercostale qui m’a tenue toute la journée d’hier semble se calmer mais nous avons décidé de rester là pour nous organiser un peu mieux. Steen, mon binôme de notre dernière balade avec les jeunes de Bout de Vie, habite ici. Nous lui rendons visite. Pas de grandes expressions de joie mais son accolade m’a beaucoup touché. Un café sur la table et quelques gâteaux comme traditionnel accueil. Bien sûr nous avons parlé du drame que vit la région d’Ummanaq; sa compagne a de la famille là-bas, la chute de montagne dans la mer qui a provoqué un tsunami a endeuillé plusieurs villages que je devrais accoster d’ici quelques semaines…
 
La journée est paisible, rien à voir avec la fourmilière d’Ilulissat, ici pas de voiture pour 45 habitants, le Groenland a gardé son âme de vie au ralenti…
Demain nous allons reprendre la route pour le nord…
 
PS : Pour les adhérents Bout de vie commencez à vous préparer pour l’été prochain, je vais avoir besoin d’ouvriers qualifiés pour rénover la « « maison bleue du grand Nord ». En attendant un autocollant Bout de vie décore déjà la porte.

Camp de la fatigue

20 juin 2017
Une journée interminable, une sensation d’avoir vécu une vie en seulement 24h. Ce matin au réveil mon corps ne veut plus. Paralysé du dos à chaque respiration j’ai l’impression d’avoir un fer rouge qui me laboure les côtes. Le moral semble vouloir quitter le bord mais c’est mal me connaître ! Il me faut relativiser, si j’ai créé ce blocage c’est juste mes maux qui l’ont provoqué alors cherchons. Karin me prodigue des massages avec une séance de respiration, l’instant présent et uniquement. Depuis quelques mois mes engagements m’ont demandé une énergie folle, chaque semaine a eu sa part de conquêtes, de dossiers à peaufiner, de rendez vous inloupables et là aujourd’hui, vu que c’est le départ mon corps m’a fait un clin d’œil… Mais voilà, pourquoi gémir, alors qu’il suffit d’une bonne dose de détente pour rendre à l’échine nouée toute sa flexibilité.
Julien est inquiet, non par mon dos cassé mais par les tsunamis qui ont ravagé la région plus au nord à 400km d’ici. Ce ne sont pas des tremblements de terre comme on a cru au départ mais des éboulements gigantesques d’une montagne qui ont tué de pauvres gens…  Il me faudra 3 à 4 semaines avant d’arriver là haut donc tout reste jouable…
15h30 finalement nous prenons la mer, les kayaks sont chargés à mort, mon dos est raisonnable il m’autorise le pagayage… Une forêt d’icebergs nous barre la route vers le nord. Immaqa et Apoustiak nos deux embarcations, slaloment; le silence nous prend aux tripes, nous devenons petits, petits…  Après 5 heures d’effort nous nous posons sur une berge de Rode bay…
Nous sommes épuisés, laminés mais il me reste un peu d’énergie pour vous envoyer toute la beauté et la force de ce lieu magique… Vive la vie.