Camp d’Agpa
29 juillet 2017Camp des baleines
28 juillet 2017Torssukatak le géant
27 juillet 2017Silence et sérénité
26 juillet 2017Camp de la chance
25 juillet 2017Libre, enfin libre
23 juillet 2017Sommet
22 juillet 2017Nuit blanche
20 juillet 2017
Encore une nuit blanche, sous toutes ses formes ! Le vent fut glacial, la tente m’a paru si fragile mais pourtant elle a tenu le coup. Les rafales, une fois de plus, ont permis au nomade de refaire sa vie, de penser le monde. L’insomnie a la faculté de nous permettre d’entrevoir les rêves et de revisiter le passé. Régulièrement, je vérifiais les ancrages de mon abri, toutes les pierres de la plage ont muré mon refuge de toile. De belles bourrasques de neige rendait la nuit moins sinistre.
Au petit matin, Eole semblait fatigué de secouer le pauvre unijambiste emmitouflé dans son épais sac de couchage. Le côté positif des choses était que le monticule de glace qui pointe dans notre prochaine destination a diminué sans pour autant avoir disparu, et surtout la cambuse n’est plus en mode ration de guerre, la mascotte a repris des couleurs ! Qu’il est difficile de s’extirper d’un bon coin chaud pour enfiler ses habits froids et humides. Vous allez croire que je me plains si ça continue, mais je ne changerai pour rien au monde ma place. Le village semble complètement endormi, seules les explosions de gros icebergs brisent la quiétude de ce village du bout du monde.
Ce matin, je dois trouver un coin pour faire regonfler les deux pneus de mon chariot qui me permet de sortir Immaqa des zones de marnage. La mission s’annonce comique. Ici quasiment personne ne parle anglais et mon niveau de groenlandais est au même niveau qu’est le dialogue entre un chien d’aveugle et un sourd et muet ! A la maison communale, il y a un compresseur, mais voilà, il est là, fait du bruit quand on le branche mais aucun air n’en sort ! Je ne me dégonfle pas pour autant, il doit bien y avoir un coin pour prendre un peu d’air. Là bas au bout de la piste en terre, je vois un engin qui déplace des caisses de flétans, la Royal Greenland qui possède ce comptoir doit bien pouvoir me dépanner. Une porte bien calfeutrée me dit que derrière il doit y avoir du monde. Les mains congelées, je lâche mes deux pneus pour toquer, on me répond ! Devinez en quoi, mais en Groenlandais !!! Pas de souci, mes deux roues à la main avec du « pshittt quajanaq » leur font comprendre mes besoins. Tranquillement, mes deux eskimos, sans blouson s’il vous plait, me mènent jusqu’à un énorme container où finalement nous trouvons la pression juste. Une histoire qui ne manque pas d’air.
Puis c’est le moment de penser aux jours à venir, il me faut certes composer mes repas mais aussi le carburant pour cuisiner tout ça. Au niveau gaz, je pense être bon pour encore 3 semaines, en faisant très attention. Mais par précaution, j’ai aussi au fond du kayak un réchaud à essence, et plutôt que de jouer avec le feu, 4 litres de carburant vont nous alourdir tout en sachant qu’au niveau combustible on est prêt à être bloqué. Sur les rives de la mer de Baffin, il est facile de trouver du bois flotté alors qu’au milieu des fjords, cela reste très aléatoire. Le feu de camp est le summum du bivouac, on y cuisine sans restriction et on peut bruler ses déchets…
Vers midi, le soleil refait une apparition, l’intérieur de la tente se réchauffe, les affaires vont enfin sécher. Demain nous reprenons la route, l’équipe est prête…
PS : La mascotte hésite entre gâteau au chocolat et biscuit au citron, et entre chocolat noir et chocolat aux amandes ! Je me demande de qui elle peut tenir ça, sacré Jo Zef !
Village du bout du monde
19 juillet 2017Saqqaq m’accueille depuis hier. Le froid, la pluie et surtout le vent fort d’est ne me donnent pas envie de retourner au « combat ». Alors, c’est le moment de prendre le temps de penser un peu à moi. Mes affaires lavées, recousues, le kayak observé sous toutes ses parties, je tente de m’imprégner du lieu où mon bivouac est dressé. Ces villages du bout du monde me fascinent, m’interrogent. Comment vivre là à l’année ? Quelle sacrée épreuve si on n’y est pas né. Aucun moyen de communiquer entre eux à part le bateau l’été, suivant l’encombrement par les glaces et sinon en hiver en chiens de traineau. Ce mode de vie est complètement inconcevable pour nous les habitants des latitudes clémentes. La supérette en été, n’est livrée que par un petit bateau qui est la navette hebdomadaire pour tout fournir. Ce matin, il n’y a déjà plus de fruits qui viennent de si loin. Pour une pomme, un abricot le voyage est long pour finir dans l’étal de Saqqaq. Des cargos livrent Ilulissat, qui ensuite redistribue ce « butin », mais faut il que la mer soit libre de glace, que les tempêtes polaires ne mettent en avarie ces marins boréaux, seul lien possible avec le Danemark.
150 âmes vivent là, dans un silence incroyable. Tout le monde parle tranquillement sans faire de bruit, la rigueur du pays a rendu les gens silencieux. En hiver, quand le blizzard assaille le chasseur, il sait très bien que même s’il hurle personne ne l’entendra, alors il faut être attentif, sans en rajouter. Nous, pauvres latins avons beaucoup à apprendre d’eux ! Les maisons sont multicolores, trace du passage des danois, des marques sociales qui n’existent plus de nos jours. Avant, de loin, on savait que les rouges étaient celles des pêcheurs, les bleues des notables etc etc. Mais ce que je remarque, c’est le nombre de maisons abandonnées. Les villes attirent les jeunes, même ici l’urbain semble un éden. Ilulissat, l’une des plus grandes villes de la côte nord-ouest, avec ses 4500 habitants fait figure de mégapole où il y a l’eau courante, pas besoin de stocker la glace dans des bidons bleus pour avoir de l’eau. Aux toilettes de la ville on tire la chasse, dans les villages, c’est dans des sacs que l’on se soulage, puis ils sont ramassés par l’employé communal qui en est chargé. Mais la ville, c’est aussi la perte d’identité, la déconnection avec ses racines, mais la mondialisation est un ver qui ronge les pommes même les plus sauvages… Ici en quelques heures, les visages me sont devenus familiers, je me sens privilégié d’y être arrivé sur la pointe de la pagaie….
Ce soir le vent est violent, la pluie se transforme souvent en neige, au fond de ma petite tente jaune qui vibre aux rafales qui nous enveloppent, je suis de manière éphémère un habitant de Saqqaq…