Lonely planet de juillet-août 2012
27 août 2012Corse matin
27 août 2012Les dames de la forêt…
27 août 2012Dormir dans un endroit calme sans avoir l’oeil sur des fadas ça repose le cycliste soupe au lait. Un vrai petit déjeuné de routard, ça me change un peu de mes poudres même si ce sera un peu plus difficile à digérer. Je reprends la route toujours sud, le dérailleur « déraille » et cela me chiffonne, j’ai encore quelques kilomètres à parcourir. La route est plate comme je n’avais jamais vu et je me surprends à rouler avec une moyenne au-delà des 22km/km du jamais vu avec mon poids-lourd. Des éoliennes en file indienne et chaque maison avec le toit recouvert de panneaux solaires voltaïques, comme quoi quand on veut on peut. Je retrouve le sourire mais je dois régler mon vélo. Je choisis de rentrer dans la ville d’Uelzen, il y a le mot zen, c’est bon signe ! Une charmante demoiselle en vélo m’amène au mécano-vélo du coin. Ici c’est impressionnant mais tout le monde roule en deux roues, vu ma dégaine pas besoin de leur dire que j’arrive de loin, ils laissent tout tomber et s’occupent de ma bicyclette. Ils me demandent depuis quand la cassette saute, depuis Travemunde où je me suis fait changer les rayons cassés ! Mike au look de biker, en deux temps trois mouvements me trouve mon problème. En remontant ma cassette le mécano précédent a tout simplement oublié de remettre une entretoise entre deux pignons, la chaîne n’avait plus la place pour s’accrocher. Aussi simple que ça ! Il remonte tout méthodiquement et me voilà avec un vélo tout neuf. J’aime bien tailler la bavette avec ce type de personnage, on parle compétition, depuis qu’il a arrêté il a pris du poids et voudrait bien reprendre mais toutes les excuses, lui en empêchent. Un lien de leur boutique www.bikemaster-ue.de Il m’apprend pour Armstrong, je n’en démords pas, pour moi il sera toujours un grand champion. Je reprends le chemin sans ce souci de chaîne qui saute, ça change la vie. Une fois de plus j’ai demandé si je pouvais planter ma tente dans une forêt sur ma route. La réponse est catégorique, non car c’est trop dangereux !!! J’ai dormi au milieu de grizzli pendant des semaines, de loups, sous la neige et la glace par des températures négatives hallucinantes et on me dit qu’ici en Allemagne c’est trop risqué !!! Je sors de la ville et reprends ma « pédalerie ». Depuis 60km je suis sur une voie cyclable sans être tout le temps à l’affut du chauffard qui va me frôler, un vrai plaisir. J’attaque ma première côte, ce n’est pas les Alpes mais une belle montée. Toujours sur ma piste « privée » je taille ma route, la forêt est belle sombre, je me vois bien planqué au coin d’un feu. Tiens un camping-car sur un chemin de terre ! Il a l’air en piteux état le van. Encore un deuxième de même condition, c’est bizarre ce genre d’épave dans ces jolies forêts ! Un troisième, mais on m’avait dit que c’était dangereux le coin ! Encore un autre. Il y a quelqu’un, je m’arrête. Oh nom de Zeus !!! De peu je tombe du vélo, une « pépé » à moitié nue descend du fourgon ; je ne sais plus où me mettre. Eureka j’ai compris pourquoi la forêt est dangereuse un repaire de prostituées et certainement tout ce qui va avec ! Va prendre froid la demoiselle, moi je lui tire ma référence et taïo ! C’est bon la mascotte, je t’expliquerai un jour le cursus scolaire de ce genre de minette. Rendors toi, ce n’est pas un coin fréquentable. Ces pauvres filles viennent du fin fond de l’Afrique pour un eldorado et les voilà à risquer leur peau pour quelques détraqués. J’appelle ça la solitude urbaine. Je me fais un break sur un parking pour me gaver de ce que ma boîte en plastique a pu engranger ce matin au buffet de l’auberge. Des routiers de l’Est sont là ; eux aussi me font peine, à voir leurs têtes ils doivent avoir quelques milliers de kilomètres au compteur. Je poursuis, je me sens de nouveau bien dans mon raid. La nuit de Travemunde oubliée, le vélo réparé et mes petits bobos physiques qui semblent régresser. Au 100éme kilomètre je décide qu’au prochain coin je m’arrête. Mais non pas en forêt ! L’Allemagne a un réseau pour cyclistes et les nuits sont très bon marché, pour exemple hier soir une nuit en demi-pension avec un vrai diner cycliste et petit déjeuner de même acabit 48 euros. Je vais trouver le jumeau j’en suis sur. Mais le village n’en possède pas, un tailleur de pierre attire mon attention. Un métier en voie de disparition, Peter est robuste et son coup de main démontre des décennies de pratique. A l’entrée de son atelier, je vois une dalle gravée du mot « zimmer ». Je pense que c’est une commande. Nous discutons de son métier et moi de mon voyage. Sa femme arrive et je comprends avec un temps de retard qu’ils ont une chambre libre pour le voyageur que je suis, zimmer, voulant dire chambre. Dans un endroit charmant je me refais une santé. Petite cuisine à disposition je vais me préparer un super diner, non pas de crêpes la mascotte, trop lourd. Salade, riz et viande.
I’m again a free man !
A pluche !
Le croissant du Dimanche…
27 août 2012La roue arrière réparée je peux enfin reprendre mon chemin mais ce brave mécano a dû bricoler mon dérailleur qui « déraille » plein pot ! Les molettes de guidon règlent les problèmes en partie mais je vais devoir passer chez un technicien pour qu’il fasse un sérieux contrôle. Je ne vous parlerai pas de la nuit cauchemar que le camping a vécu. Des
voyous en devenir sont venus en bande y mettre la zizanie, décidément j’attire les rigolos. Des piles de bières entassées, ils décident que le terrain est en leur possession, nous sommes 4 tentes pas plus et je sens la moutarde me monter au nez. 22h je leur rends visite avec ma frontale, je me jure, me promets que je ne m’emporterai pas. Pas mal imbibés de bière, ils tentent la provocation, l’un d’eux essaie de me jeter une canette au visage, j’esquive. Désolé c’est de l’autodéfense, il s’en prend une ! Le calme revient, je me sens merdeux, sale, je ne dois pas agir comme ça, mais je l’ai fait quand même. Je leur ai promis une raclée s’ils osaient continuer. 23h cela devient insupportable, ils deviennent dingues, jettent tout par terre et font un raffut intolérable. J’interviens, ils me reçoivent en me jetant chaises et table. Un détail qui a son importance, quand je suis dans ce contexte, je deviens un bout de caoutchouc difficile à attraper. Un quart d’heure qu’ils n’oublieront jamais. Mais quelle désolation ! J’ai du mal à me rendormir, les questions affluent, aurai-je du laisser faire ? Est-ce que plus de dialogue de ma part aurait fait changer les choses ? Je ne sais pas, je ne suis pas un saint non plus, mais je refuse de plus en plus de perdre contrôle et mon énergie pour des gens en pleine déchéance. Mea culpa, j’ai encore donné des « gnons » ! 6h30 j’en croise sur la route, ils titubent. La ville de Travemunde et Lubeck se touchent et les quais de commerces brouillent ma carte. Je me retrouve dans une voie d’autoroute. Ca y est, ça commence. Je tourne en rond comme une mouche. Un bus comprend, le chauffeur me demande si je veux de l’aide ! Oh oui mon bon monsieur. Ici les transports en commun ont une remorque pour embarquer vélos et mobylettes, je charge mon barda et il m’amènera hors de Travemunde. Pour prendre la route sud, son explication est trop compliquée pour ma pauvre compréhension basique d’allemand et je me repaume une deuxième fois. Un homme en vélo est à ma portée, il comprend et sent mon désarroi, il me demande de le suivre. Nous empruntons un chemin de forêt pour retrouver la bonne direction. Au moment de partir je lui serre chaleureusement la main, il me demande d’attendre. Il sort d’un sac en papier un croissant et me le donne. Das ist ein franzüzich (à voir sa vraie écriture) « croissant ». Il s’éloigne, la grosse brute que je me sens ce matin a les yeux qui s’embuent. Je me remets en question, suis-je un mec bien ? Hier soir j’ai mis une correction à des merdeux en manque d’adrénaline, ce matin coup sur coup, sans jeux mots ringards, on m’aide spontanément. Mon périple ne me laisse pas trop le temps de réfléchir. Ca y est je roule plein sud, on m’avait promis de belles routes avec plein de voies cyclables et bien c’est vrai. Mais voilà, devant moi sans aucune indication au préalable, une déviation, la départementale n’existe plus ! Je suis méthodiquement le panneau qui m’amène doucement mais surement sur l’autoroute, encore !!! Mais je le réalise que quand je suis dessus, je n’ai plus le choix, la carte m’indique que j’ai 5km pour reprendre une sortie et contourner les travaux. Je me fais klaxonner comme jamais je ne l’ai été, je pédale sur la voie d’urgence comme un dératé pour sortir de ce cauchemar. Finalement je suis sain et sauf, je peux reprendre ma « pédalerie » en toute tranquillité sur de belles pistes cyclables. Je suis secoué par ces dernières heures, cela en est de trop pour le pauvre nomade errant. La route est plate, j’arrive à tenir une super moyenne de 19km/h avec mon « semi-remorque à deux roues ». Le vent devient violent de Sud-ouest, mais les pistes cyclables sont bordées de haies qui m’abritent et me permettent d’avancer sans trop en pâtir. Le ciel se charge de plus en plus, la pluie nous rejoint mais elle est encore timide. Sa sœur suédoise lui avait parlé de cet équipage atypique et elle voulait nous effleurer de ses propres gouttes ! Là-bas c’est un déluge, pour nous ça va. Au 93éme kilomètres une auberge « vélo » nous fait un petit clin d’oeil. J’en avais entendu parler et cela me tente. Juste à temps pour mettre mon deux roues au garage que l’orage se déchaine. D’une chambrette qui domine le fleuve Elbe, je peux enfin cogiter aux derniers événements que j’ai vécus. La pluie tape au carreau, ok on se verra une prochaine fois, laisse moi en paix, j’essaie de comprendre des trucs tordus d’humains. La violence et les mauvais gestes ne font pas grandir ; je vais devoir m’appliquer encore plus pour choisir mes arrêts et éviter ces situations intolérables de ma part. Puisque devant moi coule l’Elbe, je ne peux m’empêcher de saluer Thierry Corbalan et son équipe qui va tenter le 1 sept la traversée entre l’île d’Elbe et la Corse en mono palme. Technique de nage où l’utilisation des mains est interdite. Ouais Jo Zef on surveillera s’il ne s’en sert pas !!! Allez à son arrivée, vous n’aurez plus envie de prendre la voiture pour faire 500mts ou de vous plaindre pour un p’tit bobo. Allez Thierry, tu ne le fais pas pour une cause, nous sommes la cause !!!
A pluche !
Un bout de vie à Travemunde…
25 août 2012Petite habitude de cyclo-nomade, un contrôle visuel de l’engin avant le couché. Aïe, trois rayons de la roue arrière sont cassés ! Depuis hier je sentais bien un « truc » bizarre, mais les camions et ma volonté de traverser la Baltique au plus vite m’ont fait occulter l’évidence d’un problème. Frontal en tête et sac de secours, vélo-bricolage, étalé sur la pelouse, je tente l’aventure. Je démonte la roue mais je m’aperçois qu’il y a plus de dégâts que prévu, le disque du frein et le dérailleur sont voilés et je m’apprête à parcourir 2000km. Le boss du camping, Yan est encore à l’accueil, ici c’est le pays du vélo, il doit bien connaître un réparateur sérieux. Encore un élan de générosité, j’ai rendez-vous demain à 10h pour être convoyer au « cyclologue » ! J’en profiterai pour récupérer ; je ne suis pas en retard donc je n’aurai pas à cravacher pour rattraper cette imprévu. Discipline allemande, à 10h je charge mon vélo sur son camion. Le mécano est comme je les aime, pas trop parlant mais très observateur. A 13h il sera prêt. Effectivement je récupère mon compagnon de route révisé et prêt à nous porter toujours plein sud. Je glane quelques infos sur le pays que je connais mal. Le camping sauvage n’est pas toléré et les amendes sont fortes pour qui tenterai l’interdiction. Je suis curieux pour les routes, je n’ai pas du tout apprécié celle du sud de la Suède. On me rassure aussi, le pays est très bien aménagé en piste cyclable et j’y trouverai du plaisir à le traverser. La communication est plus facile, mon allemand est bien meilleur que mon suédois, malgré qu’il ne soit que basique, mais je suis heureux de pouvoir échanger plus facilement. La pluie est toujours au rendez-vous mais je n’ai pas envie quelle me gâche quoi que ce soit, j’ai un boulot à faire et je pédalerai vers la méditerranée. Un petit coin de ciel bleu serait bien sur le bienvenu mais je ne vais pas faire le difficile et prendrai ce que l’on me présentera. Dans mon journal de bord cela faisait un moment que je voulais vous narrer cet échange. Au petit port de Grisslehamn en suède pendant la partie kayak, j’ai été autorisé par des gens à planter ma tente sur leur vaste terrain. Dans l’après-midi il était venu avec de la famille et des amis me rendre visite. Un gamin accompagné nous rejoignait, son tuteur m’informait de suite que cet enfant était atteint d’autisme lourd. Cette pathologie plonge l’individu dans un monde si profond et personnel que personne ne peut communiquer avec. Mais voilà ! Le petit homme s’approche les yeux rivés au sol, jusqu’à me toucher, il remarque que j’ai une jambe artificielle. Son visage se lève, il rayonne et explose de rire, ce qui me fait extrêmement plaisir. Il prend son pouce gauche avec sa main droite et l’encercle avec ses doigts, il me le pointe en me regardant droit dans les yeux. Je m’empresse de faire la même composition et tout doucement nos deux pouces enfermés de mystère se touchent… Une fraction de seconde nos deux mondes pourtant si différents se sont croisés…
Voilà mes amis encore un bout de vie partagé. Je vais reprendre la route et chaque coup de pédale va me rapprocher de mon but. Des fois je me pose la question de ce qu’est ce but. Arriver en Corse ou comprendre les troubles de nos vies matérialistes, les deux j’en suis sur…
A pluche !
Au revoir Nils Holgersson, dis aux oies que je reviendrai, promis !
24 août 2012
La légende de ce petit garçon, parti avec les oies découvrir son pays la Suède, est inconsciemment la genèse du raid que je réalise Arcticorsica. Déjà plus de deux mois que je suis dans cette grande contrée, deux mois que je rêve les yeux ouverts. On m’avait promis mauvais accueil j’ai été reçu comme un frère ou un fils, je me doutais de sa beauté et j’en suis encore sous le charme. Ce matin je démonte mon bivouac, je ne suis pas sûr, mais je pense que c’est la dernière fois que je le ferai sur la terre de Scanie. Je reprends la route, je dois retrouver la nationale 108 qui me mènera à Trelleborg. Les voies rapides ici sont des coupes gorges à cyclistes, je tente de bien rester sur ma droite mais je sens les poids lourds me frôler, le seul reproche que je peux faire à la Suède c’est leurs routes du sud, de vraies roulettes russes. 10 km de frayeur, je roule cap au sud. Le Danemark est rejoint par un pont immense et les îles qui s’en suivent ne sont que des morceaux d’autoroutes interdites aux vélos. La seule solution le ferry. Après 50 bornes me voilà en train de pédaler dans le port de commerce le plus sud de Scandinavie. Le comptoir de la compagnie est vide, une dame me voit débarquer avec tout mon barda et comprend que j’arrive de loin. Elle est chaleureuse avec moi, mon voyage l’intéresse son mari est journaliste, elle lui en touchera deux mots, elle me prend une photo. Il est à peine 9h, elle me demande à quelle heure je veux partir ? Le premier s’il y a de la place. Ok il part dans 40’ !!! Incroyable, quelle coïncidence, moi qui croyais encore devoir patienter je ne sais combien d’heures voir de jour, me voilà sur un beau ferry pour une courte croisière qui me mènera en Allemagne. Le port s’éloigne, la Suède va devenir un souvenir, j’y ai souffert, j’y ai douté, pleuré mais qu’est ce que ce pays m’a envouté et appris. Les gens sont comme j’aime, rudes, directs et sincères. Pas de blablas, de causeries inutiles. Quand j’étais plus jeune j’avais une phrase qui irritait les latins, je te regardais droit dans les yeux et balançais : Parle utile ! Ici c’est le cas, la rudesse de l’hiver a rendu les gens dégourdis, proche de la nature. En deux mois à leur coté j’ai compris combien ils savaient apprécier le moment présent sans les futilités que développent la facilité des régions du soleil. Encore un clin d’œil de la vie le ferry s’appelle Nils Holgersson, une manière de boucler la boucle. Le voyage est loin d’être fini, j’en ai fait 3000, il m’en reste 2000 ! J’aurais mis 64 jours pour rallier le point le plus nord au point le plus sud de la Scandinavie, je n’arrive pas à y croire le départ de Slettnes me semble tellement loin. Un gros morceau m’attend, l’Europe continentale, je vais tenter d’avancer au mieux et de mettre en application tout ce que j’ai déjà appris… Mais vivons le moment présent. Merci à toutes les personnes qui sans me connaître m’ont apportées confiance, chaleur, soutien et amitié, tack så mycket. I’m a free man.
A pluche !
J’aime pas les autoroutes !!!
23 août 2012Le vent qui avait faibli hier soir est revenu en forme tôt ce matin. Comme je m’en doutais il est violent et dans le nez. Vu sa taille, du nez pas du vent il a de quoi avoir de la prise ! Je reprends mon chemin, une horreur, des camions les uns derrières les autres qui se dirigent vers Malmö pour emprunter le pont-autoroute qui enjambe la mer Baltique. Le cycliste unijambiste, râle, peste, rumine sa colère d’être au milieu de ces Mad max des routes, il est temps que je change de coin ! Un autre détail, le dénivelé revient, un truc de « ouf » ça ne fait que monter, plus le vent, il me semble reculer ! Un autre paramètre important, c’est que j’ai faim et mes rations sont dans le rouge. Va falloir trouver une épicerie ouverte, sinon je bouffe du koala !!! Mais non la mascotte, c’est une de mes expressions un peu rocambolesque ! Un immense hypermarché sur tribord, on jette l’ancre et je pars en reconnaissance. Je ne prends pas de panier exprès pour ne pas trop me charger, mais j’ai
la dalle !!! Je squatte le premier banc extérieur du magasin, enlève ma prothèse et me fait un casse croute pantagruélique ! Les passants font semblant de ne pas me voir, je dois être transparent mais ce qui est sur ce que je me rassasie. Repus, je reprends la route mais le vent lui ne fait pas de pause pendant 4h je me traine, je ne desserre pas les dents je veux et je dois avancer. Il me reste 10 km de voie rapide puis je reprendrai les chemins de traverse. Mais, les suédois si sympa, si accueillant, si éduqués négligent leurs infos route. La nationale que je dois emprunter est devenue autoroute, aucune indication, je suis au pied du mur. J’en ai les bras qui tombent, désolé Thierry, c’est encore une expression ! Bon va falloir réagir, à tous problème une solution. J’allume mon GPS, randonné et pas voiture, je suis sur qu’il doit bien y avoir un chemin de campagne pour rejoindre « ma » route ! Oui il y en a une, je me retrouve enfin dans la paix et la tranquillité, mais le goudron laisse place au bon gravier et ma moyenne en prend pour son grade. Je m’en fous j’avance dans le bon sens. Des pommiers, des poiriers et des pruniers avec les fruits à maturités et personne qui ne les ramassent, je ne me gène pas pour tout gouter ! 6h que ça dur les hostilités, je commence à sentir la fatigue, j’espère un coin paisible pour monter mon bivouac, mais les vaches et les chevaux foisonnent et ne me laissent pas trop le choix pour m’installer. 80km et je suis au bled de Dalby, je demande s’il y a un camping. A 60 km au bord de mer !!! Ce sera au petit bonheur la chance, je rattrape une vieille dame en vélo, on papote, plus jeune elle a traversé la Suède en vélo. Elle ne connait pas de coin spécifique, puis se rappelle une ancienne mine qui est devenue un petit lac, il y a des tables avec des bancs, elle me dit que si je suis discret personne ne dira rien. Et me voilà dans un coin paumé, je monte ma tente et pars à la salle de bain. Il parait que l’eau froide c’est bon pour récupérer, je vais être en forme demain, alors. Malgré tout cette baignade me fait un bien fou, je m’organise pour le repas de ce soir et celui de demain midi et vais vite sous la tente, un gros orage est en train de s’acharner sur nous. Encore 83km d’effectué, demain il ne restera plus que 50 km pour rejoindre le port de Trelleborg dernière étape suédoise.
A pluche !
Dans la boule de cristal je vois…
22 août 2012Ce matin je suis d’attaque, une journée complète sans pédaler ça requinque le rebelle à cloche pied. Le ciel est déjà très chargé, la météo nationale est en vigilance orange pour des raisons de forte pluie, ça tombe bien on est rodé ! Pour corser le départ, je tente l’autoroute qui me fera traverser la ville directement sans passer par le labyrinthe urbain où je vais certainement m’égarer. Il est 5H45 et je ne pense pas trouver grand monde. Pendant 8km je serre les fesses, si la police passe, va falloir ruser. Finalement, l’épreuve est réussie mais quelques faux plats montants me donnent du fil à retordre. Deux heures pour retrouver enfin une route plate, je mouline. Là bas au Sud-ouest le peintre badigeonne le ciel de noir, comme dirait la mascotte : « Chu sur que c’est de la peinture à l’eau ! Bien vu, y z’ouvre le robinet et ce n’est plus un vélo mais un pédalo. » Les camions qui nous frôlent nous estiment surement trop sec et nous envoient quelques belles giclées. Je suis motivé pour avancer alors, yakapedaler ! La moyenne est bonne, le sud se rapproche. Au bout de 75km, ce n’est plus de la pluie mais une cascade, les automobilistes nous encouragent, mais là je crois qu’il faut arrêter. Je trouve un camping désert, l’accueil n’ouvrira qu’en début d’après-midi, il n’est que 11h. En face de moi je vois une pauvre femme en train de batailler avec sa remorque toute neuve, son mari à l’abri sous un immense parapluie est tétraplégique. Cela ne pouvait arriver qu’à moi, trempé pour trempé je lui débrouille la situation. Elle a le passe qui donne accès au service salle à manger, coin repas et m’ouvre les portes du paradis. Je m’installe bien à l’abri et regarde la pluie inonder le pays. Je suis seul, style un peu yacht club britannique il y a un vieux sofa en cuir, je lui promets une sacrée sieste. Mais voilà, des femmes arrivent, je devrais dire des matrones. La communauté Rom est prise en charge par l’état et les campings leurs sont ouverts pour des prix dérisoires, plutôt qu’ils ne squattent des terrains vagues. Ici l’hiver peut-être fatal et le peuple suédois est très stricte, si bien que les allemands me paraissent un poil excentrique en comparaison. Donc ces dames débarquent, avec leurs toutous, deux pitt bulls ! Un poil tendu le cabochard. En deux seconde le coin calme et reposant se transforme en une hall aux poissons. Elles ne parlent pas, elles hurlent. L’un de ses mollos, me regarde du coin de l’œil, j’anticipe et me cale proprement avec la prothèse, ça ne loupe pas, l’enfoiré de clebs tente l’intimidation, je réagis avant qu’il ne comprenne. Un grand kaï kaï couvre le hurlement des gitanes. Sorry, i don’t now whats happen ! Elles ne causent pas anglais, moi je ne parle pas le rom ! Une grosse motte de beurre fond dans la poêle et des grosses tranches de lard enfument la pièce. C’est bon on s’arrache ! Elles auraient pu lire dans leurs boules de cristal que le corse solitaire n’aime pas le graillon et qu’il n’a pas trop confiance aux gamins qui viennent de rejoindre les cordons bleu grassouillets ! Dans la ligne de ma main je vois une belle et longue route qui va m’amener loin de ses fadas avant que je me retrouve en slip ! Le soleil semble jouer les troubles fête, je rigole en repensant aux « ladys » du camping, quelle différence avec le peuple suédois si calme, poli, soigné. Je fonce vers la ville de Hassleholm, mais pas de coin pour monter la tente, le ciel redevient noir, tient c’est pour la deuxième couche ! Je demande à un fermier où se trouve un camping mais il ne parle pas l’anglais, j’arrive à traduire qu’à deux kilomètres il faut que je tourne à gauche. Ok, mais rien du tout. Une grange vide, je mets le vélo sur béquille et pars en repérage, une herbe rase bien plate, un robinet d’eau douce, je suis au Novotel du coin ! Personne à l’horizon, je n’aime pas monter mon bivouac sans demander l’autorisation. Le vent devient violent, l’orage va exploser. Soudain, une jeune fille en vélo passe, elle ne m’a pas vu. Je l’interpelle en lui demandant l’autorisation, mais elle me dit que ce n’est pas un bon coin, les vaches vont revenir, elle me demande de la suivre. Devant chez elle un magnifique jardin avec pelouse, elle m’invite à y planter ma tente où je veux. Je suis gêné, je serai sous ses fenêtres. Elle sent ma réticence, et nous voilà partis sur une magnifique route en terre pour arriver sur une immense prairie. C’est une ancienne mine et les touristes, quand il y en a, peuvent la visiter. Il y a même un coin douche avec de l’eau courante. Nous discutons un moment, son projet va d’être l’année prochaine de parcourir en vélo Vienne à Prague. Cela faisait un moment que le milieu urbain me chagrinait, j’avais connu dans le nord du pays de très belles rencontres et depuis mon départ de Stockholm je ne me sentais plus trop dans ce voyage découverte. Ce soir je suis fier d’afficher un petit 130km et le souvenir d’une très belle rencontre.
Tack sa mycket.
A pluche !
PS : Jo Zef enlève moi ce foulard de sur ta tête, je n’ai pas envie que tu me lises les lignes de la main, mon destin est juste devant moi.
Repos et reflexion…
21 août 2012Pas de vélo, pas de kilomètres parcourus aujourd’hui, si je veux continuer il faut que j’apprenne à récupérer. Je vais essayer de stopper une journée complète tous les 6 jours, on verra si j’y arrive ! Le faire à la maison, facile, en raid c’est plus compliqué. Quand je n’avance pas j’ai cette sensation étrange de m’empêtrer dans les méandres de mes faiblesses, de ne plus pouvoir arriver un jour. J’ai organisé et expédié toutes les vidéos du périple en kayak, j’ai en ai eu les frissons mais en même temps c’est déjà si loin. Je suis à moins de 250km de Trelleborg, le port le plus sud de Scandinavie, de là le ferry me fera traverser le bras de mer jusqu’en Allemagne à Travemunde, mais c’est trop loin pour que j’y pense. Vivre le présent. Aujourd’hui je dois reposer ce corps qui amène mon esprit au bout de la terre, ce corps qui aurait envie de s’arrêter un jour ou l’autre mais mon âme, mon cœur veulent et doivent continuer. Des milliers de kilomètres à venir, des situations à gérer mais seul le présent compte. Je pense à mon train-train qui va m’attendre, les balades du week-end avec ma Vrai dans ce refuge planqué, les petites sorties vélo sur les belles routes corses automnales vides de monde, le tour en kayak jusqu’aux îlots protégés des Bruzzi, j’en ai des choses à raconter à mes copains à plumes. Mon deuxième livre va sortir le 18 octobre, serais-je déjà rentré ? Je ne veux pas y penser, je ne dois pas y songer. De belles choses m’attendent encore, je suis un privilégié de vivre ce bout de vie si intensément. L’effort quotidien me met en connexion avec un monde si beau, si fantastique, les muscles développent leurs énergies qui alimentent le cerveau d’ondes positives et je suis en « wifi » avec le sublime. Dans une longue montée où le corps travaille intensément je ne peux pas que penser à l’effort fournis, alors je me connecte avec « mon » au-delà. Chose absolument impossible quand je me retrouve noyé dans le confort et la routine bien douillette. La souffrance fait grandir, un thème repris par un grand nombre de philosophe. Comment apprécier une douche chaude si on a la possibilité de la prendre tous les jours, comment apprécier une présence s’il n’y a pas eu séparation. Un bout de mon corps, ma jambe, est déjà parti, peut-être un coup de bol pour moi. Une manière de me faire apprécier encore plus la vie. Chaque coup sur la tête n’est pas à prendre comme une punition mais comme un panneau indicateur. L’injustice n’existe pas c’est nous qui en créons la sensation, rien n’est juste ou injuste, c’est comme ça. Quand la route tourne c’est qu’il y avait un obstacle, je tente de faire pareil, ne plus riposter aux tirs, les éviter et les oublier de suite. Nous sommes tous tordus, car souvent notre corps prend le dessus. Notre âme est éternelle j’en suis convaincu, l’enveloppe retournera poussière. Waouh, je vous entends dire ! Non je ne pète pas un plomb, j’essaie de mettre par écrit ce que ces expéditions m’apportent. Bien-sur je règle des comptes avec ma vie interne, mais les réflexions font avancer, la fuite et le non-dit sont la gangrène de l’être humain. En ce jour de pluie à Växjö, je me repose car demain je vais me rapprocher encore plus de vous, de moi, d’elle. Le manque deviendra souvenir, le facile sera le quotidien et déjà le voyage deviendra projet… Être nomade n’est pas toujours simple, pourtant plier sa tente tous les matins pour l’incertitude a quelques chose de fascinant. Quand j’étais gamin j’étais le plus heureux quand on m’offrait ce grand cône de papier qu’on appelait à juste titre, surprise, je ne savais pas ce que j’allais y trouver, mais le rêve prenait mon destin en main…
En rentrant j’aurai envie d’écrire, d’écrire, décortiquer tous les flashs reçus. Analyser les méandres de la bassesse de nous, pauvre poussière… Vous voyez je commence.
Ce n’est pas l’arrivée qui compte mais le chemin qui y mène…
Prenez soin de vous, j’arrive, doucement mais j’arrive…
försiktigt försiktigt (doucement doucement)
A pluche !
Un braquage élégant !
20 août 2012Camping vide mais pas seul quand même ! Hier soir j’ai compté plus de 145 emplacements et seulement nous mais ce matin j’ai trouvé la mascotte en tenue de combat, Franck Festor serait-il dans les parages ? Jo Zef est sur le pied de guerre, il demande le renfort des commandos de marine et un soutien de la légion !!! Un détachement aérien est sur le point de décoller de France, le Porte-avion Charles De Gaulle fait route sur la Baltique… Un écureuil nous a déchiqueté le dernier sachet de noisettes qui nous restait !!! J’avais mal fermé la sacoche étanche et le « rappetout » profitant du calme scandinave nous a braqué nos friandises. Bon joueur, j’ai trouvé sa tanière et lui ai déposé le contenu du sachet, l’hiver va vite arriver et ce petit présent lui donnera un coup de main… La mascotte boude ! La pluie est proche mais je veux faire route sud. La forme revient doucement, la longue journée d’hier ne m’a pas trop affecté, les bobos s’atténuent, la selle et mon séant s’entendent un peu mieux. Tient, il pleut, cela faisait longtemps. Le dénivelé revient, je sais que cette étape sera encore de « montagnette » à gravir. Je fais mouliner mes jambes, je tente le vide dans ma tête. Le seul village croisé aujourd’hui s’appelle Korsberga. Si l’on traduit cela pourrait signifier la montagne Corse !!! Mais pas le moindre vieux sur un banc, pas de fromage explosif et encore moins de tag FLNC (Frank Le Nouveau Cycliste). C’est ma première pause café, je suis en corse alors je m’autorise quelques canistrellis, les derniers. Deux mois que je les avais préservé mais aujourd’hui cela s’impose. Une nuée de moustiques s’acharnent sur mon mollet gauche, j’imagine aisément un jumelage de Korsberga avec Porto-Vecchio, l’été on pourrait échanger les « zinzalis corsés » avec des « mosquitos suédois » !!! Je poursuis ma route. Ah non, mais c’est la journée, le lieu dit se nomme Milletholm !!! Millet étant la première partie du nom de famille de Véro. Il ne manque plus qu’une C1 blanche avec un autocollant Bout de vie pour que je m’évanouisse. Je monte, je descends, je monte, je descends, un coup à choper le mal de mer. Je bifurque sur Väjxö, un faux plat descendant me permet pendant 8’ avec le vent dans le dos d’avancer à 32km/h, je suis euphorique, c’est simple le bonheur. Des lacs et encore des lacs, une auberge en bordure de l’un d’eux, c’est l’heure de mon deuxième café, et s’il y avait un expresso ? Je mets sur béquille le vélo et tente l’aventure. Bien-sur monsieur, me répond une charmante serveuse avec une tarte aux pommes fumante sortant du four dans ses mains. Soyons fou, une grosse part m’est servie avec de la crème et une boule de glace à la vanille. Je fais gaffe, Jo Zef et Norra dorment dans le sac étanche, l’odeur pourrait réveiller les fauves et ravager les pâtisseries en vitrine. Je prends mon temps pour déguster ce bonheur, assis sur une terrasse en bois, le soleil tente une échappée et moi je retrouve la joie de vivre. 80km et je monte la tente en bordure d’un lac sur la commune de Väjxö, le vent la pluie se déchainent, je m’endors dans mon abri de toile, quoi qu’il en soit demain je ne serai pas en mer, pas de houle résiduelle, pas de courant dangereux, juste du goudron et du rêve…Qu’est ce qu’il a fait le septième jour le constructeur ? Il s’est reposé ! Demain j’en ferai de même, 550km en 6 jours pour une reprise s’est pas mal.
A pluche !