
Élodie, princesse de son destin...
Le destin ; je crois que cette maxime en résume l’huile essentielle : « Donnez-moi la sérénité d’accepter ce que je ne peux changer, le courage de changer les choses que je peux changer, et la sagesse d’en connaître la différence.»
Ce week-end je suis sur la Côte d’Azur pour la signature de mon dernier livre et l’animation de la VIéme nuit des associations de Monaco. Menton j’y suis né, j’y ai vécu 29 ans, c’est là que tout a commencé. Dés notre naissance, des chemins différents se présentent à nous, celui qui nait en terre de paix ou de guerre, en bonne forme ou déjà estropié, de famille aimante ou par hasard… Je reste convaincu que dés le premier jour notre « road book » est déjà tracé, à nous d’en avoir les épaules assez costauds pour le suivre. L’enfance se déroule et les premières ornières nous barrent le chemin, dans mon cas le destin m’a amené dans les meilleures conditions pour partir sereinement. Un proverbe arabe dit : l’on ne doit pas juger un arbre sur ses racines mais sur ses fruits. Puis les « autres » croisent nos routes, cela fait des milliers d’années que nous nous rencontrons, une fois ami, une fois famille, une fois serveur puis servi, ami, ennemi, nous nous revêtons d’un corps de simple chair et de faiblesse pour poursuivre notre élévation, notre apprentissage. L’éducation, la religion, la géographie, la politique tissent nos destins, l’acquis soudain devient cendre, l’impossible éclate en vol, le chemin tant espéré se dévoile alors qu’on le croyait perdu. Il faut avoir le courage de se prendre en main de se regarder dans un miroir en cherchant ses zones d’ombres. Cette signature sur ma terre natale m’a fait revenir aux sources, la librairie n’était pas assez grande pour contenir « mon destin », de la maternelle au jour de mon départ, toutes les tranches de vie étaient présentes… Un journaliste m’interview longuement, il ne me connait pas mais l’agence de Nice-Matin n’est faite que de connaissances, l’un d’eux est un grand ami qui fut témoin de mon feu mariage, il a dû lui causer beaucoup et avec précision de son « client ». Je sens en lui énormément d’attention, le mot destin revient, il est bien renseigné sur mon « bout de vie », le côté obscure n’a pas été épargné, c’est ça la vraie amitié, ne rien louper. Pourquoi cet engagement aussi extrême, pourquoi la mort omni présente : seulement l’amputation ? Je ne peux cacher le pourquoi de cette question aussi importante, la perte de ma jambe, certainement un peu mais surtout la déconnection avec mes géniteurs. Mon destin est un choix de vie qui m’a fait prendre des décisions très engagées, ce reproche je l’entendrai jusqu’à la fin de leurs vies, alors nous avons coupé court, peut-être c’est moi peut-être c’est eux, je ne leur en veux surtout pas ; plus, je devrais dire. Ma dernière expédition qui fut très longue m’a enfin libéré de mes démons, je sais que je leur dois tout, je dois encore les aimer mais j’ai dû pratiquer l’ablation pour me sauver, j’ai amputé ce membre trop douloureux qui me détruisait à petit feu. Pourquoi le dévoiler en public ? Pour me libérer une fois pour toute, la région sais, j’ai crevé un abcès, je n’ai rien à cacher et je le prouve. Volontairement j’ai occulté l’une des causes de cette zone obscure ; je me suis séparé d’une femme qui était mon épouse, non pas que ça ; elle était enceinte !!! Ce dernier détail je ne l’ai pas dévoilé à la presse, alors je sens la lame de fond, me répétant en boucle que je vous cache la vérité. Oui une casserole à trainer mais 13ans après je ne regrette rien, je n’ai pas à le claironner ni en être fier mais ce choix ne regarde que moi, j’ai eu des raisons profondes et absolument aucune personne au monde ne peut et ne doit s’en mêler car c’est mon destin. Vous voyez votre serviteur des mots écris par ses maux, j’avance je suis ma route, je peux me retourner mais c’est loin tout ça, j’avance en boitant mais avec mon propre rythme. Le photographe me fait aller sur la plage, je me souviens c’était hier, une copine attentive qui cherche ma deuxième chaussure et réalise que son pote est un unijambiste pas encore appareillé. La librairie est une fourmilière, on s’embrasse, on se rappelle, ce n’est plus une signature mais bel est bien un retour dans nos histoires. Le destin laisse des traces des cicatrices, sorte de mausolées de nos passés, je ne rougis pas de ce que je suis devenu, quand il y a de l’ombre la moindre chandelle nous éclaire, ne pas confondre : Donner et offrir, prendre et recevoir, entendre et écouter, parler et dialoguer. Notre destin n’a qu’un moteur, la remise en question quotidienne. Le fleuve qui croise un obstacle l’évite, de temps à autre une berge s’écroule mais ce n’est pas grave, le limon créera une plage en aval dans un endroit qui était inaccessible. Le destin ne s’arrête jamais, il ne peut pas, ce n’est pas le temps qui passe mais nous. La nuit des associations monégasque 6éme édition va démarrer, j’ai mes fiches, mes invités, la présidente de table, la princesse du soir, Elo. Son destin lui a fait un sacré pied de nez mais elle est là, bien vivante. Le protocole comme d’habitude en prend pour son grade, mais je tente d’imposer l’émotion dans cette soirée, un ministre ou un maire ca peut se confondre, non ? La salle rit de mes gaffes, mais là encore le destin rode, Monaco n’est pas une terre inconnue, nombreux sont les regards présents qui m’ont vu grandir et connaissent beaucoup de ma personnalité, même les zones d’ombres. On s’étreint, on se sourit, on sait, je ne peux oublier. J’ai un texte un peu particulier, SAS le Prince Albert II a écrit un mot que je dois lire pour décorer une dame décédée il y a quelques jours, elle recevra à titre posthume une décoration pour son engagement associatif, c’est son mari qui me rejoindra. Il ne peut parler, je le serre contre moi, lui chuchotant deux mots, il prend la parole. Les 700 invités sont silencieux chaque table a sa bougie qui scintille pour nos disparus. J’ai préparé un petit texte pour Elo, lu rien que pour elle, la salle est encore une fois silencieuse, le destin ne fait pas de cadeau, la soirée se termine de façon festive, le destin n’aime pas les fins tristes…
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Aussi étroit soit le chemin,
Nombreux les châtiments infâmes,
Je suis le maître de mon destin,
Je suis le capitaine de mon âme.
Extrait du poème de William Ernest Henley. Invictus