Je n’avais embarqué qu’un seul livre pendant ma « ramerie » océanique, Arktika de Gilles Elkaim. La houle semblait jalouse de la passion que je prenais à décortiquer le récit des quatre ans à pied, en kayak, en attelage de rennes et de chiens, que ce grand explorateur avait vécus en rejoignant le Cap Nord en Norvège au détroit de Béring en Russie, elle me le faisait durement payer. Quelques mois après, certainement grâce un peu à ce récit je jouais à mon tour le nomade du Grand Nord, je bricolais avec quelques russes pour effectuer le dernier degré du Pôle Nord. Aie je mords à l’hameçon, le reste vous le connaissez. Dans mes rêveries je projetais une rencontre avec Gilles, mais est ce que deux coups de vent peuvent se croiser ? Difficile ! Eté 2011 je suis en repérage en Laponie avec Véro, j’étudie la faisabilité d’Arcticorsica. Dans la région du lac finnois d’Inari, je me souviens que Gilles y avait construit une cabane où ses amis à quatre pattes d’aventure Arktika séjournaient. Nous trouvons la kotta, mais il n’est pas là. Nous lions d’amitié avec Gladys son assistante, et restons quelques jours. Je prends en charge les taches physiques, Véro apprend beaucoup de la vie en milieu polaire. Je me promets de repasser un jour… Juin 2012, je suis en route pour ma longue croisade Arcticorsica, j’ai formé une équipe logistique mais je me suis trompé de candidat. Je devrais dire que se sont plutôt eux qui se sont trompé d’histoire, ici ce n’est pas du virtuel, pas de clique quand tu te trompe, mais plutôt une claque ! Gros coup de colère de ma part le matin, si je suis intransigeant avec moi-même pour arriver à bout de mes aventures je demande à ceux qui s’approchent d’être juste un peu à la hauteur. J’avale ma salive et sur ma journée de repos j’amène mes apprentis au camp. Gladys n’est pas là, zut, décidément ce n’est pas un bon jour. Prêt à repartir, une gamine me demande d’attendre car elle va appeler Gilles. Quelle chance le blizzard va croiser le libecciu ! Des points communs nous devons en avoir et je sais que ce sera une grande rencontre. Gilles est au milieu de son « monde », ses chiens et la nature des grands espaces. Les présentations étant faites je sens que les jeunes filles au pair ont une demande dans leur besace. Mon nouvel ami ne cache rien, et leur propose de soumettre leur requête en public. Elles ont répondu sur le net à un formulaire pour être « apprenti polaire ». Nourries, logées, elles sont là pour être initiées aux rudiments d’une vie avec des chiens de traineaux. Elles sont comme sur des œufs, l’une d’elle se lance, mais Gilles en connait déjà les tenants et les aboutissants. Elles bossent dur c’est ce qu’elles disent et respectent les tâches qui leur sont demandées mais elles attendent de la reconnaissance de leur boss ! La vie à Arktika est rustique, mais cela est précisé dans leur contrat, vie de camp rude pour apprentissage de l’existence de « nomade polaire », elles ronchonnent, elles veulent être valorisées, puis une connexion internet leur faciliterait la relation avec leur amis « facebookien » si loin! Gilles les laisse finir, il sourit et en deux phrases les remet gentiment en place. Pendant quatre ans il a appris seul la vie extrême de ses contrées qui ne pardonnent aucune erreur, il a eu peur, il a eu froid, il a eu faim et pas une seule fois la glace, le vent, les ours, les peuples croisés lui ont offert compliment. Il savait qu’il était apprenti et que seul lui devait savoir si ce qu’il avait fait été bien ou pas. Les deux jeunes filles ainsi que mes deux jeunes hommes partiront ensembles soigner les cinquante chiens du camp, un grand silence qui en dit long. Je suis invité dans sa cabane, il prépare un thé accompagné de quelques biscuits. Petit refuge, mais très bien organisé, je retrouve la rigueur que je m’efforce d’avoir sur mon bateau et ses 6m² habitable. Nous ne sommes pas des intermittents de la vie d’aventures c’est notre quotidien qui est ainsi fait. Pendant que l’infusion réchauffe nos mains je découvre le nouveau rêve de Gilles, un voilier en aluminium pour explorer les mers polaires. Ses yeux brillent, un enfant va voir le jour, il en est le géniteur, il ne connait pas trop sa « mer », mais peu importe une vie lui suffira pour en caresser ses formes. Le nom des étendues salées sont aussi prestigieuses que destructrices. Nous échangeons, nous sommes en connexion. Il cherche un truc en plus pour apporter de l’étoffe à cette future exploration, je lui soumet quelques « différence » comme passager clandestin … En attendant le grand départ 2014, le voilier polaire est prêt à recevoir été 2013 des passagers pour endosser avec un peu plus de modernité les rôles des anciens conquérants de la route du Nord-Ouest. Si l’envie vous frôle l’esprit embarquez le prochain été à bord du voilier Arktika et bonne mer… Ici le programme…
A pluche