Une journée de forçat de plein grès…

24 juillet 2012
Immaqa explorateur de petit paradis...

Immaqa explorateur de petit paradis...

Çan’a pas arrêté de la nuit, au fond de moi j’essayais de me raisonner. Si c’est trop fort on ne part pas, et puis c’est tout ! 4h30 cela fait un moment que je tourne dans mon duvet, je sors et traverse les 20mts d’île pour voir la mer. Le sud est encore là, 20 à 30km/h, c’est bon je ne pars pas ! Je rentre dans mon refuge, tout est bien rangé comme d’hab, il ne me reste que le duvet et les matelas de sol à plier pour être paré ! Et si je tentais jusqu’à la prochaine île en face, 6 petits kilomètres. Ok, mais si c’est trop dur on fait demi-tour. 5h30 je contourne la pointe de « mon » île et prend cap au sud, c’est un peu sportif mais ça passe pas trop mal, j’ai envie de crier ma joie d’être sur l’eau, alors je hurle !!! Fada, le mec, oui, mais juste un peu ! Deux heures pour atteindre les voisins, encore et toujours un magnifique endroit. J’en profite pour une pause, je me mouille les avants bras, l’eau est bien glacée, elle doit faire à vu de nez 14°. Puis j’essaie l’île d’en face, si j’y arrive ce sera le continent et plus le large.
Encore deux heures, je ris, je parle à haute voix, je chante. C’est dur mais cela a un sens, je suis vivant. Je l’annonce aux sternes arctiques qui me survolent, elles braillent un coup, elles aussi sont belles et bien en vie ! Un autre break. Et un café avec des canistrellis, je m’étire, je respire profondément et reprends ma route. Après le cap, j’arrête, trop dur le sud qui freine mon chemin ! Je déjeune et m’accorde une micro sieste, je m’écroule littéralement, 15 ‘ et je sors du coma, pour être de nouveau  d’attaque. Et si je tentais en face, ce n’est pas trop loin et puis il est un peu de travers le vent, pas trop, mais quand même. Ok, 9 heures que ça dure, prochain bon coin j’arrête ma « kayakerie ». Un truc que tu ne vois que dans tes rêves, une passe de 60 cm de large qui donne sur un mini lac truffé d’oiseaux. Plus un bruit, plus un souffle, je vais jusqu’à son extrémité et pars à la
recherche d’une bonne planque pour monter notre bivouac. Des millions de fraises grosses comme des cerises, les premières framboises. Le rêve, non ? Au secours, c’est un repaire de taons, des dizaines qui viennent bouffer du corse en vadrouille. Je dois battre en retraite et vite m’enfuir, encore une dernière rafale de grosses fraises et taïaut !!! Je râle, je commence à sentir un peu de fatigue. Bon je n’ai plus le choix, faut avancer. Encore un cap et il y a une baie très fermée mais en plein vent, ça devrait calmer les suceurs de sang. Enfin j’arrive, je pose Immaqa, trouve une minuscule place pour monter la tente et savoure cette incroyable journée de labeur-bonheur ! Pour finir en beauté je me baigne dans cette eau revigorante qui me fait oublier cette journée de forçat.
Mesdames et messieurs les compteurs, 30km contre le vent.
A pluche !

Croquer la Vie !!!

23 juillet 2012
Aujourd'hui le vent avait l'accent du sud !

Aujourd'hui le vent avait l'accent du sud !

Hier en arrivant sur cet îlot perdu je m’y suis de suite senti bien. Physiquement je suis en pleine forme mais mentalement j’avais besoin d’une vraie coupure, les deux derniers caps franchis m’ont usé. Je ne disais rien mais n’en pensais pas moins. Le sud complice de la mer de Botnie m’ont fait ce cadeau : m’empêcher de reprendre la mer ce matin. Une île sans cabane, sans personne, moi et la nature. 4h44 je sors de mon refuge de toile, Immaqa est bien amarré et la bâche le protège de cette forte pluie. Un coup d’œil vers le sud, les moutons sont déjà au rendez-vous. Je repars me coucher. 6h38 le « sms météo » de Véro arrive, je ne regrette rien. Je paresse, ça fait du bien. 7h petit dej et enfin la pluie cesse. Je repars à la « chasse » aux fraises ! Des myrtilles seront dans mon axe de tire, pas de quartier ! Une journée de repos sans forcer le mental, sans remise en question permanente. Je m’occupe de moi, décrassage, lavage des affaires. Je trie les sacs étanches de nourriture et attaque un bon ménage de mon Nautiraid. Je vis au ralenti, je discute avec quelques sternes toujours aussi curieuses. Je me confie à la mer, je jette un coup d’œil au cap dépassé hier, ça ne doit pas être bon aujourd’hui en kayak là-bas ! Je me remémore le parcours déjà effectué sans me prendre au sérieux. Je déplie la carte de Scandinavie, ça fait un bon paquet de kilomètres déjà, je suis un peu fier, mais je sais que le dois aussi beaucoup à la chance. Je visualise la route qui me reste à faire, je serais plus protégé, plus d’îles et beaucoup moins de grandes traversées !?! Je ne suis plus qu’à 150km de la mer Baltique, l’eau jusqu’à présent presque douce prend un gout plus salé et surtout, oh désolation, plus souillé. En 700km je n’ai pas vu un plastique, un déchet aussi bien sur l’eau que sur les rives. Un coup de chapeau aux limitrophes de la mer de Botnie. Les finlandais et suédois ont une rigueur implacable et leur mer est vierge de toute « saloperie » en plastique. La Baltique, elle, est bordée de pays de l’ancienne URSS et le rejet en mer n’est pas un problème, les usines n’hésitent pas une seconde à  vidanger leurs cuves en mer. Le phoque gris est en train dedisparaitre et le poisson se raréfie. Voilà un point que je me dois de dénoncer. Une fois de plus l’homme ne réalise pas à quel point notre survie ne tient qu’à une seule règle, protéger son environnement sinon nous disparaitrons. L’arbre doit exister depuis environs 250millions d’années, l’homme depuis combien d’années ? Je souris une fois de plus à quel point nous nous prenons pour l’être suprême et indispensable. Une forêt qui meurt c’est un peu de notre avenir en moins. Les natifs Nord-Américains disent que la terre ne nous appartient pas elle nous a été prêtée par nos enfants. Vous voyez je pars dans mes réflexions, pas de parasite pour m’aveugler, je suis, donc je pense ! Le soleil revient nous voir, ici il n’est que de passage. Le feu me réchauffe et le vent siffle, et si je lui jouais un air d’harmonica ? Demain ? Je ne sais pas, c’est trop loin ! Maintenant c’est mieux. Hier ? Je ne m’en souviens déjà plus ! La vie est plus forte que tout, une seconde de perdue, c’est une insulte à celui qui nous a offert ce bref passage sur terre. Vivons dés maintenant. Dieu que c’est bon de respirer, de rire, de pleurer. Merci la vie, promis je te croque en entier !
PS : A chaque fois que je ne prends pas la mer, Véro m’envoie vos messages de soutien. Un grand merci à vous tous fidèles amis et lecteurs, je suis très touché. Un grand merci depuis le grand Nord.

Immaqa cap hornier en quelques sortes !

22 juillet 2012
Juste aprés le premier cap, le calme est encore là, mais pour longtemps!

Juste après le premier cap, le calme est encore là, mais pour longtemps!

Toujours au sud encore et toujours. Là-bas le grand cap Hornlandet m’attend, il semble de bonne humeur, une légère brise m’y conduit. 3h pour parcourir les 14km, je suis dans ma moyenne ; je le découvre, imposant, rugueux, un coin qu’on a vite envie de passer. Une grande ligne droite m’attend et pour l’instant le vent a toujours envie de m’aider. Je me crois sorti d’affaire mais cette immense péninsule comporte un second cap à son extrémité sud ! Je suis à une encablure ou deux de sa rive, des bois flottés sont montés à plus de 6mts sur la plage de gros galets. Les tempêtes doivent être méchantes, pas bon pour un p’tit kayak rouge ce coin là ! Je scrute l’horizon, je vois une barre bleue foncée s’approcher, aie ! Une risée de sud surgit, rien de méchant mais va falloir augmenter le coup de pagaie, 15’ plus tard une deuxième barre je comprends que je m’approche d’un coup de sud. La brise fraîchit et il me reste 4km avant d’arriver au bout du cap. La mer se creuse, je ferme tout, de manière précise, je courbe l’échine et m’applique sur les pagaies, la moyenne baisse, mais pas le moral. Deux heures pour arriver à bout de ce promontoire. Je ne peux bifurquer de suite le ressac est trop fort il faut que je le prenne large. Finalement je vire tribord avec la trouille au ventre que les vagues  traversières me fassent chavirer, je pousse fort sur les pagaies. Je lève la tête et m’aperçois soudain qu’à 500mts de là il n’y a presque plus de vent !!! Je trouve une échancrure et m’accorde une pause casse dalle. Une plage de sable immense et personne. J’aperçois un panneau, le 6 octobre 1912 a eu lieu un naufrage à cet endroit, une stèle est érigée mais tout est écrit en suédois ! Je poursuis ma route là-bas un trio d’iles nous tend les bras, je suis sur qu’on va y trouver une bonne planque. Après 9h de route nous voici enfin bien à l’abri, une toute petite crique, ronde comme une poêle à crêpe nous attend. Je sécurise Immaqa et va à la recherche d’un terrain plat pour monter la tente. De là je vois le grand cap Hornlandet, que ce fût arasant, mais c’est déjà du passé. Immaqa est cap hornier en quelques sortes ! Je monte le camp en m’interrogeant sur ce calme soudain, une fois tout calé, nettoyé, rangé, je m’offre une profonde sieste, un fort vent de sud me réveillera. Heureux de ses 32km de parcouru, notre ile est très protégée et quoi qu’il arrive on sera super bien ce soir.
Je pars ramasser du bois sec quand j’entends Norra hurler à Jo Zef : jordgubbar, jordgubbar !!! La mascotte la hache à la patte par à sa rescousse : Le retour des Viking, une tentative de kidnapping ???  Non des tapis de fraises des bois, des monceaux. Ce soir « myrtille sur la crêpe » (expression de Jo pour cerise sur le gâteau !) fraise au dessert !!!
A pluche !

Le mental, toujours le mental…

21 juillet 2012
Un repos bien mérité !!!

Un repos bien mérité !!!

Il est 19h30, toutes mes taches sont faîtes. Je suis épuisé mais heureux d’être là, heureux d’avoir su une fois de plus surmonter la montagne qui se dressait devant moi. Je n’ai plus rien à faire je suis allongé avec la brise qui me caresse et le soleil qui me réchauffe. La mer de Botnie commence à me connaître, on discute, on se confie, elle est redoutable mais si courtoise. Je peux enfin me laisser aller, me relâcher, je commence à m’assoupir je me remémore cette longue, longue journée.
Bien abrité par la forêt, le bruit sourd du vent rasant les cimes des arbres m’a bercé. Ce matin c’est le retour au boulot, mais le vent de Nord-ouest est encore violent par rafale soudaine. Je vais faire l’indien et pagayer en rase cailloux. Effectivement là-bas au large vers la Finlande ça moutonne, plus je descends plus une longue houle de nord me pousse, mais bien sur il y les baies à traverser. Pas des golfes énormes mais des échancrures assez profondes pour lever une mer sportive ! Je n’avance pas comme je voudrais, je suis en bas de la vague si j’osai cette expression, la cote est longue à n’en plus finir et son côté monotone me mine l’esprit. Je n’arrive pas à décrocher, je reste figé sur cette ligne droite. Je travaille le mental, m’invente des belles histoires mais rien à y faire je suis en bas ! 5h de route pour enfin trouver un changement, je passe un cap et bifurque vers une petite île, je me cache au milieu des cailloux sans pouvoir descendre du kayak et me fais un café. La stabilité du Nautiraid me permet de me retourner et de me mettre à genou dans son trou d’homme. Je m’étire, je mange quelques canistrellis et essaie de faire de la respiration. Je reprends la mer mais je suis lourdingue, j’ai l’impression que je n’avance pas. Encore un golfe un peu plus important, allez c’est pour la deuxième couche, vent de travers, vagues qui déferlent etc etc ! Enfin un chapelet d’îles me barre la route, je vais y faire ma pause déjeuné. Et si je m’arrêtais là ? Je mange tranquillement, une fois de plus le lieu est somptueux mais aucun replat pour mes 4m2 de tente, rien à y faire ! Je reprends mon chemin, magnifique, extraordinaire, le coin est une fois de plus une carte postale. Puis le cap Hornlandet apparait. C’est là que je dois passer demain, la force me revient, l’énergie aussi. Je me laisse glisser entre deux cailloux et réalise qu’entre ce cap et nous il y a un arrêt possible. Le vent sur ce coup là est dans la bonne direction, alors je tente. 7 km et c’est sur je m’arrête. Le vent est un peu plus régulier et se cale autour des 10, 15 nœuds, je tente mon joker, le cerf-volant ! Il part au premier coup et surtout il est orienté juste au bon cap. J’avance comme un matelas de plage qui s’est envolé d’une anse ventilée ! Je navigue à 7km/h, la mer n’est pas trop formée, une petite heure pour rejoindre cet abri. Je beach Immaqa y trouve un coin presque convenable et retrouve enfin la paix et la sérénité. Une journée qui me permet d’énormément progresser mentalement. L’effort est le même mais c’est l’environnement, les données psychiques qui changent, alors c’est à moi à dépasser ce cap et à trouver du réconfort pour pouvoir établir une belle journée de kayak. 42 km de réaliser !!!
A pluche !

Un bout de repit…

20 juillet 2012
La mer de Botnie m'apprend à conjuguer le verbe "vivre"...

La mer de Botnie m'apprend à conjuguer le verbe "vivre"...

J’ai eu beaucoup de mal à dormir, régulièrement des cygnes se sont pris pour des « Castafiore » en poussant des hurlements que je n’avais jamais eu l’honneur et l’horreur d’entendre… 5h30 je file au milieu d’îlots somptueux. Un premier « bébé » golfe de 900mts à passer avec un très fort vent de travers, quelle chance d’avoir réussi cette longue navigation hauturière hier. Le deuxième à peine plus long m’affirme qu’aujourd’hui cela aurait été du suicide, ma cavalcade vers le sud a payé mes efforts de gladiateur. Finalement je suis dans l’axe du vent qui prend de la force,  un sms de Véro qui m’annonce un bon coup de Nord-ouest pour ce soir. Il m’est impératif de trouver un bon abri, je pagaie quand la carte me fait deviner une succession d’anses, à la dernière, une me semble si belle que je fais l’effort de changer de cap.
Je suis sur le cul, pardonnez moi l’expression mais alors là c’est du rêve. Sur l’onglet « Mon parcours en direct » vous pouvez zoomer google earth sur ma dernière position et apercevoir ce paradis. Je beach Immaqa et commence un dialogue de fou : Si tu ne reste pas là aujourd’hui, tu loupes ton voyage, rien ne sert de courir comme tu le fais ! La voix maligne répond : Avance Frank, aujourd’hui on peu péter le record de 50km avec ce vent dans le dos !!! Je deviens dingue, j’envoie tout balader, je reste. Le temps de monter ma tente, je marmonne dans ma capuche ; puis quelques rafales rasent la canopée de la forêt qui m’abrite et je me sens mieux, 600km en 21 jours, jamais je n’aurai parié une crêpe sur cette distance, alors j’apprécie, je me pose écoute le vent, happe le silence et vibre avec la mer de Botnie. Au programme : coiffeur, pressing et restau !!! La forêt de pin qui m’encercle embaume mes sens, je me prends pour une lavandière, sur un caillou plat je frotte mon pantalon qui lâche son noir comme le ferait un calmar apeuré. Pour les cheveux c’est plus technique ! Je n’ai comme ciseau que celui de mon couteau multifonction et il me faudra beaucoup de patience pour un rasage parfait. Au restau du midi omelette de chanterelles, tartine à volonté de fromage  et en dessert une assiette de myrtilles en compote.
Pour m’endormir à la sieste la radio FM fredonne mon air préféré du moment : Melissa Horn (faire le lien ou avec une vidéo ou son site comme tu le veux). Des oies et canards ont du sentir le coup de vent et ils sont venus se mettre eux aussi à l’abri.
Puisque j’ai le temps, je vous partage ce que je lis en ce moment : ..//.. La pluie qui tombe sur la terre asséchée n’est elle pas une chose extraordinaire ? Elle nettoie les feuilles et rafraîchit la terre. Je crois que nous devrions tous nettoyer notre esprit complètement, comme la pluie nettoie les arbres, car il est lourdement chargé de poussière accumulée au fil des siècles, de la poussière de ce que nous appelons la connaissance ou  l’expérience. Si vous et moi réussissions à nettoyer notre esprit tous les jours de la veille, chacun de nous aurait alors un esprit frais, capable de faire face aux nombreux problèmes de l’existence..//.. J.Krishnamurti
A pluche ! Jo Zef et Norra ne se lâchent plus !!!

Il pleut sur Nantes…

19 juillet 2012

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La météo m’autorise à tenter encore une grande et longue traversée, depuis mon bivouac au cap Björkön, il y a 20 km tout droit plein Sud-SudEst. Je me cale dans Immaqa, une dernière vérification visuelle que tout soit bien fermé et étanche et nous prenons la mer. La forte brise de Nord-ouest est déjà là, nous sommes deux à être matinaux. Je pagaie au milieu de quatre îlots qui créée une sorte de dépression dans la ventilation du golfe ce qui me donne de violentes rafales assez inédites. Au passage de chaque caillou les vagues la contournent et viennent lécher le tribord de mon kayak. J’essaie par trois fois d’envoyer mon cerf-volant mais le vent est trop irrégulier et il ne peut s’envoler, je rage, je peste contre ces maudites perturbations. Au dernier îlot je peux un peu me protéger et lire le dernier bulletin de prévision météo, ça me rassure dans ma décision de couper tout droit.
Les sms de prévision marine de Véro comporte toujours un petit mot d’encouragement, ce matin j’en ai encore plus besoin que d’habitude ! Je sors de sous le vent de l’île et m’installe sur mon cap à suivre ; le ciel est bleu azur mais le vent du nord me glace les os. Pour l’instant c’est un ouest et non un nord-ouest annoncé qui me décoiffe et je suis ballotté par ce vent tribord arrière, le clapot devient déferlant ! Je tente de scruter l’horizon et suis convaincu qu’il prendra quelques degrés pour être à ma convenance. J’essaie avec calme et tact d’envoyer le cerf-volant, sans les turbulences créées par les îles, il s’envole dès le premier coup. Je ralenti un peu ma cadence mais ma vigilance s’accrue, les séries de déferlantes augmentent. Malgré le vent je retire ma capuche pour mieux entendre et sentir arriver les murs d’eau dans mon dos. Je n’ai pas peur, je n’en ai pas le temps et ce n’est surtout pas le moment de cogiter, j’y suis, je dois gérer. Je sens que je dois augmenter la vitesse du kayak, il faut qu’il reste dans l’axe des rouleaux qui nous doublent, si l’on se met en travers, c’est échec et mat. Je compte mes coups de pagaies, 60 à la minute, je ne sais pas si je vais tenir longtemps, mais ce qui est sur c’est que l’on va très vite. Une heure et je devine le passage du cap, j’arrive dans une zone
où il y a des hauts fonds, la carte mentionne 0,6 mts ! Je force l’observation tout en gardant le cap et la cadence, soudain à mon bâbord, je vois les roches affleurer, elles sont loin de moi, le courant est plus fort que je ne pensais. Deux heures de lutte fratricide, je ne suis toujours pas fatigué, le stress stimule mes glandes qui sécrètent de l’endomorphine, je serai fatigué une autre fois ! Le cap n’est plus très loin, trois heures que je mouline, je m’habitue, je suis plus à l’aise, Immaqa est un sacré kayak, je n’en connais qui ne tiendraient pas dans une mer aussi hostile, je m’y sens bien, un vrai ami sur qui je peux compter. 10h je double le cap Björkön, je suis enfin passé, je rentre doucement mon cerf-volant et savoure la paix d’une eau calme, malgré quelques rafales rebelles j’entends le vacarme de la houle qui s’écrase sur les hauts fonds du cap. Je me retourne pour mieux voir, je ne vois même plus d’où je viens, je ne m’en rappelle plus, je ne sais plus c’est déjà loin tout ça. Je ne sais pourquoi mais le refrain de la chanson de Barbara me vient en tête, et sans trop me rappeler les paroles je fredonne l’air de : « Il pleut sur Nantes ». Fatigue, fin de stress, passé qui ressurgit, en même temps que les mots sortent, je me mets à pleurer. I’am a free man.
Je longe à l’abri du vent et de la houle une côte sublime, des petits îlots couverts de forêt, à chaque fois je me promets d’y amener ma belle, je cabote, je suis heureux. Finalement  je trouve un petit caillou plat que je vais aborder et y monter mon camp. Malgré les 14° de
l’eau je me baigne dans les entrailles de la mer de Botnie, nu sur un bloc de roche je fais corps avec ce  granit, je récupère toute l’énergie de la terre, le soleil m’irradie de lumière. Je m’endors, un fort vent de Sud-Est me réveille. Je range ce qui traîne et savoure ce moment de solitude intense. Si demain c’est du sud je ferais le fainéant, j’ai pris un paquet d’avance encore aujourd’hui, donc je peux me calmer si j’y arrive!!! 38km de plus au compteur.
A pluche !

Soleil et oeufs au plat !

18 juillet 2012
Un arrêt : de l'eau, des œufs et de vrais sourires, toute la gentillesse des suédois...

Un arrêt : de l'eau, des œufs et de vrais sourires, toute la gentillesse des suédois...

4H45 le soleil chauffe déjà la tente, pourvu que ça dure ! 5h30 ça y est je reprends ma route, c’est gris et froid ! Le canal m’offre un départ ventilé, l’effet de venturi accélère la brise de Nord-ouest et me donne un bon coup de main pour une autre belle journée de mer. Le soleil revient, il ne nous lâchera plus de la journée. Il me faudra une heure pour retrouver la beauté et la sauvagerie du golfe de Botnie. Je ne garderai pas un super souvenir d’Härnösand, ville triste, au citoyen peu accueillant. Pendant trois heures je longe une belle côte inhabitée et somptueuse. Au détour du cap Skarpudden je devine la route que je dois prendre. 6km à traverser avec un vent de travers, cela devient une mode, je m’applique à bien me calfeutrer dans mon hiloire et pagaie gentiment. Mes bras font l’effort, ma tête s’envole ailleurs. Je me demande pourquoi tout le monde s’obstine à l’appeler golfe alors que c’est une mer magnifique ! Je converse avec elle, comme à chaque fois, je lui pose des questions, elle me répond. Soudain devant moi le calme plat, plus un nœud de vent, je souris, je ris, elle m’offre une traversée pépère. Je suis déjà de l’autre côté. Je me tourne et vois la mer se couvrir de moutons, quelle délicatesse de sa part, elle a laissé filer son hôte. Je bifurque plein Nord-ouest entre le continent et l’île d’Ästön, l’effet venturi de nouveau lui, vient me faire faire une séance de muscu. A l’abri du large, j’avance tranquillement. De jolies maisons, ornent ce chenal, rien à voir avec les châteaux hideux de ce matin. Au milieu le passage ne doit faire que 10 mts de large et c’est là que je décide de faire ma pose « lunch ». Alors que j’hydrate ma semoule, un vieil homme vient me voir, sa maison est juste derrière où je me suis posé. Je suis encore sous l’effet d’hier où je me suis fait virer comme un pauvre voleur de chaussettes trouées. Il me souhaite la bienvenue et remarque mon « unijambité » puisque à la pause casse croute je l’enlève tout le temps. Il ne parle pas l’anglais mais nous arrivons à dialoguer, il me propose de l’eau de son puits. Je récupère quelques bouteilles vides au fond du kayak et pars avec lui. Je découvre un poulailler ; je lui demande comment survivent ces pauvres bêtes en hiver par des -40° ? Elles ont leur cabane chauffée ! Je reprends mon déjeuner quand toute la famille arrive pour me prendre en photo et surtout m’offrir quatre œufs. Heureux de ce retour à la gentillesse des suédois, je reprends la mer. Encore une traversée m’attend, 4km seulement mais avec un fond de fjord situé à 22km au nord. Autant dire que si ça souffle, je suis raide ! 10 nœuds de vent et une mer à peine agitée, je procède à ma « ramerie » quand pour la deuxième fois de la journée le vent tombe complètement. Décidément la mer de Botnie est vraiment très attentionnée avec l’équipage d’Immaqa.
Ce soir œufs au plat de poulette du coin.  Pour la comptabilité, 36km de plus.
A pluche !

Une kayakerie urbaine !!!

17 juillet 2012
photo prise par le 1er kayakiste que je rencontre et qui s'appelle ????? Frank, incroyable !!!

photo prise par le 1er kayakiste que je rencontre et qui s'appelle, devinez comment ????? Frank, incroyable, n'est ce pas !!!

Comme d’hab de très bonne heure je lève le camp, le plaisir est le moment où je quitte mon abri et que j’ai passé le cap du non retour, alors la journée d’aventure peut enfin commencer. Le vent est plus faible qu’hier mais il ne veut pas me laisser seul alors il me suit. Je ne vais pas encore vous en faire une tartine mais que ces golfes avec le vent de travers ont été durs à passer. Mes avant-bras semblent avoir doublé de volume depuis mon départ de Lulea ! J’atteins enfin le goulet qui mène à la petite ville de Härnösand. Je sors de mon pèlerinage en solitaire, j’ai l’impression de me retrouver sur la côte d’azur, des bateaux dans tous les sens ! Déjà que le clapot de travers ça remue mais alors les « domingeros » en croisière avec leur moulin à café ça donne l’envie de hurler !!! Je me referme et évite de leur lancer mes yeux noirs. Je pagaie encore plus fort et puis voilà. Au loin je vois enfin mon premier kayakiste et savez vous comment il s’appelle le monsieur ? Frank !!! On y est donc deux dans cette mer de Botnie à faire du kayak et c’est deux Frank ! Il est du coin et est impressionné par la stabilité d’Immaqa. Il m’indique un coin tranquille pour aller faire deux courses, il me prend une photo et nous nous serrons la main.
Finalement après 10 h d’effort je suis dans le canal de Härnösand, je passe un premier pont et au deuxième je trouve un petit ponton en bois avec un rivage accostable et bien à l’abri des regards. Je remarque un bâtiment sans trop le détailler jusqu’au moment où je suis scotché de voir que je viens de beacher devant un Mc Donald !!! J’amarre solidement mon kayak et planque le matos visible sur le tableau de bord, (GPS, caméra). Je grimpe le talus et me retrouve en ville. A l’abri du vent on se croirait en été ! Je me rends au supermarché pour me prendre un peu de victuailles fraîches. Je ne veux pas trainer, j’ai la nausée de tout ce monde, de ce bruit. Je fais la queue pour régler mes courses quand un groupe de jeunes gazelles locales qui font la queue derrière moi, semblent s’intéresser à mon accoutrement. En baissant les yeux je vois que mes bottes qui ont des protections en néoprène viennent de lâcher leur eau et que je patauge dans une immense flaque d’eau !!!
En pas moins de 20 minutes j’ai récupéré mes bricoles et poursuis ma route, il est hors de question que je reste plus longtemps ici. Je passe encore deux ponts et me retrouve dans une mini réplique du canal du midi sans les écluses. Finalement je sors de la ville pour me glisser dans le quartier résidentiel du bled. Une pelouse immense semble me tendre les bras, je trouve une petite plage caché et par acquis de conscience pars à la recherche des proprios ! Je tombe sur le major d’homme qui me détaille de la tête au pied. Je peux camper en bas ce soir, je me ferais discret même pas de feu ! Il en bégaie et n’arrive plus à prendre sa respiration, sans attendre sa maudite réponse je lui tourne les talons et avant qu’il me trouve une mauvaise excuse je suis déjà reparti. Je tente sur l’autre rive, même réponse : Im-po-ssi-ble !!! Cela fait 11h que je pagaie et je commence à sentir une petite fatigue quand finalement je trouve un coin minuscule pour planquer Immaqa et monter mon camp. Eh ben ça c’est une sacrée journée, 42km avec du zef dans la gueule, depuis Lulea j’ai parcouru déjà 512km….
PS : Norra supporte très bien le voyage en kayak et commence à apprendre les premiers mots de français indispensable pour Jo Zef : Crêpes, confitures, gaufres. Comment on dit gâteau en suédois la mascotte ?!?
A pluche !

Bout au vent…

16 juillet 2012
Il la protége, lui sussure le Sud, la Méditerranée, une île où les hommes sont rebelles mais ont un coeur gros comme le monde...

Il la protège, lui susurre le Sud, la Méditerranée, une île où les hommes sont rebelles mais ont un cœur gros comme le monde...

Encore et toujours une pluie fine, le soleil est certainement trop occupé à cramer la Méditerranée ! Un bon coup de Nord-ouest se prépare et à 5h25, heure de mon départ, il est déjà en forme. Le grand golfe d’Omnefjärden prend une allure moutonneuse, mais je passe sans problème.
Bien à l’abri je louvoie très prés de la côte pour m’éviter, les pires rafales. Hier j’étais  protégé du Sud-est ce matin planqué du Nord-ouest, ici le vent ne connait pas de répit. J’arrive à la deuxième baie du programme, je passe mais cela devient plus engagé, un poil sportif ! Je retrouve une côte sous le vent mais quelques grosses risées me plaquent au kayak, j’en ai failli perdre la pagaie. Au détour d’un cap je dois bifurquer cap au Nord-ouest sur 400 mètres, je ne dois surtout pas baisser la garde. Je mouline pour gagner du terrain, finalement je m’en sors pas trop mal. Le crachin ne cesse de jouer les supporters mais je crains la prochaine traversée, le Gaviksfjärden est profond de 6km et il aura assez d’espace pour lever un sacré clapot, cela va être dur à gérer. Je me cache derrière un gros caillou pour prendre un peu de répit et manger quelques bricoles qui vont m’aider à affronter cette épreuve. Je m’élance, branche la caméra et envoi les watts, je suis à fond, je ne peux pas donner plus. Je ne suis même pas sur que j’avance, une demi heure pour gagner 500mts et je sens que j’y passe une incroyable énergie. Sur mon tribord un fjord protégé apparait, je vais essayer de tirer un bord sur lui sans trop me mettre en travers des lames pour ne pas finir sans dessus dessous. Finalement je touche la plage, je crois que seule la pluie est mon témoin du jour, pourtant depuis un moment j’étais observé par un homme qui possède le cottage où j’ai beaché Immaqa. Je m’étire quelque peu, je m’extirpe avec peine du kayak et touche enfin la terre ferme. Je vois déjà où je pourrai monter ma tente, mais avant, ma conscience « professionnel » m’exige de comptabiliser la journée. 24km, il manque 6 pour faire mes 30 que je me suis imposé ! Mais hier j’en ai fait 42, ok, je reste !!! Oui je sais cela peut vous faire sourire, mais la rigueur et la discipline sont nécessaires dans des raids aussi long, si l’on passe sur certaines choses à la fin le projet avorte. Pendant que je me bois une tasse de café brulant, un homme apparait, il m’a surveillé à la jumelle et vient à ma rencontre. « Belle bataille, monsieur ! » Je souris et lui répond qu’avec la Botnie, il n’y a ni combat, ni lutte, juste une volonté d’avancer au mieux, aujourd’hui’hui je n’ai plus de jus pour continuer. Il m’invite dans sa maison et debout devant un feu de cheminée je me sèche de cette dure matinée pluvieuse et venteuse. Il m’offre un café et me propose une cabane voisine de la sienne. Je refuse gentiment, j’ai pris l’habitude d’être sous ma tente mais accepte d’aller prendre ma deuxième douche brulante en deux jours !!! En préparant ce projet, j’avais lu pas mal de bouquins sur les pays que j’allais traverser et souvent je remarquais que les suédois étaient froids sans accueil pour l’étranger !!! Je ne sais pas si c’est ma chance légendaire mais depuis que je suis dans ce beau pays je n’arrête pas d’être reçu comme un frère.
PS : La petite rescapée d’hier commence un peu à sécher et Jo Zef l’a prise en affection, je crois qu’elle va venir avec nous jusqu’au bout du voyage. Le Cabochard sera sa prochaine demeure, la mascotte partagera son coussin de bannette.
A pluche !

Une étape treize improbable !

15 juillet 2012
Immaqa mis à l'abri le temps du déluge...

quelle aubaine pour Immaqa et moi de trouver cet abri de pêcheurs...

C’est ma treizième étape pour le dix-huitième jour depuis Luléa, ce chiffre ne me plait qu’à moitié, mais aux orties les superstitions il est temps de repartir. La houle rentre dans l’anse et mon départ est un peu sportif. Tout en règle, nous sommes déjà à l’abri d’une petite île.
Plus rien à voir avec les bourrasques d’hier, une douce brise d’Est se fait à peine sentir. Ce lieu déclaré patrimoine international par l’UNESCO est merveilleux, ma navigation rase cailloux me fait encore plus apprécier le privilège d’être là. La série d’îles passées il me
faut faire une traversée de 7 petits kilomètres. Comme à chaque fois je mets mon instinct en éveil. Il me dit de forcer sur les pagaies, alors je « bourrine » ! Un immense nuage noir me vient par le travers, ça sent la rouste ! J’accélère le rythme, les épaules, les bras, les abdos tout est à fond et ca tient. J’arrive à l’abri de cette longue île lorsque comme par miracle le grain explose, des tonnes d’eau et de violentes rafales de vent. Je suis à 5 mètres de la côte et le coup de zef ne fait que m’effleurer. Je n’aimerais pas être en pleine mer en ce moment. Sous un déluge je poursuis toujours Sud, mais la pluie redouble, un véritable grain antillais mais avec une eau polaire. Deux heures que je fais des bulles, j’ai froid, j’ai faim mais je n’ai pas envie de m’arrêter sous ce déluge. Je passe un hameau de pêcheurs qui ont fondé ce lieu, il y a au moins cent ans bien avant que les permis de construire soient gelées par l’état. Des hangars sur pilotis servent encore pour certains, d’abris à barque ; l’une d’elle est vide ! Je bifurque et m’engage sous cet abri béni des Dieux. Une mini plage de galet sous la maison permet à Immaqa de beacher et j’arrive à m’extraire de mon kayak. Dehors c’est le déluge et nous sommes à l’abri. Une sorte de ponton en bois est l’accès, je me repends et tente de mettre mon âme à sécher. Je décide de déjeuner, déjà 5h30 que je pagaie. Alors que je déguste mes éternelles nouilles chinoises, je remarque un robinet. De l’eau potable en sort, je fais faire les niveaux. Puis dans l’angle du ponton, je me rends compte qu’un pommeau de douche est accroché ! Un robinet bleu et un rouge ! Je tente une sortie par une porte dérobée pour essayer de voir quelqu’un mais sous ce déluge aucune âme qui vit ne répond à mes appels. Je retourne à « mon » ponton et je laisse couler l’eau et là au miracle de l’eau bouillante en sort. Je me moque de qui pourra venir, je prends une douche, je suis transi de froid et depuis 18 jours je ne suis lavé qu’avec l’eau de la Botnie. Nu comme un vers je suis sous la douche, j’ai pris soin de bien mettre en évidence ma prothèse que si quelqu’un aurait la mauvaise idée de passer, il tomberait nez à nez avec Magui. La douche est brulante, j’en ai les larmes aux yeux de bonheur, je n’en sortirai plus, mon corps sort de congélation, il revit. 15 minutes de cuisson et rouge comme une langouste je m’essuie enfin. Dehors la pluie a cessé, le ciel devient gris clair, je reprends la mer, je suis hilare. Il y avait une chance sur un million que ça arrive et c’est tombé sur moi. Je me sens en pleine forme, la brise faible est de retour et le ciel se déchire, du bleu semble vouloir forcer le destin. Sur mon bâbord je perçois quelque chose, un oiseau mort, un bois flotté ? Je prends 15° Est et m’approche de l’intrus !!! Mais cette journée n’en finira jamais de me surprendre… un petit ourson en peluche flotte, je n’en crois pas mes yeux. En 410km je n’ai pas vu le moindre déchet sur l’eau, même sur les plages aucune  trace de plastique ou dérivé. Je récupère le naufragé, Jo Zef intervient !!! Je l’essore et le cale sur mon vide poche, j’explose de rire ! Il faut lui trouver un nom, la mascotte me dit que c’est une fille ! Ok ! L’île où nous nous situons s’appelle Norra Ulvön, ce sera Norra !!! Je n’arrête pas de rire, je deviens fou, cette journée est absolument dingue. Je suis tellement en forme que je décide de passer les heures réglementaires et me retrouver dans une crique d’une beauté extrême avec Norra qui sèche au soleil, qui est enfin de retour. 42 km qui dit mieux ? C’était une étape treize improbable !
Eh Jo pour le bouche à bouche on ne met pas la langue !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!
A pluche !