Petite habitude de cyclo-nomade, un contrôle visuel de l’engin avant le couché. Aïe, trois rayons de la roue arrière sont cassés ! Depuis hier je sentais bien un « truc » bizarre, mais les camions et ma volonté de traverser la Baltique au plus vite m’ont fait occulter l’évidence d’un problème. Frontal en tête et sac de secours, vélo-bricolage, étalé sur la pelouse, je tente l’aventure. Je démonte la roue mais je m’aperçois qu’il y a plus de dégâts que prévu, le disque du frein et le dérailleur sont voilés et je m’apprête à parcourir 2000km. Le boss du camping, Yan est encore à l’accueil, ici c’est le pays du vélo, il doit bien connaître un réparateur sérieux. Encore un élan de générosité, j’ai rendez-vous demain à 10h pour être convoyer au « cyclologue » ! J’en profiterai pour récupérer ; je ne suis pas en retard donc je n’aurai pas à cravacher pour rattraper cette imprévu. Discipline allemande, à 10h je charge mon vélo sur son camion. Le mécano est comme je les aime, pas trop parlant mais très observateur. A 13h il sera prêt. Effectivement je récupère mon compagnon de route révisé et prêt à nous porter toujours plein sud. Je glane quelques infos sur le pays que je connais mal. Le camping sauvage n’est pas toléré et les amendes sont fortes pour qui tenterai l’interdiction. Je suis curieux pour les routes, je n’ai pas du tout apprécié celle du sud de la Suède. On me rassure aussi, le pays est très bien aménagé en piste cyclable et j’y trouverai du plaisir à le traverser. La communication est plus facile, mon allemand est bien meilleur que mon suédois, malgré qu’il ne soit que basique, mais je suis heureux de pouvoir échanger plus facilement. La pluie est toujours au rendez-vous mais je n’ai pas envie quelle me gâche quoi que ce soit, j’ai un boulot à faire et je pédalerai vers la méditerranée. Un petit coin de ciel bleu serait bien sur le bienvenu mais je ne vais pas faire le difficile et prendrai ce que l’on me présentera. Dans mon journal de bord cela faisait un moment que je voulais vous narrer cet échange. Au petit port de Grisslehamn en suède pendant la partie kayak, j’ai été autorisé par des gens à planter ma tente sur leur vaste terrain. Dans l’après-midi il était venu avec de la famille et des amis me rendre visite. Un gamin accompagné nous rejoignait, son tuteur m’informait de suite que cet enfant était atteint d’autisme lourd. Cette pathologie plonge l’individu dans un monde si profond et personnel que personne ne peut communiquer avec. Mais voilà ! Le petit homme s’approche les yeux rivés au sol, jusqu’à me toucher, il remarque que j’ai une jambe artificielle. Son visage se lève, il rayonne et explose de rire, ce qui me fait extrêmement plaisir. Il prend son pouce gauche avec sa main droite et l’encercle avec ses doigts, il me le pointe en me regardant droit dans les yeux. Je m’empresse de faire la même composition et tout doucement nos deux pouces enfermés de mystère se touchent… Une fraction de seconde nos deux mondes pourtant si différents se sont croisés…
Voilà mes amis encore un bout de vie partagé. Je vais reprendre la route et chaque coup de pédale va me rapprocher de mon but. Des fois je me pose la question de ce qu’est ce but. Arriver en Corse ou comprendre les troubles de nos vies matérialistes, les deux j’en suis sur…
A pluche !