Juste un au-revoir, pour mieux nous étreindre…
Repartir pour revenir, ben voilà, j’ai repris mon p’tit Immaqa (nom de mon kayak) et suis reparti en bivouac ?!
Fatigué le garçon ?
Froid, pluie, vent, nuit infinissable !!!
Non, je veux aller vers ce que j’appréhende, ce qui me rend mal à l’aise et comme les conditions hivernales regroupent le tout, c’est le moment de me tester. Le vent d’est me permet de remonter jusqu’au cap Sénétose, muni de ma voile cerf volant je glisse vers mon destin.
Je me sens beaucoup plus serein mais pas encore à l’aise, la température a chuté et la brise du nord s’installe, je sais qu’un gros coup de vent est annoncé et je suis encore plus sur mes gardes. Le montage du camp est bien synchronisé et déjà le bois flotté a trouvé sa place dans mon brasier régénérateur. La lune a un énorme halo, rien de bon pour demain, mais demain c’est encore loin, vivre l’instant présent. Sur le coin du feu ma soupe fume et la sérénité m’envahit, le vent perd de la vigueur, un appel à ma « Vrai » et je m’enfouis dans mon duvet, la première nuit en bivouac me rend toujours un peu agité mais tant bien que mal, les démons de la nuit m’ont laissé tranquille. Vers 5h30 c’est la pluie qui me réveille, c’était prévu. Chaque chose en son temps, en premier je mets mon eau à chauffer pour ma collation ce qui permet à ma tente de prendre quelques degrés supplémentaires, je suis concentré tout doit être bien rangé dans les sacs étanches sans rien mélanger car quand le camp sera démonté il sera trop tard pour chercher le dernier « truc » indispensable.
Malgré la pluie fine le feu dehors n’est pas tout à fait mort et en réajustant quelques bois rescapés de la nuit il repart de plus belle.
Je m’élance, la lumière est blafarde et le vent dans le mauvais sens, les gouttes de pluie jouent sur mon visage et quand une est moins attentive je la gobe !
15 kilomètres me séparent de mon rendez vous mais je suis de plus en plus méfiant, au fur et à mesure que le jour se lève le vent va forcir, il vient de terre avec une consonante nord, juste dans mon nez, je me vide la tête, mes avant bras commencent à avoir l’habitude mais je sais que ma tendinite même si ça va beaucoup mieux ne va pas apprécier cette cadence ; je repars dans mon refrain habituel, je crois que vous mes fidèles lecteurs vous le connaissez aussi : se séparer du corps qui souffre et avancer avec l’esprit. Je chante, je ris, j’observe, je parle au vent, aux oiseaux, aux moutons ( les vagues pas les brebis !) je me remplis de la furie des éléments. Je sais que derrière le cap la partie va être musclée, mais je ne veux pas y penser : vivre l’instant présent.
Avant de passer le promontoire je dois faire un petit besoin naturel car je vais devoir utiliser toute mon énergie pour franchir ce mini cap Horn. A l’abri des rafales je trouve un caillou qui me laisse lui frapper un bout ( attacher une ficelle !) bien en sécurité je me soulage et prend le temps pour boire une gorgée d’eau chaude de mon thermos toujours à porté de main.
Je me lance sur mon dernier sprint et le vent a mis son costume blanc mouton pour me recevoir, les vagues se brisent sur le pont de mon kayak pour finir sur mon torse bien protégé et je suis obligé de monter la puissance des coups de pagaies pour faire une timide progression. Je ferme les yeux pour me concentrer sur le vent qui single mon visage et d’un coup je décroche de nouveau je me sépare du corps qui est malmené et qui dit stop et avance en harmonie avec l’élément…
Finalement le lieu du rendez vous est devant moi et dans un ultime effort je pose « Immaqa » sur la plage de Campomoro, mes mains sont meurtries, ma tendinite refait un léger come in back mais mon esprit est heureux d’avoir su amener son fardeau de corps au rendez vous.
Ces expériences sont à chaque fois un petit grain de riz supplémentaire et quand je serai sur le Yukon j’espère avoir un gros sac de riz qui me comblera dans mes moments de « disette ».
Proverbe de Jo Zef :
Pluie et vent en journée, mascotte mouillée et « kayakeur » épuisé…
A pluche