Lavezzi, nostalgie, harmonie, archéologie, confie, ami(e)s, philosophie, modestie, magie, alchimie, abri, camaderie, diablerie, féerie, furie, gendarmerie, mutinerie, polissonnerie, seigneurie, englouti, aristocratie…
Ce dimanche de très bonne heure accompagné de ma « Vrai » matelot, j’ai remis mes mouillages aux îles Lavezzi, ils ne resteront que le temps du stage de l’association et seront vite enlevés.
Trop de monde, trop de fréquentation « urbaine » dans ce sanctuaire qui m’a éduqué et remodelé. 200 000 personnes débarquées l’autre été sur 72 hectares !!!
Ce n’est plus l’île de mon cœur c’est devenu un placement financier !!!
Je fuis le monde, du coup j’ai dû abandonner ma demeure. Vous qui me découvrez par ce blog vous ne connaissez que l’iceberg de surface, ni livre ni reportage n’ont dévoilé mon amour pour ces cailloux, 6 mois par an j’étais caché là bas dans la crique : « Cara di u Mescu » devenu cala Cabochard par les pêcheurs, si je devais écrire un livre rien que sur ces périodes il me faudrait plusieurs tomes. J’ai réalisé tous mes rêves d’habitant de la mer, j’ai découvert des trésors sous marins, les pièces d’or et d’argent surgissaient les unes derrières les autres, bien qu’illégal les autorités se succédaient pour voir mes découvertes ; les épaves romaines, maures m’ont dévoilé bien des secrets, un bateau démineur Anglais git par le fond et combien de fois on m’a sollicité pour le voir, mêmes des télés m’ont proposé un beau pactole pour quelques images mais rien à y faire, les tempêtes subies m’ont tanné le caractère et appris à attendre le début de la fin, combien de fois le sémaphore de Pertusato me contactait par VHF pour prendre des nouvelles, pendant ces minis ouragans où même les ferry entre Corse et Sardaigne s’arrêtaient. Bien que ballotté dans tous les sens je savais que l’île devenait mienne, j’ai découvert des sites du mégalithique, restauré le cimetière de la Sémillante, retrouvé le puit créé par des moines du 12éme siècle, élagué le mûrier âgé de 700 ans et à son ombre construit une belle table avec du bois de récupération. L’île était ma maison, mon royaume, à l’époque mon surnom était : le maire des Lavezzi, le député maire de Porto-Vecchio depuis disparu m’avait appelé confrère !
Les braconniers Sardes me craignaient et des échanges d’armes à feu avaient fait la une de la presse régionale, le cargo céréalier « Fenes » avait fait naufrage et m’avait valu les honneurs de Thalassa le magazine de la mer de FR3.
Des milliers d’heures sous l’eau où j’allais écouté les légendes abyssales, il m’arrivait de rester des plongées entières devant un banc de poissons pour essayer de deviner quelques contes anciens, encore maintenant une grotte sous marine voire plusieurs y contiennent mes découvertes, aucun papier, ami ou manuscrit n’en contiennent les coordonnées, mon GPS est ma cervelle et si un jour je pars cela restera mon jardin secret.
Mon corps entier arbore fièrement quelques traces de sauvetages musclés, quelques mérous peu scrupuleux qui ont déchiré la peau de mes mains y ont laissé des « décorations ». Un jour j’essaierais de le mettre noir sur blanc mais en attendant j’ai dû me replier car l’île est devenue un lupanar, je n’ai pas la haine ni l’amertume, car les pauvres qui s’y rendent ne savent pas qu’ils sont sur un sanctuaire, ils portent avec eux la tristesse des villes, ils sont les cocheurs de destinations et quand ils rentreront chez eux pourront dire aux autres « j’ai fait les Lavezzi ».
L’hiver est trop rude pour eux et là à l’abri des regards je redeviens l’arrière arrière petit fils du commandant Jugan capitaine de la Sémillante avec ses 755 mort le 15 février 1855 dans l’une des tempêtes terrifiantes d’hiver. Combien de fois à la peine-ombre, assis à l’abri du vent dans le petit cimetière j’ai conversé avec les morts de ce naufrage.
Etranger si tu y vas avec ta serviette de bain tu commets un sacrilège, c’est là où tout a commencé et que tout finira…