Hier est déjà loin, mais je le qualifierais de ballade à quatre mains. Le refrain, la nature, le thème, vivre, les paroles nous venaient du ciel et nous ne faisions que les lire !
Le bateau est couvert de glace, la nuit fût feutrée. Ma « Vrai » s’en va pour la semaine et devant mes yeux la montagne saupoudrée me fait de l’œil.
Je n’aurai plus la « petite » en rouge à surveiller, c’est décidé je tente le sommet.
Ce n’est plus une ballade musicale, mais une balade hivernale. Le refrain est le même, ce n’est plus en duo mais en solo. La route en terre grimpe et la neige en tapisse les ornières. Je suis à 9000 mètres à vol de corbeau du Cabochard, altitude de départ 870 mts température -1°. Je suis bien équipé et je reprends les traces d’hier, en 1H10 je rejoins la ruine que nous avions atteinte en 3 heures. Détrompez-vous je ne fais pas une course contre le temps, mais je suis tellement bien que je crois voler. Fini les traces, il faut que je détecte la voie, la poudreuse est abondante et il n’est pas rare que je m’enlise à mi-cuisse. Je souffle, le froid est vif, par moment je décroche, je découvre avec stupeur que cette expérience du Yukon en solo m’a affermi, m’a endurci, m’a révélé. Je ne trouve pas les mots, mais là au milieu de rien j’ai l’impression de rentrer dans mon chez moi. Je comprends doucement que les limites que l’on m’avait défini ont été abattues là-bas au pays des grizzlis. Je stoppe ma course, la forêt me parle. Je cherche le bouleau, je trouve le pin Lariccu, je détecte la trace, ce n’est pas celle du loup mais du renard en quête de pitance. Je fouille du regard si les troncs sont griffés mais je ne trouve rien. Suis-je bête je suis chez moi en Corse. Je reprends ma marche forcée le sommet n’est plus loin.
Je m’enfonce de plus en plus, les raquettes ne me supportent plus. Je sais que c’est un déport de neige dû au vent qui a accumulé cette poudreuse démente. Je nage en montagne ! 45 mètres de bataille pour reprendre pied, ne voyez pas un jeu de mot lugubre sur ma patte en moins !
Les blocs de granit se sont écharpés de blanc, seraient-ils frileux qu’ils se soient emmitouflés ?
L’Everest de l’extrême sud est gravi, un solo hivernal !!! Mollo la mascotte, on n’est qu’à 1145mts.
Je déploie un morceau de bâche et me pose, je détaille le panorama. De l’Est à l’Ouest tout a son histoire. Au milieu une tache sombre, les îles Lavezzi. Des pages et des pages d’histoires beaucoup de beaux souvenirs mais aussi de sombres batailles. J’y ai pensé, j’y haïs, j’ai aimé mais surtout je m’y suis construit. Je ne pourrai plus comptabiliser le nombre de milliers de plongées que j’y ai pratiqué mais la plus profonde est celle qui m’a révélé que je pouvais être aussi un peu un « mec bien »…
J’englouti mes céréales couvertes de foie de morue mon met préféré et reprends ma descente. Je chante, je ris, je suis seul et pourtant plein de monde m’interpelle. La solitude dans les grands espaces me met en relation avec un monde que seuls les anges fréquentent.
Depuis ce matin une chanson revient en boucle, elle me colle à la peau depuis plusieurs jours, je la fredonne à en perdre le souffle. Chant profond Corse du groupe Voce e ventu en hommage au Lion du Panshir lâchement assassiné le 9 septembre 2001.
Protocole de sécurité oblige je dois laisser un avertissement à Véro pour lui confirmer mon retour à mon tout terrain. Pas de mot sur sa messagerie juste un morceau de cette magnifique musique dédiée à un utopiste afghan de liberté sans armes.
Des photos magnifiques, le paysage nous empoprte loin, très loin … je suis émerveillée, je pense que cela me ferait du bien de me retrouver seule dans ce manteau blanc vu sur le bleu … pour me vider la tête et me sentir plus légère … merci Franck pour ces échanges … Bisous à +