Femme de mer…

18 avril 2011 par Frank Laisser une réponse »

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Depuis quelques nuits je suis plongé dans la lecture d’une biographie d’une sacrée femme Ellen Mac Arthur, marin hors norme qui a déverrouillé pas mal de record à la voile autour du globe, aussi bien en équipage qu’en solitaire. Etrange sensation de découvrir un bout de ma vie ! Non rien à voir avec les records ou autre mais plutôt avec cette jeune femme que je vais vous conter comme une belle histoire salée

Il y a une vingtaine d’années, j’étais en train de prendre une voie nouvelle, mais ce choix me perturbait. Peut-on vivre différemment ? Au bras d’une belle « pépé », j’étais à l’arrivée d’une course de grands voiliers en Sardaigne, dans cette réunion de bateaux des plus élégants les uns que les autres, l’un d’eux m’ avait subjugué, le skipper était une capitaine. Un ketch de 28 mètres manœuvré par une jolie jeune femme ! L’accostage s’effectuait sans aide extérieure, uniquement en jouant avec les voiles, sur ce type d’unité le moteur n’a pas sa place. Devant des centaines de spectateurs médusés, la mise à quai spectaculaire lui avait valut une bronca d’applaudissements. Vu le nombre de télés et journalistes présents je me doutais que le marin en jupon devait être connue et reconnue.

Ma « cops » de l’époque avait peut-être eu de l’intuition en me lançant : « Voilà la compagne qu’il te faudrait ! »

Me dégageant peu élégamment de mes obligations de fiancé je me retrouvais engagé quelques mois plus tard comme plongeur sécu sur la plus grosse réunion de voiliers de Méditerranée, la Nioulargue de St-Tropez. 700 bateaux de toutes sortes sur l’eau, c’était un spectacle époustouflant. Je partageais le bord d’un très proche ami et pour nous faire un peu remarquer, puisque notre place était à coté de la vedette des gendarmes, nous avions planté un petit drapeau corse de plusieurs mètres carrés. La musique insulaire engagée, couvrait le brouhaha du port.

Tous les soirs c’était un défilé d’invités surprises, tout le monde voulait trinquer avec les Corses. Alors que je m’attelais à faire des crêpes, déjà adepte à l’époque, pour nos nouveaux amis, un groupe de marins nous souriaient. Je mettais un moment à comprendre que l’équipage n’était composé que de filles !!! Libre comme le vent nous les convions à partager nos galettes (Jo Zef s’est évanoui). Mais là, une surprise de taille m’attendait, le chef était la fille que j’avais vu manœuvrer en Sardaigne. J’en perdais mes moyens. Elles trouvaient la Corse et ses habitants merveilleux et moi je me vidais de toute initiative.

Devant moi, j’avais un grand marin et malgré ses grands yeux verts je n’y voyais que des couleurs d’océans conquis. Pendant la semaine quand des photographes rejoignaient notre bord ils recevaient mon ordre de mitrailler la skippeuse rien que pour moi ! En fin de journée j’essayais toujours de me trouver à l’accostage. Le dernier soir était cocktail, elle m’invitait à bord, je ne savais plus quoi dire, je serrais la main de plein de marins qui avaient écrit les livres de bord du Cabochard, amis, je peux vous dire que quand Mr Éric Tabarly entamait une brève conversation avec moi j’étais persuadé que j’allais me réveiller.

Le matin de son départ le Noroit et le crachin rendait l’aurore glauque, elle me remettait un papier avec ses coordonnées chez ses parents, puisque, nomade sans domicile fixe, elle aussi. Elle me promettait de me retrouver un jour. « C’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme », disait Renaud, mais là c’était un marin qui avait fait flanché pour un autre marin !

Un mois après, alors que je bricolais sur mon bateau un gars de la capitainerie venait m’amener un message bref. « Suis entre deux courses et voudrait te rencontrer avec ton Cabochard … »

Élue deux fois d’affilé marin de l’année dans son pays, son parcours était époustouflant, des grandes courses gagnées devant les ténors de l’époque alors que de ses 1,60mts pour 50 kilos elle semblait si frêle.2éme Quebec- St Malo en solitaire; 1ére tour d’Europe en équipage (Que des filles à bord et non des moindres, les plus fortes de l’époque)

Les mois s’écoulèrent entre deux régates et deux convoyages ; elle m’apprenait le métier de la voile en course. Après sa saison, elle se devait de ramener des bateaux aux quatre coins des mers et m’engageait comme matelot. Je lui rabâchais qu’à part quelques courses gamin, je ne comprenais pas grand-chose aux bateaux à ficelle, mais elle ne démordait pas et me donnait toute les tâches les plus difficiles. Des anecdotes j’en aurais de quoi faire un livre mais l’une de mes préférées est celle-ci :

Nous devions ramener, un « truc » en carbone qui avec un pet de vent, part comme une Formule1.Tirer des bords dans le fond d’un golfe doit être amusant avec ce gadget, mais traverser une Méditerranée hivernale allait s’avérer un parcours du combattant. La météo ne me plaisait pas du tout, du Nord-Est 20 à 30 nœuds avec des orages. Des vivres pour une semaine et nous voilà partis sur une mer d’encre. Le baro de bord effectuait une chute libre et le ciel prenait une couleur de mort, prévoyant le coup je préparais une grosse plâtrée de pâtes, car je me doutais bien que la nuit allait être longue et  très éprouvante. Trois ris et nous volions sur l’eau, impossible de rester plus de 15 secondes le cul collé au siège baquet, à l’intérieur le bruit était dément, on aurait dit que des hommes frappaient la coque avec des poutres. Notre allure ne baissait pas, entre 16 et 20 nœuds, nous avions dû mettre des masque de plongée pour ne plus avoir les yeux brulés par le sel. Un orage d’une violence rare s’abattait sur nous et il nous fallait affaler pour envoyer le tourmentin, mais quelque chose coinçait !!! MERDE ! La jeune femme, en deux temps trois mouvements me donnait les directives : «Je vais grimper en milieu de mat et tu dois maintenir le bateau dans cette gîte bien précise, ni plus, ni moins. » Je ne pouvais plus avaler ma salive, une erreur et ma dulcinée partait au bain éternel. Pendant 16 minutes, 16 longues minutes elle bataillait comme un pantin sur une branche secouée par des démons pour débrouiller l’affaire… Finalement 70 heures après nous amarrions sans casse le voilier à sa place…

Mais comme tous les gens de mer nous avions de forts caractères, sa vie était la compétition, la mienne le vagabondage… Sans trop se perdre de vue par la presse spécialisée j’ai toujours suivi son parcours et un jour dans mon courrier je recevais un livre. Dumé qui était à côté de moi ce jour là ne comprenait pas qu’est ce qu’il m’arrivait, mes yeux s’embuaient car le prologue de sa biographie était consacré à notre bout de vie en commun bref, mais fort.

Pendant ma traversée à la rame Véro avait retrouvé son contact et je ne saurai jamais ce qui c’est dit mais ce qui est sûr c’est qu’elle avait rassuré ma « Vrai » en lui disant que même dans la débâcle que connaissait notre course (14 abandons dûs à la tempête tropicale Omega) j’aurais la force de ramener à bon port la yole et son équipe…

Voilà chers amis, le beau livre D’Ellen MacArthur « Les pieds sur terre » a fait ressurgir une rencontre qui m’a permis de m’affirmer pour le restant de mes jours…

Il y a ceux qui vivent, ceux qui meurent et ceux qui naviguent…

2 commentaires

  1. Loïc dit :

    Salut Frank , belle histoire , c’est une vraie femme de mer !!
    Amitiés

  2. MAYSPE dit :

    Le coeur le plus sensible à la beauté des fleurs est toujours le premier blessé par les épines.

    Thomas Moore

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