Après lui avoir passé sa couche de suie sur ses trois pales en bronze, il lui donne une dernière caresse, il est enfin prêt à prendre la mer.
Ce matin les infos du poste donnent des mauvaises nouvelles du Québec qui est au bord de la guerre civile, certains français pleurent la mort du général De Gaulle, Armrstrong et Aldrin sont prêts à quitter la lune pour rentrer sur terre. Octobre 1970 ici à port St Louis du Rhône l’actualité est toute autre, un beau bateau en bois va être mis à l’eau.
Le Maître charpentier de marine Caccutollu vient de passer plusieurs mois à l’ajustage de morceau de bois:
Bordées, étambot,galbord, goussets, membrures… Pas de plan, juste un seul gabarit qui s’appelle le Saint Joseph (Encore un coup du hasard, hein la mascotte!) qui sert de la proue à la poupe à donner naissance au « pointu » appelé aussi « barcasse marseillaise ».
Les armateurs sont là un peu émus sans doute, Gilou est accompagné de son épouse Caline, quelle beau prénom pour une propriétaire d’un vrai bateau.
Pin de Douglas, chêne, acajou, teck sont les essences du Cabochard…
Un petit garçon lui à bientôt 6 ans il est déjà un peu casse cou, quelques os brisés à son actif pour ce révolté de naissance…
Dans le port plus que centenaire de Menton dans les Alpes-Maritimes il devient la référence : c’est le pêcheur de thons. Dés la fin aout ils écumeront le grand large et de coup de vent en tempête l’heureux propriétaire malgré des pêches miraculeuses s’en sépare et le voilà arrivé dans ma famille, la plongée sous marine sera sont nouveau rôle et puis un gamin qui grandit et qui monte à bord du haut de ses 12 ans et de plongée en plongée il devient comme un cousin.
Je pars sous les drapeaux à 18 ans, cela fait déjà quelques années que j’ai quitté l’école pour la vie active, ça c’est sur la mienne est active, je suis infatiguable mais vous connaissez la suite un avion de chasse me broie en partie la jambe droite…
Il était en vente… pas mon pied mais le Cabochard ! Mais me voyant tourner en rond on me demande de m’en occuper et doucement on devient complice de cousin on passe au rang de confident.
C’est mon sanctuaire où je pars dans mes rêves, ici personne ne me voit pleurer, personne ne voit à quel point je suis altéré par cet accident qui m’a rangé au rang de handicapé, pire je suis Grand Invalide de Guerre, juste moi qui ne supporte pas les uniformes !!!
Et puis le club de plongée familial grandit et les jours de grande affluence il est réquisitionné, j’en suis le responsable et deviens teigneux quand quelqu’un l’écorche avec sa ceinture de plomb ou avec une bouteille mal amarrée.
Le reste du temps je maçonne et oui c’est mon métier aussi et malgré des plaies qui me bouffent le moignon je bosse comme un dingue comme si je sentais qu’un jour je partirai.
Presque tous les soirs je passais à bord et dépliais la grande carte de Méditerranée en m’y inventant un long voyage.
Je plaquais tout un jour de juillet 92, un coup de gueule de plus qui me faisait prendre en main mon destin, je laissais tout en plan pour suivre mon bout de vie d’aventurier.
Un seul ami le Cabochard, tout le monde sans exception me traitait de fada, mais je m’enfuyais, Monfreid et Moitessier m’appelaient de leur étoiles et me donnaient la force pour écrire ma propre « légende ».
Il devenait ma résidence principale et nous devenions les Cabochards, il était le chef et moi son matelot …
Et si on remontait le canal du midi ! A Toulouse demi tour pas assez de sel dans le cassoulet retournons en mer, la vraie, celle qui fait trembler ceux qui y mouillent leurs quilles.
Une tapas en Espagne pendant un an, quelques corsaires de Gibraltar nous demanderont de renflouer une épave, les autorités du Maroc nous ont pris pour des trafiquants, l’Algérie nous à mis à la porte, la Tunisie nous pillera le bord (soupir) et puis une glissade vers l’orient, Malte sous un soleil de plomb avec un record à bord de 48°, la Sicile qui nous accueillera les bras ouverts, enfin la Grèce et ses trésors sous marins, promis je n’ai rien touché, euh enfin je crois, je me rappelle plus en fait ! La Turquie où on apprend la langue et les coutumes et surtout je me réconcilie avec l’islam, L’Albanie qui comme l’Algérie nous refuse son accès, la Croatie en pleine reconstruction, encore le sud de l’Italie avec la fameuse coupe du monde 98, je n’aurais jamais pensé que le jeune basque que je voyais se déchainer derrière l’écran se déchausserait régulièrement pour nous rendre visite…
Et puis la Corse terre de mes ancêtres et puis je repars dans mes rêves car ne croyez pas que pendant ce voyage je n’invente pas d’autres projets, un truc de plus, je monte un dossier de sponsoring pour mettre mon Cabochard sur le bateau d’un milliardaire que j’avais fait plonger dans mes jardins secrets et qui m’avait promis un coup de main si j’avais besoin, je lui demandais qu’avec son immense remorqueur aménagé il nous amène en Alaska, et oui déjà à l’époque, je voulais descendre la cote ouest jusqu’à Panama et remonter par les water ways pour rejoindre NewYork… Un voyage d’au moins trois ans mais la vie en a décidé autrement.
De ce petit bateau plein de choses ont commencé : une association, des projets d’expéditions les plus folles et souvent dans mes baroudes je m’inquiète pour lui.
Octobre 2010 il souffle ses 40 ans…
Un jeune encore plein d’énergie.
Je lui dois ma reconstruction et ensemble nous nous sommes forgés un sacré caractère de Cabochard.
C’est pas l’homme qui prend la mer, c’est la mer qui prend l’homme.Ta ta ta !!!
C’est rigolo Franck, ton « cabochard » a le même âge que moi ??? que de coincidences ??? je pense qu’un jour j’irai lui faire une petite visite … et comme je rêve de découvrir la Corse ce serait sympa … Bisous et à pluche !