Même au lit, la petite voix me cause et ce matin elle m’a dit :
– Allez, allez, bouge tes fesses et déménage
– Mais il est 5h
– Je ne te le redirais plus mais lève le camp !
Effectivement un truc me rend vigilant, depuis deux jours le baromètre est aux alentours des 990 hectopascals, nous sommes comme dans l’œil d’un cyclone gigantesque ! L’iridium reçoit un SMS mais c’est la même chanson, il est illisible, l’écran affiche : incompatible message. Comme d’habitude, je rage sur la dépendance que l’on peut avoir à la nouvelle technologie. Je dois déballer mon PC et le brancher sur mon fameux Iridium pour enfin recevoir, mais par mail, le bulletin de la journée. Pas folichon tout ça, une forte renverse de vent à l’est avec des risques de chutes de neige est prévue, un vrai bel été en somme ! En moins d’une heure, nous voilà en mer, qui est encore houleuse de l’ouest qui a soufflé cette nuit.
Mais myrtille sur la crêpe, le chariot qui me sert à mettre à la mer Immaqa s’est encore dégradé et il m’a fallu faire un bricolage rapide dans la houle qui le submergeait, la mer est à 4° ! Mais c’est la vie de nomade qui veut ça. Tiens le brouillard est au rendez-vous, lui je ne l’attendais pas. Dans 10 petits kilomètres, il devrait y avoir une cabane, mais avec cette purée de pois il ne serait pas impossible qu’on la loupe. Pour une fois le courant est dans le bon sens, ça au moins c’est positif. La visibilité par moment se cantonne aux petits 100 m et l’abri visé est à au moins 300 m en hauteur, ce serait vraiment ballot de le louper.
Finalement au bout de 2h net, une trouée nous fait apparaître la cabane blanche, là haut perchée dans la brume. Immaqa doit être beaché, cette fois sur de gros galets. Je n’aime pas du tout ce style d’arrivée au surf pour mon compagnon de route. Tel le chat, à 3 m du bord, j’extirpe déjà mes deux jambes pour me retrouver comme un cow-boy sur mon embarcation en sautant rapidement pour le réceptionner. Pour un unijambiste, l’exercice est stylé, seuls les spécialistes peuvent apprécier ! Le premier boulot est de mettre à l’abri le kayak. Tant bien que mal entre deux vagues, je le vide au maximum et une fois plus léger, je le hisse sur son chariot en convalescence. Je ne sais par quel miracle, le voilà hors de danger : ouf ! Avant de poursuivre, je dois réparer ce chariot qui ne fait plus son boulot correctement. En une petite demi-heure et pas mal de système D, le voilà presque comme neuf. Mais ce n’est pas fini, mon cher monsieur, il faut voir si la cabane est en état pour nous recevoir.
Une belle grimpette au milieu des camarines et niviarsiaq mène à ce refuge de chasseurs. Des douilles et 4 têtes de rennes me guident jusqu’à sa porte qui n’est pas fermée à clé. Parfait, la cabane parfaite ! Il y a même un poêle à bois et vu ce qu’il y a sur la plage, c’est l’endroit idéal en attendant la tempête. Je m’affaire à tout monter. Même mon moignon est complètement cicatrisé, un vrai bonheur. Le petit poêle à bois n’attendait que mon allumette et un peu de branches de camarines pour sécher et chauffer la pièce. Je sens que du mauvais arrive alors je ne chôme pas. Du bois de ci de là est coupé et stocké, j’ai même trouvé une scie à moitié enfouie dans le sable, mes anges gardiens font un boulot énorme. Un magnifique torrent est à moins de 200 m, alors avec mon jerrican pliable je fais un plein et mets de l’eau à chauffer, ce sera douche et lavage des « fringues ». Sur une étagère composée de deux vieux bidons de peinture et d’une planche trouvée sur la plage, des trésors nous attendaient. Un gros sachet de pain noir, un fond de confiture à la fraise et 2kg de spaghetti sont là pour le pauvre égaré. Jo Zef me le confirme : On est paumé de chez paumé, faut tout bouffer !!! On se calme la mascotte, on n’est pas perdu et il nous reste des rations pour encore une petite semaine. A ces mots précis, la pauvre mascotte se jette sur ma prothèse pour me demander une tartine de pain noir avec de la bonne confiture de fraise. Il se jette au sol, convulse !!! OK la mascotte, juste une alors !
Après les éternelles nouilles chinoises, je peux enfin prendre un peu plus de temps. Le boulot est fait et tout est en règle en cas de gros mauvais temps. Dans ces moments de solitude, il me plait de marcher sur ces plages polaires qui n’en finissent pas. Des traces de bestioles me rendent enquêteur : Un renard, des oies, des rennes, même des morues séchées a moitié fossilisées. Mais, là bas vers l’est, une barre noire m’intrigue. Ici, la brise est à l’ouest qui s’est bien calmé. Soudain, en un claquement de doigt, un vent de nord-est d’une violence extrême balaie tout sur son passage. Mes bouts de bois sous mon bras, je vais au chevet d’Immaqa, il semble bien. Je l’ai remonté hors de marée, calé sur des caisses blanches de pêche perdues en mer et surtout je lui ai créé une ancre nouveau concept. La violence du vent est terrible, mais les rafales viennent de terre, donc le seul souci serait qu’il se soulève pour partir au large. Encore une autre caisse blanche en plastique enfouie à une bonne vingtaine de mètres de lui, il me suffit simplement de la remplir à ras bord de cailloux et d’y fixer solidement son amarre de proue. Si une mauvaise rafale le chope, il restera plaqué au sol…
Au chaud dans la cabane qui vibre en n’en plus finir, je me dis que je suis mieux ici que coincé sous ma tente à lutter toute la nuit. Vu la violence du vent, je ne pourrais dormir mais au moins je serais au chaud et au sec en écoutant la rage du vent du Grand Nord. Demain on se retrouve sur les ondes de France Bleu RCFM avec l’excellent Jean-Charles Marsily à 12h40, je vous raconterai comment s’est passé la nuit…
A pluche
Une bonne nuit de repos à l’abri des vents et au chaud pour toi Frank sans oublier la mascotte.
Impatiente d’entendre le Rdv à la radio via le lien mis en ligne.
Message pour Jo zef
Encore des nouilles chinoises fais gaffe a force d en manger tu vas ressembler a un panda !!!
Que les vents t’emmènent à bon port ….
La force est en toi et dame nature ne te lâchera pas !
Bisous à vous deux et à bientôt 😉