Devenir championne, champion…

8 février 2017 par Frank Laisser une réponse »

L’une des actions de Bout de vie c’est de communiquer avec de jeunes amputés, pour les soutenir, leur apporter un peu de recul et surtout une lumière dans ce long tunnel noir qu’est la « mutilation ». Une jeune stagiaire m’a écrit un courriel qui m’a touché, qui m’a demandé réflexion et analyse. Son rêve est, de devenir championne, une athlète imbattable. Cabochard je suis, Cabochard je resterais, je lui ai posé la question qui tue : pourquoi ? Oui, pourquoi s’entêter à devenir championne, à sacrifier sa vie pour « battre » les autres. Du haut de ses 14 ans, j’ai vu dans la semaine passée à bord de la Galiote, une battante, une ado qui a su regarder son cancer droit dans les yeux en lui disant : Je t’ai donné une jambe mais tu n’auras pas ma vie. Mais ma question est restée sans réponse, la première réflexion est : doit-on le savoir ? Doit-on absolument comprendre nos pulsions ? Un demi-siècle s’est écoulé et j’ai enfin trouvé des réponses, pourquoi partir dans des aventures les plus folles ? Oui j’ai extrait mes « réponses », mais ce que j’ai compris c’est qu’elles ne peuvent être figées, elles s’étirent, se modèlent au fil des années, des rencontres, des « exploits ». Une vie n’est qu’un chemin chaotique qui nous fait trébucher, certains d’ailleurs ne s’en relèveront jamais, d’autres se cacheront derrière leurs « injustices » et une poignée se relèvera pour devenir plus fort, pour aller encore plus loin. Inscrire son nom dans un palmarès est certainement glorieux mais je m’entête à penser que cela n’est qu’une ombre de la vérité. Nos frustrations seraient-elles nos motivations, l’apitoiement des autres serait-il le seul moteur. Avant leur accident de vie, beaucoup avaient une vie monocorde, puis au lendemain de leur tragédie, un truc en moins leur a offert une folle envie de plus. Le résultat n’est vraiment pas important, c’est le chemin qui y mène. A triomphe sans péril, victoire sans gloire disait Corneille dans le Cid, et c’est là où je pense qu’il est bon de chercher. Je prends souvent en référence Oscar Pistorius qui après tous ses titres handisport c’était mis à taquiner les « valides ». Je vous rappelle que le terme valide dans le Larousse signifie : Qui est en bonne santé, capable de travail ou de sport ! Donc le Sud-Africain commençait à faire trembler les « valides » en risquant de perdre sa notoriété, de champion handisport. Hélas, une folie meurtrière l’a définitivement écartée. Mais c’est là où le sujet devient intéressant : Champion, Vainqueur, Meilleur, prend un autre sens, une autre qualité. Pourquoi, commence à perdre son masque. Chacun a ses raisons, mais, hélas les télés rendent les brebis très rapidement célèbres pour vite les parquer dans le clos des bestiaux à abattre, jusqu’au prochain. Et dans une jeunesse à la recherche de « Graal » cela fausse la route. Je pense que ce n’est pas le but de devenir Champion, mais de tout donner pour aller découvrir de nouvelles limites, sans jamais les dépasser. Devenir le Meilleur est une utopie, juste une histoire d’égo, car il y a toujours meilleur. Mais donner son meilleur en se regardant droit dans un miroir est gratifiant. Tricher un entraînement, gagner sans effort, ce n’est pas ça le Champion. L’extrait du poéme de Rudyard Kipling convient à merveille

..//..Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite 
Et recevoir ces deux menteurs d’un même front, 
Si tu peux conserver ton courage et ta tête 
Quand tous les autres les perdront..//.. 

Donc le but de devenir Champion reste une perception personnelle, une quête intime et si chacun rêve de sommet la seule chose que je crois savoir c’est que dans cette ascension seule les rencontres, même pour le solitaire, permettent de l’atteindre.

Alors belle jeune fille va de plain-pied vers la gloire mais méfies-toi d’elle, je crois qu’elle boite un peu, et c’est à toi à la faire marcher droite.

Vos témoignages sont importants, donc n’hésitez pas à poser votre pierre à l’édifice.

 

3 commentaires

  1. Franck Festor dit :

    Devenir champion à cloche pied c’est déjà accepter sa condition et se lever le matin avec ou sans prothèse.
    Mais c’est aussi se lancer des défis personnels. Mais avant de devenir un champion, il faut apprendre à perdre et ne pas oublier que même si la victoire est là, elle n’est qu’éphémère. Je ne compte plus les médailles et les records mais j’ai toujours voulu faire mieux en acceptant de tomber et les défaites. La gloire, c’est un sentiment qui ne m’a jamais convenu et encore moins monter sur un podium. Par contre, je me suis toujours demandé à quoi pouvait servir les médailles et les records. Personnellement, j’ai voulu qu’il soit simplement un outil de communication pour les autres afin de donner l’espoir et également changer le regard des gens sur le handicap et l’amputation.
    Avant tout, je pense qu’il faut prendre du plaisir dans ce que l’on fait sans se mettre la pression car la chute peut être difficile à vivre.
    Je me rappelle de cette sublime victoire d’avoir traversée en 2007 l’atlantique à la rame avec Angela mais également la descente au enfer les mois qui ont suivie.
    Au même titre que j’ai mal vécu mes déboire avec le monde du haut niveau.
    Prendre le recule nécessaire pour avancer et se préparer à chuter car derrière la victoire, se cache les convoitises et les jalousies.
    Le conseil que je donnerai est simplement de s’entrainer pour s’améliorer car le sport c’est bon pour la santé, le moral et améliore le quotidien avec une prothèse. Le reste n’est qu’un détail.

  2. kiki dit :

    Super bien.dit Frank comme d habitude cest vrai que les medias en font tellement et puis faudrait pas qu a son âge elle soit découragée si elle échoue mais apres tt; c’est son rêve et y a bien des rêves qui deviennent réalité a force de courage et de patience On va lui souhaiter le meilleur et stt qu elle s épanouisse dans ce qu’elle fait et avec l âge et l experience elle avancera a son propre rythme et elle verra ce qui est le mieux pour elle
    Et puis les conseils du cabochard sont tjrs les bienvenus bonne journee Frank

  3. Un jour, un collègue en équipe de France de cyclisme handisport m’a dit avant un championnat du monde, tu vois un jour un mec a décidé que de faire des tours de pâtés de maison en vélo peut donner un titre de champion du monde, c’est ridicule si on y pense vraiment. Mais bon, cela m’a guidé de 1998 à 2012 et je continue à participer à de petites courses pour mon plaisir. Car c’est ce qui est le plus important, retirer du plaisir de la pratique du sport de haut niveau. J’étais toujours motivé pour aller m’entraîner. Ensuite il y a l’excitation de participer à de grands championnats et jeux paralympiques. Le sport de haut niveau était un plaisir pour moi même si il faut rentrer dans un moule très structurée des fédérations et accepter beaucoup de choses. Au final, les médailles et titre sont vite oubliés par tout le monde mais restent tout de même une satisfaction personnelle, ce plaisir unique qui dure quelques secondes sur un podium. Tout le monde ne fera pas du haut niveau mais la pratique d’un sport avec un handicap permet de découvrir pas mal de chose sur son mental et les possibilités de se dépasser.

Laisser un commentaire