Avant le départ, une dernière fois je me retourne vers cette croix symbole de liberté qui porte maintenant quelques gouttes de mon sang. Un fou rêveur passé par là, diront les passants. Par ici des passants ! La brise est à l’ouest, je suis déjà dans les perspectives kilométriques du jour. Mais les gardiens du détroit de Disko ont compris que le p’tit mec avec son kayak rouge était pressé, comme tous les hommes d’ailleurs. Alors, au bout de 15’, il fait basculer le vent à l’est, juste dans le nez. Mon moral en prend un coup sérieux : non, pas ça ! Je me plie aux Dieux des vents et des courants et tente de vider mon esprit, de ne plus penser à ce « contraire » mais de voir le positif. Le froid en profite pour me congeler, en un seul mot je crois ! Mes mains collées aux pagaies sont raides, elles me font mal mais je veux croire que ce n’est que temporaire, alors je m’entête. OK j’ai perdu, je dois remettre ma veste de mer et surtout ces sortes de moufles qui sont fixées aux pagaies par des velcros et reprendre mes esprits. Des larmes, en douce coulent sur mon visage. Depuis le cap, je me suis un peu rationné au niveau nourriture et comme hier je n’ai pas navigué j’ai encore plus baissé la quantité de ration, alors psychologiquement, le moral baisse. La houle courte de sud-est me fait danser et surtout baisse ma moyenne. Le brouillard enveloppe les sommets, la nature semble vouloir me donner une énième leçon. Je n’ai rien à dire. Je suis là pour apprendre, alors j’écoute, je note et retiens les leçons.
La route est longue. Au bout de 5h de mer à contre courant et le vent dans le nez, Immaqa se pose sur un lit de graviers, mais la houle déferle et à chaque vague la moitié du kayak est sous l’eau, il me faut un effort surhumain pour le mettre hors de danger… Une boite de poisson en sauce, une éternelle nouille chinoise avec une barre de céréales et un stick de café plus tard, j’allume mon téléphone satellite pour avoir peut-être un bulletin météo de ma douce allemande. Mais les aléas de l’Iridium sont navrants, son sms ne me parvient pas. Il me met souvent ce message qui me rend fou de rage : « incompatible message ». Fuck de fuck et le vent qui se renforce ainsi que la houle. Le coin ne me plait pas : pas assez en altitude, trop dangereux en cas de vague de rupture d’iceberg, il nous faut continuer. Tel l’haltérophile, je décolle Immaqa pour le pousser en mer. Sans casse, nous voilà de nouveau enfin face au vent. 2h plus tard, un talus assez haut et plat pour les 3m² réglementaires du montage du bivouac ; nous voilà en place. Comme par enchantement, le vent tombe et les moustiques en profitent pour se casser les dards sur mes avants bras qui en un mois ont doublé de volume. Mais je sais qu’ici il ne faut pas trainer, en moins d’une heure, le camp est complètement monté ainsi qu’Immaqa, qui sur son chariot un peu bancal, repose hors de danger de quelques vagues traitresses. Avant de me réfugier dans la tente, je plonge mes deux avant bras dans l’eau de mer qui doit être à 4°, jusqu’à ne plus tenir, puis avec un bout de glaçon éparpillé sur la plage de lave, je me rince abondamment. Après 7h de pagaie forcée, ce traitement me permet de n’avoir aucune courbature le lendemain.
La plus belle chose de cette journée, c’est de voir qu’enfin les fleurs de Niviarsiaq sont de retour. L’épilobe à feuille
large est la plante emblématique du Groenland. Ce fut le nom de l’expédition que 4 jeunes avaient vécu à mes côtés été 2015, une « robinsonnade polaire »…
Ce soir, les nuages semblent annoncer du mauvais. J’ai tout calfeutré, et au chaud sous mon bout de toile, je vous envoie toute la plénitude du grand nord, même si en ce moment je suis un peu dans le dur…
PS : message de Jo Zef : Echange nouilles chinoises, contre pile de crêpes tièdes accompagnées de confiture made in Muratello. Adresse de livraison : Mascotte and Co avenue de oncelégéle, Cailleland City 0000 Pole Nord !!!
Echange crêpes au nut…. contre vacances sans personne
adresse corse du sud mer sans plages
Jo Zef, je te prépare un colis de crêpes. Pas sûre quand même que le facteur vous trouve 😉 😀 😀 .
Bon courage grand frère dans cet enchainement de journées difficiles. Les fleurs de Niviarsiaq sont magnifiques, un éclat de beauté et de couleur dans cet environnement hostile. Un signe d’espoir…
Forza Frank , encore 3 jours le vent contre et il y a des crêpes à gogo❤️
Allez dis à la mascotte que trés vite il aura ses crêpes!!!Tu es trés courageux je t’admire!!! par la pensée je te soutiens. Bisous MChristine
Pleins de bisous de réconfort et grand respect pour toi Frank … de tout coeur avec toi 😉
Le mental le mental……………….. <3