On le sait c’est la dernière journée ensemble. On essaie de ne pas y penser mais ce n’est pas simple. Il nous reste la journée entière à nous… Vers 10h, alors que nous commencions à démonter «Apoutsiaq » un bruit de moteur nous interpelle, un petit bateau vient droit sur nous ! Je ne reconnais pas Julien et retourne à la tâche quand soudain je comprends que c’est son beau-père… Le départ est précipité, nous sommes sous le choc, tout va très vite, le kayak est bien rangé dans ses deux sacs et Karin finit de boucler son sac. Nous nous serrons les yeux embués, on se promet des tas de «trucs » mais il faut se quitter… Le bateau disparait au milieu des glaçons, ce soir ma belle et tendre Allemande pourra prendre une douche bien chaude à Ilulissat…
A mon tour je m’active, le bivouac est démonté et les sacs contrôlés, Jo Zef rejoint sa place dans le sac étanche, il nous faut partir. Le vent du sud se renforce juste en face de la plage où se tient Immaqa. Grâce au chariot il est mis à l’eau, mais le clapot rend la manœuvre sportive. Finalement nous nous élançons, je jette un dernier coup d’œil à ce petit coin qui nous a abrités pendant quelques jours. Je remercie la vieille âme qui nous a accueillis, juste avant de donner les premiers coups de pagaies, un petit oiseau s’est posé sur un caillou en face de moi en m’offrant un chant incroyable…
Pour 5km je sais que cela va être « chaud », le vent et les vagues sont de travers. Immaqa est très chargé mais c’est un bon marin, la confiance entre nous n’est plus en doute. Ce départ est douloureux, aussi bien dans la tête, que dans les bras mais la vie n’est pas un conte de fée, j’ai choisi ce chemin alors je n’ai qu’à courber l’échine et avancer. Au bout d’une heure je contourne le cap pour enfin avoir le vent dans les fesses, le cerf-volant décolle, la moyenne s’améliore, il nous faut être vigilant entre les glaçons. Derrière plus au sud un gros orage se dirige droit sur nous, mais je pense surtout à Karin, je croise les doigts pour que tout se soit bien passé. Le vent tourne, je dois affaler le cerf volant, trop au milieu du chenal les rafales deviennent violentes, il faut absolument nous mettre sous le vent. Le froid me saisit, alors j’augmente la cadence, le temps passe plus vite en cadence élevée. A notre droite le glacier d’Equi qui est pris aussi par les bourrasques de pluie, la sensation d’être vraiment seul au monde s’accélère. Après 3h30, le cap nord de l’ile d’Ata est enfin franchi. Un bateau vient vers moi. Un homme accompagné d’une femme et de trois petits enfants m’annonce qu’après tout est bloqué par les glaces. Je lui donne le nom de l’ile que j’ai choisi comme objectif, il me confirme que c’est un bon choix et me souhaite : « a very good trip ». Je me
sens moins seul…
Au bout de 4h pétantes, Immaqa trouve une belle plage de sable pour se reposer. L’île est une nurserie à canard, des centaines de canes couvent leurs œufs. Je prend mon temps pour définir le bivouac mais c’est vite vu, là en face de nous le coin parfait. Montage sous une pluie fine, de tout le bivouac, Jo Zef est extirpé du sac étanche, il n’en croit pas ses yeux il manque Karin…
Pour me dénouer les jambes, je pars au sommet de l’île pour voir ce qui m’attend demain. Les bras m’en tombent, le fjord est complètement bloqué de
glace… Pour que les choses soient complètes, la neige tombe à gros flocon…
Bonne nuit les amis, ici c’est vraiment le Grand nord.
Euh….. non pas les bras Cabochard pas les bras…. bonne continuation. On est avec toi
Pour une première en solitaire, il a encore fallu sortir les muscles 😉 mais je sais que ta force est surtout au fond de toi … et même si ce départ précipité t’à un peu déboussolé … tu te remets vite dans le « sillon » et hop l’aventure continue … tu es plus qu’un Freeman Frank !
Bisous à vous deux 😉