Au petit matin, le soleil est bien entendu déjà là et la température est douce. La nostalgie s’empare de moi, je ne sais pas comment, pourquoi, mais elle est au coin d’un iceberg, juste en face de la cabane bleue et me remue des «choses». Comme tout au long de notre si courte vie, nous sommes en initiation, en formation. Depuis 2 mois que j’ai posé la prothèse au pays de glace et du silence, il me semble avoir vieilli de 20 ans ! Les doutes, les peurs, les remises en question m’ont touché au plus profond de mes certitudes. Etre nomade ici en kayak-solo, c’est un peu un chemin de Compostelle à l’époque des barbares et des mauresques, à chaque instant l’épée de Damoclès est sur ta tête. Le genou à terre, la nuque bien en vue, tu ne sais jamais quel sera ton sort. Contre-coups, fatigue psychique, j’accuse le coup. Physiquement je suis en pleine forme, je ne dors que 6 h et suis en pleine forme, même le moignon commence à me laisser en paix. Une sensation bizarre, étrange pourtant me colle aux bottes, le blues ne veut pas me lâcher.
Ici, je suis l’homme le plus heureux, ma petite Allemande arrive bientôt, mes amis même loin, ne m’ont pas lâché, Dumé de Suisse m’a beaucoup ému là haut aux Diablerets, je connais beaucoup de monde, du pays basque j’ai eu droit à une demande de rapport détaillé, les Pianottoli-boys en mode fournaise m’ont fait beaucoup rire, Audrey fidèle aux rendez vous du soir et mon bodyguard Patrick, sont ma force… Aussi vos messages de soutien, je les relis en boucle, mais voilà la machine a un couac, un fil qui coince dans le tableau électrique. Ce matin, je me suis occupé de mon beau et bon kayak, il avait quelques blessures que j’ai su réparer, je l’ai serré fort dans mes bras, il n’y a que lui qui sait, il n’y a que lui qui a entendu mes prières, il n’y a que lui qui a étanché mes larmes. Les déferlantes nous ont fait trembler, lui sans moi, moi sans lui, morts, broyés, noyés, oubliés, disparus… Mais il me faut relativiser, j’en ai pris des plus lourdes de roustes, des plus angoissantes, il faut que je digère…
La maison est de moins en moins un chantier, j’arrive avec les moyens du bord à faire que ce soit plus facile à vivre. Cet après-midi, sous un soleil de plomb et avec une brise suffisante pour cacher les moustiques, j’ai recloué la façade exposée au Sud qui est le vent dominant. En plus de 60 ans, cette cabane a du en voir des coups de chien, la peinture a quasiment disparu. De haut en bas, avec une immense échelle double, j’ai ajouté des clous aux points branlants et revissé sérieusement les huisseries des deux fenêtres en calfatant le tout avec de la bonne laine de verre piquante. A ma grande joie, ce soir la façade est prête à recevoir la peinture bleue claire. S’il y a quelqu’un qui a envie de jouer les funambules avec un pinceau et qui passe par là, il sera le bienvenu. En fouillant dans le vide sanitaire, j’ai trouvé des balles de gros calibre, le karma de phoque ici n’est pas des meilleurs, et au milieu de restes de peaux de bestioles, d’arbre de Noël en plastique, de belles planches propres se sont transformées en une solide étagère dans la pièce couchage.
Pour donner un peu plus de légèreté à cette journée, de temps à autre, je m’attendris sur des boules de poils sentant le poisson rance. En effet, ici les jeunes chiens sont en liberté jusqu’à 6 mois, après ils seront attachés, donc j’ai toujours une équipe de futures « motoneiges» autour des pattes, en attente d’un lâcher de tranches de salami de ma part. Au loin, je vois 4 enfants être émerveillés devant un plant de rhubarbe qui pousse de manière miraculeuse devant une cabane abandonnée, ici tout est merveille et les gens le savent encore. L’été est à son plus haut niveau, il arrive à faire 17°C à l’abri du vent, une vraie température caniculaire, l’autre hiver le thermomètre est descendu à -50°C !
Voilà mes amis, un bout de vie nostalgique depuis un petit village tout là haut dans le Grand Nord…
A pluche
Je lis à nouveau tes lignes après 3 semaines passées dans mon Portugal … mais contrairement à toi aucune nostalgie sur le départ … j’en ai eu us en rentrant de mon stage dans ton maquis … et tu sais pourquoi Frank ? Parce-que là bas j’étais moi même … et oui la vraie vie …. connexion totale avec la nature ! Merci pour ce beau billet … ce partage ! Et heureuse que tu sois arrivé à bon port ! Bises affectueuses 😉
Vieilli de 20 ans ? C’est beau ça : l’épreuve fait avancer à grands pas sur le chemin de la découverte de soi. Chacun est seul sur ce chemin-là. Certains préfèrent passer leur route, ne pas se retourner sur eux-mêmes. Certains se retirent dans des monastères, à l’abri du monde. Toi, tu as choisi de te confronter aux éléments et la nature t’offre le cadeau de cette quête initiatique en retour de tes efforts pour survivre.
Merci de nous faire entrer dans l’intimité de ce bout de vie là. Sache que tes mots venus de tout là-haut me mettent du baume au cœur… et le cœur à l’ouvrage pour avancer malgré le blues de la banlieue parisienne 😉
Bonne journée et gros bisous rien que pour Jo Zef car tu l’as oublié dans ce billet 😉
Encore un beau récit franck , Bravo à Toi Pour tout ce que tu fais Je t embrasse
On appelle ça le baby blues. Celui qui suit la naissance d’un nouvel etre. Ce moment où la tension de la gestation se relâche, ou les peurs sont dépassées.
Ce moment où l’on se dit que l’on devrait s’émerveiller devant ce nouvel etre mais qu’un état d’âme de tristesse envahi.
Tout cela est sans doute comme une renaissance pour toi, mais tu n’en touche pas encore la joie.
Ton âme te dis « tu m’as beaucoup demandé, je me suis transformé, je suis un peu perdue, et j’ai besoin d’une pause »
Bonjour au nouveau né.
Heureux pour toi Franck que tu passes un bon moment de vie …
Pour la petite histoire , cela fait « drôle » de lire tes récits à 10 h le matin ( avec la wifi « coussi-coussa) au bled en Tunisie (température déjà 29•…!!!)
Il me tarde maintenant de te revoir sur Nice
Pourrais tu me transmettre une photo , à ta guise de toi et ta prothèse stp ?
La bise
Tous avec toi
La team Lagarrigue
Frank avec un chien !!!!! pauvre bête habitué a prendre des coups de pieds quelle évolution pour eux la prothèse !!!!
Tu arrive a les caresser me demande Popeye ?
Frank
Je suis en Sardaigne. Je n ai pas osé aller en Corse
De peur que vexer que je vienne quand tu es absent,
Tu m envoies la pluche pour me casser la figure.
Heureux de lire que tu as trouvé avec cette cabane qui
Te ressemble.
Un peu sauvage, mais quand tu connais un peu les lieux
D une grande beauté a qui sait regarder.
Je t embrasse
Eric
Ps j ai une idée de rencontres pour toi a evoquer a
Ton retour
Hello…. peut être le retour la veille à Illulissat t’a un peu chamboulé. …le retour à la « ville » est pénible après tout ce temps
Bonne continuation et continue de nous faire rêver
1955, l’année de naissance de la petite cabane bleue, elle a pile poil mon âge. Comme moi, un peu de « trompe couillon » et elle semblera toute belle avec plein de souvenirs blottis entre ses murs. L’année prochaine,mi Aout, avec Zio nous serons à deux pas d’elle mais en touristes ! Néanmoins, nous marcherons un peu sur tes pas et découvrirons ton univers avec toi dans les valises. Bise sans oublier Karin et Jo Zeff.
Zia A bientôt en Méditerranée !
Je me suis encore régalée à te lire !!! Qu’est ce que tu écris bien!! C’est passionnant !!! Vieillir en si peu de temps par tes ressentis, les durs moments que tu as traversé, ces magnifiques endroits où tu es passé !! Que du bonheur présent et à venir !!! Et bientôt tes retrouvailles avec ta petite allemande comme tu aimes la nommer !!! Je vous embrasse tous les deux
De retour sur le net, assoiffée d’une histoire qui se lit et se vit par procuration, spectatrice et émue de ces ressacs de sentiments…petits riens du tout que nous sommes dans l’univers Vous lire remet à sa place exacte et merci de ce partage…
Peux t’on dire prenez soin de vous?
D’un bivouac de rêve en Corse j’ai « manqué » tant de jours…que je me réserve à lire de retour en pays civilisé
En Corse tout brûle, la terre brûlée va vous faire mal, et vos images de glace et de solitude seront une barrière et une force pour les jours, les années à venir
Á prestu
C’est normal que tu sois en manque, tout au long de ton aventure tu as tellement vécu avec l’adrénaline que cela doit te manquer. Maintenant profites de la vie tu le mérites.
Bisous
MChristine